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5 août 2019 1 05 /08 /août /2019 15:35
Le TREMPLIN JAZZ D'AVIGNON ouvre le 28 ème AVIGNON JAZZ FESTIVAL
PRIX DU PUBLIC  Nathan MOLLET trio

PRIX DU PUBLIC Nathan MOLLET trio

GRAND PRIX DU JURY  SHEMS BENDALI QUINTET

GRAND PRIX DU JURY SHEMS BENDALI QUINTET

Meilleur Instrumentiste Yaroslav Likachev du Daniel TAMAYO Quintet

Meilleur Instrumentiste Yaroslav Likachev du Daniel TAMAYO Quintet

Tremplin Jazz  au Cloître des Carmes, AVIGNON.

http://www.tremplinjazzavignon.fr

 

Retour à Avignon à la toute fin juillet, quand les murs se nettoient de leurs peaux d’affiches après que le festival de théâtre soit achevé.C’est à ce moment que l’association du Tremplin Jazz propose, dans le cadre exceptionnel du cloître des Carmes, concerts et tremplin européen. Commence alors le premier concours de jazz européen. Quoi de mieux que de glisser cette confrontation de jeunes talents au sein d’un festival estival? L’intérêt de ce concours européen, rare pour ne pas dire unique, est de rencontrer des musiciens du même âge, de créer des liens et de voyager ensuite dans les pays respectifs. Un « Erasmus du jazz», en somme.

Il n’est peut être pas inutile de préciser que c’est le premier concours de ce type créé en France, en 1993 : d’abord régional puis national, il est devenu international en 2000, profitant de la reconnaissance d’Avignon comme capitale culturelle européenne. L’association a reçu cette année une centaine de groupes qui proposaient leur maquette. Au final ne restent que six groupes européens à entrer en compétition dans la cour du Cloître des Carmes pendant deux soirées très courues et pas seulement parce qu’elles sont gratuites.

http://www.tremplinjazzavignon.fr/concours-europeen

C’est un cadeau fait au public local, attentif et connaisseur qui s’exprime également en votant. Et son choix, le Prix du Public rejoint très souvent celui du jury, le Grand Prix! Sera-ce encore le cas cette année?

De nombreuses pistes s’ouvrent aux jeunes musiciens aujourd’hui s’ils ont prêts à prendre des risques. En dépit de productions d’école un peu laborieuse, on entend souvent au tremplin des musiciens talentueux, en devenir. Ce qui confirme et justifie, au demeurant, la vocation d’un tremplin. Mais la première difficulté résulte lors de la présélection, qui peut poser problème. Pour l’avoir pratiqué, l’exercice est redoutable. Le souhait serait de réunir des groupes de chaque pays, lauréats de leurs tremplins nationaux respectifs. Les Européens du Nord sont bienvenus et toujours nombreux, la filière est bonne. Les Belges, souvent primés, sont des fidèles ainsi que les Allemands. L’Italie, l’Espagne ne sont pas souvent au rendez-vous. La Grande-Bretagne, Brexit ou pas, brille souvent par son absence…

 

31 juillet : Premier soir du Tremplin, cloître des Carmes, 20h 30.

  • PARALLEL SOCIETY QUINTET ( Irlande) Jan Enrik Rau (guitare, compositions), Yuzuha O’Halloran ( clarinette basse, saxophone alto), Luke Howard (piano et synthé), Eoin O’Halloran (basse), Hugh Denman (batterie)

  • BELUGAS QUARTET (France) Alain Siegel ( claviers), Renaud Collet ( flûte, saxophones), Fabien Humbert (batterie), Ahmed Amine Ben Feguira (oud)

  • NATHAN MOLLET TRIO (France) Nathan Mollet (piano), Dominique Mollet ( contrebasse, basse), Elvire Jouve ( batterie )

Dès la première soirée, y allait-il avoir équilibre entre les trois groupes ? De quoi satisfaire les goûts et esthétiques les plus divers du jury et du public?

Parallel Society proposa un patchwork de musiques diverses, de la gigue irlandaise aux tablas du Nord de l’Inde, selon les goûts du leader, le guitariste Jan Henrik Rau qui avoue encore sa prédilection pour le pianiste Richie Beirach. L’ensemble peine cependant à accrocher : ont-ils du mal à trouver leur rythme? L’ensemble manque de fluidité et d’aisance, d’une réelle cohésion. Le repertoire file et l’attention fléchit ...

Le deuxième groupe rémois, Belugas Quartet, joue la carte de l’originalité, de son nom à l’association assez improbable de certains instruments (oud, conques, flûte) qui peut laisser croire à une surprise, à des effets de timbres insolites et audacieux. Mais là encore, il ne se passe pas grand-chose, la forme autant que le répertoire ne sont pas convaincants, même avec la composition du «Serpentin du Temps».

La surprise vient avec le trio du jeune pianiste Nathan Mollet, âgé de quinze ans à peine, qui fait preuve d’une grande technique pour son âge, de naïveté et d’assurance dans sa présentation ( mais il a les défauts et les qualités de son jeune et bel âge). Il est admirablement soutenu par la rythmique (son père à la contrebasse, visiblement aux anges, et Elvire Jouve, une jeune batteuse dont la vivacité et la précision sont des plus convaincantes).

Un groupe qui joue vraiment, qui s’accorde avec élégance à la formule classique du trio, avec des compositions affirmées du jeune talent, certes un peu prévisibles, qui manquent encore de diversité : «Etoile filante», «Anubis», «La ronde des ombres», «Insolence». On peut aussi regretter de ne pas avoir entendu de standards qui sont toujours un exercice délicat mais révélateur. Le jury apprécie cependant, le public ne s’y trompe pas en tous les cas et il applaudit à tout rompre, saluant le trio d’une standing ovation. Tiens, tiens, aurait-on là le Prix du public? Le jury, souvent composé de musiciens, représentants de labels, tourneurs, directeurs artistique et de scènes de jazz, journalistes de la presse spécialisée, se livre à un premier débriefing, sous la présidence de la dynamique Marion Piras, à la tête de l’agence Inclinaisons (l’un des plus beaux catalogues de musiciens de jazz actuel). Le suspense reste entier et le public est invité à revenir le lendemain, à voter bien évidemment, d’autant que de nombreux prix ( Tee shirts, CDs…) sont offerts à l’issue du concours. 

1er août : Deuxième soirée du Tremplin Jazz

  • SALOMEA (Allemagne) Rebekka Salomea ( voix, compositions, effets), Yannis Anft (claviers, synthéthiseur), Olivier Lutz (basse électrique), Leif Berger ( batterie, drum pad)

  • Daniel TAMAYO quintet (Allemagne) Daniel Tamayo Gomez (guitare et composition), Moritz Preisler (piano), Simon Braumer ( batterie), Conrad Noll ( contrebasse),Yaroslav Likhachev (saxophone ténor).

  • Shems Bendali Quintet ( France) Shems Bendali (trompette), Arthur Donnot ( saxophone ténor), Andrew Audiger (piano), Yves Marcotte ( contrebasse), Marton Kiss (batterie).

Le lendemain entrent en scène trois nouveaux groupes dont deux Allemands, qui vont s’avérer très différents, bien que venant de Cologne, école réputée et vivier de la jeune génération.
Saloméa est assez étonnante, très différente de style et d’attitude des chanteuses repérées lors de précédentes éditions : elle ne minaude pas comme tant de ses consoeurs jeunes et moins jeunes qui pensent que le jazz vocal doit mettre en avant un certain glamour, elle ne rejoue pas non plus une pop acidulée trop influencée par Bjork, elle va sur les traces du hip hop avec des inflexions proches du cabaret parfois, de la soul et du funk, un mélange assez détonant qui révèle un parti pris, un choix affirmé et une façon bien à elle d’occuper la scène … qui tranche avec le trio qui la soutient, impeccable et stylé, qui manie également avec dextérité l’électronique et ses effets. Un groupe qui peut ne pas faire l’unanimité mais il s’est passé quelque chose. Sans chercher à séduire, Salomea s’investit dans son chant avec des compositions originales qui racontent sa vie : elle se livre de façon décomplexée, très honnête même si quelque chose résiste dans l’interprétation. Comme décalé et hors sujet pour le tremplin?

Sur le second groupe, les avis seront également très partagés. Certains reprochent au Daniel Tamayo quintet de former un ensemble inégal, sans direction, tiraillé par des duos au sein du quintet. Le soufflant, par moment, semble prendre les commandes dans ses alliances réussies avec le pianiste. Le leader, comme paralysé, ln’intervient vraiment à la guitare qu’au quatrième titre et lance le groupe sur la piste d’un jazz rock un peu dépassé . D’autres éprouvent une émotion réelle à l’écoute de certaines embardées de ce groupe peu conforme qui a pu prendre des risques, à l’énergie brouillonne mais vivante. Et à la jam organisée pendant les délibérations du jury, Daniel Tamayo retrouvera le plaisir de jouer ayant relâché la pression.

Le jazz advint enfin avec le dernier groupe qui sut s’approprier l’espace de cette belle nuit étoilée où ne soufflait plus aucun vent : voilà de jeunes instrumentistes très doués qui s’écoutent et s’entendent, savent gérer un son de groupe, très limpide, créent une musique subtile aux arrangements délicats, aux belles harmonies. Le trio rythmicien tire admirablement son épingle du jeu dans « Mad Train», sans l’aide des deux solistes, excellents, qui créent les plus beaux unissons qui soient. Il ne semble pas qu’il y ait dans le groupe des egos trop boursouflés mais de réels échanges et une communauté d’esprit et de jeu.

Mention particulière au saxophoniste ténor, même si le leader, très mature, montre une maîtrise réelle d’un univers qui découle du Miles période Gil Evans, évoquant même pour Frank Bergerot, Ambrose Akinmusire, ce qui n’est pas une mince référence. Un jazz certes daté mais terriblement attachant et tant pis si ce quintet n’ouvre pas(tout de suite) les nouveaux langages du jazz....Selon la formule consacrée, on oublia très vite qu’il s’agissait d’un tremplin pour écouter un concert, embarqué dans une croisière intersidérale. Avec élégance, ces jeunes musiciens surent séduire le public dans un silence révélateur.

Les jeux étant faits, le jury allait longuement délibérer, et leurs choix se partager assez équitablement entre les deux groupes les plus saisissants, remplissant le contrat du tremplin. Après une discussion des plus animées, le tout dernier groupe obtint le Grand Prix du Jury (enregistrement et mixage au studio de la Buissonne et première partie d’un concert du festival de 2020) et le prix de la meilleure composition «Anima» d’inspiration soufie. Quant au prix du meilleur instrumentiste, il revient au saxophoniste du Daniel Tamayo. Même si la jeune batteuse du trio de Nathan Mollet avait retenu toute notre attention, lors du premier soir. Elle reçoit d’ailleurs avec le groupe du jeune pianiste, le soutien du public qui lui attribue son prix et ce n’est pas une mince consolation. 

C’est la fin d’une belle édition avec des groupes de qualité, pas toujours originaux mais néanmoins talentueux et prometteurs. Le tremplin et le festival reposent sur un savoir-faire associatif et la générosité des bénévoles. Tous ceux qui sont venus au tremplin confirment que l’accueil chaleureux, simplement familial est l’un des atouts de la manifestation, mettant à l’aise candidats et jurys. Rendons encore une fois hommage à la formidable équipe de vrais amateurs qui se dépensent sans compter pour que la musique vive, et qu’on retrouve chaque année dans cette véritable fête entre amis.

Souhaitons à ce Tremplin Jazz sudiste de continuer longtemps cette aventure musicale chaleureuse et non sectaire. Et que cela jazze plus encore pour le rendez vous des trente ans, qui approche….

Un grand merci pour les photos de Claude Dinhut et de Marianne Mayen deux des quatre reporters-photographes et membres actifs de l’association.

Sophie Chambon

ELVIRE JOUVE DU TRIO Nathan MOLLET

ELVIRE JOUVE DU TRIO Nathan MOLLET

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4 juillet 2019 4 04 /07 /juillet /2019 20:28
ALCAJAZZ 2019 à Marseille : expo photos, René Urtreger, Round Midnight
René Urteger à vingt ans, fan de Bud POWELL auquel il dédie son premier disque

René Urteger à vingt ans, fan de Bud POWELL auquel il dédie son premier disque

ALCAJAZZ 2019 à Marseille : expo photos, René Urtreger, Round Midnight

ALCAJAZZ 2019 : mercredi 3 et jeudi 4 juillet

Une exposition passionnante à Marseille dans la BMVR de l’ALCAZAR, ancien music hall, permet d’attendre le début du festival des Cinq Continents.

Mercredi 3 juillet avait lieu le vernissage en musique de l’exposition de quarante photos d'Alain Chevrier, présentée par Francis Lacharme, président de l'Académie du jazz : Les jazzmen étatsuniens ayant choisi de s’installer en France où ils sont reconnus et respectés (Kenny Clarke, Don Byas, Bud Powell, Sidney Bechet…) et la jeune classe du jazz hexagonal ont eu un témoin privilégié, Alain Chevrier. Au plus près des musiciens, ce photographe méconnu a capté leurs expressions, leurs émotions, leur complicité, leur joie de vivre et de jouer. Ces 40 documents, présentés ici ensemble pour la première fois, nous plongent au cœur d’une époque historique du jazz, quand Paris rivalisait avec New York. (l'Académie du jazz)

Et quel meilleur représentant de cette période que le pianiste René Urtreger, lien idéal entre Bud Powell et Lester Young, puisque ce grand pianiste qui s’inscrit dans la ligne du be bop, avait dédié son premier album à Bud Powell et avait joué dans le dernier de Lester. D’où l’idée bienvenue de l’inviter à la médiathèque marseillaise pour le vernissage de l’exposition photo. C’est une figure de notre jazz hexagonal dont le témoignage précieux a été recueilli par la romancière Agnès Desarthe à laquelle il s’est confié dans Le Roi René, aux éditions Odile Jacob, 2016. http://lesdnj.over-blog.com/2016/04/le-roi-rene-rene-urtreger-par-agnes-desarthe.html

Il attaque le mini-concert par “la Fornarina” issue de son album solo Onirica (label SKETCH, 2001). Puis il enchaîne avec une composition très connue de Bud, “Celia” et poursuit plus sentimental avec du Cole Porter et “Love for sale” de Gershwin. René URTREGER improvise, suivant le fil de ses pensées en laissant aller ses souvenirs, se laissant parfois aller au jeu des associations libres, qui lui permettent de démarrer une piste. Il n’est pas rare que John Lewis ou Bud Powell revivent sous ses doigts avec des citations pertinentes.

Avec le photographe Christian Ducasse qui partage son temps entre Marseille et la Normandie,et René Urtreger, François Lacharme va ensuite commenter, avec brio, chaque photo de l’exposition.  "Paris était vraiment une fête pour le jazz, ou plutôt les jazz. Les interprètes du tout nouveau bebop croisaient les adeptes du style New Orleans en pleine renaissance. Les stars américaines (Louis Armstrong, Duke Ellington, Count Basie... mais aussi Ella Fitzgerald, Sarah Vaughan, Billie Holiday, trois divinités du vocal) côtoyaient les jeunes hérauts de la note bleue…"

Jeudi 4 juillet :

En lien avec l’exposition photos, était programmé, toujours à l’ALCAZAR, le film magnifique de Bertrand Tavernier, Autour de Minuit. Découvert à sa sortie, en 1986, je ne l’avais pas revu et avec le temps, il me semble s’être encore bonifié et incarner l’un des plus intenses témoignages sur le jazz de cette période. Ce n’est pas un biopic hagiographique à la mode aujourd’hui, sur les icônes rock, mais on entend la plus belle B.O de jazz des années 80, orchestrées par Herbie Hancock qui obtint d’ailleurs l’oscar pour la musique à Hollywood.

Bertrand TAVERNIER s’est inspiré de La danse des Infidèles (Editions Le mot et le reste) de Francis Paudras , sa relation compulsive avec Bud POWELL.http://lesdnj.over-blog.com/2019/04/la-danse-des-infideles-bud-powell-a-paris.francis-paudras-editions-le-mot-et-le-reste.html

Ce roman mélancolique souligne l’amitié entre ces deux hommes en montrant ce qui peut traverser, la tête embrumée de l’un des inventeurs du be bop… Tavernier eut l’idée géniale de choisir le saxophoniste Dexter Gordon qui joua avec Bud, pour incarner cette aventure. Il est le personnage! On entend de la musique d’un bout à l’autre du film, y compris des compositions de Dexter Gordon et on ne peut qu’applaudir à ce qui demeure un “labour of love”.

Encore chapeau Monsieur Tavernier et bravo à l’équipe de l’Alcazar.

 

Sophie Chambon

 

 

 

 

 

 

 

 

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12 février 2019 2 12 /02 /février /2019 15:31

Défricheur et vulgarisateur, André Francis, qui vient de disparaître le 12 février à Paris dans sa 94ème année, aura «soufflé dans les trompettes de la renommée pour faire connaître le jazz en France»  (Le Dictionnaire du Jazz , Ed. Robert Laffont) pendant plus de sept décennies. «Je suis au service du jazz ou plutôt des jazz, tellement ces musiques sont diverses», nous confiait-il en 1996, peu avant de quitter Radio France après un demi-siècle d’activités trépidantes de producteur pour la radio publique.

 

Loin de partir pêcher à la ligne, ou de se consacrer à son autre passion, la peinture (il exposait depuis 1954), le Mr Jazz de Radio France (et de son ancêtre l’ORTF) et de ses 7000 concerts avait d’ailleurs témoigné de sa passion œcuménique dans une œuvre encyclopédique, réalisée avec l’acousticien Jean Schwarz, les Trésors du Jazz (dix cd de 1898 à 1951) sortis en 2002 et enrichis en 2010 par la période 1951-59, ensemble monumental (1677 titres) intitulé «La Grande histoire du jazz» (Le chant du Monde/Harmonia Mundi). «Je voulais mettre en évidence la progression de cette vague musicale qui a bouleversé nos conceptions musicales au XXème siècle» (in Jazz Magazine).

 

Dans ses choix artistiques-les émissions sur les ondes de l’ORTF dès 1947 ( à 22 ans), les concerts programmés à la Maison de la Radio et ceux retransmis des festivals- André Francis aura joué la carte de la diversité du jazz, des formations traditionnelles aux groupes libertaires du free. Avocat fougueux du jazz, «musique bâtarde, le plus vivant des arts sonores», l’ancien élève de l’Ecole des arts du spectacle de la Rue Blanche aimait les musiciens qui ont choisi «un langage de vérité». Lui-même ne mâchait pas ses mots pour dénoncer la world music («la plupart du temps, une nouvelle cuisine sonore sans chef») ou la tendance à l’intellectualisation menant à un jazz «intellichiant» (sic). N’allez pas pour autant en déduire que celui qui fut emballé par Dizzy Gillespie à Pleyel en 1948 se montrait réfractaire au changement et à la mondialisation de cette musique «bâtarde qui ne s’est jamais coupée de ses racines populaires».

 

Héraut de tous les jazz, André Francis fut un auteur multimédia avant l’heure. S’il répugnait à l’usage des nouvelles technologies (portable et ordinateur), il a défendu le jazz sur tous les supports : la radio en tout premier lieu dès 1947 mais aussi la télévision avec des concerts devenus mythiques (John Coltrane à Antibes en juillet 1965 pour 50 minutes de Love Supreme), le disque (1ère intervention avec l’enregistrement d’un album en solo de Thelonious Monk à Paris en 1954) et enfin l’édition avec un ouvrage Jazz (290 pages) publié en 1958 (Ed Le Seuil) et traduit en une dizaine de langues.

 

Premier président de l’Orchestre National de Jazz, sa passion musicale se concrétisa également par son implication jusqu’à ces dernières semaines, dans la vie de l’Académie du Jazz. Avec André Hodeir, Boris Vian, André Clergeat, Frank Ténot, entre autres, André Francis œuvra à la création en 1954 de cette association qui en toute indépendance récompense chaque année, aimait-il à souligner, «les porte-parole de la musique qui respecte au mieux la liberté créative et l'expression directe». Esprit libre, se tenant au courant des dernières nouveautés, il ne manquait pas l’occasion de donner son avis, toujours vert, parfois vif, lors de nos réunions de bureau. Ses appréciations très personnelles figurent aussi dans ces dizaines et dizaines de carnets et cahiers où le producteur commentait minutieusement les milliers de concerts qu’il avait programmés et présentés de cette voix si facilement reconnaissable avec un drôle d’accent anglais. Un trésor sonore qui témoigne de l’engagement d’André Francis pour «la plus populaire des musiques savantes».

Jean-Louis Lemarchand, membre du bureau de l’Académie du Jazz

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André Francis-Bio express-

1925 (16 juin) : naissance à Paris XIVème

1947 : première émission de radio à la Radiodiffusion française (ancêtre de la RTF, puis de l'ORTF, puis de Radio France), au Club d'Essai. Premier concert de jazz organisé à Paris.

1954 : membre fondateur de l’Académie du Jazz dont il était toujours membre du bureau.

1958 : Jazz, publié aux Editions du Seuil.

1975-1997 : responsable du Bureau du Jazz à Radio France (bureau dont il était la puissante agissante depuis les années 60), 7000 concerts programmés.

1970-1979 : directeur artistique du festival de Chateauvallon (Var)

1980-1993 : directeur artistique du Festival de Jazz de Paris

1986 : premier président de l’Orchestre National de Jazz

Années 2000: directeur artistique du festival Orléans Jazz

2010 : La grande histoire du jazz, avec Jean Schwarz : quatre coffrets de 10 cd portant sur la période 1898 à 1959. Le Chant du Monde/Harmonia Mundi.

2019 : 12 février, décès à Paris XVème.

 

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26 octobre 2018 5 26 /10 /octobre /2018 22:32

Cérémonie des Victoires du Jazz 2018, jeudi 25 octobre en soirée, à l'Auditorium Debussy-Ravel de la Sacem. Cérémonie animée par Sebastian Danchin et Sandra Nkaké.

 

Le coup de gueule de Joëlle Léandre après l'édition 2017 n'aura pas été vain : dans la catégorie 'Victoires de la profession', 3 lauréates ; avec en prime un petit speech bien senti, et bien envoyé, de Pierrette Devineau.

Et une Victoire d'Honneur à Rhoda Scott, qui a joué pour nous avec son Lady Quartet (photo ci-dessus)

 

Beau palmarès, qui reflète plutôt bien la diversité de cette musique polymorphe.

Après la litanie toujours un peu longue des nommé(e)s, lauréat(e)s, remises des trophées, etc...., vint le moment du film qui sera projeté au soir du samedi 1er décembre sur France 3, à 0h35, et accessible ensuite à la demande sur CultureBox. Le film 2017 représentait un progrès au regard du filmage des cérémonies antérieures.

Comme en 2017, c'est un film réalisé durant l'été qui montre les lauréats dans leur contexte. Mais cette fois le ton, le rythme et la qualité de la réalisation montent d'un cran. Mon voisin dans la salle (un ami-confrère-collègue de longue date) l'a trouvé un peu long. Moi pas. C'est plutôt la soirée qui fut longue : nous étions arrivés vers 19h30, début des opérations à 20h, et c'est vers 23h que l'on s'est précipité vers le bar-buffet. Votre serviteur, peu expert en slalom de cocktail, est rentré sagement dans sa banlieue orientale et populaire après une flûte de champagne et un grignotage distrait.

A suivre donc, le 1er décembre, après minuit, sur France 3, et aussi sur CultureBox

Xavier Prévost

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Palmarès des Victoires du Jazz 2018

Artiste de l'année : Laurent de Wilde

Également nommé(e)s : Tony Allen, Sophie Alour

 

Artiste qui monte (Prix Frank Ténot) : David Enhco

Également nommé(e)s : Naïssam Jalal, Fred Nardin

 

Voix de l'année : Cécile McLorin Salvant

Également nommées : Camille Bertault, Sandra Nkaké

 

Groupe de l'année : Amazing Keystone Big Band (dir. Bastien Ballaz, Jon Boutellier, Fred Nardin & David Enhco)

Également nommés : Fox (dir. Nicolas Moreaux et Pierre Perchaud), le Sacre du Tympan (dir. Fred Pallem)
 

Album sensation de l'année : «Dadada" de Roberto Negro» (Label Bleu/l'autre distribution)

Également nommés : « Interplay » de François Moutin et Kavita Shah, "Tribute to Charlie Haden" de Diego Imbert, André Ceccarelli et Enrico Pieranunzi

 

Album inclassable de l'année : « Music is my Hope » de Raphaël Imbert (Jazz Village/Pias)

Également nommés : « Butter in my brain » de Claudia Solal et Benjamin Moussay, « La Chose commune » de La Chose commune (direction : Emmanuel Bex)

 

Victoire d’Honneur : Rhoda Scott

 

Prix spécial du comité : Selmer (leader mondial du saxophone)

 

VICTOIRES DE LA PROFESSION 2018

Programmateur de l’année : Pierrette Devineau (Paris Jazz Festival, Belle-Île en Jazz)

Également nommés : Vincent Anglade, Xavier Lemettre

 

Producteur de spectacles/tourneur de l’année : Marion Piras (Inclinaisons)

Également nommés : Jean-Noël Ginibre, Pascal Pilorget

 

Ingénieur du son de l’année : Philippe Teissier du Cros (PTDC Music, Studio Boxon)

Également nommés : Tristan Devaux, Philippe Gaillot

 

Homme/Femme de médias de l’année : Nathalie Piolé (France Musique)

Également nommés : Jacques Denis, Francis Marmande

 

Label de l’année : La Buissonne

Également nommés : Label Bleu, Laborie Jazz

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14 octobre 2018 7 14 /10 /octobre /2018 09:25

Retour Salle Gaveau, en solo, pour MARTIAL SOLAL, qui enregistra dans ce lieu deux disques mémorables, en trio et en 1962, puis 1963. Réservez votre soirée du mercredi 23 janvier 2019 à Paris 

Xavier Prévost

http://www.sallegaveau.com/spectacles/martial-solal-piano-solo

 

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12 septembre 2018 3 12 /09 /septembre /2018 22:14

Au Carré des Coignard, dans le bel hôtel particulier du même nom, une exposition retrace l'arrivée du jazz en France, d'une guerre à l'autre.

En trois salles, avec photos, livres, affiches, revues, partitions et disques rares, et en musique, un aperçu de l'émergence de la musique syncopée afro-américaine (ce que l'écrivain suisse Charles-Albert Cingria appelait 'le syncopé anglo-nègre', selon les usages du vocabulaire de l'entre-deux guerres).

Cela commence dès avant la première guerre mondiale avec la popularité du cake walk et du ragtime, se poursuit par le débarquement de l'orchestre militaire de James Reese Europe à Brest fin décembre 1917, puis avec la présence des grands jazzmen américains entre les deux guerre, et l'émergence d'un jazz d'ici .

De Julien Porret et Grégor et ses Grégoriens, jusqu'au Quintette du Hot Club de France.

Entre autres curiosités un fac-similé des bulletins d'adhésion de Charles Delaunay et Boris Vian au Hot Club de France.

Xavier Prévost

L'expo a été conçue par l'Association CEMJAZZ de Chevilly-Larue. Elle se terminera le 23 septembre.

Les 15 & 16 septembre, pour les Journées du Patrimoine, ouverture de 10h à 12h et de 14h à 19h ; il y aura des visites guidées à 15h et 17h.

Au autres dates ouvert du mardi au dimanche de 15h à 19h, entrée libre.

Renseignements : 01 43 24 63 65

 

Carré des Coignard, 150 Grande Rue Charles de Gaulle, 94130 NOGENT-sur-MARNE

C'est à quelques centaines de mètres de la station de RER Nogent-Le Perreux, sur la ligne 'E', direction Villiers-sur-Marne et Tournan.

 

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21 novembre 2017 2 21 /11 /novembre /2017 16:58

Stephan Oliva & Susanne Abbuehl à la remise des prix  

photo@david-desreumaux

 

Grands Prix

Proclamés le 16 novembre à 19h au studio 105 de la Maison de la Radio

Grand prix jazz

Stephan Oliva/Susanne Abbuehl/Øyvind Hegg-Lunde « Princess » (Vision Fugitive/L'Autre distribution)

 

Grand prix blues

Dee Dee Bridgewater « Memphis… Yes, I'm Ready » (OKeh/Sony Music)

 

Prix in honorem jazz

Fred Hersch, pour l'ensemble de sa carrière, à l'occasion de la parution de son disque «Open Book» (Palmetto/Bertus distribution), et de son autobiographie Good Things Happen Slowly : A Life In and Out of Jazz (Crown Archetype Press, 2017)

 

Prix Jazz hommage in mémoriam

Alain Tercinet

À l'occasion de la parution du coffret «Thelonious Monk, Les Liaisons Dangereuses 1960» (musique du film de Roger Vadim, inédite au disque Sam Records-Saga/Pias), auquel il avait participé, un hommage à Alain Tercinet, disparu en juin 2017, pour sa considérable contribution à la connaissance et à la diffusion de cette musique, par ses recherches, ses articles, ses livres, ses anthologies et compilations discographiques, et ses textes pour les pochettes et livrets d'une foule de disques, CD et coffrets.

 

Ont également reçu un Grand Prix dans une autre catégorie des artistes très impliqués dans le jazz et la musique improvisée

 

Grand Prix de la Parole Enregistrée

Didier Petit, Claudia Solal et Philippe Foch

« Les Voyageurs de l'Espace » (Buda Musiques & CNES / Socadisc)

 

Coups de cœur Jazz et Blues

 

proclamés le 20 novembre dans l'émission 'Open Jazz'sur France Musique

https://www.francemusique.fr/emissions/open-jazz/l-actualite-du-jazz-academie-charles-cros-le-palmares-jazz-et-blues-38099

 

 

Coups de cœur jazz

Stephan Oliva/Susanne Abbuehl/Øyvind Hegg-Lunde « Princess » (Vision Fugitive/L'Autre distribution)

Cécile McLorin Salvant « Dreams and Daggers » (Mack Avenue/Pias)

Pierrick Pédron « Unknown » (Crescendo/Caroline)

Ambrose Akinmusire « A Rift in Decorum » (Blue Note/Universal)

Andy Emler « Running Backwards » (La Buissonne/Harmonia Mundi-Pias)

Paul Lay « The Party » (Laborie Jazz/Socadisc)

Craig Taborn « Daylight Ghosts » (ECM/Universal)

Robert Negro « Dadada » (Label Bleu/L'Autre distribution)

Mark Guiliana « Jersey » (Motéma/Pias)

David Enhco « Horizons » (Nome Records/L'Autre distribution)

Fred Hersch « Open Book » (Palmetto/Bertus distribution)

Vijay Iyer « Far From Over » (ECM/Universal)

 

Coups de cœur blues

Dee Dee Bridgewater « Memphis… Yes, I'm Ready » (OKeh/Sony Music)

Don Bryant « Don't Give Up On Love » (Fat Possum/Differ-Ant)

Robert Finley « Age Don't Mean A Thing » (Big Legal Mess/biglegalmessrecords.com)

 

Xavier Prévost

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29 avril 2017 6 29 /04 /avril /2017 14:37

Avant de filer au mois de mai vers New York et le 'Vision Free Jazz Festival 2017', dont elle est la seule invitée européenne, Joëlle Léandre a eu la joyeuse surprise de figurer dans la promotion d'hiver de l'Ordre des Arts et des Lettres au titre de Chevalier (Chevalière en l'occurrence). Une manière de rappeler la place, singulière et cependant majeure, qu'elle occupe sur la scène musicale depuis quelques lustres. Pour se rafraîchir la mémoire, dans une discographie qui comporte plus de cent références, deux de ses parutions de la fin 2016

TIGER TRIO : MYRA MELFORD, JOËLLE LÉANDRE, NICOLE MITCHELL «Unleashed»

Myra Melford (piano), Joëlle Léandre (contrebasse), Nicole Mitchell (flûte, flûte alto, piccolo)

Paris, Galerie Zürcher, 25 mars 2016

RogueArt ROG-0074 / www.roguart.com

 

Habituée des rencontres états-uniennes (sur scène, mais aussi au Mills College où elle a fait de nombreux séjours comme enseignante invitée), Joëlle Léandre renoue pour ce disque avec des complices de longue date. Elle a souvent collaboré avec l'une et l'autre, et toutes trois s'étaient retrouvées sur scène à San Francisco en 2015. Comme toujours, une telle rencontre engendre de fécondes improvisations sur un terreau d'anciennes connivences, et la musique circule de l'une à l'autre, fluide ou tempétueuse selon les instants, avec comme souvent dans les improvisations réussies des convergences assez miraculeuses.

 

 

JOËLLE LÉANDRE – THÉO CECCALDI «Elastic»

Joëlle Léandre (contrebasse), Théo Ceccaldi (violon)

Paris, 2 octobre 2015

Cipsela Records CIP 006 / http://www.cipsela-records.com/store.php

 

Ils appartiennent à deux générations différentes, mais ils sont du même monde, celui où la liberté de créer ne connaît pas de bornes, où l'exigence musicale/instrumentale se fond et se confond dans le goût de l'aventure. Théo Ceccaldi est familier de l'univers de Joëlle Léandre, car il participe au tentette 'Can You Hear Me ?', et tous deux ont un sens aigu de l'improvisation, de l'instant magique qui se transforme en une forme, quand l'éphémère devient Art. On part d'un lyrisme légèrement mélancolique, où le chant s'émancipe très librement de la tonalité, où l'expression semble prévaloir, alors même que l'architecture s'élabore, souterraine. Et le sortilège opère de plage en plage, de douceur en fracas. Et l'on se sent glisser dans un ailleurs qui n'autorise rien que l'abandon.

Xavier Prévost

 

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20 avril 2017 4 20 /04 /avril /2017 21:30

Django
Film d’Etienne Comar avec Reda Kateb, Cécile de France, scénario d’Etienne Comar et Alexis Salatko.1h55. sortie le 26 avril.
Bande originale par le trio Rosenberg et Warren Ellis (Lacrima Song avec un grand orchestre dirigé par Pierre Bertrand) publiée chez Impulse-Universal.

 

Pour son premier long métrage, Etienne Comar n’a pas hésité. Il s’attaque à une légende, Django Reinhardt. En collaboration avec Alexis Salatko, auteur de Folles de Django (Ed. Robert Laffont), le cinéaste évoque une courte période de la vie du « fils du vent » (expression de Jean Cocteau), l’occupation allemande . Star des nuits parisiennes, adulé par les autorités occupantes, Django va se rebiffer en 1943 quand la Propagandastaffel veut le forcer à effectuer une tournée de concerts en Allemagne. Quittant la capitale en famille, l’auteur de Nuages il met le cap sur la Suisse et séjourne à Thonon-les-Bains où il tentera de passer la frontière avant d’être arrêté par l’armée helvète et refoulé. Fin de l’aventure et retour à Paris et à la scène. Voilà pour l’histoire vraie (cf Django Reinhardt, swing de Paris. Textuel-Cité de la Musique.2012). Etienne Comar livre une version très personnelle et très libre. Il bâtit son récit sur une idée-force, la prise de conscience par Django de sa condition de tsigane. A cette fin, Comar crée un personnage, Louise de Clerk (Cécile de France) qui va séduire Django et le persuader de refuser de jouer à l’artiste de propagande. Les spécialistes de Django resteront dubitatifs face à cette lecture politique de l’histoire. Les amateurs de musique tsigane seront ravis de la partition jouée par les frères Rosenberg qui doublent les acteurs (Stochelo prenant les parties de Django) et de la véracité des interprètes gitans (Beata Palya, dans le rôle de Naguine, la femme de Django, Bimbam Merstein, qui incarne sa mère, Negros, Hono Winterstein, guitariste habituel du groupe de Biréli Lagrène…). Quant à Reda Kateb, dans le rôle-titre, il impressionne par sa capacité à transmettre les sentiments, les doutes, les foucades du génial gitan. Un film de caractère qui vient aussi rappeler le lourd bilan de la politique anti-tsigane menée dès 1938 par Hitler et relayée en France par le régime de Vichy  (environ 20.000 tsiganes français furent déportés dans les camps de la mort en Allemagne et en Pologne).
Jean-Louis Lemarchand

 

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7 février 2017 2 07 /02 /février /2017 15:37

   Lucien, Valsons.... C'est en ces termes d'un humour qu'il affectionne encore aujourd'hui que Martial Solal rendait hommage, en 1963, à Lucien Malson, sur la première plage du disque « Jazz à Gaveau » (en compagnie de Guy Pedersen et Daniel Humair) ; une petite valse sinueuse, vive et complexe, comme le fut toujours la pensée du dédicataire.

   Lucien Malson nous a quittés le 27 janvier 2017, et sa famille a choisi de ne rendre l'information publique qu'après son inhumation, début février. Difficile de tout dire en quelques lignes de cette figure majeure de la réflexion sur le jazz, et de sa diffusion dans notre pays. Je m'en tiendrai donc à mes souvenirs d'auditeur (adolescent j'écoutais Jazz dans la nuit sur Paris Inter) ; et de lecteur, avec les différentes éditions du Que Sais-je sur Les Maîtres du Jazz, Les Cahiers du Jazz de la première époque, de 1959 à 1971, L'Histoire du Jazz et de la musique Afro-Américaine dans sa première édition, en 1976, dans la collection 10/18, et les innombrables articles dans la presse (Jazz Hot, Jazz Magazine, Le Monde) ... Je repense au reproche amical qu'il me faisait d'abuser des points de suspension, qui plus est au nombre de trois, en quoi il voyait une sorte de signe maçonnique (très très éloigné de mes préoccupations je dois le dire !).

   Après mon parcours d'amateur, mon cheminement professionnel a souvent croisé celui de Lucien Malson : quand en 1982 René Koering, alors directeur de France Musique, m'a proposé de reprendre la chronique que faisait Lucien le samedi matin dans l'émission de Philippe Caloni, j'ignorais si mon prédécesseur quittait cette séquence de son plein gré (tout en poursuivant son émission hebdomadaire du lundi sur Musique, et Black and Blue le vendredi sur France Culture). J'étais un petit gars de province qui ne connaissait personne dans la jazzosphère parisienne, à l'exception (notable il est vrai), de Martial Solal et Barney Wilen (lequel m'avait recommandé à Philippe Carles qui m'avait ouvert les colonnes de Jazz Magazine). Malgré mon déboulé (involontaire) sur ses plates-bandes, Lucien me fit bon accueil, peut-être parce que ma prose récente dans la presse spécialisée lui avait paru acceptable, et probablement aussi parce qu'une licence de philosophie fut (comme pour lui) la première étape d'un parcours universitaire, demeuré dans mon cas plus que modeste quand le sien fut des plus brillants ; mais cela créait entre nous, me semble-t-il, une espèce de connivence tacite. Lorsqu'en 1994 il relança, aux Presses Universitaires de France, Les Cahiers du Jazz, Lucien m'invita au bureau éditorial. Je pus proposer des sujets, et de nouveaux collaborateurs, et Lucien m'invita à plusieurs reprises à traiter des thèmes sur lesquels nos points de vue étaient extrêmement divergents. Et ce en toute bienveillance.

 

   C'est aussi en 1994 que, lors de la réédition avec mise à jour, au éditions de Seuil, de L'Histoire du Jazz et de la musique Afro-Américaine , Philippe Carles me confia la mission, très diplomatique, d'en faire la recension pour Jazz Magazine. Je me collais donc à la relecture systématique, ligne à ligne, des deux versions, pour cerner les modifications, les repentirs, les ajustements. Et je reçus de Lucien un petit mot amical, mais légèrelent teinté d'ironie, où il notait que, comme de coutume, j'avais travaillé avec beaucoup de soin ... (Une fois de plus, pardon Lucien pour ces ponts de suspension !)

Brochure "Jazz à l'ORTF", 1970. Collection Archives écrites et Musée de Radio France 

 

   Et en 1997, au moment où Lucien quittait de son plein gré France Musique et France Culture pour une retraite plus que méritée, je devenais quant à moi le responsable du Bureau du jazz de Radio France, à la suite d'André Francis qui avait pris cette fonction en 1975 (après en avoir été durant des années l'élément suractif). Je n'oubliais pas alors que cette structure avait été créée au sein de la RTF, en 1961, par Lucien Malson, qui l'avait dirigée jusqu'à la fin de 1974, au moment où l'ORTF allait céder place à Radio France et aux autres sociétés de l'audio-visuel public.

   Bref dans ce microcosme du jazz où j'ai passé la plus grande part de ma vie professionnelle, Lucien Malson fut un jalon majeur, après avoir été un repère dans ma vie d'amateur. Et c'est avec beaucoup d'émotion que j'ai appris sa disparition : l'un de nos derniers contacts téléphoniques remontait à décembre 2011. Je voulais le convier au studio 105 de Radio France à un concert d'hommage à son grand ami André Hodeir. Il ne sortait alors de chez lui que pour faire quelques pas Avenue de Wagram, où il résidait, et il avait décliné, à regret.

   Merci Lucien, merci pour tout : ton esprit vif et caustique, ton exigence intellectuelle et ton humour pince-sans rire. Nous sommes nombreux à nous sentir un peu seuls, depuis que tu as pris congé...

Xavier Prévost

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