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23 avril 2024 2 23 /04 /avril /2024 22:01

Hélène Duret (clarinette, clarinette basse, voix), Benjamin Sauzereau (guitare), Maxime Rouayroux (batterie)

Budapest, 26-28 août 2023

BMC CD 339 / Socadisc

 

Enregistré à Budapest, le disque succède à un album (‘Boîte noire’, sous le label bruxellois ~suite), et à une série de titres publiés via Tricollectif. Le centre de gravité de ces artistes de France s’est déplacé vers Bruxelles, mais leur musique évolue dans des lieux très différents, là où le jazz, l’improvisation, ou la musique de chambre, croiseraient la musique des grands espaces états-uniens, ou les courants répétitifs. Inclassable donc, et c’est tant mieux. Qu’est-ce alors que cette procession d’objets musicaux sans étiquettes(s) : un ballet de pas de côtés, dont l’unité serai l’expressivité, le goût des timbres pulpeux (les clarinettes), des lignes claires, des arpèges et des syncopes (la guitare), des accents rythmiques hors norme (la batterie). Avec pour constante le plaisir de la mélodie : des mélodies qui ondulent, bifurquent et s’épanouissent au gré des phrases. Il y a aussi des turbulences, des orages, et de soudaines accalmies. En d’autres termes c’est éminemment vivant, dans le présent immédiat de la vie comme dans les souvenirs de musiques qui constituent chaque artiste, et au-delà peuplent notre mémoire collective de mélomanes. On se laisse emporter dans cette excursion sans œillères, dans cet univers de pure gourmandise musicale aux multiples ressources. On s’abandonne au plaisir de la musique.

Xavier Prévost

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Le trio est au Périscope de Lyon le mercredi 24 avril, à Paris au Studio de l’Ermitage le 25, et en Belgique, à Gand (Bijloke Music Club), le 26

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Un avant-ouïr sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?v=HGtlYydKj-w

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12 avril 2024 5 12 /04 /avril /2024 14:32

 

Jacky Molard (violon, compositions), François Corneloup (saxophone baryton, compositions), Catherine Delaunay (clarinette), Vincent Courtois (violoncelle)

Plouguiel (Côtes d’Armor), date non précisée

émouvance emv 1049 / Absilone -Socadisc


 

J’avais pour la première fois écouté ce groupe au festival de Trois Palis (Charente) alors qu’il n’avait donné que quelques concerts. Dès l’abord j’avais été impressionné par cette musique nourrie des parcours individuels de ses protagonistes, tout en affichant un tropisme celtique ; j’y entends la Bretagne comme l’Irlande, mais aussi le jazz, les musiques balkaniques,et peut-être aussi un certain courant répétitif…. Bref une foule de composantes sublimées par la pertinence de la combinaison instrumentale et humaine. Les deux co-leaders / compositeurs ont su trouver les personnalités musicales parfaitement idoines : instrumentistes hors pair, orfèvres de l’improvisation, Catherine Delaunay et Vincent Courtois étaient les personnes qu’il fallait pour faire de ce mélange musical aventureux une véritable œuvre d’art. Délibérément inclassable, cette musique nous rappelle l’évidence de ce que permet le jazz, et les musiques qui le jouxtent. Et le texte du livret, signé Jean Rochard, nous accompagne éloquemment dans ce voyage entre des mondes connus…. ou inconnus.

Xavier Prévost

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En concert le 16 avril à Paris au 19 Paul Fort. Réservations indispensables à : helenaziza@19paulfort.com

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Un avant-ouïr sur Youtube

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3 avril 2024 3 03 /04 /avril /2024 09:13


avec : Alice Coltrane (harpe, piano, percussions), Pharoah Sanders (Saxophone ténor et soprano, flute, percussions), Archie Shepp (saxophone ténor et soprano, percussions), Cecil McBee et Jimmy Garrison (contrebasse), Ed Blackwell et Clifford Jarvis (batterie), Tulsi (tambourin), Kumar Kramer (harmonium).
Enregistrement du 21 février 1971 à New-York.
Impulse-Universal Music. 2 cds.
Paru en mars 2024.

 

     Voici enfin une version officielle d’un concert donné en février 1971 par Alice Coltrane au Carnegie Hall de New York lors d’une soirée organisée au bénéfice d’un institut de yoga et de son fondateur, le guru indien natif du Tamil Nadu Swami Satchidananda.


Shiva-Loka

     Une initiative des enfants Coltrane (Ravi et Michelle) qui ont décidé de publier ce concert dont il ne restait qu’une copie conservée par la maison de disques Impulse, les deux masters originaux ayant été égarés. Impulse avait jugé à l’époque trop peu commercial cet enregistrement de 80 minutes qui comprend des compositions d’Alice Coltrane inspirées par la philosophie indienne et deux titres de son défunt mari John (1926-1967), Leo et Africa (versions respectivement 21 et 28 minutes).


Africa

     Les musiciens présents sur scène ce soir-là ont baigné dans la culture musicale du saxophoniste, que ce soit Archie Shepp, Pharoah Sanders ou encore Jimmy Garrison. La formation emprunte un format qui plaisait à Ornette Coleman, deux batteurs, deux bassistes et la touche « exotique » est apportée par l’harmonium et le tambourin.

 

      A la barre de ce groupe inédit, Alice Coltrane (1937-2007) alterne le piano, la harpe et les percussions. « Elle nous laissait une grande liberté », se souvient aujourd’hui Cecil McBee (88 ans) qui évoque (dans El Pais) une personnalité « très calme ».  


Journey In Satchidananda


     Le résultat se révèle à la fois méditatif et incandescent. Un double album qui constitue à la fois un hommage à John Coltrane et une illustration d’une époque où la spiritualité indienne influença nombre de musiciens (les Beatles en premier lieu mais aussi John McLaughlin).

 

     Alice Coltrane enregistrera la même année 1971  « Universal Consciousness » (Impulse) où elle joue également de l’orgue et donne sa version d’un « tube » , ‘Hare Krishna’. Quelque temps après, la veuve de John Coltrane (épousé en 1965) troquera son nom pour Swamini Turiyasangitananda ou tout simplement Turiya. Un parcours spirituel qui avait débuté par un voyage de cinq semaines fin 1970 dans le sous-continent indien et qui trouve sa forte expression dans cet enregistrement au Carnegie Hall qui nous parvient 53 ans après ... un sommet de la spiritualité.

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

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29 mars 2024 5 29 /03 /mars /2024 13:55

Un premier album en leader pour Eduardo FARIAS et son Trio, « PERSPECTIVES* », avec :

     Eduardo Farias (piano),
     Darryl Hall (contrebasse),
     Greg Hutchinson (batterie),
     Baptiste Herbin (saxophones, sur 3 titres).

*Space Time Records – BG 2454 / Socadisc.
Disponible à partir du 12 avril.

     On avait déjà remarqué ce jeune pianiste carioca aux côtés du saxophoniste Baptiste Herbin -dans ses albums "Dreams & Connections", 2018, et "Vista Chinesa", 2020- et qui mène au Brésil une carrière conséquente d'arrangeur (il apparait déjà dans une trentaine d'albums).

 

      « Je suis né à Rio. J'ai étudié la musique avec Lilian Bissagio puis suivi des cours de composition avec Antônio Guerreiro. Mes premiers modèles pianistiques sont brésiliens : César Camargo Mariano, Hermeto Pascoal, Egberto Gismonti ou encore Luiz Avellar ... Par la suite, j'ai dévoré bien des albums de jazz, notamment ceux de Gonzalo Rubalcalba, Brad Mehldau, Steffano Bollani, Tigran Hamasyan ... ».

 

     Tout est ainsi presque dit des influences principales qui ont forgé un jeu clair et précis, doublé d'un sens aigu de la dramaturgie tant, avec le carioca, les mélodies sont toujours "orchestrées" ; et Eduardo de préciser par ailleurs : "il faut savoir bousculer les codes avec tact ..." - ce qu'il fait notamment ici sur "Vera Cruz" et "Amazonas", deux "standards brésiliens" qui ne perdent rien de leur respiration originelle.

 

     ... Un grand talent en devenir !

 

Francis Capeau

 

 

 

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29 mars 2024 5 29 /03 /mars /2024 08:25

La saxophoniste (et flûtiste) est à l’affiche de deux parutions phonographiques : le premier disque du quartette Big Fish, et le second du groupe Prospectus

BIG FISH

Julien Soro (saxophones ténor et soprano), Léa Ciechelski (saxophone alto), Gabriel Midon (contrebasse), Ariel Tessier (batterie)

Pégazz & l’Hélicon / Inouïe distribution

Big Fish conjugue le trio ‘Dancing Birds’ et la présence de Léa Ciechelski, le tout revendiqué comme ‘une plongée dans l’imaginaire des eaux et des airs’. Les membres du groupe signent un répertoire où se mêlent les volutes de phrases qui se superposent, se répondent, s’observent ou se révoltent, dans une vibrante pulsation ; et aussi des langueurs presque processionnelles, des phrasés lyriques et sinueux qui nous entraînent hors de ce que nous avions cru subodorer. Liberté des improvisations, force de l’expression : on est bien en un territoire d’aventure tel que le jazz d’aujourd’hui le suscite, l’ose et le revendique. Musicalement riche et vivant, et puisant à de multiples sources, ce disque, et ce groupe, nous rappellent que le jazz est toujours un art vivant. Bien vivant.

Big Fish est en concert à Paris, au Sunset, le 2 avril 2024

PROSPECTUS «Météorie» 

Henri Peyrous (saxophone soprano, clarinettes), Léa Ciechelski (saxophone alto, flûtes), Julien Ducoin (contrebasse), Florentin Hay (batterie)

La Villa Beaulieu / Inouïe distribution

Avec Prospectus le disque commence différemment : dialogues entrecroisés de saxophones sur des fondations rythmiques qui mêlent l’effervescence volubile et une sorte d’ostinato qui pousse et entraîne l’inexorable marche des saxophones. Et bien vite les libertés individuelles s’expriment, sans que jamais le collectif ne rende les armes. Ici aussi les thèmes s’engagent dans des arcanes, mais sans que jamais le fil de l’expression ne s’égare. Liberté des solistes, liberté des sources d’inspiration (là je pense à Ornette, ailleurs aux intervalles étirés, distendus, de certains thèmes de Bartók sur tempo lent). Liberté des langages requis, sollicités ou inventés dans l’effervescence de l’instant : ce disque, comme le précédent, me confirme qu’il se passe encore de très belles choses dans la musique que nous aimons.

Xavier Prévost

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Prospectus sera en concert le 11 mai à Coutances pour Jazz sous les pommiers, le 13 à Tours au Petit Faucheux, et le 15 à Nantes au Pannonica

 

 

 

 

 

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20 mars 2024 3 20 /03 /mars /2024 10:02
CORNELIA NILSSON    WHERE DO YOU GO?

CORNELIA NILSSON

WHERE DO YOU GO?

AARON PARKS/ DANIEL FRANCK/ GABOR BOLLA

Stunt records

 

Cornelia Nilsson ou the Girl from the North Country Side. Rien à voir avec Dylan mais il n’est pas anodin que cette jazzwoman née à Lund en 1992 soit suédoise. Après avoir fait ses classes sur la scène suédoise et chance suprême accompagné Kenny Barron ou Ron Carter, elle a jugé bon de se lancer avec un premier album en leadeuse où elle s’inscrit dans la tradition bien comprise et respectée des Scandinaves. Un vrai disque de jazz comme on les aime. Rien à voir donc avec les orientations d’une Anne Paceo en France, même si toutes deux manifestent un réel talent et une énergie à toute épreuve. C’est qu’il en faut pour décider de se lancer, faisant entendre ses propres compositions ( “The Wanderer”) qui ne déparent pas avec des reprises fameuses de Monk (“Ugly beauty”) de Bud Powell (“John’s Abbey”) ou l’éternel “East of the Sun and West of the Moon” de Brooks Bowman. Pour se frotter aux géants, il faut de l’assurance et une confiance certaine en son équipage : à vrai dire Cornelia Nilsson a fait appel à deux attelages dissemblables qui confèrent à son Where do you go? (titre éponyme du standard d' Alec Wilder et Arnold Sundgaard qu’interpréta aussi Sinatra) tout son sens!

Un seul album qui, en un montage raffiné de deux styles de jazz témoigne de l’adaptabilité, de la plasticité de jeu de la jeune batteuse. En compagnie du contrebassiste danois Daniel Franck, elle forme une rythmique aux petits oignons pour servir le pianiste américain Aaron Parks et le saxophoniste ténor hongrois Gabor Bolla.

Enregistré en deux sessions différentes, d’abord avec un trio qu’elle pratique volontiers- tous trois vivent dans la capitale danoise, pour quatre compositions, puis en réussissant à donner une autre vision spatialisée de sa musique en choisissant l’Américain  sur six titres. Il en résulte des contrastes saisissants et plaisants : du jazz toujours, avec un pianiste de l’épure, subtilement sentimental sur les ballades, poignant sur un double hommage en somme ( sa composition “For Father” qu’elle couple avec un saisissant “Dirge for Europe” emprunté au grand pianiste compositeur (de musiques de films) polonais Krystof Komeda disparu trop tôt) et un saxophoniste plus torturé, plutôt free qui arrache tout au passage sur “The Sphinx” d’Ornette Coleman ou d’une ardeur inquiétante sur “Saturn’s Return”. Profondément ancrée dans la tradition- elle ne dédaigne pas le tempo bop rebondissant (sur le standard de Monk) qu’elle contribue à installer aux baguettes comme aux balais, jouant des toms plus encore que des cymbales. Elle n’en est pas moins actuelle et charnelle, sachant montrer sa fougue en accompagnement comme lors de quelques échappées fort réussies. Une musicienne à suivre absolument.


 

Sophie Chambon

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12 mars 2024 2 12 /03 /mars /2024 22:34

Grégoire Letouvet (piano, piano électrique, claviers), Léo Jeannet (trompette, bugle), Jules Boittin (trombone), Corentin Giniaux (clarinette, clarinette basse), Thibaud Merle (saxophone ténor, flûte), Rémi Scribe (saxophones ténor & soprano), Paul de Rémusat & Raphaël Herlem (saxophones altos), Alexandre Perrot (contrebasse), Jean-Baptiste Paliès (batterie, percussions)

Malakoff, sans date

Pégazz & L’Hélicon / Inouïe Distribution


 

Un orchestre singulier, et singulièrement mûri par dix années d’existence pour ce cinquième album qui le fait surgir du lot. Un pianiste-compositeur-chef d’orchestre, Grégoire Letouvet, aux pratiques plurielles  : jazz évidemment, au sens le plus large, mais aussi la musique dite contemporaine (comme le jazz qui, de toujours vit, dans son présent), le cinéma, le spectacle vivant, les arrangements pour des grands orchestres (dont l’Orchestre National de Jazz), et pour la chanson…. Une écriture riche, dont les méandres se développent jusque sous les improvisations des solistes. Et des solistes qui tiennent sérieusement la route ! Des compositions signées aussi par des membres du groupe, non seulement pour les 9 plages du CD, intitulé Face A, mais aussi par une mystérieuse Face B, intitulée ‘Murmures’, accessible sur les plateformes. Des musiques qui procèdent de toutes les sources, sollicitées, caressées, bouleversées, magnifiées et dynamitées : comme un manifeste de ce que peut être aujourd’hui une grande formation de jazz (au sens le plus large). Pour la Face B, des petites formations issues de l’orchestre donnent à entendre d’autres voix, d’autres couleurs. Le tout constitue une œuvre plurielle…. singulièrement collective ! À découvrir, urgemment et absolument.

Xavier Prévost

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En concert le 13 mars à Paris au Studio de l‘Ermitage, avec en invitée Leïla Martial

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un avant-ouïr sur Youtube

 

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6 mars 2024 3 06 /03 /mars /2024 14:39

 

Emil Spanyi  (piano),  Gautier Garrigue  (batterie),   Éric Barret (saxophone ténor)

Dunkerque, juin 2022

Jazz Family JF098 / Socadisc


 

D’abord, immense plaisir d’écouter enfin sur disque ce trio dont Éric Barret m’a dit que j’avais été le premier programmateur, en juillet 2011, au festival de Radio France & Montpellier, où j’ai produit et diffusé sur France Musique les concerts de jazz durant…. 29 ans ! Souvenir marquant car, outre le plaisir de retrouver ce jour-là Éric Barret, et le formidable pianiste qu’est Emil Spanyi, j’écoutais alors pour la première fois le batteur Gautier Garrigue, dont le talent m’a dès ce jour impressionné (impression confirmée au fil des année).

Très grande joie aussi de découvrir un disque enregistré ‘sur le vif’ (live pour les accros au franglais) dans un club unique : le Jazz Club de Dunkerque (https://www.jazzclubdunkerque.fr/), qui depuis des années accueille un groupe pour trois soirées (jeudi-vendredi-samedi), chose devenue rarissime et qui rappelle aux amateurs chenus (et même cacochymes) l’époque (lointaine) où les groupes résidaient à Paris dans un club plusieurs semaines, plusieurs mois, voire... plusieurs années. Trois jours (les 2, 3 & 4juin 2022) pour se trouver, se retrouver, et produire une musique qui respire l’engagement, le risque, la liberté, à chaque mesure, à chaque solo, à chaque improvisation. Une instrumentation inusitée, qui fonctionne parfaitement, et trois solistes exceptionnels dans une circonstance plus que faste. Je n’en dis pas plus : précipitez-vous chez vos disquaires !

Xavier Prévost

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Un généreux avant-ouïr sur la réécoute de l’émission de France Musique ‘Open Jazz’ du 5 mars 2024

https://www.radiofrance.fr/francemusique/podcasts/open-jazz/eric-barret-bienvenue-au-club-4987381

 

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2 mars 2024 6 02 /03 /mars /2024 21:39

 

Sylvain Cathala (saxophone ténor), Stéphane Payen (saxophone alto), Benjamin Moussay (piano modulaire), Jean-Philippe Morel (contrebasse), Franck Vaillant (batterie)

Les Lilas, 19-21 décembre 2022

le triton TRI-23573 / l’autre distribution

 

Un groupe qui m’a marqué par sa singularité dès sa première mouture, au Concours National de Jazz de La Défense en 1998 : Stéphane Payen était déjà au côté de Sylvain Cathala. Quelques années plus tard Jean-Philippe Morel et Franck Vaillant rejoignaient le canal historique, et en 2016 le quartette devenait quintette avec l’arrivée de Benjamin Moussay et de son ‘piano augmenté’. En décembre dernier Print donnait au Triton un concert d’avant-sortie de ce nouvel opus, qui rejoint une discographie déjà fournie, en quartette comme dans des ensembles plus larges ouverts aux amis : le disque était déjà fabriqué, et les heureux spectateurs du concert ont pu l’acquérir. Mais cette fois le disque est disponible, depuis quelques jours, dans les circuits de distribution (pensez aux vrais disquaires!). Le concert m’avait emballé. Le CD confirme mon enthousiasme : densité musicale, sens de la forme, couleur des assemblages de timbres et de textures, fine dramaturgie (mais peuplée d’éclats soudains et de ‘liberté grande’, comme disait Louis Poirier, alias Julien Gracq). Sans parler de la qualité superlative des solistes. Musique rêveuse, musique offensive, musique en forme de manifeste esthétique, et surtout musique de musiciens habités par le désir partagé de faire œuvre en groupe. L’identité du leader-compositeur est bien là, mais elle prend tout son sens dans le collectif. Grand groupe, belle musique ; très beau groupe, grande musique !

Xavier Prévost

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Sur Youtube le premier titre sur les images d’un vertigineux clip réalisé par Fred Poulet & Fabrice Guibout

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28 février 2024 3 28 /02 /février /2024 16:51
JAY JAY JOHNSON  THE QUINTESSENCE

JAY JAY JOHNSON  THE QUINTESSENCE

New York- Hackensack- Chicago

Frémeaux&Associés   www.fremeaux.com

 

 Le label Frémeaux &Associés nous fait découvrir une fois encore des enregistrements rarement regroupés tout à fait dignes d’intérêt.Voilà que sort une anthologie du tromboniste Jay Jay Johnson en un coffret de 2 CDs dans l’excellente collection dirigée par Alain Gerber secondé par Jean Paul Ricard.

On retrouve la prose délicieuse de Gerber et son analyse des plus fines,  un vrai "écrivain de jazz" dont les émissions sur France Musique ( Le jazz est un roman) et France Culture (Black and Blue ) ont formé la culture jazz de nombreux auditeurs, je peux en attester pour mon cas personnel. Auteur d’une trentaine de livres sur le jazz, créateur de la collection “The Quintessence” chez Frémeaux & Associés, il pratique aussi la batterie, ce qui nous vaut la sortie toujours chez Frémeaux de son autobiographie du jazz : Deux petits bouts de bois. Une autobiographie de la batterie de jazz. 

Alain Gerber donne son sentiment sur le musicien Jay Jay Johnson dans le style qu’on lui (re)connaît alors que Jean Paul Ricard reprenant le rôle du regretté Alain Tercinet dans lequel il ne dépare pas, s’attache au factuel et à la chronologie en donnant une biographie détaillée du musicien. Encore un travail d’experts qui continuent l’entreprise patrimoniale du label en orientant leurs recherches vers ce musicien de grande envergure, quelque peu oublié bien que vénéré de ses pairs et en particulier des trombonistes. Jay Jay Johnson a révolutionné l’instrument par un jeu très rapide : improvisateur talentueux, il fut en outre un excellent compositeur ( on retiendra "Lament" et "Kelo" entre autres) et un arrangeur sensible. On redécouvre littéralement la personnalité et l’oeuvre immense d’un tromboniste qui sut aller en-deçà et au-delà du bebop dont il est considéré à juste titre comme l’un des maîtres même s’il est moins cité que les illustres Gillespie, Monk, Powell et en premier Charlie Parker. D’ailleurs en exergue du livret, cette phrase de Bob Brookmeyer, un autre grand tromboniste mais à coulisses : «Le Charlie Parker de son instrument». Même si Jay Jay n’hésita jamais à enjamber ce genre et à sortir de la petite boîte labellisée bebop.Et à travailler avec Miles dès 1953 ( "Kelo" dans Miles Davis vol1 chez Blue Note) et Walkin dans Miles Davis All Star Sextet l'année suivante pour Prestige.

L’anthologie présente en effet un livret très précis où figurent les renseignements discographiques complets des différentes séances choisies, 18 titres pour le premier Cd qui traite de Jay Jay Johnson en leader et 14 pour le second où il est sideman. Grâce à une sélection judicieuse sur une période assez large qui démarre logiquement en 1945 chez Benny Carter (Jay Jay Johnson est né en 1924) et s’achève en 1961 (pour une question de droits) avec “Blue Mint”, l’une de ses compositions pour le Big Band de Gillespie, les auteurs de ce bel ouvrage nous proposent un remarquable parcours en pays bop et au delà. Précisons tout de suite qu’on ne trouve aucun inédit, aucun bonus puisque c’est la date de publication qui fait foi, autre astuce des majors qui ont fait pression pour qu’une oeuvre ne tombe pas dans le domaine public avant 70 ans. Or Jay Jay Johnson qui a mis fin à ses jours le 02 avril 2001 (Alain Gerber titre d’ailleurs son dernier paragraphe avec un formidable à propos Suicide is painless) a continué de jouer et d’enregistrer très longtemps et par exemple rien que de 1964 à 1966, il a signé les arrangements en big band de quatre albums non négligeables pour RCA Victor. 

Les choix d’Alain Gerber et de Jean Paul Ricard sont éminemment subjectifs, mais on peut leur faire confiance, ils ont rassemblé les titres les plus représentatifs du talent et du style uniques de Jay Jay Johnson.

C’est Benny Carter très impressionné qui donne l’opportunité à Jay Jay Johnson d’enregistrer son premier solo dans “Love for Sale” qui commence le CD 2 dans la version du 25/10/1945 et il l’engagera dans son grand orchestre de 1942 à 1945. Après l’ “urbane” Benny Carter, c’est Count Basie qui l’invite (1945-1946). Chez Basie, il a notamment pour voisin de pupitre Dickie Wells qui eut une considérable influence sur lui sans oublier pour autant Trummy Young et J.C. Higginbotham...et le grand Jack Teagarden. Mais dès 1946, ce sont ses premiers enregistrements en quintet avec Bud Powell et Max Roach qui retiennent l’attention, citons sur Savoy “Mad Bebop” sur Jay Jay Johnson Be Boppers le 26/06/46. Jay Jay Johnson est celui qui a adapté le trombone tout comme Bennie Green aux exigences du langage bop, élaboré par des trompettistes et des saxophonistes, des pianistes et des batteurs. Jay Jay est alors considéré comme le meilleur des trombonistes par la revue Esquire et remporte tous les prix possibles considéré dont le «Musicians’ Musician». Dès 1949 il propose une formation à deux trombones à Kai Winding, association mémorable et de longue durée. Il travaille aussi avec Sonny Stitt, le grand mal aimé du jazz que réhabilite volontiers Gerber : retenons les trois séances d’octobre, décembre 1949 et janvier 1950 qui “pourraient bien représenter le plus exceptionnel de sa contribution au jazz enregistré chez Prestige Sonny Stitt Bud Powell Jay Jay Johnson. Stitt et Johnson partagent d’ailleurs la même dévotion pour Lester Young, anti-conformiste lyrique. Jay Jay Johnson peut être considéré comme le tromboniste du bop et du hard bop, enregistre un peu plus tard avec Hank Mobley une série de trois albums chez Blue Note The Eminent Jay Jay Johnson. Grand phraseur même en staccato comme dans “Jay” vol 1 du 24/09/1954 d'une grande précision rythmique, un son soyeux même dans les graves, sans effets de glissando.

Comme il n’ a jamais tiré beaucoup de fierté de sa “reconnaissance”qui ne lui assurait pas pour autant la belle vie, il a quitté la scène à plusieurs reprises pour «observer le jazz de l’extérieur» : d’août 1952 à juin 1954, il est devenu inspecteur des plans (!) au sein d’une usine de la Sperry Gyroscope Company, spécialisée dans les équipements électroniques. Il en sortira pour retrouver Kai Winding et ce duo fait alors des merveilles : on les entend dans le bien nommé “Trombone for two” du disque éponyme Jay & Kay en 1955, une superbe version de “Night in Tunisia” dans Jai (sic) & Kay plus 6 qui renouvelle le standard de Gillespie le 6/9/1956.  Il signe ensuite toujours chez Columbia en 1957 First Place avec Tommy Flanagan et Max Roach. Le quartet peut être la formation rêvée pour découvrir l’étendue du registre du tromboniste, son aisance dans tous les tempos, sa fluidité. Ils poursuivront avec le même bonheur dans Blue Trombone en 1957.

On le voit tout est formidable dans la discographie du tromboniste en leader ou en sideman et on adore évidemment ses envolées avec Dizzy où il parvient à glisser une approche impressionniste. Gerber écrit qu’il stylisait jusque dans la tempête. Ce en quoi il s’oppose totalement à l’autre grand du trombone, son rival si l’on veut, Frank Rosolino, “fauve chez les impressionnistes” (entendre les musiciens West Coast). Il faudrait encore citer le goût de Jay Jay pour une certaine distanciation qu’il partage avec John Lewis et qui le fait se rapprocher du Third Stream de Gunther Schüller et tenter certaines expériences comme The Modern Jazz Society presents a concert of contemporary music le 14/03/1955.

Guidés par l’expertise de nos deux connaisseurs qui se sont livrés à ce «labour of love», non seulement l’amateur se régale mais se constitue ainsi un bréviaire du jazz, une discothèque. Alain Gerber et Jean Paul Ricard ont fourni un vrai travail d’équipe, on ne peut que rendre hommage à ce travail de mémoire précis, précieux et indispensable pour l’histoire de la musique.

NB : On se réjouit d’avance de la parution prochaine, toujours chez Frémeaux & Associés collection the Quintessence d’un coffret dédié à Lee Konitz.

 

Sophie Chambon

 

 

 

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