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17 février 2016 3 17 /02 /février /2016 17:33
LES INCENDIAIRES

Olivier Bost (trombone), Guillaume Grenard (trompettes, euphonium), Éric Vagnon (saxophone baryton)

Invités : Jean-Paul Autin (saxophone sopranino), Jean-Luc Cappozzo (trompette), Alfred Spirli (batterie, percussions & objets divers)

Saint-Fons, juin 2015 & Brignais, juillet 2015

Arfi AM 061 / L'Autre distribution

Trois musiciens s'étaient retrouvés en 2013 dans un quintette pour l'un de ces ciné-spectacles dont l'Arfi (Association à la recherche d'un folklore imaginaire) a le secret. Et ces trois-là, inspirés par l'instrumentation de l'inimitable Trio Apollo (le regretté Alain Gibert, avec Jean-Luc Cappozzo & Jean-Paul Autin), vont se rassembler sous la bannière des Incendiaires, au motif que leur aînés avaient allumé la mèche qui enflamme leur passion musicale. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si, parmi les invités du disque, on retrouve les deux tiers d'Apollo. La musique est dans l'esprit de l'Arfi, au sens le plus exact, et donc le plus largement inclusif : ici les clivages coutumiers (savant / populaire, écrit / improvisé, sérieux / ludique....) sont brassés avec un ardeur joyeuse, et passés à la moulinette d'une convivialité exemplaire. Solistes expressifs, polyphonie jubilatoire, folie et chaleur communicatives, tout y est. Le jazz (tendance Mingus-Carla Bley, et plus si affinités) s'est assurément penché sur le berceau du groupe, mais la musique regarde aussi vers l'ailleurs, vers des lignes de fuite que l'on n'en finirait pas de poursuivre si l'on croyait aux chimères... et l'on y croit. Les titres, pleins d'humour et de fantaisie, donnent le ton : sans se prendre au sérieux, on fait sérieusement de la musique, avec la légèreté qui convient, et avec cœur (c'est important !). Ça groove, ça balance et ça emporte ; ça chante aussi, en mélodies bien fatales ou en éclats d'improvisations extrêmes : bref on est bien en territoire d'Arfi, et c'est justement ce qui nous réjouit. Et quand les invités s'y mettent, la réjouissance est à son comble, le chatoiement à son paroxysme, et l'on voit mal ce qui pourrait éteindre ce joyeux incendie, excepté la coda du dernier morceau.... et le dernier mot de cette furtive chronique.

Xavier Prévost

La plupart des musiciens de ce disque se retrouvera au sein de La Marmite Infernale pour le concert-spectacle Les hommes... maintenant ! , le jeudi 18 février à 20h à Paris, au Carreau du Temple

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16 février 2016 2 16 /02 /février /2016 18:16
SARAH MURCIA « Never Mind the Future »

Sarah Murcia (contrebasse, voix, synthétiseur analogique, arrangements), MarkTompkins (voix), Franck Vaillant (batterie), Olivier Py (saxophones ténor et soprano), Benoït Delbecq (piano), Gilles Coronado (guitare)

Villetaneuse, mai 2015

Ayler Records AYLCD-149 / www.ayler.com

Lorsque j'ai entendu ce groupe (le trio Caroline, augmenté d'invités pour cette occurrence), au festival Sons d'hiver 2015, j'étais resté sur ma faim, et pour tout dire perplexe. Le disque qui survient balaie cette relative déception initiale. Il faut du culot (et même une part d'inconscience) pour concevoir un tel projet : reprendre tous les titres du premier album des Sex Pistols, « Never Mind the Bollocks » (en ajoutant My Way , emprunté à l'album « The Great Rock'n'Roll Swindle »), pour les passer à la moulinette de la créativité musicale. Et il m'a fallu me remettre les Sex Pistols dans les oreilles car, en 1977, j'écoutais plutôt Martial Solal (« Nothing but piano »), Miles Davis (« Bitches Brew », déjà un classique , ou « Agartha », plus récent), Ornette Coleman « Dancing in your head »), Sam Rivers, Le Globe Unity, le Workshop de Lyon, Soft Machine, ou dans un autre registre Patti Smith ou The Stooges.... Le disque commence avec No Feelings, dans une version qui subvertit la violence originelle en « soleil noir de la mélancolie ». Le titre suivant, God Save the Queen, ne perd rien de son impact initial, mais dans une production vraiment plus soignée. Et au fil du disque, on s'aperçoit que la rusticité revendiquée de la musique punk est sublimée en un univers musical d'abstraction et d'étrangeté, qui évoquerait plutôt John Greaves, Carla Bley, Peter Blegvad ou Lou Reed. Un envol de piano free ici, une escapade de saxophone là, ailleurs une guitare délibérément excessive ; et puis un solo de contrebasse d'une grande sensualité, des voix qui, par une sorte de futurisme désincarné, redonnent son poids au texte : tout cela contribue à dessiner un nouvel objet, pertinent dans sa référence comme dans son désir d'autonomie à l'égard de sa source. Et le thème conclusif, My Way, donné en version instrumentale sans la rage parodique des Sex Pistols, mais avec ce qu'il faut d'emphase pour risquer un brin d'ironie, donne tout son sens à ce projet insolite, un peu fou, et abouti dans cette folie même.

Xavier Prévost

Le groupe jouera le mercredi 17 février à 20h à Paris, à la Maison de la poésie.

Le groupe dans God Save the Queen au festival Sons d'hiver 2015

https://vimeo.com/120672477

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15 février 2016 1 15 /02 /février /2016 21:49
PIERRICK PEDRON : «  and the »

Jazz Village 2016 ( dist. Harmonia Mundi)

Pierrick Pedron (as, ss, vc), Vincent Artaud (kybds), Damon Brown (tp), Marja Burchard (kybds), Jérôme Fanioul (xyl), Julien Herné (b), Bernd Oezsevim (dms), Chris de Pauw (g), Dida Ruiz (perc), Tom Simatipang (b), Jan Weissenfeldt (g)

De quelle drogue Pierrick Pedron est elle le nom ? Parce que là, pardon Pedron mais tu voles bien haut l'ami. T'as décollé et au passage tu nous la décolle aussi la pulpe de nos oreilles ! Comment vous dire, vous expliquer avec des mots simples ? Disons que dans la tête du saxophoniste, obsédé par l'art de l'arrangement (pas genre petits arrangements entre amis mais au contraire de la trempe de ceux qu'il porte au plus haut point dans le traitement des compositions et du son), se mêlent un peu tout. On entend ( ou du moins j'y entend) des clins d'oeil psychédéliques aux Beatles, à Genesis, au funk de Fela, à l'éthiopique lunaire, aux mélodies doucereuses et au 70's revival avec une pointe de free et de bop par-çi par-là. Tout se brouille, s'emmêle. Les compositions sont surtout comme un prétexte à façonner du son, un climax et de l’ambiant music. C’est puissant et tout ça est emballé dans un groove au goût fort.

La formation réunie autour du saxophoniste est emportée par la vague à moins qu'elle ne la crée elle-même (Val 2). Où l'on découvre Pedron au soprano dans un morceau aux structures déjantées (Tootoota) et toujours fait mouche à l'alto où il prend de la hauteur ( Val1) au delà des voicings qui s'ajoutent aux tapis sonores. Ça foisonne, c'est riche, ça se découvre et ça s'écoute 10.000 fois pour en faire le tour.

Et quelle orchestration mazette ! Pas moins que deux basses, deux guitares et deux claviers, avec des musiciens venus de l’espace pour des sessions enregistrées à Bruxelles et à Paris. Ça joue sérieux !

A la première écoute j'avais pas tout compris mais à mesure de la réécoute toutes les subtilités se découvrent peu à peu. Les incises, les trucs de marabout, l'électrique qui tapisse le sol, les soufflants qui s'envolent et la rythmique exceptionnelle.

On y entend aussi la pâte (la patte) de Vincent Artaud pas étranger à ces arrangements-là.

Perdu sur la lune, adossé à une Cadillac ou une Buick je ne sais pas, Pedron prend la pose et nous embarque dans son délire interstellaire.

Pierrick est grand. Il lévite, en apesanteur.

Terrible !

Jean-marc Gelin

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15 février 2016 1 15 /02 /février /2016 10:43
HÉLÈNE LABARRIÈRE - HASSE POULSEN « Busking »

Hélène Labarrière (contrebasse), Hasse Poulsen (guitare)

Enregistré en juin 2015

Innacor INNA 11511 / L'Autre distribution

Busking, cela définit le fait de chanter dans la rue, ou ailleurs, les mélodies que l'on a en tête, sans façon, sans calcul ni préméditation, comme elles viennent, dans la liberté de l'instant. Et la liberté de l'instant, pour Hasse Poulsen comme pour Hélène Labarrière, c'est plus qu'une habitude : une seconde nature. Avec ce disque, ils parcourent leurs mémoires, individuelle ou commune, pour faire revivre la sensation, l'émoi, et l'impact des ces chansons dans leurs vies respectives. L'échantillon est large, de Leonard Cohen et Bob Dylan jusqu'à Alanis Morissette, Feist et Stromae, en passant par les Beatles (époque « Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band ») et Starmania, sans oublier une chanson du film Phantom on the Paradise. Et ils s'approprient magnifiquement ces objets mélodiques devenus part de l'intimité de beaucoup d'entre nous. Alternant ici l'exposé et l'accompagnement de l'un à l'autre, ils cheminent en toute familiarité. La rondeur et la proximité du son, le crissement des doigts sur les cordes, tout ici parle d'être là, tout proche, et dans l'instant. Et pourtant on est bien dans les libertés du jazz : liberté d'interpréter, liberté de s'évader dans l'improvisation, parfois loin des balises originelles. Sur Formidable de Stromae, après une intro de basse qui part de très loin, la guitare effleure le riff entêtant, mais en l'entraînant vers un ailleurs où la contrebasse se donnera encore bien des libertés, avant retour vers la ritournelle. Et ainsi de suite de plage en plage, où la créativité des duettistes continue de faire merveille. Au passage Hasse Poulsen s'offre une petite escapade en territoire danois, et un épisode électronique sur Lucy in the Sky (with Diamonds). Au total dix excursions dans la mémoire collective, à la dérive, et toute liberté, en toute humanité.

Xavier Prévost

Le duo jouera le mardi 16 février à 20h à Ivry-sur-Seine, dans le cadre du festival Sons d'hiver

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11 février 2016 4 11 /02 /février /2016 23:13
Rainy Days On The Common Land

Rainy Days On The Common Land
Trio ¾ Peace
Ben Sluijs (sax, flute); Christian Mendoza (piano);
Brice Soniano (contrebasse)

www.elnegocitorecords.com
www.three-for-peace.com
https://www.youtube.com/watch?v=BlDjEi065UQ


Outre-quiévrain, le saxophoniste et flûtiste Ben Sluijs n’est plus à présenter : il a multiplié les participations dans des groupes aussi forts qu’Octurn ou le Brussels Jazz Orchestra, capable de suivre élégamment la tradition du jazz, de décliner le folk nordique, mais aussi de jouer dans le champ du free jazz ou du contemporain avec Erik Vermeulen dans ce superbe album Parity (chroniqué aux DNJ). Qu’en est-il en France ? Ecoute-t-on vraiment nos amis si proches?
Voilà le deuxième enregistrement du saxophoniste avec le trio ¾ Peace, constitué du pianiste belgo-péruvien Christian Mendoza et du contrebassiste français Brice Soniano, sorti sur le label Elnegocito. Intime, voire intimiste, tendrement mélancolique, le lyrisme est la carte maîtresse de ces musiciens qui s’y entendent pour nous faire partager leurs émotions, dans une retenue qui jamais ne s’abandonne au désespoir ou à la plainte trop appuyée. « Poétique sans être sentimental » pourrait être leur devise. L’axe conducteur de leur travail, comme le suggère le saxophoniste dans une interview au festival de Gand, est d’arriver à se perdre en jouant, à s’oublier dans l’échange avec les autres, tout en se nourrissant de l’énergie que peut renvoyer le public.
« Still »,le morceau qui ouvre cet album, porte bien son nom, car tout en reflétant une grande douceur, fait remonter à la surface les émotions et atteint le coeur. Et l’on se dit que l’on ira jusqu’au bout de l’album, jusqu’à la dernière composition aussi subtile que caressante, une merveilleuse ballade «Cycling». Il ne s’agit pas pour autant de déréliction à la manière romantique : dans « Constructive Criticism», les instruments mènent la danse, mêlent adroitement leurs timbres avec une énergie communicative : flûte en intro, puis sax, contrebasse palpitante, piano chantant. L’emprunt au premier concerto pour violon de Bartok, où Brice Soniano joue à l’archet, ne dépare pas avec les autres compositions, majoritairement de Ben Sluijs, s’intègre même parfaitement dans le « mood » de l’album. Rien de lancinant dans l’enchaînement des titres qui, délicatement, nous plongent, de climats intenses en moments de méditation ou de rêves éveillés. Ce qui confirme la palette étendue de ces musiciens, coloristes indéniables, se jouant habilement de ce qui les touche : le trio a entièrement maîtrisé la «fabrique» de cet album, incorporant les musiques aimées : Messiaen, Satie, l’impressionnisme, le jazz, la musique de chambre....
Et le titre ? Il restera longtemps en vous, de même que le graphisme sobre de la pochette, dégageant une spiritualité réfléchie tout en annonçant un envol irrésistible.
Sophie Chambon

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11 février 2016 4 11 /02 /février /2016 23:09
Jérémy LIROLA : " Uptown Desire"


Label La Buissonne/ Harmonia mundi
Sortie le 5 février https://www.youtube.com/watch?v=_XKCHT7r8NM
Concert au Studio de l’Ermitage Paris 20ème le 22 mars prochain !

Jerémy Lirola double bass/ Denis Guivar’ch alto saxophone/Jozef Dumoulin piano, fender rhodes/ Nicolas Larmignat drums
www.labuissonne.com
www.lapoulieproduction.com

Du désir de vivre l’effervescence de la grande Pomme, de jouer dans les clubs plus ou moins underground où continue à se faire le jazz, résulte une musique qui énergise pour peu que l’on se prête à une écoute vraiment attentive : ils sont quatre à occuper l’espace de jeu où domine liberté de l’échange et improvisation collective («The 3rd Person»). Une réussite puisque ces musiciens arpentent les mêmes terrains, à la recherche d’un horizon partagé. Sous le feu des coups répétés, des cliquetis énervés de Nicolas Larmignat, emporté par l’ébouriffant altiste Denis Guivar’ch, lyrique et exigeant d’un bout à l’autre de l’album, on est captivé à son tour par cet Uptown Desire. Une musique enregistrée dans l’élan, à la Buissonne sur le propre label du studio, car Gérard de Haro, le maître des lieux, assisté du fidèle Nicolas Baillard, ont fait confiance à ce contrebassiste strasbourgeois pour sortir son premier album en leader. Adoubé par Jean François Jenny Clark, Jérémy Lirola a longtemps fait ses classes en sideman (Bernard Struber Jazztet) : s’il a pris le temps de choisir ses compagnons pour cet album intense, profondément singulier, le résultat est à la mesure de son ambition. Des titres inspirés comme le très élaboré « Art the last belief », «Moutal» où s’impose le piano sensible de Joseph Dumoulin, un final envoûtant («Bello by Bus»), des climats souvent engagés et percussifs, étranges - le son incisif de l’alto y est pour beaucoup. Privilégiant la liberté d’un chant ininterrompu, il y a quelque chose de rugueux, d’âpre dans le rendu de ces compositions, toutes du contrebassiste, proche, palpitant, efficace. Cet album maîtrisé, à l’élégance savante, se découvre donc lentement dans une traversée initiatique dévoilant un univers clairement exposé et pourtant d’une luminosité ténue. Remontant à la surface des émotions, puisant à la fraîcheur d’une musique désirante, sans nostalgie, ouverte au contraire sur le monde actuel, il touche au plus près.
Sophie Chambon

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11 février 2016 4 11 /02 /février /2016 18:41
BEN MONDER « Amorphae »

Ben Monder (guitare & guitare baryton), Pete Rende (synthétiseur), Andrew Cyrille (batterie, percussions), Paul Motian (batterie)

New York, Manhattan, octobre 2010 & New York, Brooklyn, décembre 2013

ECM 471 9555 / Universal

Après un long compagnonnage avec le batteur Paul Motian, commencé voici plus de 15 ans sous un autre label (Winter & Winter), et poursuivi ensuite chez ECM, le guitariste Ben Monder a retrouvé le batteur en octobre 2010 pour une session informelle (d'où le titre de l'album ?) en duo. Paul Motian est mort l'année suivante, avant que d'autres sessions aient pu étoffer le CD à venir. Mais le guitariste a prolongé ce projet en le complétant avec la batterie d'Andrew Cyrille, en duo, et aussi pour deux plages en trio avec le synthétiseur de Pete Rende. L'ensemble résonne comme un hommage à Motian, avec des mélodies sinueuses, des intervalles tendus, et des mises en suspens de la phrase pour laisser la sensation et l'émoi s'épanouir. L'essentiel est improvisé, mais on y trouve aussi une relecture très très libre, en duo avec Motian, de Oh, What A Beautiful Morning, composé par Rodgers et Hammerstein pour la comédie musicales Oklahoma !

Motian, comme il savait si bien le faire, bruisse en totale liberté, mais ses accents sont toujours d'une justesse confondante. En solo, Ben Monder évolue dans cet imaginaire de Motian, fait de lenteur, de recueillement, d'espace et de liberté mélodique. Quant au duo avec Andrew Cyrille, et au trio quand les rejoint Pete Rende, il procède de cette même magie, intemporelle et immatérielle en apparence, alors que la réalité physique du son, et l'étirement de l'espace et du temps, sont omniprésents. Pour l'écouter, il suffit de choisir un moment de calme et de disponibilité, et de s'immerger, sans réserve. La beauté est à ce prix.

Xavier Prévost

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11 février 2016 4 11 /02 /février /2016 09:09
BAPTISTE HERBIN « Interférences »

Baptiste Herbin (saxophones alto, ténor & soprano, valiha), Renaud Gensane (trompette & bugle), Maxime Fougères (guitare), Sylvain Romano (contrebasse), Benjamin Henocq (batterie)

Invités : Pierre de Bethmann (pianos acoustique & électrique), André Ceccarelli (batterie), Dolly Ratefinjanahary (voix)

Meudon, septembre 2014

Just Looking Productions JLP 12 / Harmonia Mundi

Pour son second disque en leader, Baptiste Herbin a choisi pour la plupart des plages la formule du quintette avec guitare. La tradition (les traditions, celles des années 50 – 60, et plus si affinités) se trouve revisitée, exaltée, parfois restituée dans des standards de jazzmen (Monk, Jackie McLean, Jimmy Raney). L'esprit est celui du hard bop rénové dans les années 50 par des ambitions musicales nouvelles (tendance Gigi Gryce, Art Farmer....), et l'équipe rassemblée autour du saxophoniste en connaît un fameux rayon dans ce domaine. Il faut entendre dès la première plage les souffleurs qui soutiennent et relance de leur riffs un très aérien solo du guitariste. Au saxophone alto, Baptiste Herbin avoue l'influence parkérienne, tendance Phil Woods parfois. C'est fluide, maîtrisé, et l'association avec le trompettiste est exemplaire (l'échange en contrepoint improvisé sur My Friends). Sur une ballade, les phrases improvisées respirent, une citation de Laura permet de rebondir vers une autre idée. Côté batterie, Benjamin Henocq officie avec tact et souplesse, le rebond est toujours assuré, et sur quatre plages c'est André Ceccarelli, batteur du premier disque (« Brother Stoon », publié voici plus de 3 ans) qui donne la réplique, sans ostentation mais avec le souci de mettre en valeur un jeune musicien pour lequel il n'a pas caché son admiration. Le pianiste Pierre de Bethmann, également titulaire sur le premier CD, vient ici en renfort sur 3 plages, au piano acoustique, et aussi à l'historique Wurlitzer pour le thème conclusif, Interférences, où le discours musical dérive vers les seventies. La plage précédente, qui tenait lieu de prélude, était en solo, et c'est sans filet que Baptiste Herbin s'est lancé à l'assaut de Ask Me Know de Thelonious Monk : gonflé, et convaincant. Avant cela, c'est au soprano (et au ténor par la magie du réenregistrement) que le saxophoniste s'est évadé, sur un rythme des îles, et je suppose que c'est lui le flûtiste mystère dont le nom ne figure pas sur le CD.... Sur ce même titre il joue de surcroît de la valiha, une sorte de cithare malgache. Au soprano également, il a parcouru une belle ballade, progressivement rejoint par la guitare, puis par la basse et la batterie. Sylvain Romano tenait déjà la contrebasse dans le premier disque du saxophoniste, et il marque celui-ci par la force tranquille qu'il injecte dans chaque intervention. L'album culmine peut-être avec les références déclarées : Parker 51, de Jimmy Raney, concentré de bebop de la plus fine énergie, et là tout le monde s'en donne à cœur joie ; et aussi avec la double évocation de Jackie McLean, par la reprise de son thème Appointment in Ghana d'abord, puis par une ballade à lui dédiée (Renaud Gensane impérial au bugle). Maxime Fougères est comme toujours le partenaire idéal pour cette esthétique, et c'est un vrai plaisir que d'entendre ces jeunes musiciens (Baptiste Herbin et Renaud Gensane) qui, parallèlement au « métier » qui les conduit aux côtés de Charles Aznavour ou Christophe Maé, s'affirment comme d'authentiques jazzmen, comme avant eux Dédé Ceccarelli, ici présent, et beaucoup d'autres dans les générations qui les ont précédés.

Xavier Prévost

Baptiste Herbin jouera en quintette à Paris, au Sunside, les 19 & 20 février 2016, pour fêter la parution de ce disque.

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10 février 2016 3 10 /02 /février /2016 14:09
DANIEL SCHLÄPPI - MARC COPLAND « More Essentials »

Daniel Schläppi (contrebasse), Marc Copland (piano)

Zürich, 26 janvier 2014

Catwalk CW 150013-2 / Distrart Musique

Sous le label que le contrebassiste suisse partage avec le guitariste Tomas Sauter, voici le prolongement d'un opus publié en 2012 (« Essentials », Catwalk CW 120010-2 : voir la chronique de Sophie Chambon sur le site http://www.lesdnj.com/article-daniel-schlappi-et-marc-copland-110777699.html ). Le principe est le même : des duos entre-plagés d'improvisations qui introduisent, commentent ou environnent avec pertinence. Le duo est évidemment le cœur de l'objet. Il se déploie sur des standards (du jazz, beaucoup ; de Broadway, un peu). On ne peut contourner l'évocation du tropisme evansien : une reprise de Gloria's Step de Scott LaFaro ; All Of You, gravé comme le précédent par Bill Evans et Lafaro lors des mythiques sessions du Village Vanguard. Sans oublier Blue In Green, enregistré par Bill Evans avec Mile Davis, et repris par lui en trio.... avec LaFaro quelques mois plus tard. Hormis ces références explicites à la communauté Evans-LaFaro, le disque propose aussi une plage composée par Marc Copland, LST, dans laquelle l'interaction entre le piano et la contrebasse renvoie immanquablement à cette parenté. À quoi s'ajoutent d'autres répertoires absolument compatibles avec le tropisme initial : Estate, harmonisé dans l'esprit qui convient ; Rainy Night House, de Joni Mitchell ; et Yesterdays, pétri d'un recueillement qui ne peut qu'émouvoir. Comme pour révéler mieux encore la couleur dominante, et par contraste, deux plages issues du hard bop et du bop (Song For My Father, signé Horace Siver, et My Little Suede Shoes, de Charlie Parker), soulignent s'il en était besoin l'infinie musicalité de ce duo. De Marc Copland, on connaît le goût des nuances, des silences mesurés, des harmonies diaphanes. On doit aussi relever, chez Daniel Schläppi, outre une maîtrise instrumentale peu commune (surtout chez un musicien dont la principale activité est d'enseigner l'histoire à l'université....), un sens du dialogue et de l'écoute qui fait merveille dans ce duo. Magnifique, sans aucun doute !

Xavier Prévost

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10 février 2016 3 10 /02 /février /2016 06:50
MONNIOT, CHEVILLON, VAILLANT : «  Free styles »

Live au Triton 2016
Christophe Monniot ( saxs), Bruno Chevillon (b), Franck Vaillant (dms)

Qu'on se le dise, Christophe Monniot est un très très grand. Vous vous souvenez de ce que nous disions, dans ces colonnes même de son précédent album( "Station Mir") et comment nous en étions restés esbaudis. Et bien voilà que Monniot nous refait le coup dans une séance enregistrée (fort bien ma foi) en live au Triton avec deux de ses complices et non des moindres, Bruno Chevillon et Franck Vaillant.
Si l'on dit d'un grand saxophoniste qu'il a son propre son, qu’il est reconnaissable entre milles, alors Christophe Monniot relève assurément de cette catégorie. De la trempe des Steve Coleman, des Antony Braxton ou même des Rudresh Mahantappa. Chez Christophe Monniot il n'est pas seulement question du flux, du flow ( comme sur ce free funky) mais de l'énergie de l'improvisation qui, toujours va puiser aux racines du jazz allant chercher des bouts de standards par-ci, par -là au gré du vent et du souffle impétueux. On jurerait que dans ses albums préférés qui figurent au pie de sa platine il y a autant de Benny Carter que d’Ornette Coleman et Thomas Chapin. Et c'est cela qui impressionne chez lui, cette façon de naviguer allègrement entre tous les jazz avec toujours cette formidable maîtrise du son. Immense je vous dis !
Il faut l'écouter sur Freething mackiemesser: absolument irrésistible. Si l'on n’ est pas toujours convaincus par les composition qui semblent parfois se chercher un peu à la façon de géniaux laborantins, il n’empêche que la musique tourne sacrément entre ces trois là. Toujours à l'affut des inventions sonores, des sons distordus, d‘incises délicates.
Libres comme l'air ces trois musiciens s’éclatent devant nos oreilles toujours en éveil.
Un pied communicatif.
Jean-Marc Gelin

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