HELENE COLLON : « 4 ans de concerts au Triton » Anthologie 2005 C’est idiot mais il fallait être là. Fallait se fondre dans la foule. Fallait se faire oublier. Continuer à discuter avec les copains tout en gardant un œil sur la scène. Pas un œil, un regard. Une sorte d’art divinatoire de l’instant qui va suivre. Ceux qui sont des habitués du club de
Ombres Portées est un livre de photos noir et blanc prises entre 2000 et 2004 et édité à l’occasion de 5 ans du club. Et il faut bien dire qu’en 5 ans il s’est passé beaucoup de chose sans jamais que ne soit altérée l’âme du lieu. C’est d’ailleurs toute la force de l’album de Hélène Collon, au travers de 77 clichés noir et blanc, tous du même format que de nous montrer les visages essentiels dont les regards habitent encore l’espace et dont les ombres restent à jamais imprimées sur les murs. En 4 ans le Triton a dépassé la simple dimension de club de jazz pour se muer en lieu d’altérité créative, lieu de festival (Bleu Triton), workshop ( ZAM) lieu de musique, de danse et surtout de création instantané. Le club de Jean Pierre Vivante aimante et attire les musiciens soucieux de trouver là un espace de création, d’expression de leurs projet ou même de son élaboration. Et ce sont tout ces visages, habitués des lieux (comme Christian Vander) ou éphémères (comme Sapho) qu’Hélène Collon portraitise dans une capture du mouvement. Il fallait comprendre le regard d’Ellery Eskelin (p.52 , un des plus beau cliché dans un clair obscur dignes des maîtres de la peinture flamande), ne surtout pas manquer les billes hallucinées de l’artiste total qu’est Christian Vander (P. 68), voir l’inexorable solitude du contrebassiste lorsqu’il entame un solo de contrebasse (sublime cadrage de Claude Tchamitchian p.98), surprendre Thomas de Pourquery en flagrant délit de vol de cornet (p.112), attraper l’instant de grâce du visage qui se découpe sous l’étoffe (DJIZ p.136) et montrer au monde que Sclavis est un génial facétieux (p.146). Cet album est un beau travail pour ceux qui veulent comprendre le mystère du génie créateur. Par sa façon de capter le regard porté loin devant par ces musiciens qui regardent un infini qu’elle nous permet d’imaginer un instant, parce qu’elle capte ces moments de solitude en eux même, par sa façon d’accrocher leurs gestuelles paroxysmique, de restituer ces éclats de transe extrême, parce qu’elle les montre affranchis de toutes limites lorsque tout est possible du cri primal aux larmes, parce qu’elle parvient à voir ce qu’il y a de grande pudeur dans cette mise à nue d’eux même, Hélène Collon s’approche de la vérité brute, la vérité brutale même de la création. S’en approche sans en livrer tout le mystère. Mais s’en approche néanmoins au plus intime. Jean Marc gelin