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29 mars 2012 4 29 /03 /mars /2012 22:10

 

Daniel Filipacchi.

Editions Bernard Fixot. Février 2012.


Brother Daniel, Billie, Art, Charlie, Django et les autres

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Pour toute une génération –la mienne, les natifs de l’immédiat après-guerre (la seconde)- son nom équivaut à la découverte du jazz sous toutes ses formes : le sérieux avec Jazz Magazine, le ludique avec Pour ceux qui aiment le jazz, émission radio quotidienne. Un marqueur de ces années 50-60 où le jazz était populaire et faisait danser dans les « surprise-parties ».

Associé dans cette croisade avec son compère Frank Ténot, Daniel Filipacchi passe aujourd’hui en revue sa vie, sans tambour ni trompette, avec humour et franchise dans « Ceci n’est pas une autobiographie ». Un titre en forme de clin d’œil à l’œuvre de Magritte, lui, le collectionneur érudit des peintres surréalistes, qui reflète bien l’esprit de cette « brique » de quelque 400 pages, souvenirs sous forme de chroniques jetées au fil de la plume, ou plutôt de l’ipad par l’ex-magnat de la presse magazine (40 publications, Paris Match, Lui, Salut les Copains, Photo, Woman’s Day, les Cahiers du Cinéma…).   

En feuilletant ce livre curieusement (encore un clin d’œil) qualifié de roman, l’amateur de jazz découvrira comment le jeune Daniel, né en 1928, grande année pour Armstrong et Duke, se prit de passion pour la musique syncopée. Son père, Henri, natif de Smyrne, futur créateur de la collection Livre de Poche, en était fan et recevait moult disques envoyés par son frère Charles émigré à New York. Habitant Saint Germain des Prés, Daniel rencontre Django Reinhardt, se trouve à Pleyel en 48 pour « le » concert de Dizzy Gillespie et retrouve le trompettiste dans une petite boîte du New Jersey avec Charlie Parker. Grand choc et premier entretien pour le jeune photographe avec un « Bird » dont la disparition en 1955 conduira à la naissance de « Pour ceux qui aiment le jazz ». Invité à présenter en catastrophe sur Europe n°1 quelques disques du saxophoniste, Filipacchi se voit dès le lendemain confié une émission de jazz…S’ensuit l’organisation de concerts, la production de disques… et la reconnaissance des jazzmen dont témoignent « Brother Daniel » de l’organiste Lou Bennett ou « Blues March for Europe n°1 » d’Art Blakey, gros succès chez les disquaires.

Au milieu de dizaines de rencontres avec des célébrités du monde des arts et des lettres qui émaillent cet ouvrage –Céline(en exil au Danemark), Cocteau, Georges Pompidou, Marlene Dietrich (qu’il invite à danser), Jean Genet (qui le voit comme un « jeune Citizen Kane ») André Masson…- les jazzmen tiennent une place, modeste mais marquante. On retiendra pour l’émotion une journée parisienne avec une Billie Holiday à la dérive, ou une soirée dans un club new yorkais désert avec un Art Blakey qui s’adresse au producteur : « Daniel Filipacchi vient d’un pays où le mot jazz n’a pas la même signification qu’ici où toutes les excuses sont bonne pour ignorer notre musique.(…) Le jazz est pourtant l’une des seules choses valables que nous autres pauvres américains avons à donner au monde ».

Aujourd’hui encore figurant à l’ours de Jazz Magazine-Jazzman avec le titre de Chairman emeritus, Daniel Filipacchi a bien mérité du jazz. Et dans « Ceci n’est pas une autobiographie » l’éditeur évoque avec cœur ce jazz, l’une des grandes passions de sa vie avec le surréalisme et la bibliophilie.

 Jean-Louis Lemarchand

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