Plus Loin 2009
Il faut parfois se méfier de certains albums, qui dès la première écoute vous séduisent d’emblée, par un effet de surprise, provoqué par une couleur sonore inattendue et originale. Red Hail, nouvel album du génial pianiste de 21 ans, Tigran Hamasyan, est de ceux-là. Il nous propose avec brillance et éclat, une musique qui mêle les mélodies du folklore arménien, les improvisations du jazz instrumental et l’énergie plombée d’une musique rock, proche du heavy metal. Après plusieurs écoutes approfondies, l’effet de surprise s’estompe, le soufflet retombe et le discours de Red Hail nous paraît assez vain, creux et parfois indigeste. Cette grêle rouge de graines de grenadier (ça ne s’invente pas !) nous fait plutôt l’effet d’une douche tiède à faible débit. Tant de talent et tant d’énergie déployée pour arriver à un si maigre résultat, c’est vraiment dommage ! Car ces jeunes gens sont tous d’excellents musiciens, outre les furieux (et toujours mélodiques) chorus de Tigran, on apprécie la fougue du batteur Nate Wood (qui a d’ailleurs produit et mixé l’album : il n’y a rien de mieux que soit même pour mettre en avant un son de batterie !) et le lyrisme du saxophoniste Ben Wodel (surtout au soprano). On remarque aussi les trois apparitions fulgurantes du guitariste Charles Altura aux riffs tranchants comme une lame d’acier trempé. On ne reprochera certainement pas à Tigran Hamasyan de se renouveler en nous proposant un album complètement différent du précédent. On lui reprochera plutôt son manque d’inspiration et de maturité musicale pour oser s’aventurer sur un terrain où il n’a pas grand chose à dire, si ce n’est nous épater par des effets d’esbroufe, clinquants et racoleurs. Il faut bien admettre que le problème réside dans la faiblesse des compositions, noyées dans un gros son où l’on ne retrouve pas la sensibilité, le lyrisme et le talent de compositeur, qu’il déployait dans son précédent album. Nous apprécions tout de même quelques titres, comme Falling, qui met en valeur le formidable jeu de batterie de Nate Wood et surtout, nous retenons le superbe morceau qui ouvre l’album (Shohger Jan), où se mêlent jazz acoustique et folklore arménien dans une belle harmonie et une parfaite osmose, mettant remarquablement en valeur la voix d’Areni Aghabian (en partie par le fait que sur cette chanson, elle a un texte à chanter), un chant, qui sur ce titre, nous fait penser à une mystérieuse voix bulgare. On aurait aimé que Tigran développe les autres morceaux dans l’esprit de ce Shoger Jan. C’est raté pour cette fois-ci, mais nous irons tout de même voir le groupe sur scène défendre ce projet avec, on l’espère, toute l’énergie et la sincérité qu’il est capable de déployer dans le cadre d’un club. Lionel Eskenazi