Deux livres à offrir pour les fêtes, un témoignage d’une période flamboyante du jazà New-York, les années 60-70 sous l’œil de la baronne Pannonica de Koenigswarter, née Rothschild (1913-1988).
La mécène du jazz prenait plaisir à saisir avec son Polaroïd ses amis de la note bleue dans sa maison de Weehawken (New Jersey), dominant Manhattan, mais aussi dans les clubs et en tournée. Qu’importe la qualité de reproduction de ces photos, victimes d’une mauvaise conservation, nous tenons là une immersion dans l’univers des jazzmen d’une rare charge émotionnelle.
Sa petite fille, Nadine, avait publié de manière posthume un ouvrage (« Les musiciens de jazz et leurs trois vœux » . Pannonica de Koenigswater. Editions Buchet Chastel, 2006), présentant 300 témoignages, révélant des personnalités fortes, touchantes, drôles.
A la question "Si on t’accordait trois vœux pouvant se réaliser sur le champ, que souhaiterais-tu ?" Dizzy Gillespie avait répondu : « Ne pas être obligé de jouer pour de l’argent, la paix dans le monde pour toujours et un monde où on n’aurait pas besoin de passeport » tandis que Miles Davis se limitait à un seul vœu « Etre blanc ! ».
La nouvelle édition, augmentée de photos est présentée avec une nouvelle photo de couverture, certes toujours dédiée à Monk, mais où celui apparaît vêtu d’un manteau et d’une toque de fourrure de la Baronne. On y apprend, par la publication d’échanges de courriers datant de 1967, qu’une grande maison d’éditions américaine (Random House) avait refusé la publication de l’ouvrage adressé (textes et photos) par Pannonica, au motif que « Malgré l’intérêt considérable pour le jazz, les livres sur le sujet ne connaissent généralement pas de grand succès ». « Les trois vœux » attendront près de 40 ans avant d’être publiés par un éditeur français.
Buchet-Chastel propose également dans un autre ouvrage, « L’œil de Nica », d’autres photos inédites de Pannonica de Koenigswarter retrouvées dans des malles de la maison de Weekhaven, « Cathouse » où vécut jusqu’à sa mort en 2021 à 92 ans le pianiste Barry Harris.
Dans ce reportage de photos intimes mais jamais indiscrètes, le sujet principal demeure Thelonious Monk qui vécut à Cathouse les dix dernières années de sa vie (1917-1982). Pas moins de 80 photos du pianiste en club, dans la rue, à Weekhaven, avec des copains musiciens, son épouse Nellie, ses enfants. Dans cette galerie de portraits, figurent aussi les stars de l’époque (Billie Holiday, Coleman Hawkins, Sonny Rollins, Bud Powell, Ornette Coleman…) et des dizaines d’inconnus (qui n’ont pu être identifiés, reconnaît l’autrice qui compte sur la mémoire des experts pour y rémédier).
L’intérêt de « L’œil de Nica » tient à ces expressions, ces positions des musiciens, dans l’action de jouer, dans l’inaction du sommeil. « Ce sont des photos de la réalité crue, factuelle, de l’instant volé puis imprimé façon coupure de journal », souligne en préface le pianiste et auteur d’une biographie remarquée de Monk, Laurent de Wilde.
Jean-Louis Lemarchand.
« L’ŒIL DE NICA », Photographies de Pannonica de Koenigswarter. Textes de Nadine de Koenigswarter et Laurent de Wilde. Editions Buchet Chastel. Septembre 2023.
« LES MUSICIENS DE JAZZ ET LEURS TROIS VŒUX », Pannonica de Koenigswater. Préface de Nadine de Koenigswarter. Editions Buchet Chastel. Nouvelle édition augmentée. Septembre 2023.
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