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2 novembre 2009 1 02 /11 /novembre /2009 13:51

ECM

Keith Jarrett (solo)


On a presque tout dit sur l’art de l’improvisation de Keith Jarrett. Sur le moment de l’inexplicable. Ce moment qui s’invite en musique. Où tout devent possible au bout des doigts du pianiste. Ce moment d’angoisse et de liberté suprême. Où tout part de rien et y retourne parce que l’artiste l’a décidé, parce que c’était comme ça qu’il fallait qu’il commence et que c’est comme cela qu’il fallait finir. On a déjà tout dit lorsque Keith Jarrett, à l’occasion de l’album Radiance, enregistré au Japon revenait au piano solo, à l’improvisation totale.

Ici c’est une série de 2 concerts donnés le 26 novembre et le 1er décembre à paris et à Londres qui donne matière à ces trois CD’s. Jarrett dans des liners notes absolument bouleversantes y explique les conditions dans lesquelles il abordait ces concerts qui intervenaient quelques temps après sa séparation avec Rose-Anne sa compagne depuis 30 ans. C’est dans un état de grande vulnérabilité émotionnelle que la pianiste revenait à Paris et surtout à Londres où il n’avait pas joué depuis 28 ans. Il y raconte aussi son angoisse des lumières de la ville à l‘approche de Noël ou encore ses larmes d’après concert. Mais il ne dit rien sur ce processus magique d’improvisation qui lui est familier depuis l’âge de 6 ans lorsqu’il changeait déjà les thèmes qu’on lui enseignait.

Face au piano, Jarrett n’est plus tout à fait de ce monde-là. Nous entrons dans cet univers sans effraction, son univers intime, celui dans lequel il brasse autant de Bach que de Mozart ou de Bill Evans dans un flot, aussi construit que libre de suivre son propre cours. Le testament de Jarrett n’a rien de mortuaire. Jarrett nous livre au contraire cette musique qui ne cesse d’alimenter sa vie. Le piano comme l’intime prolongement de lui-même, comme ce regard en lui-même d’où surgit l’indicible du pianiste, sa vérité fondamentale. Ontologique. A l’heure où sa vie s’inscrivait dans une rupture très forte, Keith Jarrett que nous avions vu le soir de Pleyel parler au public et lui sourire, semblait aborder ces concerts sous un jour totalement nouveau. En se livrant à son public, en lui dédiant au travers de ses improvisations ce qui alimente sa vie de pianiste, son génie créateur, en rendant hommage à ses maîtres autant qu’à la musique même, Jarrett livre là bien plus qu’un testament. Une offrande.

Jean-Marc Gelin

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