Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
21 février 2024 3 21 /02 /février /2024 14:48

FREMEAUX & ASSOCIES. 240 pages.
Paru en librairie en février 2024.

     Figure vénérée de la jazzosphère par ses écrits (Jazz Magazine, les Cahiers du Jazz)et ses oraux ( des émissions à France Culture et France Musique) sans oublier son travail de directeur de collection (The Quintessence, chez Frémeaux & Associés), Alain Gerber, c’est un fait connu d’un petit cercle, pratique également un instrument, disons plutôt un arsenal, la batterie.
     
     Retiré dans le midi depuis sa mise à la retraite par Radio France en 2008 -une mesure pour raison de limite d’âge qui frappa aussi Claude Carrière, Jean Delmas, Philippe Carles parmi les producteurs de jazz- l’écrivain à succès (une cinquantaine d’ouvrages, romans ou récits, lauréat du Prix Interallié, distingué par l’Académie Française, l’Académie du Jazz) s’est sérieusement (re)mis à la batterie découverte à l’adolescence à Belfort : une heure chaque jour dans un cabanon de sa maison à Toulon où il entre « au pays des merveilles ». Son constat : « Peut-être deviendrai-je un jour batteur, à la fin des fins. Je sais en tout cas que je ne deviendrai jamais musicien, je n’ai pour cela ni les connaissances requises, ni l’imagination qui me garderait d’être un imitateur à peine passable ».

 

     Tout Gerber est là, lucide à l’extrême et heureux de ces avancées « réelles mais infinitésimales » derrière ses fûts. Mes baguettes ces deux petits objets de bois « ne m’ont pas donné ce que j’espérais d’eux. Ils ont fait mieux : ils m’ont donné ce que je n’attendais pas de moi-même ».

 

     Tout au long de ce récit de forme autobiographique, Alain Gerber retrace son compagnonnage avec la batterie, établit des comparaisons entre les modèles de baguettes et autres caisses claires et cymbales (les Asba, Vic Firth, Ludwig, Zildjian, Pro Mark, Zildjian, Sabian, Paiste…)  évoque les conseils pris auprès des professionnels, Aldo Romano, Daniel Humair qui lui donna une demi-douzaine de cours dans les années 70, Georges Paczynski, son complice radiophonique, professeur de batterie et auteur d’une histoire de la batterie de jazz en trois tomes ...

 

     On se délecte à la lecture de ce voyage intime au pays de la batterie servi par une langue riche et délicate. Le lecteur peut ajouter au plaisir en écoutant les quelque 80 anthologies réalisées par l’auteur pour le compte de Frémeaux & Associés et citées en références.

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

Partager cet article
Repost0
13 octobre 2023 5 13 /10 /octobre /2023 12:02


Editions Les Soleils Bleus, collection Les Témoins du Temps.

Disponible depuis le 3 octobre.


     Sans nostalgie ni acrimonie, Pierre de Chocqueuse nous livre ses impressions d’un amateur de jazz éclairé sur une décennie (2010-2020). Ce journal présenté de manière chronologique tire l’essentiel de sa substance du blog (www.blogdechoc.fr) tenu par un observateur-acteur de la jazzosphère : un temps attaché de presse d’une maison de disque, rédacteur en chef de Jazz Hot à la fin des années 80, chroniqueur régulier de revues, auteur et, ce qui n’est pas le moindre, cheville ouvrière de l’Académie du Jazz sur trois décennies.

 

     Personne ne s’étonnera donc que le jazz occupe la place centrale de cette chronique au long cours mais il y est aussi question de Claude Debussy, Charles Koechlin, ou encore Henri Dutilleux (objet d’un plaidoyer vibrant) et de Bertrand Tavernier qui « ouvre le bal » en 2010. Le titre (De jazz et d’autre) n’est pas usurpé. Préfacier, le pianiste-compositeur (et ancien élève de l’Ecole Normale) Laurent de Wilde salue « les pérégrinations artistiques de cet auteur aussi sagace que malicieux ».


     Au fil des pages, le lecteur découvrira ainsi les coups de cœur discographiques d’un expert qui ne cache pas son faible pour les pianistes, Chick Corea (qui figure en quatrième de couverture aux côtés de l’auteur) mais aussi des artistes délicats tels que Marc Copland, Dan Tepfer, Marc Benham ou encore le (trop) méconnu Philippe Le Baraillec. Un très utile index des personnes citées et des disques analysés permet d’ailleurs de naviguer à son aise dans l’ouvrage.


     Baignant dans le monde du jazz depuis les années 70, Pierre de Chocqueuse serait-il tenté d’entonner le refrain passéiste du « C’était mieux avant » et de regretter le temps des géants aujourd’hui disparus ?  Que nenni. « Ses grands créateurs n’étant plus là pour le faire aimer, le jazz est-il moins créatif ? Plongés dans le passé, dans le jazz de leur jeunesse, ceux qui le prétendent ne voient pas la richesse de ce jazz pluriel qui se joue aujourd’hui des deux côtés de l’Atlantique » (avril 2018, page 167).


     Avec « De jazz et d’autre », nous tenons un ouvrage au style vif et nerveux qui constitue une ode chaleureuse et engagée au jazz à déguster sans modération. A conseiller et pas seulement à ceux (ou celles) qui aiment le jazz.


Jean-Louis Lemarchand.

 

Partager cet article
Repost0
9 septembre 2023 6 09 /09 /septembre /2023 12:14
Nina Simone racontée par Valérie Rouzeau & Florent Chopin

Nina Simone racontée par Valérie Rouzeau & Florent Chopin

 

 

Editions de La Philharmonie

Collection Supersoniques

 

Supersoniques | La librairie (philharmoniedeparis.fr)

 

Vingt ans après sa mort survenue en avril 2003, Eunice Waymon est plus que jamais une légende, un personnage tragique, une figure iconique qui a inspiré des romans dont celui de Gilles Leroy en 2013, des pièces de théâtre et même un biopic récent. Cette artiste inclassable toujours actuelle continue de passionner le public.

C’est avec un grand plaisir que l’on retrouve pour la rentrée de septembre un livre qui lui est consacré : le neuvième numéro de la très originale collection Supersoniques (à prix avantageux) des Editions de la Philharmonie, un bel objet illustré par le plasticien Florent Chopin (artiste-collecteur de toutes sortes de matériaux et ici de papiers peints), écrit par Valérie Rouzeau, poétesse inspirée par son sujet, qui donne un portrait sensible de la chanteuse et la femme, dévoile sa Nina Simone.

Ce livre à l’écriture simple et fluide n’est pas une tentative de biographie. La démarche n’est pas celle d’une archiviste-chercheuse qui chercherait à démêler le vrai du faux… C’est l’histoire d’une vocation contrariée qui donnera l’une des carrières les plus singulières. Devenir la première pianiste concertiste noire classique était le voeu le plus cher d’Eunice Waymon pour lequel elle avait sacrifié toute sa jeunesse. Elle fut refusée au concours d’entrée du Curtis Institute. Cette blessure originelle allait marquer sa vie professionnelle avec une orientation musicale tout autre. Elle dut changer de nom “Vous ne savez pas ce que cela fait de changer de nom” quand elle commença à travailler au Midtown d’Atlantic City.

 

Une vie tourmentée, toujours au bord de la chute, le portrait en creux d’une icône du mouvement des Droits civiques autant qu’une femme en prise à sa bipolarité (qu’on ne nommait pas ainsi à l’époque) et à son alcoolisme. Si elle fait du jazz, c’est à sa manière. Car elle a été élevée au gospel et elle n’hésite pas à improviser sur Bach qu’elle vénère. Autant appréciée dans le monde de la pop, du folk, elle est aussi reconnue comme “grande prêtresse de la soul” ( “Sinner man”), épinglée pour son engagement qu’elle ne voulait pas non-violent, même si elle admirait Martin Luther King. Elle chantera Why? ( The King of love is dead) au lendemain de sa mort. Car la colère caractérise sa personnalité : la plupart des chansons (ses “gun songs”qu’elle scande admirablement comme l’inoubliable“Mississipi Goddam”) qu’elle a écrites ou reprises en les modifiant habilement, expriment sans ambiguité sa rage ses frustrations, ce sentiment d’injustice intolérable, à la mort d’amis militants comme Lorraine Hansberry, la dramaturge marxiste, Langston Hughes, le poète engagé (“The Backlash Blues”).

Si Valérie Rouzeau est intéressée à décrire sa voix de contralto, écorchée, rauque “tantôt du gravier, tantôt du café crème” et son jeu de piano ( car elle peut compter sur ses doigts prodige ) perlé, subtil, baroque avec des marches harmoniques, des trilles, elle s’attache surtout à rendre le talent d’écriture de Nina qui invente des histoires en chanson. Elle a le goût des mots et n’hésite pas à créer à partir des mots des autres qu’elle modifie, arrange à sa manière le “Just Like a woman de Dylan ou le “My Sweet Lord” de George Harrison auquel elle accole un poème de The Last Poets “Today is the Killer”. Elle réécrit, contextualise, s’approprie avec talent et se forge un style avec un sens très sûr du détournement. Nina rend hommage aux femmes noires, ces blackbirds dans de saisissants portraits “Four Women” ou “Blues for Mama” (où on peut la reconnaître), déniaise les “torch songs” de ses consoeurs, ose reprendre le “Strange Fruit” de Billie Holiday, chanter le “Ne me quitte pas” de Brel en miroir à son “Love me or Leave me”.

Tout ce dont elle s’empare, elle semble l’avoir vécu, c’est ce qui donne la force, d’authenticité de chacune de ses interprétations. Consciente de sa valeur, de son talent, elle n’arriva jamais à se satisfaire de la distance entre ce qu’elle aurait souhaité et ce qu’elle obtint, même si elle connut succès et gloire même d’une certaine façon.

 

Cet ouvrage que l’on lit très vite contribue à faire découvrir une artiste exceptionnelle, diva malheureuse à la vitalité extraordinaire. On reste au plus près de la femme et de la créatrice. Et cela est bien.

 

Sophie Chambon

 

 

Partager cet article
Repost0
5 septembre 2023 2 05 /09 /septembre /2023 13:43

Illustrées par Jeanne PUCHOL,
Les Soleils bleus éditions 2023.
ISBN : 978 2 918148 46 3.

Paru le 10 juillet dernier.


     ‘Le Passé a de l’Avenir ! ...’ ainsi débute la première des chroniques dont Jean-Louis Wiart propose ici un florilège. Et bien que, pour paraphraser Geluck, nous pensons qu’il y avait plus d’Avenir dans le Passé que Maintenant, le piège fonctionne, on ne lâche plus le bouquin !

    Dans cette sélection d'une trentaine de courts textes (jamais plus de 4 pages), répartie sur 20 ans de publication du journal épisodique des ‘Allumés du Jazz’, on retrouve le souffle qui animait les ‘Chroniques de la Montagne’ de Vialatte*, l’érudition et les passerelles-références jetées entre la musique d’une part, la littérature, le cinéma, la politique, la philosophie, la vie quotidienne, la peinture d’autre part ... Et aussi les emballements, coups de griffe, de patte ou de cœur : ça gratte souvent là où ça fait mal et invite à la réflexion.

 

     En préface, Guillaume de Chassy développe le thème de la nécessité de lire à propos de la musique pour qui désire mieux la comprendre et s’en nourrir, tout en insistant sur le fait qu’il est aussi difficile d’écrire avec justesse sur cet art que de le pratiquer mais aussi sur la nécessité de le faire « ... dans une époque qui glorifie la médiocrité, confond art et divertissement et commande d’exprimer sa pensée en 280 caractères ! »

 

     Il n’y a plus qu’à vous laisser entrainer à la lecture -fractionnée ou exhaustive, mais toujours vigilante, tout étant affaire de description, suggestion, évocation, stimulation, appel, contre appel ...- de ces courts moments d’anthologie, agrémentés pour la plupart des très belles illustrations en noir et blanc de Jeanne Puchol.

 

     À propos des auteurs :

 

     - À côté de sa collaboration aux Allumés du Jazz, Jean-Louis Wiart est le fondateur du label AxolOtl Jazz, pour lequel il a produit de nombreux albums de Guillaume de Chassy, Cesarius Alvim, François Tusques, Lee Konitz, Jeff Gardner, Rick Margitza ...

 

    - Quant  à Jeanne Puchol, Vous pouvez retrouver son trait puissant dans  une trentaine d’albums de bande dessinée (chez Futuropolis, À Suivre, Dargaud, Deltour...) mais aussi dans les illustrations de nombreux articles parus dans Le Monde Diplomatique, l’Humanité et Les Allumés du Jazz.

 

Francis Capeau.

 

===================================


*Alexandre Vialatte, ‘Chroniques de la Montagne’ (Vol.1 & 2).
Robert Laffont, (Bouquins - La collection),
ISBN : 2-221-09041-1 et 2-221-09042-1

 

Partager cet article
Repost0
25 août 2023 5 25 /08 /août /2023 19:16

sous la direction de Pierre Fargeton et Yannick Séité.

HERMANN Éditeurs. À paraître le 30 août.
ISBN : 979-1-0370-2131-1.

     Les Musiciens de Jazz et l’Écriture ... Vaste sujet !

     Réalisé sous la direction de Pierre Fargeton et de Yannick Séité (qui en signent cinq chapitres sur 32), cet ouvrage clair et didactique se répartit en quatre grandes subdivisions, traitant respectivement :

     - De la présence des musiciens dans la presse, (écrite, radiophonique ou télévisée), avec des exemples caractéristiques de Jelly Roll Morton et W.C. Handy (The Baltimore Afro-American, Down Beat), Charlie Christian (Down Beat), Lennie Tristano (Metronome), Jeff Gilson et Henri-Claude Fantapié (Jazz Hot) ...

     - Des musiciens qui se racontent, dans des chroniques, des correspondances, des autobiographies (avec ou sans ghostwriters), illustrées par les carnets de voyage de Louis Moreau Gottschalk (XIXème siècle), les biographies d’Armstrong, Danny Barker et Doc Cheatham (avec l’assistance d’Alyn Shipton), Mezz Mezzrow, Billie Holiday, la correspondance échangée entre Bobby Jaspar et André Hodeir ...

   - Des Musiciens pédagogues et théoriciens, auteurs de méthodes instrumentales et/ou du jeu Jazz, de traités d’harmonie, de composition et d’orchestration ... auxquels sont associés les plus grands noms : Ron Carter, Jack DeJohnette, Steve Lacy, Pat Metheny, Jimmy Jiuffre, Dave Liebman, Jef Gilson, Bill Russo, Philippe Baudoin, George Russell, Steve Coleman, Roger Chaput, Pierre Cullaz, André Hodeir, Chick Coréa ...

     - Des différentes formes d’écriture irrigant le jazz, de la versification initiale des textes de Blues aux écritures poétiques contemporaines, Du « Black Case » de Joseph Jarman (1977, Réédité en 2019) aux conceptions de Sun Ra, « Les poèmes sont de la Musique », bientôt retourné en « My Music is Words », et, si l’on pousse l’affirmation au bout : « Their Music is Words », la boucle est bouclée, et il devient évident que les musiciens de Jazz écrivent ! Et cela, depuis le début !!

                              ============

     On dispose ici d’une profusion de textes de toutes origines, d’un foisonnement d’informations allant de traduction de livres ou textes universitaires, souvent peu accessibles ou jamais traduits en français, de notes de pochettes ou d’articles de revue, billets de blogs, ouvrages pédagogiques, l’ensemble passé au crible de la réflexion et de l’érudition des nombreux auteurs ici réunis **.

     ...Indispensable à qui s’intéresse et souhaite comprendre quelque chose au monde du jazz et de ses artistes !

                                ============

** on ne peut en nommer un sans les nommer tous : Philippe Baudoin, Didier Levallet, Vincent Cotro et Leila Olivesi, Jean-Jacques Birgé, Yolan Giaume et Adriana Carrillo, Alyn Shipton et Dan Vernhettes, Benoit Tadié et Raphael Imbert, Martin Guerpin et Ludovic Florin, Philippe Gumblowicz et Jacques Siron, Frederico Lyra de Carvalho, Laurent Cugny et Christian Bethune, Alexandre Pierrepont Brent Hayes Edwards, Cyril Vettorato William Parker et Pim Higginson.

 

 

Francis CAPEAU.

 

Partager cet article
Repost0
29 juin 2023 4 29 /06 /juin /2023 10:45
MOONDOG raconté par Guy Darol & Laurent Bourlaud

MOONDOG raconté par Guy Darol & Laurent Bourlaud

 

Editions de la Philharmonie

Collection Supersoniques (paru en avril 2021).

Supersoniques #1 : Moondog, la fortune du mendiant | Philharmonie de Paris
 

En découvrant l’ouvrage de Laurent de Wilde sur le père du synthétiseur Robert Moog aux éditions de la Philharmonie, on a eu envie de poursuivre notre exploration de la collection Supersoniques où écrivains et dessinateurs conjuguent leurs efforts pour mettre en valeur un parcours musical souvent atypique.

Le rembobinage conduit à s’intéresser au premier ouvrage de la collection qui en comporte sept à présent, qui traite du cas de l’excentrique Moondog, vu cette fois par l’écrivain, essayiste, critique musical, Guy Darol dont l’une des passions est Frank Zappa qui avouait être influencé comme son pote Captain Beefheart par le Viking de la Sixième avenue. Rien de surprenant puisque Louis Thomas Hardin, devenu aveugle très jeune, qui se baptisa Moondog en souvenir de son chien Lindy qui hurlait à la lune, fascina des compositeurs d’envergure, tous styles confondus, en premier lieu des jazzmen comme Benny Goodman, Charlie Parker (Moondog composa en son honneur le fameux "Bird’s lament"), Mingus avec lequel il joua, Miles... Mais il intéressa aussi Leonard Bernstein qui lui donna quelques leçons pour conduire un orchestre, Steve Reich, Philip Glass qui l’hébergea pendant un an. Pour ces derniers, il était même le précurseur du minimalisme!

Dans ce bel ouvrage coloré et rythmé par Laurent Bourlaud,  Guy Darol, dans un style élégant et poétique, décrit très clairement les points forts d'un parcours "beyond category". En neuf petits chapitres que l’on avale d’un trait, Guy Darol nous conte la vie et l’oeuvre de Moondog jusqu’au  clin d’oeil final : pour la dernière découpe, donc la neuvième, on apprend que ce passionné de numérologie et du chiffre neuf (il en avait fait la mesure de sa musique) mourut un jour avant la date de la parfaite harmonie, le 9/09/99. S’il ne néglige pas les bizarreries du personnage, ses conditions de vie extrême -il vécut sans abri dans les rues de New York, mais aussi de Francfort ou Hambourg, jouant aussi devant les salles de concert et de maisons de disques ( la Tour Columbia), Darol s’intéresse surtout à définir son style. Avec un sens élaboré des formules, il avoue qu’ il faisait du neuf avec l’ancien. Ce musicien strictement tonal qui commença avec des serpents de son (Snaketime rhythms) était fou de musique classique, de contrepoint qu’il étudia sérieusement, et bien sûr de Jean Sébastien Bach. Loin d’être post-moderne, Moondog se revendiquait comme un classique, continuateur de Bach et Beethoven en disant “Je ne vis pas dans le passé c’est le passé qui vit en moi”.

Bien que compositeur d’une oeuvre foisonnante, entièrement en braille, et connu de son vivant grâce au label Roof de Bernd Kowalzik et en France  par Daniel Caux et Martin Meissonnier, son oeuvre fut peu diffusée et enregistrée. Sa musique ne fut pas oubliée pour autant après sa disparition puisqu’elle fut reprise et prolongée par des samplers dont la technique ne lui était pas indifférente, en amoureux inconditionnel du rythme.

La musique de Moondog est résolument américaine, marches militaires, ragtime, jazz mais aussi percussions amérindiennes jouées pour des danses traditionnelles du soleil (un souvenir de son séjour chez les Arapaho dans les années vingt, une tribu dont la science du regard admet l’invisible), sans oublier les bruitages des rues de New York. Il inventa d'ailleurs de nouveaux instruments pour créer de nouveaux timbres, l’itsu, le trimba, le hüs qui manifeste de son goût pour la culture et mythologie scandinaves que trahit son accoutrement qui ne le faisait pas passer inaperçu.

 

Ce texte apparaît-et ce n'est pas le moindre de ses attraits, comme un conte illustré, une fiction merveilleuse; la playlist fournie à la fin de l’ouvrage donne des pistes non exhaustives mais déjà suffisantes pour flâner dans l’oeuvre de ce musicien hors norme, dont la vision du monde était fondée sur l’harmonie.

 

Sophie Chambon


 

Partager cet article
Repost0
13 juin 2023 2 13 /06 /juin /2023 07:09
EMMANUEL CLERC                  ALBERT AYLER    Vibrations

EMMANUEL CLERC

ALBERT AYLER Vibrations

 

Editions le Mot et le Reste  

Albert Ayler (lemotetlereste.com)

Le mot et le reste

 

Ecrivain des sensations, de l’émotion en musique, Emmanuel Clerc, l’auteur de ce premier livre court mais intense sur Albert Ayler arrive à rendre la tension, les contradictions et le mystère dans un portrait vibrant de ce musicien.

Le titre de ce récit Vibrations qualifie d’ailleurs parfaitement la musique du saxophoniste et aussi la qualité très personnelle de l’écriture d’ Emmanuel Clerc qui songe qu’il a l’âge d’Ayler à sa mort, trente quatre ans. Mise en abyme, identification? Le fait de se mettre en scène et de sortir du cadre purement  biographique, voire hagiographique de livres dédiés à un musicien,  donne plus de chair à une réflexion sincère, enthousiaste et documentée.

La bibliographie est très précise comme toujours dans les parutions des éditions marseillaises mais Emmanuel Clerc en fait un usage vraiment pertinent avec des références et citations des plus adéquates. On comprend à quel point le génie singulier du saxophoniste a été célébré par la critique française d’avant-garde.

Après cette lecture, on sort plus au fait de son sujet, de cette vie de tourments avec quelques hauts et tellement de bas, même si de très belles plumes nous ont fait connaître à l’époque Albert Ayler. On n' oubliera pas de sitôt le portrait insurpassable dans L’improviste de Jacques Réda, les articles inspirés de Philippe Carles (La bataille d’Ayler n’est pas finie) ou de Francis Marmande dans Jazz Magazine, la revue en pointe à l'époque, les chroniques de Daniel Caux, témoin inestimable. Emmanuel Clerc arrive même à glisser le roman de Francis Paudras (La Danse des Infidèles, édité au demeurant chez le Mot et le Reste) jusque dans le titre de son dernier chapitre La Danse des Intranquilles. Et cela fait sens.

Dans ces pages s’exprime un véritable point de vue, que l’on connaisse ou non ce saxophoniste si peu compris de son temps. Aujourd'hui il semble difficile de résister à son appel. Surtout quand on est happé par cette écriture fièvreuse qui fait revivre ce musicien inouï dont la musique n’est pas religieuse dans sa fonction mais dans son essence,  n’est pas une invitation à la prière, elle est prière!

Impressionnant par sa seule présence, Albert Ayler, ce Holy Ghost a la création radicale, enracinée dans la culture afro-américaine. Mais son cri d’amour, de paix, de spiritualité fut souvent incompris. Il n’a pas construit son oeuvre par des évolutions successives, des révolutions esthétiques comme Coltrane, l’aîné qu’il vénère ou Don Cherry, le Petit Prince (toujours chez le Mot et le Reste) avec lequel il a enregistré dès 1964 (en quartet avec Gary Peacock et Sunny Murray) mais aussi cet album appelé  Ghosts ou encore Vibrations, entre célébration et transe au ténor, du plus grave au plus aigu, du plus lent au plus rapide avec un incroyable vibrato d'une profondeur indéfinissable. Albert Ayler a sorti peu d’albums de My name is Albert Ayler ( Debut Records, 1964) à The Last Album (Impulse, 1971) et rencontré peu de succès auprès du public américain, excepté en Europe et ... en France.

L’un des points forts de Vibrations est à cet égard l’évocation des fameux concerts, les 25 et 27 juillet 1970, ces Nuits de la Fondation Maeght dont l’auteur arrive à rendre merveilleusement l’atmosphère, le sentiment d’union mystique avec le public. Des temps forts, tellement exceptionnels qu’ils sont devenus mythiques pour tous les amateurs de jazz. Emmanuel Clerc établit un rapprochement avec les concerts de John Coltrane le 26 juillet 1965 à Juan les Pins. Pas étonnant quand on sait le lien entre les deux saxophonistes, si fort que Coltrane fort admirateur de son cadet, l’aida à plusieurs reprises, le faisant enregistrer sur son label Impulse. Et il demanda qu’Ayler joue à ses funérailles.

"Trane était le père, Pharoah le fils et j’étais le Saint Esprit" dira Ayler!

Si Coltrane disait "Je pars d’un point et je vais le plus loin possible", il est clair qu’ il pensait à Ayler pour continuer, saisir ce passage de relais. Dans l’urgence et avec une certaine rage dans l’expression  qui permet à ceux qui l'écoutent de se sentir vivant. S’affranchissant des cadres,  dans ses interprétations, Albert Ayler repousse toutes les limites, en fort contraste avec son choix de mélodies simples, ballades et berceuses (“Summertime”, "Ol' Man River",“When The Saints go marching in”, marches funéraires  ou militaires, avec ce retour prononcé des fanfares, du gospel, des spirituals et de l’Afrique. "Libérée de son thème, la musique d'Ayler atteint un stade supérieur... où elle fait l'expérience de sa propre vie".

Fort judicieusement, Emmanuel Clerc songe aussi à cet autre météore Jimi Hendrix, apparu au petit matin du dernier jour de Woodstock, le 18 août 1969, devant un public halluciné pour jouer en trio sa version du “Star Spangled Banner”. Version non moins iconoclaste de l’hymne américain que "la" Marseillaise" revisitée par Ayler,  acclamée à St Paul de Vence. Tout se tient et les correspondances artistiques de cette époque sont troublantes.

Vibrations se lit vraiment comme un roman : si ce récit vif, brillant s’attache aux faits et à leur reconstitution, il creuse la réalité pour mettre au jour ce que l' incompréhension de cette musique révèle de la société,  de ses conventions et ses hiérarchies tacites. Le texte analyse et commente, devient même thriller sur sa fin, le temps d’évoquer la disparition du saxophoniste, toujours inexpliquée, le 25 novembre 1970. Car le "miracle" de St Paul de Vence ne fut pas pour autant le début d'une reconnaissance qui aurait été juste. Plus dure sera la chute hélas, et le corps d’Ayler fut repêché dans l’East River, seulement quatre mois après. Mais le message de ce musicien est toujours d’actualité, frémissant, engagé, précieux, universel. L'effet d'un trou noir cosmique pour le jeune écrivain qui a réussi son envol : un coup de maître  que ce Vibrations, assurément!

 

Sophie Chambon

 

Partager cet article
Repost0
7 juin 2023 3 07 /06 /juin /2023 09:50

Ouvrage de photos de Guy Le QUERREC.
Textes de Jean Rochard et préface de Bernard Perrin.
Les Editions de Juillet. 400 pages. Plus de 300 photos.


     Une épopée musicale d’un demi-siècle, un parcours en zig-zag de Mozart au free jazz. Telle est l’aventure de Michel Portal saisie au plus près par l’objectif (toujours subjectif) de Guy Le Querrec dans un ouvrage monumental qui ravira amateurs de jazz, de photographie et plus largement de culture.

 

     « Le photographe est un funambule sur le fil du hasard qui cherche à attraper des étoiles filantes », aime à dire Guy Le Querrec, une des figures de proue de l’agence Magnum à qui l’on doit notamment « Jazz, de J à ZZ » (Editions Marval. 1996), encyclopédie visuelle de la musique syncopée vivante depuis les années 60.
 


     C’est à cette époque-là qu’intervient la première rencontre du photographe avec le 1er prix de clarinette du Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris en 1959. Ce 13 mars 1964, à la salle Wagram, Michel Portal joue dans le big band de Sonny Grey lors d’un concert de bienfaisance destiné à régler les frais médicaux de Bud Powell, présent dans la salle. Le dernier instantané de son « modèle » signé Guy Le Querrec date de mars 2011, un an avant que ce dernier range définitivement son Leica : il nous montre le poly-instrumentiste en compagnie du pianiste Yaron Herman saisi dans les caves bordelaises de Château Palmer.

     Entre ces bornes, un périple qui nous mène sur les scènes du monde et surtout dans les coulisses et les loges où se concocte ce curieux exercice qu’est la musique de jazz sous les doigts de Michel Portal. Ce tandem musicien-photographe, Jean Rochard (producteur, fondateur du label nato), auteur de textes éclairants et précis sur ce demi-siècle, la résume ainsi : « Au fond, Michel Portal a toujours le même âge que les gens avec lesquels il joue. (…) il n’a jamais cessé de chercher et plus souvent qu’à son tour de déclencher. Guy Le Querrec, avec le déclencheur de son Leica, s’ajuste aux questions posées, pénètre en nombre d’or l’espace qui confine à l’expérience personnelle, expérience poétique ».
 


     Au fil des 400 pages et des quelque 300 photos (en noir et blanc), se déroule toute une vie d’artiste, faite de rencontres de haut vol où l’on croise Max Roach, Jack DeJohnette, Joachim Kühn, Henri Texier, Martial Solal, Bernard Lubat, Didier Lockwood, Trilok Gurtu, Gil Evans, Richard Galliano… Et bien entendu, notre héros-héraut, souriant, pensif, espiègle. Car « Michel Portal, au fur et à mesures » c’est non seulement un document riche sur un demi-siècle de vie musicale mais aussi une histoire d’un compagnonnage qui se dévoile, révélant l’œil acéré de Guy Le Querrec et invitant à écouter la musique toujours libre de Michel Portal.

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

©photo Sergine Laloux et X. (D.R.)

Partager cet article
Repost0
7 mai 2023 7 07 /05 /mai /2023 17:47
NICOLAS FILY     Don Cherry Le Petit Prince Du Free

NICOLAS FILY      Don Cherry Le Petit Prince Du Free

 

Editions Le Mot Et Le Reste

Musiques (lemotetlereste.com)

 

The mystery song - Don Cherry (Featuring Ornette Coleman & Steve Lacy) - YouTube

 

 

Nicolas Fily dont on avait aimé The Wise One, formidable portrait de John Coltrane, continue avec Don Cherry, autre musicien de jazz, toujours souffleur, qu’il découvrit en préparant ce premier livre, déjà publié aux indispensables éditions marseillaises du Mot et du Reste. Les deux musiciens avaient enregistchez Atlantic The Avant Garde partageant un rapport spirituel, voire mystique à la vie, dans le désir commun d’explorer de nouvelles voies dans un art total.

Le poétique sous-titre de l’ouvrage est dû à la plume racée d’Alain Gerber ( Jazz Magazine n°166, Novembre 1966) auquel le musicien avait confié que le Petit Prince de St Exupéry était son livre de chevet. Ce qui n’est pas sans rapport avec sa conception humaniste et libre de l’existence.

Avec Don Cherry Le Petit Prince Du Free, Nicolas Fily adopte la même démarche en s’appuyant sur la chronologie des enregistrements du trompettiste (également flûtiste, pianiste, percussioniste, compositeur ) . Excellente manière de découvrir une discographie abondante, révélatrice de l’évolution musicale d'un musicien au timbre singulier, aux suraigus délicatement posés. 

Ce n’est pas une mince tâche à laquelle l’auteur s’est attelé avec ardeur, disposant d’un très grand nombre d’entretiens, de chroniques d’albums et de compte-rendus de concerts de Jazz Magazine et Jazz Hot dont les références figurent dans la bibliographie précise en fin d’ouvrage. Tous ces auteurs ont facilité son travail de défrichage des terres cherriennes.

L’auteur, passionné de musiques plurielles, a mis à profit ses compétences de disquaire et de critique pour commenter les étapes marquantes de celui qui est resté fidèle à la trompette de poche et au cornet, ses avancées sans omettre les phases plus discutables. Si l’auteur raconte le mythique Festival d’Amougies (initialement prévu à Paris ), le Wood stock belge en Wallonie qui lança nombre jazzmen, le producteur ayant une affiche de rêve avec Pink Floyd, Zappa, il évoque aussi dans “Malaise à Châteauvallon” quelle impression détestable laissa le concert d’août 1972 à un critique de Jazz magazine. C’est qu’à cette époque Don Cherry vivait en hippie et se produisait en tribu. Ce qui n’enlève rien à la profonde humanité du personnage qui s’est adapté en permanence aux sons des générations qui ont suivi quand il n’inventait pas un son propre. On sent que Nicolas Fily aime non seulement le musicien dont il s’attache à retracer le parcours mais l’homme généreux et fraternel.

Le livre est d’une grande lisibilité, découpé chronologiquement en cinq parties ( D’où viens-tu Don Cherry? L’éternel second, l’Etat de Grâce, La Musique organique, D’un monde à l’autre) divisées en sections aux titres explicites, sans compter un prologue et un épilogue. Aucune partie de son oeuvre n’est laissée de côté, présentant toute un intérêt, de la construction difficile car lente à l’épanouissement et l’envol.

Les premiers enregistrements qui font date sont de la fin des années 50 en quartet avec son mentor, son “gourou” le saxophoniste Ornette Coleman avec des albums sortis sur le label Contemporary Something Else, Tomorrow is the question qui lancèrent leur carrière à tous les deux. “Le jazz est désormais prêt pour une nouvelle révolution” s’exclamera Paul Bley. Puis, sur l’entremise d’un autre pianiste, John Lewis, pourtant à l’opposé de cette musique avec son populaire Modern Jazz Quartet, le duo signe chez le renommé Atlantic de Nesuhi Ertegün et s’installe à New york en 1959. Ça décolle vraiment avec The Shape of Jazz to come, marqueur essentiel qui débute avec “Lonely Woman”, preuve que le jazz peut être free sans rimer avec bruit. 

Pierre angulaire de la naissance du free jazz, jusque là appelé la New thing, est enregistré en deux prises par un double quartet le 21 décembre 1960 Free jazz : a collective improvisation ( pochette illustrée par Jackson Pollock). Une expérimentation collective en grand ensemble devenue historique. Disciple de sa musique, sparring-partner, Don Cherry restera toujours indissociable d’Ornette Coleman auprès de qui il fera des retours réguliers.

Le trompettiste travaille beaucoup, prend part à un disque de Steve Lacy Evidence et ne cesse de voyager, trouvant un public plus ouvert et accueillant pour les Noirs en Europe. Son premier voyage en Europe, il le fera avec Sonny Rollins, mais il monte aussi un groupe avec Archie Shepp, joue avec Albert Ayler. Inscrit dans une mécanique de second et de tempérance il rend dicible l’indicible. D’éternel second, il passe à solide challenger avant de connaître un état de grâce. Le label Blue Note lui ouvre son catalogue avec trois albums Complete communion (1965) avecElefantasy”où s’exalte l’Argentin Gato Barbieri, Symphony for improvisers, Where is Brooklyn? (1966). Cherry retrouve Ed Blackwell aux percussions avec lequel il enregistre en 1969 à Paris sur Byg/Actuel, MU First Part et Mu Second Part.

Puis il retrouve Coleman à New York, participe au Liberation Orchestra de Charlie Haden avant de quitter les Etats Unis, protestant contre le gouvernement Nixon. Le trompettiste a eu très tôt le sentiment que son pays ségrégationniste l’avait ostracisé, le poussant de ce fait hors des frontières. A l’image de sa musique en perpétuel mouvement, il s’en est allé chercher ailleurs cette “unity of love”. Il refusa-tout son parcours le prouve, d’être assimilé, classé, réduit à un genre ou style ( sauf peut être l’harmolodie colemanienne).

Commence alors un nomadisme de multi instrumentiste : il élargit sa palette, son style musical évoluant vers les musiques du monde. Il s’installe avec sa femme lapone Moki en Suède en pleine nature pour se ressourcer. Sa musique devient organique usant des instruments rapportés de tous ses voyages ( Maroc, Tunisie, Japon, Inde). Il s’ouvre au champ des possibles avec sa tribu familiale, cette communauté avec laquelle il ne joue plus simplement du jazz, faisant de constants aller-retours entre les styles . En 1975, le jazz s’électrifiant, il change encore d’approche avec Brown Rice. Il faudrait encore citer l’aventure au long cours Old and New Dreams de 1976 à 1987 avec des colemaniens de la première heure, Dewey Redman, Ed Blackman et Charlie Haden. Et aussi ses collaborations avec le percussionniste Nana Vasconcelos et le sitariste Colin Walcott (3 albums chez E.C.M). Jusqu’à la fin, il multipliera les expériences, citons encore Multi Kuti, passage de flambeau avec des musiciens, parfois anciens élèves Le spoken word devient slam, la culture hip hop renvoie à sa propre jeunesse, le “conscious hip hop” étant analogue au free jazz dans sa volonté contestatrice.

Passionné par son sujet, Nicolas Fily fait partager son intérêt et les émotions d’écoute que lui inspire ce musicien fécond, irremplaçable, à l’extraordinaire ouverture d’esprit. Don Cherry Le Petit Prince du Free sera une belle découverte pour les non initiés et convaincra les connaisseurs les plus avertis. Car si on a pu lire sur certaines périodes de son oeuvre, aucun livre à ce jour n’avait été consacré à toute la musique de Don Cherry. Nicolas Fily a donc réussi son coup avec cette somme qui fera référence.

 

Sophie Chambon

Partager cet article
Repost0
2 mai 2023 2 02 /05 /mai /2023 18:07

64 pages. 13 euros. Editions de la Philharmonie, collection Supersoniques.
Paru le 16 mars.

 

     Un point de prime abord subalterne mais capital pour l’inventeur d’un synthétiseur qui plut tant à Sun Ra, Herbie Hancock ou encore… Stanley Kubrick. Son nom, Moog, doit se prononcer Mogue (comme Vogue), compte tenu de son origine hollandaise, et non Mougue, comme le font la plupart des gens. « Il faut croire que la prononciation en « ou » colle trop parfaitement avec le son produit par ses machines », observe Laurent de Wilde, auteur de cette courte et pétillante biographie de Robert Moog (1934-2005) « mise en images » (20 pleines pages) par un créateur de bandes dessinées, Yvan Guillo, alias Samplerman.

 

     L’ancien élève de Normale Sup s’est délecté à retracer le parcours de ce new-yorkais, fils d’un ingénieur électrique, qui donna naissance à ces drôles de machines qui font « VZZIIOUNG » ou « WOOOAAAOUH ». Le pianiste-compositeur avait fait ample connaissance avec Robert Moog en préparant « Les fous du son » (Grasset 2016), guide au pays des inventeurs qui créèrent de la musique avec de l’électricité, d’Edison à Rhodes, Kakehashi, Zinovieff, Martenot…

 

 

     Branché sur les sciences et la musique dès son adolescence, Bob Moog va ainsi s’atteler à produire du son avec de l’électricité mais aussi des transistors et un haut-parleur. Les appareils qui sortent des ateliers R.A Moog à Trumansburg (New-York) vont séduire nombre de musiciens et pas seulement dans la sphère du rock et autres sons psychédéliques. Une certaine Wendy Carlos reproduit ainsi au Moog un Concerto Brandebourgeois de Bach. Un choc. Sorti en 1968 par Columbia, "Switch on Bach" remporte quatre Grammy Awards et dépasse le million d’exemplaires vendus. Même succès trois ans plus tard avec la commande de Stanley Kubrick pour la bande son d’"Orange Mécanique", qui « passe Beethoven à la moulinette du synthé ».

 

     Inventeur révéré, fuyant les honneurs, Robert Moog, laisse à son brutal décès à 71 ans une entreprise solide. Le fruit des valeurs professées par son fondateur, souligne Laurent de Wilde, « la curiosité, le sérieux ou l’humour selon la nécessité, l’inventivité, le travail en équipe, l’absence de dogmatisme, la perpétuelle recherche de l’amélioration ».

 

     Praticien des claviers (acoustique, électroniques), musicologue, Laurent de Wilde a su fouiller dans les entrailles des Moog et sonder l’esprit de Bob pour nous faire vivre une aventure qui met la science au service du son. Une lecture captivante qui donne envie d’écouter toutes les curieuses musiques générées par ce Messie du son.

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

A noter que le Moog est à l’honneur dans le dernier album de Thierry Maillard « MOOG PROJECT » (Ilona-L’autre distribution) qui sera présenté en concert le 4 mai au NEW MORNING (7510).

 

Partager cet article
Repost0