lHERMIA-MOHY-GERTSMANS
THE LOVE SONGS
Back to the heart of jazz
Jazzavatars/L'autre Distribution
Manu Hermia (tenor and alto sax ), Pascal Mohy (piano), Sam Gerstmans (cb)
Voilà un album qui est arrivé à point sur le label JAZZAVATARS, en cette fin décembre mouvementée et pour le moins compliquée. Avec ce trio bien établi outre-quiévrain, il n’est pas question de grève des sentiments, peut-être de quelques désordres de l’aorte, puisqu’ils reprennent quelques-unes des chansons d’amour du répertoire de Broadway, des standards intéressants à revisiter, plutôt que les plus rebattus… Le sous-titre est parfaitement explicite : " back to the heart of jazz". Le choix demeure immense cependant et en choisir sept était une gajeure. Le saxophoniste Manu Hermia glisse une de ses compositions, délicatement, “I aime you”, en antépénultième position, qui ne dépare pas la cohérence de l'album. La mélodie évidemment figure dans les critères de choix, et elle se détache précisément, comme l’ envoûtant “Soul Eyes” inaugural du grand Mal Waldron, qui nous plonge immédiatement dans une atmosphère de film noir.
En 2012, sur Emouvance, Laurent Dehors et Matthew Bourne se lançaient aussi dans un programme de “Chansons d’amour” mais les compositions étaient de leur cru, hormis “La vie en rose”. Et leur échange les poussait à vivre sur le fil, plutôt radicalement. Ici, rien de tel, peu de tension, le trio sans batterie, (sax, piano, contrebasse) est en phase, jamais dans l’emphase, célébrant la douceur mélancolique du sentiment amoureux comme dans cette délicieuse ballade “The nearness of you”. On est en effet au plus près des musiciens comme dans un club de jazz quand on sent les vibrations, la musique en train de se faire. Toujours sobre, se calant avec bonheur dans ce registre intimiste, le saxophoniste garde une sonorité mate, sans trop de vibrato à l’alto et au ténor, dans un registre qui ne prétend pas à une modernité extrême, mais s’inscrit dans la tradition d’un jazz intense, royal à dire vrai. Tous trois (Pascal Mohy au piano et Sam Gerstmans à la batterie) arrivent à affiner le dosage de leur musique singulière, en suspens, fragile architecture minimaliste. Ils bâtissent une suite en équilibre dans une apparente simplicité. De grandes qualités qui jouent en faveur d’un album plutôt convainquant, authentique déclaration d’amour pour cette musique, à laquelle on ne peut rester insensible. C’est le coeur qui parle explicitement : on se laisse entraîner, comme en amour, le coeur bat plus vite et c’est bien...
Sophie Chambon