Madeleine Peyroux
Secular Hymns
Impulse/ Universal Music
Sortie le 16 septembre 2016
Dans l’émission Open Jazz, intitulée Le temps des Cantiques, Alex Dutilh présentait mercredi dernier le nouvel opus de la chanteuse Madeleine Peyroux. Vingt ans après ses premiers succès autour de Billie Holiday dans Dreamland, sort Secular Hymns, un disque tout à fait original et intime, enregistré en formation resserrée, son trio, Madeleine Peyroux s’accompagnant elle-même à la guitare aux côtés du guitariste/ vocaliste Jon Herington et du contrebassiste également vocaliste, Barak Mori.
L’origine de cet album est assez originale pour être racontée. Raymond Blanc, le chef français ayant acheté près d’Oxford, Belmont, le manoir aux quatre saisons, conviait ses invités à des concerts avant le repas gastronomique : le trio s’était produit dans l’église normande du XIIème du village et pendant les balances, quand Madeleine Peyroux chanta « Guilty » de Randy Newman, elle conçut l’idée d’enregistrer dans ce monument au plafond en bois dont l’acoustique lui paraissait mettre sa voix particulièrement en valeur. L’affaire fut conclue et …pliée en 3 jours. Voilà le Cd sur le label Impulse….«Music has been our spiritual life…songs that are very individual, personal, introverted » dit-elle pour présenter le projet.
On peut citer « Got you on my mind », ou ce "Shout, Sister, Shout », succès de Sister Rosetta Tharpe dans lequel Madeleine retrouve par instant des inflexions de Billie Holiday : un répertoire de dix titres empreints d’une certaine spiritualité, des standards de l’ «americana » que ne renierait pas le pianiste Bill Carrothers et sa femme chanteuse. L'éventail s’ouvre largement de Tom Waits « Tango Till they’ re sore », Willie Dixon « If the sea was Whiskey », Towne Van Zandt à Linton Kwesi Johnson et son hymne reggae « More Time ». On le voit, Madeleine Peyroux est allée puiser dans les chansons du patrimoine national, un mélange de gospel, funk, de blues et jazz, des valeurs sûres. Sur les traces de la grande Joni Mitchell qui a toujours fait fi des frontières musicales ? Elle reprend par exemple « Everything I Do Gonna Be Funky » d’Allen Toussaint, musicien de rhythm& blues, sorti en 1969, popularisé par James Brown ou encore cette plainte de Stephen Foster, compositeur du XIXè qui résonne étrangement aujourd’hui « Hard Times Come Again No More ». Un rapport très fort à l'histoire musicale du pays, que nous pouvons comprendre, en ce week end des Journées Européennes du Patrimoine, particulièrement suivi en France.
L’âme, le silence, le corps, voilà un album organique, simple et épuré. Qui touche. Une voix chaude, de gorge, languissante parfois sur certaines inflexions, un swing étiré et particulier, un grain sans équivalent actuel. Un côté « vintage » qui peut séduire ou non, un rapport assez direct avec son chant… Un album à écouter en tous les cas.
NB : Autre curiosité qui sort le même jour, l'album New York Rhapsody où la chanteuse est invitée sur « Moon River » par le pianiste chinois classique Lang Lang, un hommage à la ville qu'il aime. La version de la chanteuse est d’un classicisme réussi. Impeccable.
Sophie Chambon