Original Sound DeLuxe
Cristal Records / Harmonia mundi
Quelle idée lumineuse de consacrer un album de cette jolie collection Original Sound Deluxe aux « Jazz birds » ! C’est bien entendu à Claude Carrière que l’on doit cette réalisation ingénieuse : dans ses notes de présentation parfaites, toujours érudites et brillantes, il explique que « les oiseaux ont toujours eu leur place dans l’imaginaire des musiciens de jazz ». Aussi pourquoi ne pas illustrer ces libres volatiles, par quelques titres appropriés de musiciens de jazz ? Ceux-ci se sont toujours inspirés des oiseaux pour s’envoler au-delà des grilles ! Honneur à « l’oiseau en chef » du jazz , Charlie Parker, THE Bird, qui aura droit à quatre titres qui couvrent quelques illustrations du champ sémantique du mot « oiseau ».
Mingus s’applique à une « reincarnation of a love bird » , un thème complètement fou mais admirable, joué dans « la tonalité pourrie de Sol bémol mineur » nous précise Claude Carrière. On se rend vite compte qu’il s’agit de quelque chose d’unique, un morceau de bravoure… « L’oiseau méritait bien ça ! »
Ce joli numéro décline également la thématique sous un angle ornithologique en nous faisant découvrir le flamand le plus caressant qui soit (l’orchestre de Duke Ellington avec Paul Gonsalves qui joue encore mieux de son saxo-ténor que de coutume), l’alouette et le loriot (Hoagy Carmichael, le compositeur de « Stardust » et de « Georgia » ) un formidable « Mambo del Crow »- le corbeau- de Shorty Rodgers and his giants (ah qu’ils étaient chanceux ceux qui pouvaient entendre dans les années cinquante les Shorty Rodgers, Shelly Manne, Jimmy Giuffre).
Les chanteuses, doux oiseaux de paradis ne peuvent être oubliées : Sarah, « divine » dans l’immortelle « Lullaby of Birdland » , Ella swingante à souhait dans « Hot Canary » mais aussi CarmenMc Rae, Julie London et « l’épatante » (Claude Carrière a raison) Anita O’ Day dans « Watch the birdie ». On aurait juste pu rajouter à cette liste éblouissante ‘the voice’, alias Sinatra qui se serait fait un plaisir de proposer à toutes ces dames «Come fly with me».
Tout est dit. Il faut décidément acheter les albums de cette collection et faire le tri dans la foule de rééditions bâclées, tout à fait dégoûtantes.
The BASS MASTERS
ORIGINAL SOUND DELUXE
1 CD
Cristal records / harmonia mundi
Autre thème plus classique mais non moins passionnant The Bass Masters.
Claude Carrière nous entraîne cette fois à la poursuite des contrebassistes qui ont fait connaître cet instrument.
On se plonge dans le livret, véritables pages de l’histoire du jazz et la musique fait le reste.
C’est à un véritable bain de jouvence que Claude Carrière nous convie depuis les origines du jazz à la Nouvelle Orleans.Les amateurs les plus coriaces (et les plus éclairés) trouveront matière à découverte dans cet album qui montre un vrai travail de publication, la relecture de toute une époque, au travers d’extraits incontournables :« Pitter Panther Patter » de Duke Ellington avec le révolutionnaire Jimmy Blanton qui donna son autonomie à l’instrument, ou le regretté Scott La Faro dans « Chasing shadows » qui changea définitivement la façon d’entendre la contrebasse, sans oublier Charles Mingus « Mingus fingers » chez Lionel Hampton .
Mais la sélection judicieuse fait aussi découvrir des formations oubliées ou quelque peu négligées: John Kirby dans l’orchestre de Teddy Wilson avec Billie Holiday chantant « Eeny Meeny Miney Mo »; Milt Hinton (à la longévité tout à fait exceptionnelle), merveilleux dans « Pluckin the bass » chez Cab Calloway ; un Français , Pierre Michelot dans le quartet parisien de Dizzie Gillespie en avril 52 ; Leroy Vinnegar, adepte de la « walking bass » dans le trio de Sonny Rollins.
Voilà une mise en jeu du corps et du plaisir avec 20 extraits : une collection intelligente pour ceux qui voudraient se familiariser avec le jazz, mais aussi ceux qui aiment cette musique et qui apprendront toujours quelque chose. Une compilation bien faite par de vrais spécialistes du jazz.
Indispensable et fort utile.
Sophie Chambon