JJJ TRIADE: « Entropie»
Minium 2006
Cet album, le deuxième du groupe après celui paru chez le collectif Yolk en 2005 avait un peu végété dans les tiroirs du label Sketch avant que Philippe Ghielmetti ne le sauve de la déconfiture et l’emporte avec lui pour lancer son tout nouveau label, Minium.
Pour se fixer les idées dans cet album qui nous empêche de nous rattacher avec certitude à des balises connues, on se référera à la définition officielle de l’entropie : « fonction définissant l’état de désordre d’un système, croissante lorsque celui-ci évolue vers un autre état de désordre accru ». Car cet album est pour tout dire assez déroutant. Se refusant à tout cadre formel, échappant aux repères mélodiques sans toutefois verser dans le free, il raconte une histoire à plusieurs facettes. Plusieurs reflets à l’image de Cedric Piromalli jonglant d’une main avec le piano acoustique de l’autre avec le fender Rhodes. Tendant parfois vers le son des guitares saturées, on assiste alors à une sorte de free jazz poétisé. Un peu comme la rencontre d’un jazz chaotique avec le monde de Edgar Allan Poe s’il fallait tenter une approche littéraire. Parfois l’album nous ramène à des inspirations pop évidentes dans lesquelles on trouverait certaines analogies avec la musique des Pink Floyd. Du coup ces changements de décors ont quelque chose de théâtral, comme une scénographie bien réglée où il est moins question de cadre formel (refus souvent de la contrainte mélodique) que de créer de véritables climats au gré des morceaux. Et dans cette histoire Nicolas Larmignat qui ne cache pas sa passion pour Paul Motian excelle dans le jeu de coloriste raffiné et incroyablement inventif. Une sorte de relation télépathique s’installe entre lui et Sébastien Boisseau. Quand à Cédric Piromalli, habile improvisateur ambidextre, son jeu se montre ici d’une incroyable variété capable de descendre dans les plus basses profondeurs au fender au jeu le plus dépouillé. Dans cette douce machinerie qui se met en branle sous nos yeux, qui s’amuse souvent à nous perdre dans son dédale poétique il apparaît quelques oasis plus ou moins inquiétantes aux titres mystérieux qui se plaisent à nous interroger (Suis encore des miens, Des bras à Glacière) et nous ramènent de rares fois à quelques repères mélodiques (comme musica riccercata n°7). Pas de balises donc, pas de repères mais juste un questionnement philosophique, une sorte de réflexion musicale. Un chaos organisé.
Jean Marc Gelin