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26 novembre 2019 2 26 /11 /novembre /2019 14:52
FREDERIC BOREY    BUTTERFLIES TRIO  Fredéric Borey (tenor sax) Damien Varaillon (double bass) Stéphane Adsuar (drums)

FREDERIC BOREY   BUTTERFLIES TRIO

 Fredéric Borey (tenor sax) Damien Varaillon (double bass) Stéphane Adsuar (drums)

Label Fresh Sound New Talent

Le saxophoniste Fred Borey s’est fait plaisir pour son 7ème album: après une série de plus de 50 concerts, à la fin de la tournée européenne qui l’ a conduit avec un nouveau trio jusqu’à la Baltique, il a enregistré, fidèle au label de Jordi Pujol, un double CD dont l’un est composé entièrement de standards (Duke Ellington, Fats Waller, Wayne Shorter…) et l’autre de compositions originales. Il n’a pas eu peur de se lancer dans cette aventure musicale avec un trio puissant, plus organique, sans piano, constitué d’une rythmique formidablement efficace contrebasse/batterie. Aimant échanger avec des timbres et sonorités différentes, il tente des alliages souvent très réussis avec, à chaque fois, des instruments différents: on se souvient de l’UNITRIO avec l’ orgue Hammond de Damien Argentieri et du quartet LUCKY DOG avec la trompette de Yoann Loustalot.

Fred Borey en leader accompli n’a jamais hésité à reprendre des standards qu’il aime particulièrement, comme ceux de Duke Ellington. Ecoutez ce “Black Beauty” qui swingue avec grâce ou, sur le plus rare “The single petal of a rose”, admirez le batteur Stéphane Adsuar qui garde le cap, entretenant un drive rebondissant, avec entrain et une réelle finesse. De Billy Strayhorn, l’alter ego du Duke,“A flower is a lovesome thing” devient, avec le talent du contrebassiste Damien Varaillon, le chant épuré de cordes qui résonnent tout contre le souffle du ténor. Toute la science de l’ interplay est là, jusqu’au final, le merveilleux “Jitterbugwaltz”, d’une puissance retenue, qui autorise toutes les nuances. On est constamment surpris par la façon originale et sans esbroufe dont sont revisitées ces petites merveilles.

Comme Fred Borey enseigne depuis longtemps, il accepte bien volontiers ce “devoir” de transmission. Arranger est pour lui une façon de composer, du moment que la mélodie est habitée, et que l’on se tient au plus près de l’émotion. Le passé est revisité sans nostalgie. Les chansons choisies avec soin sont remises sur le métier, revivifiées avec talent. Transposant l’harmonie selon des rythmes fluides, souples et actuels, il s’inscrit quand même dans une tradition cool, west coast. 

Fred Borey n’hésite pas à s’approprier des thèmes joués par d’autres saxophonistes qui lui ont donné envie de les reprendre à son tour : ainsi, du tonique et pourtant mélancolique “Mr Sandman”, vieille chanson de Pat Ballard popularisée par un groupe vocal féminin, The Chordettes qui en fit un véritable hit en 1954. Après le saxophoniste Stephen Riley qu’il admire, il nous laisse une version très personnelle, frémissante qui rehausse l’intérêt de cette mélodie entraînante mais datée.

Ce qui ne l’empêche pas de proposer ses propres compositions qui se caractérisent par une belle énergie, très efficace, sans frénésie mais avec un moelleux dû au timbre du sax ténor. Où se situe-t-il dans la grande partition Coleman Hawkins/ Lester Young d’où viennent respectivement Sonny Rollins et Stan Getz par exemple? Le saxophoniste de culture classique, a pratiqué les deux écoles. Mais, de son aveu même, il a une tendance plus affirmée à suivre un penchant lesterien. Ce qui explique peut être sa façon si originale de phraser qui transforme la mélodie, que ce soit les standards ou ses propres compositions, et la cohérence parfaite des deux albums que l’on peut enchaîner sans hiatus ( “Statement”, “Commencement”, “Mr J.H” (John Henderson?)

Cette musique se déguste pourvu qu’on prenne le loisir de se laisser à autre chose que la précipitation: une conversation triangulaire subtile s’engage avec des échanges sans le moindre cliché : finesse des timbres, élégance dans la persistance même de l’échange, toujours rebattu.

Amour de la mélodie, sens de l’improvisation, belle écriture, que demander de mieux que ce jazz effervescent, toujours porteur de vertus formelles?

Sophie Chambon

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