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14 mars 2023 2 14 /03 /mars /2023 17:00

    Samara JOY, Leïla OLIVESI et Diunna GREENLEAF ont capté l’attention lors de la cérémonie le 12 mars au Pan Piper (75011) de remise des prix 2022 de l’Académie du Jazz, la dernière animée par François LACHARME qui transmet, après 18 ans, la présidence de l’association prestigieuse à Jean-Michel PROUST. Preuve que le jazz s’écrit et se pratique de plus en plus au féminin.

    Frôlant l’élection dès le premier tour dans le scrutin intervenu le 8 décembre dernier, la prodige américaine Samara JOY s’est vu remettre le trophée du Prix du JAZZ VOCAL, catégorie où s’était distinguée il y a peu Cecile McLorin Salvant. Souriante, la récente lauréate de deux Grammy Awards pour ‘Linger Awhile’ (Verve-Universal) s’est déclarée touchée par cet hommage français… tout en laissant sur leur faim ses fans qui eussent apprécié une courte prestation vocale (la jeune new-yorkaise de 23 ans venant de donner trois concerts en région parisienne voulait-elle ménager sa voix pour une émission télévisée le lendemain ?).

    Prix DJANGO REINHARDT du meilleur musicien français de l’année, la pianiste-compositrice Leïla OLIVESI ne s’est pas fait prier pour régaler le public des très nombreux professionnels du jazz présents avec deux compositions figurant sur son dernier album (‘ASTRAL’, Attention Fragile). Particulièrement appréciée fut ‘Missing CC Suite’, hommage aux accents ellingtoniens à Claude Carrière, un ami et ancien président de l’Académie disparu voici deux ans exactement. Leïla Olivesi devient ainsi la quatrième jazzwoman depuis 2014 à obtenir cette récompense suprême de l’Académie du Jazz (après Airelle Besson, Cecile McLorin Salvant, Sophie Alour).

 

    Diunna GREENLEAF, lauréate du Prix du BLUES (‘I Ain’t Playing’, Little Village), venue pour l’occasion de Houston, fit monter la tension par un mini-concert de trois chansons clôturant la soirée. Chanteuse généreuse, femme engagée, se passant désormais d’agent pour gérer sa carrière, la texane entonna ainsi avec conviction un tube d’une star du blues (Koko Taylor), ‘Never Trust A Man’.

 

    Il était déjà 22 heures, la cérémonie approchait les 3 heures. Le public avait eu droit à son lot de prestations instrumentales: le groupe de Dany DORIZ-Michel PASTRE (Prix du JAZZ CLASSIQUE), mettant l’ambiance sur des airs d’Illinois Jacquet et Lionel Hampton, le Quintet de Stéphane KERECKI (Prix du DISQUE FRANÇAIS) la grande classe, le tromboniste allemand Nils WOGRAM (Prix du JAZZ EUROPEEN) en duo avec le pianiste BOJAN Z (élégance et sobriété), la jeune formation, très mondiale, de Louis MATUTE (Prix EVIDENCE, nouvelle distinction pour les jeunes talents), un solo virtuose du pianiste espagnol Chano DOMINGUEZ et, délice pour les esthètes, en hommage à Jean-Louis Chautemps (1931-2022), le Quatuor de Saxophones version 2023 avec deux « historiques » de la formation de 1980 (Jacques di Donato et François Jeanneau) rejoints par Jean-Charles Richard et Richard Foy.


    Spécialement en verve pour cet ultime show, François LACHARME avait interviewé les lauréat(e)s présent(e)s, envoyé les vidéos des absents (dont Joshua Redman) et alterné souvenirs et anecdotes évoquant entre autres trois saxophonistes disparus, Marcel Zanini, Wayne Shorter et naturellement Jean-Louis Chautemps, prix Django Reinhardt 1965 (« s’il avait évolué dans les arts plastiques, il aurait été Marcel Duchamp »).

 

Les engagements du nouveau président

 

    L’heure était venue de tirer sa révérence et de présenter son successeur - élu par un bureau renouvelé de dix membres et féminisé (grâce à Nathalie PIOLE, France Musique, et Alice LECLERCQ, Jazz News) - Jean-Michel PROUST, saxophoniste et directeur artistique de festivals (Jazz au Phare à Ré, et Paris Guitar Festival à Montrouge).

 

    Après des remerciements appuyés à François LACHARME réélu à deux reprises, le cinquième président de l’histoire de l’Académie du Jazz fondée en 1955 (André Hodeir, Maurice Cullaz, Claude Carrière) s’est fixé trois objectifs pour les 5 ans à venir : la transmission, la vulgarisation et la glorification du jazz.

 

    « Le mot jazz, ne nous le cachons pas, a lancé le nouveau président, n’est plus très à la mode. Il n’exprime plus quelque chose de concret pour les nouvelles générations. L’Académie, forte de 60 membres, experts affûtés, va travailler sans relâche pour soutenir les musiciens de jazz de toutes générations, renforcer son engagement envers la diversité et l'inclusion dans notre genre musical, et à mettre en œuvre des stratégies visant à faire du jazz une partie encore plus importante de la vie culturelle de notre pays. »

 

Jean-Louis Lemarchand.
(Membre du bureau de l’Académie du Jazz)

 

 

 

 

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12 décembre 2022 1 12 /12 /décembre /2022 23:13

Une très belle soirée se tenait le 10 décembre au studio 104 de la Maison de la Radio (et de la Musique). Le contrebassiste Michel Benita présentait son quartette ‘Looking at Sounds’ (avec lequel il a enregistré pour ECM en 2019 un CD éponyme), et l’Orchestre National de Jazz donnait, en création ‘mondiale’, son nouveau répertoire ‘Frame by Frame’, inspiré par le rock progressif et la pop expérimentale : des musiques surgies à la toute fin des années 60 et au début des années 70.

MICHEL BENITA«LOOKING AT SOUNDS»
Matthieu Michel (bugle), Jozef Dumoulin (piano électrique, électronique), Michel Benita (contrebasse), Philippe ‘Pipon’ Garcia (batterie, électronique)

Paris, Maison de la Radio, studio 104, 10 décembre 2022, 19h30

Le groupe a joué pour nous une partie du répertoire de son disque. La tonalité générale est celle d’une musique mélancolique, mais sous-tendue par une véritable effervescence musicale : un jeu de batterie qui attise les tensions, que ce soit à mains nues, aux balais ou aux baguettes ; une partie de clavier très enveloppée d’effets électroniques qui métamorphosent en permanence l’habituelle sonorité de l’instrument ; un jeu de contrebasse qui engage, expose, indique et se déploie dans certaines séquences ; et en surplomb la sonorité, l’expressivité, la profonde musicalité du bugle. Bref tous les ingrédients d’un beau moment de musique, entre intensité et infinies nuances.

 

ORCHESTRE NATIONAL DE JAZZ «FRAME BY FRAME»

Frédéric Maurin (direction)

Quentin Coppalle (flûte, flûte alto, piccolo), Catherine Delaunay (clarinette), Jean-Michel Couchet (saxophones alto & soprano, clarinette basse), Julien Soro (saxophone ténor, clarinette), Fabien Norbert é Sylvain Bardiau (trompettes & bugles), Daniel Zimmermann & Jessica Simon (trombones), Mathilde Fèvre & Astrid Yamada (cors), Fanny Meteier (tuba), Frédérice Maurin (guitare), Bruno Ruder (piano électrique & synthétiseur), Stéphan Caracci (vibraphone, marimba, autres percussions, synthétiseur), Sarah Murcia (contrebasse, voix, synthétiseur), Raphaël Koerner (batterie)

Airelle Besson, Sylvaine Hélary, Sarah Murcia, Frédéric Maurin (arrangements)
Paris, Maison de la Radio, studio 104, 10 décembre 2022, 20h50

 

Les musiques sont empruntées aux groupes King Crimson (4 titres), Henry Cow, Genesis et Pink Floyd. Pour l’amateur chenu que je suis, bercé de jazz et de musique classique depuis l’enfance, qui entre 1967 et le milieu des années 70 ne possédait, côté rock et pop expérimentale, que des disques de ces groupes (sauf Genesis, que je trouvais trop ‘pompier’ ; et je n’avais pas de disques de Yes, qui ne figure pas à ce programme, pour la même raison). Et j’avais de surcroît une passion pour Soft Machine : pour moi donc ce programme est en lui-même une promesse. Exaucée au-delà de mes attentes, par la qualité des arrangements (l’apport des cuivres, et notamment des cors, qui donnent à ces musiques une couleur renouvelée), par les formes très libres, par la verve des solistes, et l’engagement de tout l’orchestre dans cette aventure hors-norme. L’une des principales réussite des arrangements est précisément d’avoir su restituer l’expressivité massive et appuyée des certains des thèmes tout en évitant le pompiérisme auquel a parfois succombé des courants du rock qui affichaient de grandes ambitions musicales. Pur plaisir donc, pour le mélomane jazzophile (mais pas que….). Vérification pour cette partie du concert sur France Musique le 7 janvier 2023, dans l’émission ‘Jazz Club’. Une bonne partie du programme de l’ONJ y sera diffusée. Quant au groupe de Michel Benita, il sera diffusé ultérieurement sur France Musique.

Xavier Prévost

.

L’ONJ donnera à nouveau ce programme le 11 janvier à Nantes (Pannonica, Salle Paul Fort), le 10 février au Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines, et le 7 mars à Paris, Théâtre du Châtelet (Festival ‘Le Châtelet fait son jazz’)

 

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13 septembre 2022 2 13 /09 /septembre /2022 19:39

 Quand Godard engageait Solal…

 

    Sur les conseils de Jean-Pierre Melville, Jean-Luc Godard confia la bande-son d’A bout de souffle en 1959 à un jeune compositeur (même s’il était son aîné de quatre ans), Martial Solal.

 

    La musique contribua largement au succès de ce film vite devenu culte et monument de la Nouvelle vague signé d’un réalisateur qui restera jusqu’à ses dernières œuvres un artiste marginal.

   

Jean-Luc Godard, disparu ce 13 septembre dans sa terre natale helvétique à 91 ans, ne fera pourtant pas à nouveau appel à Martial Solal. Pour le pianiste, qui vient de fêter ses 95 ans, A bout de souffle marquera une étape déterminante dans sa carrière : « C’est comme si j’avais gagné au loto.Ma musique était peut être singulière, elle a correspondu au film et d’autres propositions m’ont été faites. »


    Martial Solal eut ainsi l’occasion d’écrire la musique de Léon Morin prêtre (Jean Pierre Melville,1961) et Échappement libre (Jean Becker,1964), deux longs métrages qui mettent en vedette le héros d’A bout de souffle, Jean-Paul Belmondo.

 

Jean Louis Lemarchand.

 

©photo X. (D.R.)

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5 mars 2022 6 05 /03 /mars /2022 17:29

Peace ! En choisissant de jouer avec le pianiste Mario Canonge cette composition d’Horace Silver, le saxophoniste Thomas de Pourquery, tout juste couronné du prix Django Reinhardt 2021 de l’Académie du Jazz, a clairement affiché ce 3 mars au soir au Pan Piper (75011) devant la communauté du jazz réunie à cette occasion sa solidarité avec le peuple ukrainien victime de l’invasion militaire russe. Ce message humaniste au huitième jour de la guerre prit aussi la forme d’une brève déclaration en faveur de la liberté émise par un artiste atypique « tout étonné d’être là » et proposant, selon ses propres termes « une musique chelou ».

L’autre temps fort de cette cérémonie fut la lecture du message d’un autre lauréat du plus prestigieux prix de cette association fondée en 1954, Martial Solal, élu 1955 (diplôme remis alors par Jean Cocteau). Le pianiste a décroché le Grand Prix de l’Académie du Jazz (meilleur disque de l’année) pour « Coming Yesterday-Live at Salle Gaveau 2019 » (Challenge/DistrArt Musique), son tout dernier et ultime concert à 91 printemps.


« Il me faut tout de même vous dire combien cette récompense me touche, écrit le compositeur interprète dans ce texte lu par François Lacharme, président de l’Académie. Elle est la preuve que j’ai fait correctement mon travail, un travail difficile, un métier de passion mais aussi de compétition, d’embûches, de critiques, un métier que j’ai commencé dans les pires conditions avant de le terminer à Gaveau, peut-être la plus belle scène pour les pianistes, et qui se conclut par un trophée ô combien enviable, le Grand prix de notre académie ».

Diverses prestations musicales ont rythmé cette soirée, assurées notamment par Stéphane Belmondo au bugle (prix du disque français) dans un duo avec le guitariste Sylvain Luc, Laurent Mignard dans une formation réduite de son Duke Orchestra (prix du jazz classique) où brillèrent la clarinettiste Aurélie Tropez et une découverte pour beaucoup, l’harmoniciste Rachelle Plas, ou encore le trompettiste-bugliste suisse Matthieu Michel (prix du musicien européen) dans une version sensible de La Javanaise.

La surprise était aussi au rendez-vous sur scène avec un joueur de cymbalum, Marius Preda, artiste roumain installé en Californie et professant aux Pays-Bas qui présenta deux œuvres d’Oscar Peterson et Charles Mingus. Quelques notes de musique aussi dans les vidéos envoyées par les lauréat(e)s absentes sur scène : la chanteuse Veronica Swift (prix du Jazz Vocal) -promise, qui sait, à la renommée de la plateforme de messagerie bancaire éponyme- captée au Blue Note de New-York ou encore Robert Finley, vétéran sexagénaire couronné pour son troisième album (prix soul) avec un solo a cappella.

Séquence émotion et patrimoine enfin en deux temps : le prix du Livre décerné à Ludovic Florin pour une biographie de Chick Corea, disparu l’an passé et un hommage rendu par François Lacharme à son prédécesseur décédé en février 2021, Claude Carrière. Chacun pourra à ce sujet lire le texte touchant, instructif et drôle signé de son complice d’un quart de siècle à Jazz Club, Jean Delmas, et disponible sur le site de l’Académie du Jazz.

Gardienne des valeurs du jazz, l’Académie se veut à l’écoute des tendances actuelles. Un nouveau prix, baptisé Evidence, va enrichir prochainement le palmarès, a-t-il été annoncé. Il aura pour vocation de récompenser un album français ou étranger d’un(e) artiste ou d’un groupe en développement, qui se singularise par sa charge créative, sa qualité d’exécution, sa musicalité et de sortir une « pépite » de l’anonymat .

 

Jean-Louis Lemarchand (membre de l’Académie du Jazz).

 


 


 

(1)    Le prix Django Reinhardt bénéficie du soutien de la Fondation BNP Paribas avec une allocation de trois mille euros.
(2)    Le lecteur pourra retrouver sur ce même site la chronique de l’album de Martial Solal et un entretien avec Lionel Belmondo, co-leader du Belmondo quintet.
(3)    L’intégralité du message de Martial Solal est disponible sur la page Facebook de l’Académie du Jazz.

 

©photo Philippe Marchin & Jean-Louis Lemarchand.

 

 

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5 mars 2022 6 05 /03 /mars /2022 14:59

Mardi 8 mars, 14h, à l'Hôtel Drouot, Vente aux enchères d'œuvres graphiques d'ANDRÉ FRANCIS

117 lots. Exposition le lundi 7 mars de 11h à 18h, et le mardi 8 mars de 11h à 12h. Magnin-Wedry commissaires-priseurs

https://www.mw-encheres.com/lot/121653/17391890?offset=50

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18 décembre 2021 6 18 /12 /décembre /2021 15:44

Grand Prix Jazz

Edward Perraud « Hors Temps » (Label Bleu / l'autre distribution)

 

Grand Prix Blues & Soul

Cedric Burnside : "I Be Trying" (Single Lock/Modulor)

 

Prix in honorem Jazz, Blues & Soul

Bruce Iglauer, fondateur d'Alligator, le label indépendant qui porte haut les couleurs du blues depuis 50 ans, à l'occasion de la parution de "50 Years of Genuine Houserockin' Music" (Alligator/Socadisc)

 

Coups de cœur Jazz

Airelle Besson « Try » (Papillon Jaune / l'autre distribution)

Vijay Iyer-Linda May Han Oh-Tyshawn Sorey « Uneasy » (ECM / Universal)

Samara Joy « Samara Joy » (Whirlwind Recordings / Bertus )

Vincent Lê Quang « Everlasting » (La Buissonne / PIAS)

Pierrick Pédron « Fifty-Fifty » (Gazebo / l'autre distribution)

Edward Perraud « Hors Temps » (Label Bleu / l'autre distribution)

Léon Phal « Dust to Stars » (Kyudo Records / l'autre distribution)

Veronica Swift « This Bitter Earth » (Mack Avenue / PIAS)

Umlaut Big Band « Mary’s Ideas » (Umlaut Records / l'autre distribution)

Louis Winsberg Trio « Temps réel » (Gemini Records / Absilone)

 

Coups de cœur Blues & Soul

Cedric Burnside : "I Be Trying" (Single Lock / Modulor)

Eddie 9V : "Little Black Flies" (Ruf / Socadisc)

Robert Finley : "Sharecropper's Son" (Easy Eye Sound / Bertus)

 

Ont participé aux votes

Commission Blues & Soul

Joe Farmer, Stéphane Koechlin, Jacques Périn, Jean-Michel Proust & Nicolas Teurnier

Commission Jazz

Philippe Carles, Alex Dutilh, Alice Leclercq, Arnaud Merlin, Nathalie Piolé, Xavier Prévost, Jean-Michel Proust & Daniel Yvinek

.

 

Sur le site de l'Académie Charles Cros, le palmarès Jazz, Blues & Soul 2021, avec présentation des disques par les membres du groupe Jazz, Blues & Soul

http://www.charlescros.org/Palmares-2021

http://www.charlescros.org/Selection-Jazz-Blues-Soul-2021 

http://www.charlescros.org/Selection-Jazz-Blues-Soul-2021

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16 décembre 2021 4 16 /12 /décembre /2021 09:36

Vendredi 17 décembre, à 18h, dans Open Jazz sur France Musique

PALMARÈS Jazz, Blues et Soul 2021 de l'ACADÉMIE CHARLES CROS

Les Coups de Cœur Jazz, Blues et Soul, ainsi que les Grands Prix, et le Prix in honorem, décernés dans ces catégories, seront proclamés le vendredi 17 décembre à 18h, sur France Musique, dans l'émission Open Jazz d'Alex Dutilh https://www.francemusique.fr/emissions/open-jazz/academie-charles-cros-les-coups-de-coeur-jazz-et-blues-2021

10 Coups de cœur Jazz, 3 Coups de cœur Blues & Soul, parmi lequels ont été choisis un Grand Prix Jazz et un Grand Prix Blues & Soul.

Et aussi un Prix in honorem, décerné cette année au fondateur d'un label indépendant

 

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9 décembre 2021 4 09 /12 /décembre /2021 18:18

Avec un peu d’avance sur le calendrier, le Sunset engagera ce 17 décembre les festivités de son 40 ème anniversaire avec une programmation ouverte et diverse, signature de la ligne artistique du club de la Rue des Lombards, devenue au fil des ans l’équivalent parisien de la 52 ème rue de New York à la belle époque.

La date de naissance exacte de ce temple du jazz reste inconnue mais c’était bien en 1982, assurent Stéphane Portet, actuel « boss » du club, et son père, le fondateur, Jean-Marc. Pianiste renommé, spécialement apprécié des vocalistes, Olivier Hutman, fut l’un des premiers à se produire au Sunset, alors réputé pour promouvoir le jazz-rock et la fusion.
 
Avec l’arrivée en 1993 à la direction artistique de Stéphane Portet, l’offre musicale s’élargit à tous les courants du jazz, désormais proposés sur deux scènes à la même adresse (60, rue des Lombards) Aujourd’hui, ce sont plus de 750 concerts qui sont programmés par an pour une fréquentation  évaluée à plus de 60.000 passionnés.

 

Quand on l’interroge, Stéphane Portet cite d’entrée de jeu Didier Lockwood (1956-2018) comme « le musicien qui a le plus marqué l’histoire du club », tenant la scène jusqu’à un mois d’affilée dans des formations et des styles différents. Mais le Sunset-Sunside tire aussi sa fierté de consacrer 80 % de sa programmation à des artistes français. Des jazz(wo)men qui seront à l’affiche dès le 17 décembre pour souffler avec anticipation les 40 bougies du club que ce soit des habitués des lieux (les frères Belmondo, Aldo Romano, Géraldine Laurent, Pierrick Pedron, Laurent de Wilde…) ou des nouvelles voix du jazz vocal (Camille Bertault, Cécile Recchia, Estelle Perrault…), aux côtés de confrères européens (Stefano di Battista, Giovanni Mirabassi) ou américains (Eddie Henderson, Jorge Rossy, Leon Parker…).

Le Sunset-Sunside, qui a comme beaucoup de clubs subi le choc du Covid 19 (une année de fermeture), se prépare à fêter comme il se doit ses 40 ans en 2022 avec un concert au voisin Théâtre du Châtelet (le 28 janvier) proposant quelques pointures : David El Malek, Etienne MBappé, Rhoda Scott et son Lady All stars, Jacky Terrasson, Jean-Jacques Milteau, Yaron Herman, Sylvain Luc et Stéphane Belmondo.

 

Jean-Louis Lemarchand

 

Sunset


©shot Jean-Baptiste Millot

 

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11 novembre 2021 4 11 /11 /novembre /2021 16:36
DJAZZ NEVERS : Fin de partie réussie à Nevers...

Troisième et dernière journée de mon premier festival Djazz Nevers, où il faut tenir le rythme qui s’amplifiera encore en fin de semaine quand je serai partie vers de nouvelles aventures musicales. Mais j’aurai connu un final enthousiasmant...

 

CLOVER, 12h 30 à la Maison.

 

Chaque fois que j’entre dans une maison de la culture, je repense au premier Ministre des Affaires culturelles, André Malraux qui eut l’idée en 1961 de ces “modernes cathédrales, religion en moins”. Je découvre ainsi celle de Nevers, sur les bords de Loire, devenue La MAISON, pour le premier concert du jour. Ce sera Clover du “trio Yolk” ou Triolk, à savoir les fondateurs de ce label indé, exemplaire d’une démarche reconnue, respectée et respectable, fondé il y a près de vingt ans par le saxophoniste Alban Darche, le contrebassiste Sébastien Boisseau et le tromboniste Jean-Louis Pommier.

Ils semblent toujours avoir le même plaisir à se retrouver, à partager. Une complicité originale et exigeante dont chaque nouvel échange complète le tableau de leurs variations en série. Quelle délicatesse dans le travail de de ces amis de longue date, dynamiques entrepreneurs et porteurs de projets, leaders de formations étoffées comme le Gros Cube, LPT3, Unit...

Tous trois n’ont cessé de jouer collectif tout en s’aménageant un parcours individuel original. Avec le souci d’un véritable engagement pour faire connaître la musique à des publics variés-le trio tourne ici devant des publics scolaires pendant le festival, conscient de l’importance de la transmission. Ils ont toujours eu aussi le souci de garder le contrôle de leur travail. Cela semble anecdotique mais cela ne l’est pas tant que ça, Sébastien Boisseau lutte depuis des années contre la SNCF qui s’obstine à taxer dans les TGV les instruments VOLUMINEUX, et en particulier les contrebasses, oubliant que les clients les plus fidèles, captifs certes, mais “grands voyageurs” sont ...les musiciens.

Faire un pas de côté, réfléchir, “dire non” ce qui est aussi une façon de revenir à la vie, à l’envie. Ce nouveau trio qui les rapproche encore un peu plus, leur donne la possibilité de se retrouver au sens musical, de jouer une carte plus intime, les isolant dans une complicité heureuse. Espérons que ce trèfle leur portera chance dans ce programme logiquement intitulé Vert émeraude. “China pop”, “Le chemin vertueux”, “Snake” seront mes morceaux choisis. La douceur est une dynamique qui porte la vie, elle peut être une résistance à l’oppression politique, sociale, psychique, un combat contre le cynisme actuel.

Un jazz chambré poétique, entre improvisation impressionniste et puissance organique. La petite salle est un écrin parfait pour cette musique de l’instant, grave et doucement élégiaque parfois, quand on voit échapper ce qu’on ne reverra plus. La musique de cet ensemble parfaitement équilatéral se déguste pourvu qu’on prenne le loisir de se laisser aller à autre chose que la précipitation: une conversation triangulaire subtile sans le moindre cliché, avec cette élégance dans la persistance même de l’échange, toujours rebattu. Chacun donne la pleine mesure de son talent, dans une clarté d’articulation, de phrasé par des perfectionnistes du trait. Avec une confondante aisance, le trio navigue d’atmosphères feutrées à d’autres plus éclatantes, parfois au sein de la même composition souvent de la patte d’Alban Darche mais j’ai retenu “Où sont les oiseaux?" du contrebassiste.

Une musique qui respire, affranchie, sans éclats mais tendre, à l’image de ces compagnons de la musique.

 

 

VLADIMIR TORRES TRIO 18h30, La Maison

 

Une formation régionale car le festival de Roger Fontanel aime aussi encourager les groupes émergents, favoriser la création “au pays”, aurait-on dit avant, aider au développement “durable” du territoire. Sans oublier d’intégrer une dimension européenne cette année tout particulièrement, ne prenant pas le risque d’inviter des Américains par exemple, pandémie oblige.

Le contrebassiste franc-comtois d’ascendance hispanique a de l’expérience même si je le découvre aujourd’hui, construisant des compositions alertes d’ une efficacité notables Percussif en diable, expansionniste sur le clavier, tel est le pianiste Martin Schiffmann. Un peu démonstratifs et en cela, moins convaincants, malgré leur enthousiasme, ces musiciens vivent leur concert avec un engagement impressionnant (quelle fougue du batteur Tom Moretti) qui plait au public. C’est peut être cela l’essentiel après tout.

 

My MOTHER IS A FISH. SARAH MURCIA

21h00 THEATRE MUNICIPAL

Sarah Murcia conception et musiques

Fanny de Chaillé mise en scène/ Luc Jenny lumières/Sylvain Thévenard son

 

La soirée va se poursuivre avec un autre spectacle “intégral” qui rejoint, en un sens, le concert total de dimanche, l’ Oakland de Vincent Courtois et Pierre Baux.

La contrebassiste et chanteuse Sarah Murcia a travaillé obsessionnellement à son adaptation du Tandis que j’agonise de William Faulkner, magnifiquement traduit d'As I lay dying  par le grand “’inventeur” de Faulkner en France, Maurice Edgar Coindreau.  Cette oeuvre de “jeunesse” de 1930 que l'auteur qualifie de “son meilleur roman”, est “un tour de force. Je l’ai écrit en six semaines, sans changer un seul mot parce que dès le début je savais où j’allais”.

Il n’en va pas de même pour le lecteur que la densité d’une narration discontinue, qui plus est, égare facilement. Une histoire simple pourtant qui consiste à aller d’un point A à un point B mais le récit est marqué  par une chronologie volontiers bouleversée. Après Henry James et James Joyce, la question du point de vue des personnages importe. Voilà bien une machine à lire et à projeter la pensée, dit Larbaud dans sa préface de l’édition française initiale de 1934.

 Si l’intrigue est simple, la narration complique à loisir puisque l’on croise les monologues intérieurs des personnages, il y en a quinze tout de même, tous pris en charge en français et dans la langue originale par l’Américain Mark Tompkins, longiligne figure entre Beckett et Nosferatu, voix sépulcrale avec quelques inflexions décadentes à la Bowie quand il chante. 

 Pour faire vite, dans la famille Bundren, présentons les fils : Darl, le fou qui finira à l'asile -il y a  toujours un “innocent” dans les romans faulknériens,  Cash qui est en charge du cercueil, va chercher les planches, les scie et les cloue avant de se casser une jambe que l’on arrose de ciment (!) pour la consolider, la seule fille, Dewey Dell enceinte qui veut avorter. Les deux frères Darl et Jewel ( ou “joyau”, le préféré de la mère dont on finit par comprendre qu’il est le fruit d’une liaison illégitime avec … le pasteur Whitfield) veulent livrer en ville avant le départ du chariot.

Mais une fois pris dans ses filets, comme le poisson que pêche le plus jeune fils, Vardaman, qu’il confond avec sa mère, ce qui explique le titre choisi My mother is a fish ( un sous-titre possible du roman?), le lecteur, et nous ce soir,  n’en sortiront pas indemnes. Sarah Murcia n’hésite pas à se mettre en danger, car Faulkner, c’est un peu une grenade que l’on dégoupille, tant cet univers poisseux du Deep south, ces vies déglinguées de “white trash”, plutôt sordides, peuvent résister à l’interprétation-on le voit avec le cinéma américain qui s’en est emparé avec plus ou moins de bonheur. 

L’économie de la réalisation qui facilite la lisibilité de cette adaptation est remarquable. L'attention ne faiblit pas durant toute la durée du concert qui file plus vite assurément que la carriole de la famille Bundren qui emporte le corps d’Addie, la mère, jusqu’à Jefferson, où elle souhaite reposer près des siens. La route ne sera pas sans encombre, les éléments se mettant en travers du convoi, les ponts successivement détruits par de violentes crues, un des fléaux de cette partie du pays, oubliée des dieux. Il n’y a pas que l’eau sombre et violente, le feu purificateur intervient aussi dans une grange (Faulkner reprendra d’ailleurs cette idée dans une nouvelle “Barns”) mais la dépouille  échappe aux flammes.

 

 

La force de la reconstitution séduit, éclairant l’aspect organique du texte et de la musique également, en abordant les thèmes de la vie et de la mort, de la folie, du langage. De même que l’on navigue entre l’horizontalité de la route et du cercueil entre ses planches, la verticalité caractérise Anse, le père pour qui comptent “la maison, les hommes, les pieds de maïs”. Parce que si ç’avait été Son idée que l’homme soit toujours en mouvement;... est-ce qu’Il ne l’aurait pas fait allongé sur son ventre comme un serpent?

 

Lors des rituelles rencontres au foyer, après le spectacle, Sarah Murcia nous confie son mode opératoire, elle a presque tout lu de cet écrivain “cérébral plus encore qu’ intellectuel”. Après plusieurs lectures attentives du roman, elle l’a découpé, créant des “boîtes à thèmes” dans lesquelles elle a glissé des phrases entières, fragments,  bouts coupés pour créer de vraies chansons avec couplets et refrains, en anglais avec les mots de l’écrivain. Tout est dans le texte, nous répétera-t-elle plusieurs fois mais il faut aller le chercher. Les deux langues, là encore, se mêlent harmonieusement mais la chanteuse a pris soin de “traduire” l’intrigue au fur et à mesure pour le public français.

La scénographie est d’une grande clarté, le nom des différents protagonistes apparaissant sur le fond d’écran lors de chaque scène. Les instrumentistes sont aussi partie prenante du décor et aident aux didascalies, indications scéniques. Olivier Py dessine à la craie sur une ardoise un schéma récapitulatif qui, une fois projeté, aide à la compréhension de la pièce.

 Ce passage que représente ce voyage est habité par le chant véhément de Sarah et sa musique volontiers furieuse : interventions aux machines de Benoît Delbecq, toujours en place,

 embardées rock ( plus encore que punk pour moi) de Gilles Coronado que rejoint au sax un fougueux Olivier Py que rien ne bouscule, même pas son vieux complice de Franck Vaillant,  impérial derrière sa batterie de cuisine où il mitonne un ragoût explosif. Le casting, on le voit est aux petits oignons, de fortes personnalités qui s’entendent comme larrons en foire et servent dignement le travail de la chef qui avouera en riant que si elle est tyrannique avec eux, ils ne lui obéissent guère.

Après un tel moment d'émotion, soulignons une fois encore les choix artistiques de cette programmation qui donnent envie (et pas seulement à moi) de reprendre avec Oakland et My mother is a fish, deux des grands romans de la littérature américaine...

Photos de MAXIM FRANCOIS.

 

Sophie Chambon

 

 

 

 

 

 

 

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10 novembre 2021 3 10 /11 /novembre /2021 06:47
Djazz Nevers : entrons dans la danse...

DJAZZ NEVERS : entrons dans la danse

Lundi 8 novembre, une folle journée

 

Les choses sérieuses commencent : trois concerts aujourd’hui, soit le rythme habituel du festival qui dure une semaine du 6 au 13 novembre. Le public est présent, répondant à l’appel, heureux de cette reprise après l’année blanche de la pandémie.

Commencer un concert à midi un lundi, ça il ne l’avait jamais fait, nous confie le vibraphoniste Franck Tortiller en présentant son duo avec le guitariste Misja Fitzgerald MichelLes Heures propices  est un titre tout à fait indiqué, référence à Lamartine qu’il cite en Bourguignon chauvin et ...sudiste, lui qui vient de Saône et Loire, titillant volontiers les Nivernais ou Neversois.

C’est en effet l’heure exquise pour nous griser de mélodies folk et pop des seventies, période qu’affectionne l’ ancien directeur de l’ONJ 2005, au programme provocateur : rien moins qu’ un hommage au flamboyant Led Zep, l’apocalypse en neuf disques qui avait fait bondir les puristes, mais aussi les adorateurs du culte qui voyaient d’un oeil noir les jazzmen venir troubler leur grand messe, oubliant que la musique du Zeppelin est un alliage absolu de blues irrigué de sauvages envolées free sonnantes. On rappellera une fois encore que le jazz n’est pas lié à un matériau spécifique, mais qu’il réside surtout dans la manière de jouer. Démonstration réussie avec le duo, un “sans faute” avec un son naturel, qui plus est.

 

 

Misja Fitzgerald Michel tourne dans des contextes différents, des formations qui lui permettent de pratiquer avec aisance une gymnastique totalement acrobatique, un grand écart des formes. Tout réside souvent dans des changements d’accords, de tons, avec des phrases complexes, de longs développements quand il choruse. Ce qui n’enlève rien à la finesse de l’ensemble. Misja célèbre la guitare plurielle sur sa guitare folk. Avec Franck Tortiller, il connaissent les chansons, les reprennent parce qu’ils les aiment tous deux et nous les font découvrir autrement. C’est en entendant son album Time of no reply, une reprise du chanteur poète Nick Drake, troubadour disparu trop tôt en 1974 que Franck Tortiller eut l’idée d’un projet commun. Le vibraphoniste a fait un travail remarquablement affûté sur les arrangements de “standards”. On ne dira jamais assez à quel point il est intéressant d’exercer son talent sur des mélodies qui ont fait leur preuve. Il privilégie une recherche constante de dynamiques, adaptant les couleurs et timbres de la guitare et du vibraphone, un alliage inusité, fusion des cordes et du métal teintée d’un éclat particulier.

 

Le duo donne ainsi des versions inattendues de thèmes venus d’univers musicaux pour le moins séparés, les chevaux de bataille de “Bemsha Swing” (T.S Monk) et “Segment” (Charlie Parker), “Redemption Song” de Marley, “Little Wing” d’Hendrix, ou le délicat “Guinnevere” du trio aux harmonies vocales cristallines, Crosby Stills Nash (sans Young ) à Woodstock. Il ajoute “Air Love and Vitamins” d’ Harry Pepl, devenu un hymne pour les musiciens autrichiens, se souvenant de son passage au sein du Vienna Art Orchestra, exhume Jim Pepper, pionnier du jazz fusion, saxophoniste “native” de la tribu des Kaw dans l’Oregon avec sa composition “Witchi Tai”, maintes fois reprise.

Comment rendre le ballet des mailloches sur les lames, la fluidité virtuose, la vitalité bluffante de  Tortiller? Son enthousiasme à jouer n’a d’égal que son expertise sur le vin et les cépages bourguignons du chardonnay et de l’aligoté qu’il aime à célébrer alors que nous sommes ici en terre de sauvignon! D’ailleurs, le duo termine sur une composition de son cru, “le Clos des Corvées” élevé à Couches, à la maison! A ses côtés, flegmatique, ce grand escogriffe de guitariste joue rythmique avec le plus grand sérieux quand il faut soutenir les envolées rebondissantes de son partenaire mais sait aussi changer de rôle et mener la danse dans de longues échappées.

L’esprit de ses musiques est conservé, mais transposé et le duo parvient à unifier l’ensemble et à le jazzifier quelque peu. Un répertoire rendu original en quelque sorte et qui pourtant réveille une nostalgie bienheureuse. C’est toute la grâce de ce festival pointu du réseau AJC, que de faire découvrir des choses rares, de programmer des concerts que l’on n’ entendra plus dans les grosses machines estivales.

 

Changement de décor et de style avec le deuxième concert à 18h30, au Café Charbon, salle de musiques actuelles qui fête son inauguration après de grandes transformations, en accueillant le quartet du tromboniste Daniel Zimmermann dans Dichotomie’s. J’ai toujours suivi ce musicien dans ses aventures, ne pouvant oublier que j’ai assisté à l’émergence du jeune tromboniste, dès son premier album plutôt déjanté des Spicebones, il y a vingt ans.

Ce concert est absolument stupéfiant dans l’instrumentation mais aussi dans le choix de chacun des musiciens de cette bande. Ils ne sont que quatre mais ils déménagent comme un grand orchestre. Le batteur Franck Vaillant au look improbable est un bâton de dynamite allumé quelques secondes avant explosion, imprévisible et étonnamment fiable, toujours juste dans sa recherche de sons et textures. Démentiel dans sa découpe rythmique, il allume la mèche  (Benzin était son nom), totalement réglé dans son dérèglement, droit sur son tabouret, aux commandes d’un set de batterie monstrueux qu’il doit démonter en un temps aussi long que le concert. Une folie certaine en un sens, une force comique irrésistible, cartoonesque, quand il est lancé à un train d’enfer. Personne ne se regarde dans ce groupe  mais chacun sait ce qu’il a à faire.

Le saxophoniste basse, en charge d’un engin impressionnant, Gérard Chevillon qui remplace magnifiquement Rémi Sciutto, fait entendre son chant obstiné, ostinato qui enclenche à lui seul une transe. Daniel Zimmermann eut d’abord l’idée de remplacer la basse par un tuba puis se ravisant, pensa au saxophone basse. L’effet est plus que concluant: soutien du groupe, il est sa colonne vertébrale, mais reste très musical quand il prend un solo.

Le pianiste Benoît Delbecq vit sa vie de son côté, sound designer sur tous ses dispositifs, ses pads de batterie ne marchant pas toujours au démarrage, un dérèglement toujours possible dans l’horlogerie de ses machines.

Ce serait Daniel Zimmermann qui jouerait de la façon la plus sobre, si ce qualificatif ne paraissait déplacé pour ce groupe, avec les sourdines habituelles, la plunger et la mute qu’il colle au micro pour absorber au mieux le son et une pédale wah wah du meilleur effet. Quand on aime le trombone souple, gouleyant, moelleux même, si proche de la voix, aux graves profonds, on apprécie son jeu mélodique.

Comment comprendre le titre du programme ? Désir de laisser affleurer les champs du possible, de réunir les contraires, de se déplacer dans l’hyper texte de la musique en traversant les strates de sens, dérégler quand cela sonne trop juste, détourner, faire exploser les idées reçues. Mettre un peu de trouble…

Le leader présente chaque compo, annonçant avec un humour ravageur la fin du monde, de notre monde, et son ironie fustige les méfaits de notre société, cherchant à réveiller notre culpabilité. Le jour d’après” est un titre trouvé avant le confinement, “My Sweet New Zealand Bunker” ou l’évasion des plus riches, “Toad Buffalo Courtship Dance”, la danse grotesque du crapaud buffle amoureux, “Vieux Robot” ou comment on finit totalement déglingué. Et dans ce monde qui a perdu la raison, un miracle se produit, une chanson d’amour, "Little Sun”, le groupe se calme à notre plus grande surprise et cela sonne drôlement beau, juste et doux. Delbecq joue seulement du piano, Zimmermann veille sur son équipage et nous berce voluptueusement, le sax basse  ronronne d’aise et Vaillant se cale et ralentit le tempo.

Pour le dernier spectacle de la soirée, on revient au Théâtre avec la troupe de la pianiste Eve Risser qui présente son projet Eurytmia. Ce soir l’africanité a débarqué dans les ors et les rouges du théâtre classique à l’italienne. Le jazz venu d’Amérique, s’il revendiquait ses racines africaines, n’a pas grand chose à voir avec la musique malienne. Mais la compositrice chef de troupe endosse la responsabilité et tente la rencontre musicale, en une fusion fertile.

Eve Risser que l’on a découvert avec l’ONJ de Daniel Yvinec (2009-2013) a multiplié les projets les plus innovants depuis cette rampe de lancement. Des projets mixtes à tous les sens, dans la composition des formations et dans l’exploration de terres à défricher. Le choc sismique, elle l’ a ressenti en voyageant en Afrique de l’ouest et en découvrant des musiques, une manière d'être et de jouer, un autre temps et tempo.

Après le White Desert Orchestra qui entraînait vers les déserts blancs, les étendues de neige, de glace et de roches du Grand Nord, souvenir de la Norvège où elle a vécu, avec des paysages qui continuent à la poursuivre, puisqu’elle s’est installée dans les Vosges dans un coin qui les lui rappelle, nous confiera t-elle. Une abstraction blanche, une exploration géomorphologique où le jazz, le contemporain, le classique se glissaient dans les failles et autres anfractuosités de la roche. Une partition exigeante pour des musiciens aguerris qui peuvent aller du swing au hip hop sans crainte de l’écart.

Le deuxième volet, en miroir, Red Desert Orchestra, voit défiler d’autres déserts, les rouges étendues de latérite de l’Afrique de l’Ouest, du pays mandingue. Une introspection au coeur de ces terres qu’Eve Risser entend explorer, ces strates qu’elle dégage et fait surgir, obsédée par le “creusement”. 

Le Red Desert Orchestra a deux programmes: Kogoba Basigui, grand format de seize musiciens et musiciennes, neuf instrumentistes européens et les sept musiciennes très engagées du Kaladjula Band de la griotte Naïny Diabaté, militante de la cause des femmes au coeur de la musique malienne, traditionnellement aux mains des hommes. Pour aller à leur rencontre, Eve Risser a décidé de monter son propre groupe de douze musiciens en parfaite parité homme-femme, à l’instrumentation mixte: diverses percussions (deux balafons, deux djembes, un dun, un ngoni ) des cuivres ( un trombone, une trompette, trois saxophones), un piano, une guitare et basse. Une belle énergie pour cet ensemble faisant front, tous serrés sur la scène, les soufflants vent debout. Un effet de tribu pour jouer un spectacle à partir d’une écriture travaillée, irriguée d’improvisations.

Ce répertoire qui semble plus simple, basé sur la puissance des rythmes, enchaîne une suite en quatre parties, une composition qui s’achève sur un solo du sax baryton Benjamin Dousteyssier qui a une façon très expressive de souffler en gonflant les joues avec une force et une amplitude, qui évoquent Dizzy et sa manière si peu orthodoxe de jouer. Avec Antonin Tri Hoang, le saxophoniste baryton fait partie du remarquable projet de l’Umlaut Big Band, Mary Lou’s Ideas, preuve de l’ éclectisme du meilleur goût de ces musiciens, des jeunes qui aiment se frotter à tous les univers, se fichent bien des frontières stylistiques et semblent parfaitement à l’aise dans cette musique festive qui sonne bien. On est passé du swing le plus jubilatoire au groove euphorisant, musique pacifiée qui emplit d’aise.

Cela débute par des effets de souffle, de frottements bizarres qui envahissent l’espace. Avant que ne démarre le chant des tambours, progressif et bientôt continu, de doux unissons des cuivres qui ne sont jamais déchaînés quand ils font corps sauf dans les solos qu’ils prendront par la suite. Puis les rythmes africains en 6/8 des balafons s’en mêlent et c’est parti pour une tournerie qui semble ne jamais vouloir finir. Un équilibre fragile s’établit entre les riches harmoniques de la pianiste et la mélopée cyclique des tambours, mais l’échange fonctionne, ça circule entre les masses orchestrales qui se fertilisent.

Eve Risser fera une pause pour commenter son travail laissant ainsi le groupe et la musique respirer avant d’attaquer le final. Le public s’est chauffé et en redemande. Que faire comme rappel? D’habitude, dira la guitariste Tatiana Paris, toute petite, cachée derrière les soufflants, alors que sa collègue bassiste Fanny Lasfargues ( trio Q) qui manie une énorme guitare basse électro acoustique s’est hissée sur un praticable, on rejouerait des segments de la suite. Mais là ce sera une composition du percussionniste Oumarou Bambara qui fait se dresser le public, tout à fait volontaire pour entrer dans la danse, pris dans une douce transe, une euphorie contagieuse. Spectacle pour le moins insolite, une standing ovation du parterre et des balcons, tout finit dans la liesse et la danse.

 Le succès est total, la chef aux anges. Le groupe n’a pas encore enregistré, mais cela ne saurait tarder, Eve Risser qui ne manque pas de projets est confiante, ravie d’avoir pu jouer deux jours d’affilée ce programme, ce qui a permis à la musique d’avancer, de se développer. Elle pense même à créer sa propre structure pour aider à la diffusion, imaginant des salles, de lieux gérés par les musiciens qui pourraient accueillir les groupes plusieurs jours d’affilée.  Qu'il est doux de rêver dans la nuit nivernaise.

MERCI à MAXIM FRANCOIS une fois encore pour les photos!

Sophie Chambon

 

 

 

 

 

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