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5 janvier 2007 5 05 /01 /janvier /2007 09:33

JJJJ CHARLES MINGUS: “Music written for Monterrey - 1965”

 Sue Mingus Music

  

Gloire soit définitivement rendue à Sue Mingus. La veuve de Charles qui mène depuis toujours un combat farouche pour la préservation de l’oeuvre de son mari et qui, telle une pasionaria débarquait dans les magasins de disques pour embarquer les pirates illégalement édités, a crée sa propre maison de disque consacrée à l’édition au compte goutte des œuvres inédites de Mingus. Dans sa besace se trouvent le présent album et un inédit avec Eric Doplhy à paraître prochainement.

 

 

L’album qui nous est proposé ici était jusqu’à présent réservé à quelques chanceux puisque Mingus lui-même lorsqu’il avait sa propre maison d’édition n’en avait autorisé que 700 exemplaires. Ce concert donné à l’université de UCLA durant l’été 65 faisait suite au festival de Monterrey pour lequel Mingus avait beaucoup travaillé pour y proposer un programme inédit. Ce festival s’était alors révélé un total fiasco au point que Mingus avait quitté la scène prématurément. Les morceaux particulièrement complexes proposés par Mingus devaient être interprétés par un octet au format inhabituel avec 3 trompettes, 1 Tuba, un sax alto, basse et batterie et cette formation n’avait disposé que de deux semaines de répétition. Fort mari de cet échec et désireux de ne pas en rester là, Mingus avait décidé de rejouer et d’enregistrer ce programme deux semaines plus tard devant les étudiants de UCLA. Les bandes proposées ici sont, selon le souhait de Mingus lui-même, les bandes originales de ce concert dans leur jus d’origine avec les ratés, les faux départs et les fausses notes. On y entend ainsi la formation s’y reprendre à deux fois sur  “Once upon a time there was a holding corporation called Old America” avant que Mingus ne vire de la scène la moitié des musiciens (traités au passage  d’attardés mentaux) et à embrayer avec le quartet habituel sur un hommage à Parker et Gillespie.

 

 

Mais malgré ces défauts qui donnent à ce témoignage la force vive de l’authenticité, l’incroyable force de la musique de Mingus n’en est que plus présente. En 1965 cette sauvagerie derrière laquelle pointe encore la rage et la colère de Mingus fait toujours figure de manifeste politique. Ses titres, comme toujours chez Mingus révèlent explicitement une féroce diatribe contre cette Amérique qu’il exècre : « They trespass the land of the sacred Sioux » (jeu de mot sur le prénom de son épouse), « Don’t be afraid, the clown’s are afraid too » qui sonne comme un appel à la révolte et enfin pour conclure cet album «  Don’t let it happen here » où Mingus lit en prélude le poème d’un auteur allemand antinazi écrit durant la guerre et dont il fait écho  à l’Amérique de son temps.

 

 

Et puis il y a cette musique en elle-même.  Là où Mingus parvient à obtenir des musiciens le meilleur d’eux même, q’il s’agisse des chorus de Charles Mc Pherson à l’alto, de Hobart Dotson et Julius Watkins à la trompette ou qu’il s’agisse de cette incroyable entente entre Mingus et Dannie Richmond à la batterie qui porte l’énergie de cette formation à son plus haut point d’incandescence.  Irrévérence absolue d’une musique constamment inventive, faite de revirements, d’accélérations des tempis, de citations et d’hommages aux classiques jusqu’à reprendre de manière étonnante  un Muscrat ramble de Kid Ory dans la pure tradition du New Orleans. On entend ça et là les rugissements et les interjections de Mingus lorsque la musique est à son point de paroxysme. On jubile, on est pris à parti et on entre dans cette musique avec autant de délectation que de surprises. Mingus est en colère et ça se voit et s’entend. Sa musique est « mutine » ce qui veut dire aussi facétieuse autant que révoltée.

 

 

Jean-Marc Gelin
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