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17 février 2022 4 17 /02 /février /2022 19:11
FRED PALLEM & LE SACRE DU TYMPAN

 

FRED PALLEM & LE SACRE DU TYMPAN

Réédition Street machine/ Kuroneko

 

Sortie le 18 février

 

 

Compositions et arrangements, basse électrique– Fred Pallem,

Alto Saxophone, Sopranino Saxophone – Christophe Monniot,

Baritone Saxophone, Alto Saxophone, Soprano Saxophone, Flute – Rémi Sciuto,

Bass Saxophone, Sopranino Saxophone,Tenor Saxophone – Fred Gastard,

Cornet, Vocals – Médéric Collignon,

Bugle, Trumpet –Fabrice Martinez, Guillaume Dutrieux, Yann Martin,

Tenor Saxophone, Sopranino Saxophone – Matthieu Donarier,

Drums – Vinz Taeger,

Flute, Piccolo Flute – Aude Challéat,

Glockenspiel, Vibraphone, Xylophone – Nicolas Mathuriau,

Guitar, Banjo – Ludovic Bruni,

Piano, Synthé,orgue – Vincent Taurelle,

Trombone – Daniel Zimmerman, Julien Chirol, Lionel Seguy, Pascal Benech,

Tuba – Renald Villoteau

 

Une réédition bienvenue sous forme de CD mais aussi de vinyls avec une pochette vintage d’ Elzo Durt qui m’a rappelé, allez savoir pourquoi, celle de Déja Vu du mythique CSN&Y, pour le côté rétro sans doute, alors qu’il faudrait aller voir du côté de l'imagerie de Wes Anderson dans Moonlight Kingdom. C'est que le cinétempo est au coeur de l'univers de Fred Pallem depuis longtemps.

On avait oublié la magie de cette musique du Sacre du Tympan (quel titre magnifique dû à Serge Rosenberg, journaliste à Politis ), formation qui apparut comme un OVNI, il y a 20 ans, avec la fine fleur du jazz français, musiciens frais émoulus du CNSM pour beaucoup, les meilleurs solistes de l’époque, la génération de Baby Boom, les Donarier, Monniot, Sciuto, Zimmermann...

Ces vingt musiciens constituent le “Sacre de l’Ouïe” selon la formule de Fred Goaty (Jazzmagazine et Muzik) qui a recueilli, dans les liner notes, petit carnet fort instructif, les impressions des membres de l’orchestre, certaines à l’époque et d’autres aujourd’hui, vingt ans après.

Un projet électrique et électrisant pour une formation luxueuse aux vives couleurs, avec les arrangements brillants, inventifs d’un maître en la matière, Fred Pallem. Fou de funk, de musiques vintage qu’il savait déjà moderniser, soul master au plus près de la Black music, celle qui court de la fin des années soixante à la fin des années quatre vingt, le chef de l’insolent Sacre du Tympan s’est confectionné un orchestre sur mesure, un collectif puissamment cuivré qui sonne avec une vitalité réjouissante: 2 sax alto, 2 sax ténor, un sax baryton, 1 sax basse, 3 trompettes, 1 cornet, 3 trombones et 2 basse, 1 guitare électrique, 1 guitare basse, et une section rythmique d’acier , dominée par un Vinz Taeger impérial à la batterie, gardien du tempo et de la structure. Car le rythme ne faiblit jamais avec ces 20 musiciens à pied d’oeuvre sur le champ de manoeuvres!

Dès un premier titre épatant ( regardez la vidéo de 2002), on est plongé au coeur du chaudron, bonheur rare de voir et revoir -on ne s’en lasserait pas, cette “Procession d’illuminés” avec le solo décapant de Rémi Sciuto. Quelque chose de “cartoonesque” indiscutablement, dans le rythme fou et un retour du cinéma encore et toujours, celui deTim Burton à son meilleur avec les musiques de Danny Elfman. Oui, cette musique inouïe, il fallait la voir autant que l’écouter! Un soupçon de Nino Rota, pas vraiment du Bernard Herrmann. Fred Pallem aimait déjà, assurément- mais pas encore au point d’en graver une cire -cela viendrait après, la musique du génial François de Roubaix, l’homme-orchestre, touche-à-tout, autodidacte qui jouait avec les timbres et instruments bizarres, composait, bricolait dans son “home studio” l’un des inventeurs de musique de film, à la française, avec Michel Magne dans laquelle le jazz, le rock avaient grande part.

Le bassiste leader du Sacre est toujours un formidable arrangeur, il a fait son chemin depuis et participé au programme de Fred Maurin pour le dernier ONJ, sur Ornette Coleman, à sa place dans un programme qui danse, Dancing in your head, plus que sur l’autre volet, Rituals.

Avec la suite de titres qui mettent en jambes irrésistiblement comme le “Dancing fool” du "singing fool" de Frank Zappa. On ne fait pas que danser dans sa tête avec cet orchestre, idéal pour se démarquer des autres grands formats, un vrai groupe de jazz avec la puissance de feu d’un groupe de rock, un mélange entre Genesis et Stan Kenton.

Peu d’orchestres sonnaient alors aussi intelligemment tout en restant très accessibles. Stimulant l’imagination, en racontant des histoires de cow-boys au galop (fantastique «A l’Ouest» désorientant rodéo, en accéléré à la Benny Hill). C’est volontiers potache, délicieusement régressif, on sent que les musiciens s’amusent en osant beaucoup, même si cette musique réglée au cordeau n’est pas facile. Un univers burlesque pour ne pas dire déjanté, mais aussi onirique dans cette suite en quatre volets, inspirée du Little Nemo de Mc Kay (“Au fond de l’oreiller”, “Des lits avec des jambes”, “Poursuivi par des éléphants géants” où s’illustre Donarier, “Réveil” où comme le personnage, on se retrouve par terre!).

On est  aussi dans le conte, la fantaisie, dans un jazz pluriel que l’on regarde comme au cirque, en attendant jeux et numéros.“Une de perdue, une de perdue” en est tout à fait exemplaire avec les élucubrations vocales du trublion Médo avant son solo au cornet, et la tellurique prise de son de Fred Gastard qui lui emboîte le pavillon.

Composée en alternant subtilement tempi et climats, sans perdre jamais la cohérence du montage, toujours bondissante avec des écarts inattendus, la musique est rendue avec une efficacité fougueuse par cet équipage dans un désordre juste apparent, emballements, échappées libres et embardées, suivis de moments plus tendrement rêveurs. Nous voilà happés sans pouvoir reprendre souffle  avec des moments de grâce pure dans “C’est l’Illyrie, Madame”, une guitare cristalline qui insuffle douceur et lyrisme dans ce monde velu, une ballade rêveuse, romantique. Pas le temps de s’émouvoir, survient un titre farfelu, trivial même “Et pour quelques fayots de plus”, back chez Davy Crockett, au pays du western spaghetti, façon pasta  e fagioli, avec des nappes gazeuses au synthé.

La nostalgie est de mise en redécouvrant les débuts de cet orchestre inclassable des premières années du millénaire. Un vif plaisir d’écoute en tous les cas. Fortement conseillé, cet album sera notre prescription de rentrée de vacances.

 

Sophie Chambon

 

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