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13 mars 2025 4 13 /03 /mars /2025 18:34


Robinson KHOURY

Prix Django REINHARDT


       La plus prestigieuse récompense de l’Académie du Jazz, le prix Django Reinhardt, décerné à l’artiste de l’année, a été remise lundi 10 mars pour l’édition 2024 au tromboniste Robinson Khoury, lors d’une cérémonie-concert qui s’est déroulée au Beffroi de Montrouge (92).
       Recevant son trophée (doté d’une allocation par la Fondation BNP-Paribas) des mains du président de l’association d’érudits indépendants, Jean-Michel Proust, le jeune jazzman s’est déclaré honoré de devenir ainsi le second tromboniste –après François Guin en 1969- de l’histoire de l’Académie, fondée en 1955, à décrocher ce prix.
       Natif de Vienne (Isère), Robinson, qui fêtera ses 30 ans en avril, doit sa « passion de la musique » à ses parents, tous deux enseignants au conservatoire (piano pour le père et chant pour la mère).
       Le collège des académiciens a tenu à saluer la personnalité d’un jazzman qui s’est affirmée en 2024 en faisant « chanter son instrument » : sortie d’un album (le troisième sous son nom) MŸA (Komos Records/Big Wax-Believe) dans lequel se retrouvent la musique de ses origines libanaises, Jean-Sébastien Bach et l’électronique ; résidence (2024-2026) au festival Jazz sous les Pommiers à Coutances (Manche).


 


       La soirée, dédiée à la mémoire de Martial SOLAL, président d’honneur de l’Académie disparu en décembre dernier (et … compositeur par ailleurs de « Balade du 10 mars ». Soul Note 1999), a mis en lumière deux pianistes venus jouer quelques minutes après la réception de leur trophée : le norvégien Tord GUSTAVSEN (un « contemplatif » selon le producteur de France Musique Arnaud Merlin), Prix du Musicien Européen et l’américain Sullivan FORTNER (déroutant), Grand Prix de l’Académie du Jazz pour ‘Solo Game’ chez Artwork Records, co-lauréat avec la chanteuse Meshell NDEGEOCELLO (‘No more water’ : the gospel of James Baldwin, publié par Blue Note).

 


       Le jazz français d’aujourd’hui a vu sa diversité récompensée par deux autres prix majeurs. Pour le Prix Vocal, le chanteur André MINVIELLE, le béarnais de Nay, « concasseur de mots », a coiffé d’une courte encolure, selon le vocabulaire des champs de courses, la populaire chanteuse Youn Sun Nah, au troisième tour de scrutin pour un album consacré à Charles Trenet (‘Trenet en passant’ avec Guillaume de Chassy, piano, et Géraldine Laurent, saxophone alto) co-produit par sa propre maison au vocable surprenant, 'La complexe articole de déterritorialisation'.  

 


        Quant au trophée récompensant le Disque du Jazz Français, il a été attribué à la dernière production d’un quartet évoluant depuis une quinzaine d’années, FLASH PIG, formé des frères SANCHEZ, Maxime (piano) et Adrien (saxophone ténor), Florent NISSE (contrebasse) et Gautier GARRIGUE (batterie) pour leur arrangement de la bande originale du chef d’œuvre du cinéaste de Hong-Kong Wong Kar Wai, sorti en 2000, ‘In the Mood for Love’ (The Mood for Love. Astérie/L’Autre Distribution).

 


       La mission de l’Académie et de ses quelque 71 membres est également (et essentiellement) de couvrir l’ensemble du spectre du jazz de ses origines à nos jours. Le palmarès 2024 l’illustre à merveille dans des choix qui font fi des frontières, nationalités et toute autre critère discriminant. Le Prix Héritage, destiné à récompenser une approche actuelle de l’expression classique du jazz (l’avant be-bop), a été accordé au batteur norvégien vivant au Danemark Snorre KIRK (‘What A Day’. Stunt Records) ; le Prix duPatrimoine au site internet (https://www.nicole-eddie-barclay.com/) consacré à Nicole et Eddie BARCLAY (couple majeur dans la diffusion du jazz, spécialement américain, en France au lendemain de la Libération) par Daniel RICHARD, infatigable historien du jazz et ancien patron d’Universal Jazz.

 

 

       Le Prix Blues, Soul & Gospel au chanteur américain Marcus KING (‘Mood Swings’ - Republic).

 

       Dernier prix en date dans l’histoire de l’Académie, le Prix Evidence devant distinguer un enregistrement d’un jeune talent, est venu couronner la chanteuse française Charlotte PLANCHOU (‘Le carillon’ -Quais Son Records) devançant au tour final deux espoirs tricolores (la chanteuse Sophye Soliveau et le vibraphoniste Alexis Valet) et le fougueux saxophoniste US de Chicago Imanuel Wilkins.


       En résumé, neuf prix qui révèlent l’œcuménisme de l’Académie du Jazz, par des résultats obtenus à l’issue de débats souvent épiques et parfois de faibles différences de voix. On est loin cependant, relevaient certains anciens lundi soir à Montrouge, de la profusion dominante lors de la présidence de Maurice Cullaz, une générosité qui avait porté le palmarès en 1985 au chiffre de 20 prix !

 


Jean-Louis Lemarchand (membre de l’Académie du Jazz).

 


Le palmarès complet avec les sélectionnés dans chacune des catégories est consultable sur le site de l’Académie du Jazz

 

 

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13 décembre 2024 5 13 /12 /décembre /2024 10:31

 


     « Je ne voulais ressembler à personne. » Martial Solal, qui est décédé le 12 décembre dans l’après-midi à l’hôpital de Versailles à l’âge de 97 ans, avait fait cette confidence dans « Mon siècle de jazz *», son autobiographie publiée l’été dernier (Frémeaux & Associés).


     Un défi relevé avec brio tout au long d’une carrière de sept décennies entamée dans l’orchestre de danse du casino à Alger (sa ville de naissance le 27 août 1927) et achevée publiquement par un concert à la salle Gaveau le 23 janvier 2019 : des centaines de compositions (pour petites formations, big bands de jazz, orchestres symphoniques), des milliers de concerts dans le monde, des dizaines de disques, trente musiques de films (dont « A Bout de Souffle » de Jean-Luc Godard qui lui assura la gloire dans le monde du cinéma) , et même un tube à l’époque du « yé-yé », « Twist à Saint-Tropez » sous le pseudonyme de Jo Jaguar.


     Sa musique n’a cessé de dérouter. Trop brillante pour les uns, trop sévère pour les autres. Autodidacte, recalé au conservatoire, Martial Solal aura toujours surpris. « Je crois que je ne suis à l’aise que dans les situations compliquées ». Le pianiste s’en sortait par une technique qui, disait-il, lui « permettait de tout faire, y compris tous les excès ». L’improvisation c’était son domaine. « Martial Solal, une vie à l’improviste** », titrait justement un roman graphique de Vincent Sorel paru cet automne (Editions du Layeur).


     Dans les standards les plus connus, il trouvait en permanence le moyen de surprendre son auditeur. En 2018, le pianiste avait accepté le jeu proposé par le producteur Jean-Marie Salhani en improvisant 19 pièces assez courtes inspirées par un nom ou quelques mots inscrits sur 52 petits carrés de papier contenus dans un chapeau. (Martial Solal. Histoires improvisées, paroles et musiques. JMS). On y retrouve le Solal singulier et pluriel, l’encyclopédiste curieux, brillant, pétri d’humour et de swing. « Ses acrobaties ahurissantes sont uniques dans le jazz », salue un confrère pianiste et son contemporain René Urtreger.


     Le compositeur de « Suite en ré bémol pour quartette de jazz » et de « l’allée Thiers et le poteau laid » aura toujours conservé une forme de dérision et de modestie. « Je ne m’attribue aucun mérite, le hasard, encore le hasard, et toujours le hasard, associé à mon utopie », confiait-il en conclusion de son autobiographie.


     En 2022, recevant le Grand Prix de l’Académie du Jazz pour « COMING YESTERDAY -Live at Salle Gaveau 2019 »  (Challenge/DistrArt Musique), le pianiste, prix Django Reinhardt de la même académie en 1955, avait adressé ce message : « Cette récompense me touche. Elle est la preuve que j’ai fait correctement mon travail, un travail difficile, un métier de passion mais aussi de compétition, d’embûches, de critiques ».

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

 

*MARTIAL SOLAL, MON SIÈCLE DE JAZZ
Éditions FRÉMEAUX & ASSOCIÉS (2024)
ISBN : 978-2-84468-985-6.
Paru en août 2024.

 

**Vincent SOREL, MARTIAL SOLAL, UNE VIE A L'IMPROVISTE.
Éditions du Layeur. 2024.
ISBN : 978-2-38378-065-6.
Paru le 10 octobre 2024.

 

*°Autres ouvrages :

 

Ma Vie Sur Un Tabouret : Autobiographie.
Martial Solal et Franck Médioni, Actes Sud, (2008).
ISBN :   978-2-7427-7618-4

 

Martial Solal, Compositeur De L'Instant. Entretiens.
Martial Solal et Xavier Prévost, Éditions Michel de Maule (2006).
ISBN : 978-2-8762-3170-2

 

©photo-dessin Maurice Henry et X. (D.R.)

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14 novembre 2024 4 14 /11 /novembre /2024 09:43

     Un des maîtres de la batterie, Roy Haynes, qui joua avec les plus grands (Charlie Parker, Louis Armstrong, Lester Young, Miles Davis, Eric Dolphy, John Coltrane…) et dont le style tout en finesse suscite une admiration unanime chez les musiciens et amateurs de jazz, est décédé le 12 novembre dans l’État de New-York, à l’âge de 99 ans.
 


     « Le père de la batterie moderne », selon le guitariste Pat Metheny, excellant dans l’expression minimale, aux balais ou à la cymbale charleston, dernier acteur de la grande épopée du be-bop, Roy Haynes n’aura eu qu’un seul regret dans sa vie, ne pas avoir intégré l’orchestre de Duke Ellington. « Duke voulait que je rejoigne son orchestre, nous confia-t-il en 2009. L’ambiance qui régnait dans le groupe ne me convenait pas. Mais l’idée que Duke Ellington souhaitait m’engager, voyez-vous, c’était la plus grande marque de respect au monde qui m’était adressée ».
 


     Le batteur Jack DeJohnette définit ainsi le style de Roy Haynes : « une alliance rare de l’école de la rue, d’une haute sophistication et de soul ».   Lui remettant les insignes de commandeur des Arts et Lettres en mars 2009 à Paris, la ministre de la culture Christine Albanel relevait « le swing inimitable, le jeu crépitant, sophistiqué et élégant ». Elégant derrière ses futs comme à la ville : ne fut-il pas classé par le magazine Esquire en 1960 parmi les hommes les mieux habillés des Etats-Unis aux côtés de Miles Davis ?

     Pendant plus de 80 ans (le natif de Roxbury, Massachusetts le 13 mars 1925, fils d’un organiste, donna ses premiers concerts à 17 ans), Roy Haynes n’aura cessé d’innover, influençant des générations de batteurs et donna le goût de la batterie à ses descendants (son fils Craig et son petit-fils Marcus Gilmore). Et dans le même temps, il aura toujours donné sa chance à de jeunes talents au sein de son propre groupe. Une double contribution à l’histoire du jazz qui lui valut en 2011 de recevoir un « Grammy Award Life Achievement ».
 


     Laissons le dernier mot au saxophoniste Stan Getz son contemporain (1927-1991) : « Roy atteint les sommets de la finesse, du goût et du toucher. Il a l’oreille la plus développée de ce côté-ci du paradis ».

 


Jean-Louis Lemarchand.

 


N.B. : La carrière de Roy Haynes est passée en revue dans un coffret de trois cd et un DVD publiés en 2008 par Dreyfus Jazz «  A life in Time : The Roy Haynes story ».

Il propose des enregistrements avec Miles Davis, Charlie Parker, Stan Getz, John Coltrane, Chick Corea entre autres et sous son propre nom en tant que leader.

Il comprend un livret signé par Ashley Kahn, historien du jazz et un DVD de 40 minutes avec interviews de Roy Haynes et concerts exclusifs.

 

On pourra lire avec intérêt dans l’histoire du Be-Bop d’Alain Gerber (Frémeaux & Associés. 2024) le chapitre consacré à Roy Haynes « l’homme de la parole heureuse ».


©photo Jb Millot, J.-L. Lemarchand et X. (D.R.)

 

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4 novembre 2024 1 04 /11 /novembre /2024 16:28


     Précoce, prolifique, protéiforme. Tel était Quincy Jones, compositeur - arrangeur - producteur - interprète, disparu le 3 novembre à Los Angeles à 91 ans.
      Son nom restera associé à des œuvres marquantes de l’histoire de la musique afro-américaine sans frontières, signées Ray Charles, Franck Sinatra, Michael Jackson, Miles Davis.

 


     Dès l’âge de 16 ans, Quincy Delight Jr Jones, né à Chicago le 14 mars 1932, livre ses premières compositions. Rejoignant en 1951, le grand orchestre de Lionel Hampton, le jeune trompettiste va découvrir l’Europe et spécialement la France où il revient en 1957 pour suivre l’enseignement de Nadia Boulanger, qui comptera également parmi ses élèves un autre polyvalent des notes, Michel Legrand. « J’ai toujours ressenti une connivence presque cosmique avec la France », confiait-il en 1990 à Télérama, peu après avoir reçu des mains de Jacques Chirac la cravate de commandeur de la Légion d’honneur.


     Directeur artistique du label Barclay dans les années 60, il allait œuvrer dans les studios parisiens avec notamment Jacques Brel ou Henri Salvador. A Paris, le musicien put mesurer sa popularité lors d’un concert-hommage organisé le 27 juin 2019 à l’Accor-Arena où Quincy (Mr Q pour les gens du spectacle) assis sur un canapé sur scène vit-et entendit-son œuvre titanesque interprétée par un grand orchestre dirigé par Jules Buckley et quelques stars (Selah Sue, Richard Bona, Marcus Miller…).

 

     Entre les cours de composition de Nadia Boulanger et l’hommage du public parisien, plus de 60 ans d’une carrière foisonnante. A ses débuts, « This is how I feel about jazz* » (ABC Paramount) enregistré en 1957 en big band (Art Farmer, Phil Woods, Clark Terry…), “The genius of Ray Charles**” (Atlantic) en 1959, toujours avec grand orchestre (y compris une section de cordes).

 

*https://www.youtube.com/watch?v=W9wiizRzyLk&list=PLBJenJIJrq0zehq8tKd8teZiOSjk2bBG2


**https://www.youtube.com/watch?v=wraJLUuaHG8


     Arrive alors sa période hollywoodienne, où Quincy va travailler pour les studios, et imprimer sa patte aux musiques pour la télévision et le cinéma (plus de 30 films dont « In The Heat of the Night » de Norman Jewison en 1967).

     Opéré du cerveau après une rupture d’anévrisme en août 1974, il ralentit à peine le rythme. Création de sa maison de disques, Qwest Records en 1975, et –ce qui allait lui donner une renommée planétaire- découverte d’un jeune chanteur-danseur Michael Jackson qui se traduira par trois albums, Off the Wall, Thriller (1982, 8 Grammy Awards) et Bad.

 

     Producteur à succès, chef d’entreprise -il accéda en 1964 à la vice-présidence du label Mercury, premier noir à détenir un poste à si haute responsabilité dans l’industrie du disque- Quincy Jones n’aura jamais oublié le jazz. En 1991, il devait réaliser un vieux rêve, rejouer la musique de Gil Evans avec Miles Davis (4 albums gravés à la fin des années 50, Miles Ahead, Porgy & Bess, Sketches of Spain, Quiet Nights). L’évènement se déroule sur la scène à Montreux le 8 juillet. Miles n’a plus que quelques semaines à vivre (il décède le 28 septembre à Los Angeles) mais, se souvenait Quincy Jones, « Miles fit le plus large sourire que j’ai jamais vu de ma vie ». Tel était aussi Quincy Jones, un virtuose au grand cœur.

 

Jean-Louis Lemarchand.
 

©Damon Winter /The New York Times & X. (R.D).

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26 octobre 2024 6 26 /10 /octobre /2024 10:41

   Le photographe Guy Le Querrec, bien connu pour son travail sur le jazz (et pas seulement), membre de la prestigieuse agence Magnum depuis 1977, a reçu le 24 octobre à Redon (Ille et Vilaine) où il réside la croix d’Officier des Arts et des Lettres « pour la constance et la qualité de sa contribution au rayonnement de la création artistique française ».  

 

     François Lacharme, président honoraire de l’Académie du Jazz, qui lui a remis les insignes de l’ordre, a salué l’étonnante capacité de Guy Le Querrec à pratiquer « la culture de l’effacement » dans la pratique de son art, pour se trouver dans les meilleures conditions afin de « saisir l’instant solennel » chez les musicien(ne)s de jazz, par nature « rétifs et difficiles à capturer ». En réponse, le photographe a simplement indiqué qu’il souhaitait « se mettre au rythme » des autres et que dans son travail avec son fidèle Leica, il cherchait à « s’escamoter » pour « ajuster le déclic » au bon moment.  


     Présent à la cérémonie, le maire de Redon, Pascal Duchêne, professeur de philosophie, est resté dans le même registre en évoquant le concept grec du Kairos, l’art de « réaliser le bon acte au bon instant ».

    

      La vingtaine d’amis venus à Redon à cette occasion, représentant les mondes de la photographie, du jazz, de l’édition, a pu constater que le « héros du jour », parisien aux racines bretonnes, n’avait rien perdu de sa faconde ni de sa truculence.

 

     Lauréat du Grand prix de la ville de Paris (1998), Guy Le Querrec a traité au cours de sa carrière de différents sujets de société (la famille, les vacances…), couvert l’actualité politique (la Révolution des œillets au Portugal en 1974, la Chine, les Etats-Unis), illustré la vie quotidienne en Afrique, sans oublier la Bretagne de ses ancêtres et, ce qui lui apporta la notoriété, le monde du jazz. Son tout dernier ouvrage, paru en 2023, (« Michel Portal, au fur et à mesures ». Textes de Jean Rochard. Editions de Juillet) retrace un demi-siècle de compagnonnage avec le poly-instrumentiste. Un saxophoniste de ses proches a ainsi défini Guy Le Querrec : « il n’est pas un photographe de jazz, il est un photographe jazz ».

 

 

Jean-Louis Lemarchand, à Redon.

 

©photo Sergine Laloux et J.-L. Lemarchand

 

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30 septembre 2024 1 30 /09 /septembre /2024 22:38

     ©photo jacques Sassier/Gallimard/Opale

 

     Poète et écrivain-chroniqueur de jazz, Jacques Réda nous a quittés le 30 septembre à l’âge de 94 ans à Hyères. Lorrain né à à Lunéville (24 janvier 1929), il laisse une œuvre considérable de plus de 80 ouvrages, le dernier publié en 2023, ''Leçons de l'arbre et du vent'', et consacré à l’un de ses thèmes préférés, la vie et la nature à Paris où il aimait se promener, à pied ou à vélosolex.

     Lauréat de distinctions prestigieuses (Grand Prix de la poésie de l'Académie française en 1997 et Goncourt de la poésie pour La Course en 1999), Jacques Réda entra dans le milieu littéraire parisien au début des années 50 : éditeur chez Gallimard à partir de 1975, il fut également rédacteur en chef de La Nouvelle Revue française de septembre 1987 à décembre 1995.

     Avec la poésie, la musique fut sa seconde passion, et plus spécialement le jazz. Collaborateur de Jazz Magazine à compter de 1963, Jacques Réda confia ses analyses au mensuel pendant un bon demi-siècle, et publia de nombreux ouvrages qui marquèrent les esprits : Anthologie des musiciens de jazz  (Stock), ‘’L’improviste, une lecture du jazz’’, ‘’Jouer le jeu’’, ‘’Le grand orchestre’’, consacré à Duke Ellington (tous trois chez Gallimard), ‘’Autobiographie du jazz’’ (Climats), ‘’Une civilisation du rythme'' (Buchet-Chastel) et dernier en date ‘’Le chant du possible, écrire le jazz'' (Fario, 2021).
« Grand amoureux des mots, son œuvre poétique a rendu hommage au jazz ou encore à Paris, dont il fut un insatiable arpenteur », a salué la ministre de la Culture Rachida Dati.

     Jacques Réda avait ainsi résumé son style :« Peut-être doit-on écrire à la fois comme tout le monde et comme personne, si l’on en croit beaucoup d’exemples fameux. »
A ses yeux, le jazz ne pouvait se séparer de deux éléments indispensables, le blues et le rythme, et dépassait sa seule fonction musicale : « de quelque façon dont on l’analyse (la sociologie, la politique et même l’économie), il semble que le jazz ait toujours voulu être plus ou autre chose que lui-même ».

    

Jean-Louis Lemarchand.

 

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23 septembre 2024 1 23 /09 /septembre /2024 20:43

     Saxophoniste ténor à la large sonorité, Benny Golson, qui vient de disparaître à New York le 21 septembre à l’âge de 95 ans, restera dans l’histoire du jazz comme une des figures Emblématiques du hard-bop.

 

     Natif de Philadelphie (25 janvier 1929), la ville qui donna au jazz John Coltrane et tant d’autres, il doit sa notoriété à la composition de quelques titres devenus des standards tels que ‘’Along Came Betty’’, ‘’Park Avenue Petit’’, "Stablemates’’, "I Remember Clifford", "Whisper Not", ‘’Killer Joe’’ - qu’il interprète dans la scène finale du film de Steven Spielberg "Le Terminal"- ou encore "Blues March", qui fut l’indicatif de l'émission d'Europe 1 "Pour ceux qui aiment le jazz" de Frank Ténot et Daniel Filipacchi dans les années 1960. Benny Golson, souligne l’ancien rédacteur en chef de Jazz Magazine, Franck Bergerot, « savait donner du corps à une mélodie qu’il s’agisse d’un quintette ou d’un big band ».

     Ayant appris le métier dans des formations de rhythm’n blues et au sein du grand orchestre de Dizzy Gillespie, Benny Golson prend la direction musicale des Jazz Messengers d’Art Blakey en 1958, poste qu’il occupe quelques mois avant de fonder son propre groupe, le Jazztet en 1959 (le 17 novembre au Five Spot) avec le trompettiste Art Farmer, formation qui va marquer l’histoire au cours de ses deux années d’existence.

     Arrangeur très demandé dans le milieu du jazz (Ella Fitzgerald, Count Basie, Shirley Horn …), Benny Golson a également prêté ses talents de compositeur au cinéma ou à des shows télévisés tels que Mission Impossible ou le Cosby Show. Signe de sa renommée, il figure dans la célébrissime photo prise par Art Kane en 1958, A Great Day in Harlem ; il ne reste plus désormais qu’un seul survivant des 57 musiciens présentés sur ce cliché légendaire réalisé à New-York : Sonny Rollins

 

     Jean-Louis Lemarchand.
 

 

 

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19 septembre 2024 4 19 /09 /septembre /2024 11:04


     Nous apprenons le décès le 14 septembre à Perpignan, à l’âge de 73 ans, de Joël Mettay, éditeur, qui avait obtenu le Prix du Livre de Jazz de l’Académie du Jazz deux années consécutives, en 2011 pour « KO-KO » d’Alain Pailler (consacré à l’enregistrement de ce sommet du style jungle par Duke Ellington le 6 mars 1940,) et en 2012 pour « Petit Dictionnaire Incomplet des Incompris » d’Alain Gerber (ouvrage dédié aux héros de l’ombre de l’histoire du jazz de Lorez Alexandria à Attila Zoller).

 

     Après une carrière de journaliste au quotidien « L’INDEPENDANT » de Perpignan, Joël Mettay avait  créé en 2002 à CÉRET, Pyrénées Orientales (« La Mecque du cubisme ») une maison d’édition, « ALTER EGO » dédiée aux arts modernes et contemporains et qui avait lancé en 2010 une collection « Jazz Impressions » ; à ce titre ont été publiés des ouvrages d’Alain Gerber (« Bu,Bud, Bird, Mingus, Martial et autres fauteurs de trouble »), Michel Arcens Instants de jazz » avec des photos de Jean-Jacques Pussiau, « John Coltrane, la musique sans raison »…), Jean-Pierre Moussaron (« Les blessures du désir, pulsions et puissance en jazz »), Jean-Louis Lemarchand (« Ce jour-là sur la planète jazz », « Paroles de jazz » avec une préface de Jean Delmas), ou encore Jacques B. Hess (« Hess-O-Hess, chroniques 1966-1971 » avec une préface de Lucien Malson).

     Joël Mettay présidait l’Association des Amis du Musée d’Art Moderne de Céret et s’impliquait également dans l’activité du Mémorial de Rivesaltes. Journaliste « indomptable », selon l'un de ses confrères à « l’Indépendant », il avait en 1997 dénoncé la destruction du fichier juif du camp de Rivesaltes découvert à la décharge publique, un article qui lui coûta son poste mais qui contribua à raviver la mémoire de ce lieu dans la conscience collective.

     Il était l’auteur de « L’archipel du mépris, une histoire du camp de Rivesaltes de 1939 à nos jours ». Il participait à l’Association Prix Walter Benjamin (intellectuel allemand qui décida de se suicider en septembre 1940 à Port-Bou à la frontière espagnole pour échapper au nazisme et à ses complices français et espagnols), qui salue aujourd’hui son engagement en évoquant un homme. « ... qui eut de l’honneur sans la gloire. De la grandeur sans l’éclat. De la dignité sans la solde ».

    

     Ses amis lui rendront un dernier adieu aujourd’hui, jeudi 19 septembre, à Céret.

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

Témoignage de ses amis du Festival Jazz en Tech

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14 mai 2024 2 14 /05 /mai /2024 10:03

     « J’envisage toujours la musique comme quelque chose en progrès, une façon de progresser soi-même ». Cette confidence de Christian Escoudé, figurant dans le livret de son dernier (et ultime) album « ANCRAGE » (Label Ouest/L’autre distribution) sorti dans les bacs en avril prend une résonance particulière ce 13 mai, à l’annonce du décès ce jour même du guitariste, à 76 ans.
 

 

     Affaibli, le jazzman n’avait pu honorer les deux concerts prévus les 3 et 4 mai au club parisien Le Sunside. Ecouter ce disque permet de mesurer l’ouverture d’esprit d’un guitariste qui tout en respectant l’héritage de son frère de la communauté manouche, Django Reinhardt, revendiquait un attachement aussi bien à la chanson française (Bécaud, Aznavour ici et dans des temps anciens Brassens) qu’au jazz West Coast, par un hommage à Paul Desmond, tout en délicatesse. (Il me revient l’hommage qu’il rendit en 2014 lors d’une cérémonie de remise des prix de l’Académie du Jazz au théâtre du Chatelet à un prince de la guitare, Jim Hall).
 

     « Champion du phrasé souple et du lyrisme », selon le chroniqueur Xavier Prévost, Christian Escoudé a emprunté tous les chemins de la musique du XXème siècle : la guitare tzigane avec son père dans sa Charente natale (né à Angoulême le 23 septembre 1947), les airs populaires dans les bals où il apprend « le métier », le jazz sous toutes ses déclinaisons (be-bop, fusion…) avant de « monter » à St Germain des Prés et à ses caves (Le chat qui pêche) où il rencontre Eddy Louiss, Aldo Romano, Steve Potts...
 


     Son abondante discographie (une cinquantaine d’albums en cinquante ans) en témoigne : le « trio gitan », initiative du producteur Jean-Marie Salhani, avec deux collègues guitaristes (Boulou Ferré et Babik Reinhardt), un autre trio à cordes avec Didier Lockwood et Philip Catherine, le big band de Martial Solal, un enregistrement en direct avec le pianiste Hank Jones au mythique Village Vanguard de New-York, une tournée mondiale avec un « guitar hero », John McLaughlin… L’interprète était aussi compositeur et signa notamment « A suite for Gypsies » (Emarcy-Polygram 1998), rencontre d’un quartet de jazz et d’un quatuor à cordes, « dédiée à la mémoire des milliers d’enfants tsiganes morts dans les camps de concentration nazis ».
 


     Au vu de ses « états de service », on ne s’étonnera pas que Christian Escoudé ait décroché la plus prestigieuse récompense de l’Académie du Jazz, le Prix Django Reinhardt, succédant en 1976 à un autre guitariste, au destin tragique, Joseph Dejean. Le lauréat 1975 trouva la mort le 9 juin 1976 dans un accident de voiture au retour d’un concert dans les Charentes. Région où Christian Escoudé s’était retiré voici quelques années, « retournant à la vie rurale » (dixit Boulou Ferré) et élevant des chevaux.

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

Crédit photo Bérengère Desmettre


    

 

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6 mai 2024 1 06 /05 /mai /2024 15:24

     Le jury du Prix René URTREGER de l’ECUJE (Espace culturel et universitaire juif d’Europe) destiné aux jeunes talents du jazz (moins de 30 ans) a tranché le 2 mai pour l’édition 2024 en distinguant parmi les cinq groupes en compétition NINANDA, formation vocale et instrumentale animée par deux jeunes musiciennes Nina GAT (piano, chant) et Ananda BRANDÃO (batterie, chant) et constituée également de Maxime BOYER (guitare) et  Mathieu SCALA (contrebasse).

 

Nina Gat et Ananda Brandão composent, chantent, arrangent, en explorant de nouveaux métissages et exposent leurs compositions originales, en portugais, hébreu, français et anglais. Ninanda que l’on a entendu au SUNSET en mars se produira dans un autre club parisien, le BAISER SALÉ, le 29 juin et sur la scène du Festival Jazz à Vienne le 1er juillet.

Ninanda - Savlanout Hama

    

     Le jury a décerné un Prix Spécial au Jeremie LUCCHESE Groupe, formation du saxophoniste ténor qui comprend Oliver Van Niekerk (guitare), Levi Harvey (piano), Gabriel Sauzay (contrebasse) et Paul Lefèvre (batterie). Le saxophoniste méridional ancien élève du CNSM a sorti en octobre 2023 son premier album "Essais pour l'imaginaire".

Vélioge

 

     Les récompenses ont été remises aux lauréats lors d’une soirée à l’ECUJE* le 2 mai par René URTREGER, notre légende du piano, Olivier HUTMAN, pianiste et programmateur des saisons Jazz à l'Ecuje, et Gad IBGUI, directeur de l'Ecuje.


     Le jury était composé cette année de Frédéric Charbaut (Festival Jazz à Saint-Germain des Prés, FIP), Alex Dutilh ( France Musique ), Jean-Charles Doukhan (TSF JAZZ),  Olivier Hutman (pianiste, programmateur des saisons Jazz à l’Ecuje),  Alice Leclercq (Jazz News) et  Daniel Yvinec (ancien directeur de l’ONJ, directeur artistique).

 

      Lors de sa première édition en 2023, le prix René Urtreger avait été attribué au groupe CONGE SPATIAL formé de Pierre LAPPRAND, saxophones et effets, et Etienne MANCHON, piano, Fender Rhodes et effets, (programmé le 11 mai au Festival Jazz sous les Pommiers à Coutances) quand un prix spécial du jury était allé au trio du pianiste Mark PRIORE (qui depuis a décroché le Prix Evidence 2023 décerné par l’Académie du Jazz).

 

Jean-Louis LEMARCHAND.

 

*119, rue La Fayette. 75009.
L’Ecuje propose deux concerts pour clore sa saison 2023-2024, le 30 mai avec Minino Garay et le 20 juin Tierney Sutton).

 

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