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3 février 2007 6 03 /02 /février /2007 10:52

JJJ MANUEL ROCHEMAN: « Cactus dance »

 

 

Nocturne 2006

 

 

Manuel Rocheman (p), Scott Colleu (b), Antonio Sanchez (dm)

 

 

 

 

Manuel Rocheman fait partie cette catégorie depuis longtemps. Celle où le « L » de liberté devient majuscule. Ayant la démarche d’enregistrer un disque avec deux partenaires réputés pour leurs talents immenses et leur profond dévouement, « Cactus Dance » nous réserve un sacré programme, bien avant d’en écouter la première note. L’album commence d’ailleurs tout simplement par une blague, « Aulnay Blue ». Un tempo rapide complètement masqué par la construction rythmique du thème. Et comme s’il n’y avait pas assez de camouflage, cette première mélodie est doublée dans les graves par la contrebasse. Un jeu d’enfants. La suite en est d’autant plus troublante. C’est le deuxième morceau, « You must believe in Spring », qui nous ramène sur terre avec la poésie du printemps et de ses promesses. Comme Bill Evans fit trop peu, sur ce morceau seulement, Manuel passe au Fender Rhodes d’une mesure à l’autre, avec ce chant intérieur monstrueusement génial et lyrique. Cet instrument donne un coté intriguant au jeu de main gauche de Manuel. Parlons-en justement. Cette main gauche nous offre des accords fermement présents. Il est souvent un choix pour les pianistes d’accéder au modernisme par la sauvegarde de codes du passé. Il s’agit chez ce pianiste d’un code finement approprié, celui de systématiquement plaquer les accords pendant un chorus. Ce qui l’aide à rendre plus actuel ce système, c’est la sensibilité personnelle qu’il met dans le choix des notes de ces accords. On  ne peut qu’en relever le niveau de maturité qu’a atteint Manuel Rocheman.

 

 

L’extraordinaire batteur mexicain Antonio Sanchez qui l’accompagne a réalisé ce disque sans utiliser les couleurs latines de ses fûts. Cet habituel expert des sonorités métissées a renoncé à cette touche, afin de s’immerger totalement dans l’univers jazz moderne du leader. Le raffinement est au maximum lorsqu’on pénètre dans le « spécial batterie » à la fin de la valse « Cactus Dance ». La douce frénésie des baguettes sur les peaux est développée par une énergie toute intérieure. Scott Colley est en quête d’exactitude. Le temps est pour ce contrebassiste de 44 ans une obsession, sans enlever la spontanéité du dialogue avec le batteur. A eux deux se combine une machination en perpétuel mouvement. Malgré quelques « fades » malvenus, plusieurs titres du disque nous ramènent aux grands classiques du trio et à l’influence qu’ils apportent à Manuel. Un hommage à Keith Jarrett en passant par « So tender », façon Rocheman. N’oublions pas « Comrad Conrad » aussi, pièce magique à l’esthétique Evansienne où Manuel après son intro solo est rejoint par les deux musiciens nord-américains, donnant eux aussi leur majestueux hommage au trio légendaire de Scott Lafaro et Paul Motian. Pour terminer cette ballade des souvenirs, notons aussi ce double-hommage avec « I love you », enregistré avec 2 points de vue rythmique différent. Le jeu des blagues se termine dans la bonne humeur de la nostalgie. Une nostalgie amoureusement joueuse.

 

 

Tristan Loriaut

 

 

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