La très bonne idée de ce dernier album de The lost chords est d’être allé chercher le trompettiste sarde Paolu Fresu pour accompagner le quartet de la plus suédoise des compositrices américaines, Carla Bley. Une quête contée comme une bande dessinée et avec beaucoup d’humour dans les « liner notes » qui accompagnent l’album. Une rencontre en apparence contre nature tant la pianiste s’est ses dernières années appliquée à l’understatement dans ses compositions, un certain minimalisme froid alors que Paolo Fresu transmet beaucoup d’émotion par la sincérité et le naturel de son phrasé. Et pourtant le résultat est exceptionnel. La suite The Banana Quintet est une pièce majeure où chaque note semble absolument nécessaire, indispensable. Une harmonie élégante, majestueuse, vibrante, porteuse de lendemains lumineux, sans aucun pathos. Le timbre charnu et rond de Fresu se marrie parfaitement à l’élégance effacée de Drummond à la batterie, au swing de Steve Swallow, toujours parfait à la basse électro-acoustique et au son pur d’Andy Sheppard aux saxophones soprano et tenor. Quel bonheur ces compositions que nous offre Lady Bley, de la très belle ouvrage, montant en intensité avec subtilité et nous tenant en haleine jusqu’à l’accord final. En apparence d’une grande facilité, la suite est d’une construction très complexe, avec des ruptures harmoniques très brutales, des chorus de cinq mesures et de nombreuses quintes. Et surtout ensemble, les cinq musiciens ont un son d’une homogénéité parfaite, un peu comme si cela faisait vingt ans qu’ils traînaient ensemble dans tous les rades de la planète. Des vieux de la vieille à qui on ne la raconte pas. Ils se sont vraiment trouvés (« find »), au sens fort du terme, trouvés dans le souffle qui les traverse, trouvés dans la pâte sonore, trouvés dans le même amour de la musique. Leur art explose sur le sublime Death of Superman – Dream sequence 1 Flying , une pièce très intime, très lyrique, très dépouillée où Fresu se découvre être le jumeau poète de Sheppard. Absolument bouleversant. A la fin de l’album, ils reprennent une vieille composition de Carla Bley, Ad libitum, qui semble avoir été écrite pour conclure cet album choral. Régine Coqueran
Watt Works 2007