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28 mai 2015 4 28 /05 /mai /2015 23:22
JOEY ALEXANDER : « My Favourite things »
JOEY ALEXANDER : « My Favourite things »

Motema 2015

Joey Alaxander (p), Larry Grenadier ( cb), Ulysses Owens Jr., Russell Hall (cb), Sammy Miller (dms), Alphonso Horne (tp)

On voudrait en chroniquant cet album du pianiste balinais Joey Alexander, évacuer une bonne fois pour toute la question de son âge et toutes les notions d’enfant prodige qui vont avec. Car, disons le tout de suite la claque est d’autant plus grande à l’écoute de cet album que l’on apprend que ce jeune garçon n’est qu’un enfant de 12 ans à peine déjà doté au bout de ses doigts touts les ingrédients du génie en herbe. Né à Bali en 2003 le jeune pianiste qui dès l’âge de 6 ans pouvait rejouer des thèmes de Monk juste entendu dans la discothèque de papa, est en effet une vraie révélation.

On voudrait évacuer cette question de l’âge, se dire qu’il n’est pas l’exception, que d’autres à l’instar d’une Jacques Thollot en firent tout autant et que Keith Jarrett avait déjà donné son premier concert 5 ans avant cet âge là. Comme quoi finalement, le génie, c’est d’un banal !

N’empêche, on aimerait faire abstraction de toutes ces contingences pour aller droit à l’essentiel et vous dire que l’on est quand même restés abasourdis devant cet album assez époustouflant. Mais ne vous méprenez pas. On a pas affaire ici à ce genre de virtuoses, comme ces jeunes pianistes japonais(es) qui font sans cesse et à tout bout de champ état d’une brillante et clinquante maestria qui en fout plein la vue à chacune des phrases ( je pense à Hiromi par exemple). Ici, autre chose. Le jeune garçon, à qui l’on pourra reprocher parfois d’en mettre un peu trop, fait surtout montre non seulement d’une maîtrise exceptionnelle mais surtout d’un sens hors norme de l’improvisation où les idées harmoniques semblent jaillir à chaque phrase. Il faut entendre les détours avec lesquels il aborde les standards à l’image de cette introduction de Giant Step, déjà un modèle du genre. Car non content de maîtriser parfaitement son sujet, Joey Alexander le survole littéralement. Tout y est : la gravité lorsqu’il la faut ( Over the rainbow), la légèreté d’un Michel Petrucianni ( It might as well be spring), le sens du groove et du placement ( superbe impro sur Ma Blues au harmonies détonantes), le sens de développements aussi ou encore, justement le ménagement de ces espaces sensibles que l’on croyait pourtant réservé aux plus anciens, à ceux qui ont déjà tout dit. Tout est étonnant chez ce jeune garçon capable de surprendre constamment en émaillant son discours de mille pépites inattendues. Il déroule parfois comme Art Tatum puis l’instant d’après se fait prolixe comme Oscar Peterson mais sans jamais pourtant donner l’idée de plagier ses aînés.

Et c’est là que survient le malaise et que l’on revient à la question de départ : comment est il possible si jeune et donner l’impression d’avoir autant vécu musicalement.

Mais après tout peu importe le flacon et peu importe l’âge du capitaine dont finalement on se fout comme de l’an quarante (que d’ailleurs il n’a pas connu), le temps ne faisant décidemment rien à l’affaire, reste juste le plaisir entier et immense de cet album absolument jouissif de bout en bout et , par ailleurs assez magistral.

Jean-Marc Gelin

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commentaires

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C'est… incroyable. Les idées rythmiques sont complexes et clairement énoncées, et comme dit ici ça n'est pas "démonstratif" : musical, entièrement, à mon sens.
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