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5 juin 2007 2 05 /06 /juin /2007 07:35

 

 

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Ó
Jean Cemeli

 

Comment as tu perçu les chroniques de ton dernier album « Pogo » qui après les dithyrambes qui avaient suivies «  North » sont un peu plus réservées

 

JS : Moi personnellement je crois que cet album est meilleur que le précédent. Je ne suis certes pas objectif mais je le trouve plus abouti, il est plus varié, il y a du soprano qu’il n’y avait pas dans l’autre… 

 

Mais justement ce n’est pas une sorte d’exercice obligé maintenant pour un ténor de faire deux ou trois morceaux au soprano ?

 

JS : D’abord j’en joue depuis plus longtemps que du ténor. Ensuite c’est une question de morceaux. Les deux morceaux sur lesquels je joue du soprano sur « Pogo » s’y prêtent bien alors qu’il n’y avait pas cet espace dans « North ». C’est la sonorité que j’entendais le plus sur ces morceaux. Maintenant c’est vrai que c’était aussi un argument qui permettait de démarquer cet album de « North » même si ce n’était pas l’idée au départ. 

 

Autre point sur lequel tu t’es démarqué, c’est le label. Pourquoi en  avoir changé ?

JS : Je suis vraiment très content d’avoir fait mon premier album sur Fresh Sound. Jordi Pujol m’a donné ma chance comme il le fait pour beaucoup de gens et c’était une belle opportunité pour moi. Simplement Bee Jazz donnait beaucoup plus de moyens pour réaliser ce nouvel album. En plus ce label est mieux distribué en France et en plus ils ont une licence avec Sunnyside aux États Unis. Du coup je couvrais les deux pays ce qui correspondait exactement à ce que je souhaitais. Ils m’ont donné beaucoup de moyens et m’ont laissé faire comme je l’entendais. Les deux disques ont été fait dans les mêmes conditions avec le même groupe, le même ingénieur du son, j’ai contrôlé tout le processus et j’ai quasiment produit artistiquement l’album. Alors je ne peux certes pas dire que Jordi était content mais il a compris qu’avec une telle différence je ne pouvais vraiment pas refuser. D’un autre côté il faut reconnaître qu’en acceptant de produire un deuxième disque réalisé exactement dans les mêmes conditions, après le super accueil du premier Bee Jazz acceptait de prendre de gros risques.

 

C’est un peu inquiétant de penser que parce que tu as reconduit la même équipe il y a prise de risque. Sinon Brad Meldhau serait obligé de changer tout le temps sa rythmique !

Oui d’accord mais là c’est l’exception. Je ne fais pas partie de la même catégorie. Brad Meldhau ça marche parce que c’est tellement bien et cela a tellement de succès qu’il a pu reconduire son casting. Mais pour un Brad Meldhau combien de jeunes sont obligés de se renouveler à chaque fois ? Moi je crois que les meilleures choses qui se sont produites en jazz l’ont été en groupe. Avec la maturation du groupe. Pourquoi penser qu’on se bonifie en changeant le projet tous les ans. C’est le contraire, non ? Prend les Hot Five d’Armstrong, le quintet de Miles, le Quartet de Coltrane, le trio de Bill Evans c’est toujours comme cela que ça progresse, tout montre que les progressions ne sont pas liées à la multiplicité des projets mais au contraire à l’évolution d’un groupe de base qui travaille ensemble. Est ce que l’on peut imaginer Trane sans Mc Coy, Elvin et Jimmy ? Pour ce qui me concerne je crois que l’évolution entre « North » et « Pogo » c’est que plus on est ensemble plus on s’écoute, plus on joue ensemble, plus on réagit vite aux autres, plus aussi on est à l’aise en studio.

 

Ce qui frappe dans l’écoute de ton album c’est que l’on entend aujourd’hui beaucoup de groupes qui semblent faire un rejet de la mélodie. Toi tu sembles l’assumer totalement

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ÓJean Cemeli

JS : Je suis tout à fait d’accord avec ce que tu dis. Il y a aujourd’hui une tendance à confondre complexité et modernité. Mais c’est vrai que si certains morceaux peuvent paraître très simples, si on montre la partition à des musiciens ils te diront que la structure est néanmoins très complexe. Mais je ne crois pas que ni la simplicité pour la simplicité ni la complexité pour la complexité soient des valeurs en soi.

Avec ce groupe on joue assez souvent au Fifty Five, au Smalls ou au Barbès. On y joue de manière prinicipalement mes compositions mais cela nous arrive aussi de jouer des standards. Tout le monde compose, certes mais comme c’est mon groupe, cela tourne plus autour de mes compos. Pourtant Ben (Monder) écrit de la musique formidable, que je serais certainement bien en peine de jouer. Mais ce n’est pas le propos, d’ailleurs dans sa musique il n’y a pas forcément de soufflant.

 

Comment vous êtes vous rencontrés avec Ben ?

JS : On a eu la chance de se côtoyer dans le groupe d’un superbe compositeur argentin, Guillermo Klein. Il faut vraiment écouter ses disques sur Sunnyside ! Dans son groupe il y a plusieurs saxes dont Chris Cheek ou Miguel Zenon et j’ai eu la chance d’être appelé pour jouer à leurs côtés. C’était une période où j’avais un gig le lundi au Jazz Standard et lui aussi. On s’est croisés là bas et il m’avait demandé de remplacer au pied levé Donny Mc Caslin. C’est une de mes plus belles expériences musicales. Surtout qu’en arrivant à New York mes références principales c’étaient d’une part Kurt Rosenwinkell-Mark Turner et d’autre part….le groupe de Guillermo Klein.

 

Il y a vraiment chez les saxophonistes de ta génération une influence très forte de Mark Turner ?

JS : Oui c’est vrai que cette atmosphère qu’ils ont su créer avec Kurt est quelque chose de très prégnant pour nous. C’est vraiment pour moi ce qui se fait de mieux en jazz. C’etait le bon casting au bon moment et au bon endroit. Mais pour autant, bien qu’étant un grand fan de Mark j’ai toujours cherché à m’affirmer moi même. Je n’ai par exemple jamais fait un seul relevé des chorus de Mark par exemple. Mais j’ai conscience qu’avec la musique que nous jouons avec Ben il y a le piège de tomber dans l’imitation. On est toujours très conscients de cela. Mais je voudrais revenir à Mark. Ce qui m’impressionne avant tout c’est que ce musicien est toujours, constamment en recherche. Parfois cela peut donner lieu à des concerts en demi teinte parce que lorsque l’on cherche on n’y arrive pas forcément tous les soirs. Mais je crois que quelqu’un comme Coltrane par exemple cherchait sans cesse de nouvelles pistes, de nouvelles formules. Et du coup il y a des disques ou des concerts de Trane qui semblaient parfois moins bons. Mais ce qui faisait sa faiblesse à ce moment là était ce qui faisait sa force deux ans plus tard. Mark pour moi c’est exactement pareil. C’est vraiment un saxophoniste qui fait avancer le jazz.

 

Et toi, es tu dans cette démarche de recherche. On a le sentiment que tu cherches à apporter une certaine modernité à la musique de jazz ?

JS : Non je ne cherche rien. Je cherche juste une adéquation entre ce que j’entends et ce que je joue. Un truc que j’ai vraiment envie de jouer et pas quelque chose où je me dis qu’il faut que cela sonne comme çi et pas comme ça. Je ne cherche pas particulièrement à jouer moderne ou traditionnel. Je me sens un peu entre les deux. Le public a d’ailleurs beaucoup de mal à situer cette jeune scène New yorkaise dont je fais partie. Nous ne sommes pas d’expression européenne, on est pas avant-garde américaine et on est pas non non plus dans la tradition. Du coup les critiques américains parlent de nous comme représentant un « modern mainstream ».

 

A entendre toute cette génération de saxophonistes New York ais, vous avez tous un son qui porte une certaine marque de fabrique. Pas un seul qui sonne comme Rollins, comme Coltrane ou commeAyler ?

JS : En fait cela dépend de ce que l’on joue. Si tu entend Mark Turner par exemple sur des thèmes rapides par exemple tu l’entendras avec un son bien plus gros, plus rauque qui évoquera alors plus Rollins. Mais c’est vrai qu’il y a entre nous le son d’une époque, d’influences communes, de terreau commun. On a tous plus de rock dans nos influences par exemple. Pour beaucoup d’entre nous il n’en reste pas moins que les influences traditionnelles sont néanmoins présentes. Pour revenir à Mark Turner il y a toute une période de sa vie quand il sortait de Berkelee où il sonnait comme Michael Brecker, ensuite comme Rollins, ensuite comme Warne Marsh et maintenant comme Mark Turner.

 

 

On a le sentiment à t’entendre que tes influences vont néanmoins, bien au delà du jazz. Qu’écoutes tu actuellement ?

 

JS : Beaucoup de classique du XX°, pas mal de rock aussi. En fait je cherche à rester à l’écoute de beaucoup de choses. Là je viens d’acheter 4 disques d’Andrew Hill. J’écoute aussi les trucs de Dave Binney.

Quel est ton parcours ?

 

JS : Je suis né à paris dans le 13° arrondissement. J’ai découvert la musique au lycée Claude Monnet. Il y avait là une professeur de musique extraordinaire qui s’appelle Annick Chartreux. Au premier cours, en sixième, elle nous a passé Mozart et Miles. Cela a été pour moi et malgré mon jeune âge une vraie révélation de ce qu’était la musique. Ensuite j’ai vu quelqu’un qui jouait du sax dans l’orchestre du lycée et ça m’a fait trop envie. Après, tout est une question de rencontres. Très tôt, à 19 ans je suis parti à New York. Et là je me suis senti vraiment aspiré par le haut. Le niveau musical à New York où l’on croise tout ces gens qui viennent de partout dans le monde est incroyable.

 

Pourquoi être parti si tôt ?

JS : Parce que, arrivé à un certain point j’avais le sentiment que pour travailler la musique à plein temps il fallait que je parte. Et puis j’avais le sentiment que c’était là bas que ça se passait. Entre temps j’avais fait la Berkelee Jazz Collège de Boston durant 2 ans avec des gens comme George Garzone, Billy Pierce et surtout Joe Viola.  Ce sont des gens avec qui j’ai moins travaillé l’improvisation que tout ce qui tourne autour du « son ».

 

Cela ne doit pas  être totalement évident de dire un jour à ses parents, quand on a 19 ans, « maintenant je pars aux États Unis apprendre la musique » ?

 

JS : C’est sûr que ce n’est pas passé comme une lettre à la poste. Mon père aime beaucoup la musique classique mais le jazz c’est un monde qui lui est étranger. Il ne voyait pas quelle serait l’issue financière pour moi. Bien sûr plus tard ils ont bien réagi lorsqu’ils ont vu les articles qui ont suivi mon premier album. Mais je crois que c’est surtout le jour où mon père a vu qu’il y avait un article sur moi à propos d’un de mes concerts dans le …. New York Times. Là c’était vraiment la consécration.

 

Comment Jordi ( de Fresh Sound New talent) t’avait il découvert ?

 

JS : Comme tu le sais cela fait de nombreuses années que je vis à New York. Et Jordi tourne beaucoup dans les clubs de la ville. Mais je lui avais déjà envoyé deux démos. Avant «North » il avait refusé les deux précédentes. Mais je ne voulais pas lui envoyer de disque abouti. Je ne lui ai envoyé que des démos de 4 titres dans le but qu’il accepte de produire la totalité. Il a vraiment accroché et on est parti comme ça.

 

Tu viens relativement peu en France et ta carrière se déroule essentiellement aux États Unis. Comment es tu accueilli là bas ? Quel est l’accueil qui y est réservé à tes albums ?

 

JS : Le fait que je sois français n’a pas beaucoup d’influence. Certains mentionnent quand même, à tort selon moi une french touch. Mais surtout je crois que je fais partie de ce que l’on appelle la « jeune scène New Yorkaise ». Je vis depuis si longtemps là bas que je ne fais pas vraiment partie des musiciens qui viennent, restent deux ans et s’en vont. J’y suis maintenant totalement intégré. Ma carrière est, de ce fait beaucoup plus américaine que française.

 

La scène New Yorkaise, comme pour beaucoup de choses d’ailleurs n’est elle pas une scène un peu ghettoisée ?

 JS : Je ne crois pas. Je trouve au contraire qu’ il y a beaucoup d’échanges. A New York on apprend vraiment à faire des gigs avec tout le monde. Il y a de vrais échanges entre des jazzmen que l’on retrouvent dans le groupe de l’un ou de l’autre. Et ça je trouve que cela se passe bien plus aux US qu’en France. Il y a aussi plus de connections entre un William Parker et un Metthew Shipp qu’entre un Stéphane Belmondo et un Marc Ducret. Il y a là bas moins d’a priori me semble t-il. Et puis les musiciens vont beaucoup plus s’écouter les uns les autres. Par exemple moi même je croise dans mes concerts des musiciens très différents.

 

Tu es visiblement très sollicité pour des gigs. Est ce que l’on fait appel à toi pour des enregistrements en sideman ?

 

JS : Cela m’arrive un peu. Récemment  j’ai enregistré avec un guitariste brésilien. J’ai enregistré sur le disque de Laurent Coq lorsqu’il était à New York.

 

Comment vit on comme musicien de jazz à New York ?

JS : C’est dur et il faut arriver à se débrouiller. Il n’y a pas comme en France des structures établies pour les intermittents. Du coup tout le monde se débrouille comme il peut. En donnant des cours notamment. Mais bon on parvient tous à se débrouiller. Il y a beaucoup de solidarité entre musiciens.

 

Propos receuillis par Jean-Marc Gelin

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3 avril 2007 2 03 /04 /avril /2007 23:05

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Yoni, il semble qu’aujourd’hui tout le monde cherche à jouer avec toi. Quel recul as tu par rapport à ça et par rapport au fait que tout semble basculer très vite pour toi ?

 YZ : En fait c’est très dur à analyser comme ça. Tu sais, nous les musiciens on est très vite parano. Je ne suis jamais vraiment satisfait et j'angoisse assez vite. Alors même si on me dit que cela marche bien maintenant moi j’ai souvent l’impression du contraire. Mais j’imagine que c’est aussi le lot de tout artiste de se mettre toujours en cause.

 

 

 C’est inhérent à la création ?

 YZ : Surtout en jazz où quoi que tu fasses, tu racontes quand même une partie de toi même.

  

Justement parles nous de toi. Quel est ton parcours ?

 YZ : Tu veux savoir comment j’ai commencé la contrebasse ? En fait ce sont les copains qui m’ont fait découvrir la basse électrique et le rock. Mes parents n’étaient pas du tout portés sur la musique. Il n’y avait pas de chaîne hi fi. Ce sont surtout mes copains qui m’ont dit un jour qu’ils montaient un groupe et que ce serait bien si je tenais la basse. Alors on passait notre temps à écouter du rock d’ado, des trucs vraiment pourris. Mais pour moi ça a été vraiment le côté social de la musique qui a été un révélateur. Jusqu’à cette période j’étais vraiment très mal dans ma peau. Enfant j’ai écu en Angleterre et puis à 9 ans je suis allé vivre en Israël. Là ça a été très dur pour moi parce que je ne me suis pas du tout retrouvé dans ce pays. J’étais très isolé, je n’avais pas d’amis, les gamins se moquaient de moi. Grâce à la musique j’ai enfin pu avoir des vrais copains et d’un coup je me suis trouvé super bien avec eux. Et avant la musique je n’ai pas de souvenir d’avoir jamais été bien pendant mon enfance. Ça n’allait jamais. Vers 14/15 ans j’étais suicidaire et quelque part la musique m’a sauvé. Mais je n’étais pas le modèle du surdoué. Moi c’était plutôt pour me retrouver l’après midi avec mes copains. Au lieu d’aller taper le ballon au foot, aller dans les garages fumer des clopes et jouer de la musique avec les potes. Je n’ai découvert le jazz que deux ou trois ans plus tard et c’est là que cela m’a fait un vrai déclic.

 

 

 Quand as tu décidé d’en faire ton métier

 YZ : Au bout d’un moment j’ai voulu progresser et j’ai pris des cours de basse électrique. Je suis allé voir quelqu’un qui était prof de contrebasse et de basse électrique et qui m’a amené au jazz. Il m’a un peu prit pour son fils. Il m’emmenait à ses concerts et au début je comprenais rien à ce qu’il jouait. La nuit j’arrivais pas à dormir, je m’écoutais les K7 qu’il me passait, les quintet de Miles (Cookin’, Relaxin’) entre autres. Et franchement il  avait une ambiance dans ces vieux quintets, une sonorité et puis toute l’image qu’il y avait avec la trompette de Miles, la sourdine, le son du blues ! J’avais envie de rentrer dans cet univers. Avec Miles j’avais l’impression qu’il y avait quelque chose en plus que la musique. Ce type est véritablement un metteur en scène. Du coup je suis devenu un auditeur compulsif de tout ce qui se fait. Je n’ai pas compté mais aujourd’hui je dois avoir plus de 1000 disques de jazz chez moi.

 A 18 ans en Israël on sélectionne les jeunes pour voir ceux qui peuvent devenir des officiers dans l’armée. Moi j’étais dans la musique et du coup je me sentais assez cool. Alors j’ai opté pour Jeruslem où il y a une académie de musique. On s’est retrouvé à 10 dans une petite classe de jazz. Je débarquais avec ma basse électrique et je ne connaissais rien au jazz. Du genre à me pointer pour l’examen d’entrée avec ma walkin écrite sur une petit cahier parce que j’arrivais pas vraiment à improviser. Je me suis retrouvé le seul bassiste de la classe. Du coup je faisais tous les ateliers et j’ai travaillé comme un malade pendant un an. J’arrivai à 8h du matin et je repartais à 21h le soir, 6 jours par semaine. Je partageais ma piaule avec un batteur et tous les matins on s’entraînait tous les deux avec un métronome. En fait je suis passé de rien, du bidouillage à une vraie structure qui demandait beaucoup de travail. Plus de 14h par jour sur l’instrument ! Au bout de 6 mois la basse électrique m’a fait criser. T’imagine avec ma basse électrique à essayer de relever des solos de Paul Chambers…

  

Surtout quand il joue de l’archet !

 YZ : Non mais sérieusement je te jure que c’est vraiment dur à 18 ans comme ça d’un coup d’être plongé dans cette exigence de rigueur. J’en ai pleuré plus d’une fois. J’avais une pression énorme et mes parents n’étaient pas du tout derrière moi pour m’encourager. Ils estimaient qu’ils me laissaient une année de battement mais qu’après il faudrait que je reprenne les choses « sérieuses». Ensuite il y a eu un break avec les 7 mois d’armée que j’ai dû faire. Mais je ne pouvais pas travailler l’instrument. Du coup au bout de 7 mois j’ai réussi à me faire réformer et 3 mois après je suis parti en France.

 

 

 Tu t’es fait mal sur l’instrument

 YZ : Non jamais. J’ai toujours adoré ce travail même si des fois je reconnais que j’avais les doigts qui saignaient. Mais ce n’a jamais été une douleur. Mais à côté de cela il y a un rapport physique avec la contrebasse. Lorsque tu fais vibrer l’instrument ! Je n’avais pas ce rapport sensuel avec la basse électrique et du coup cela a été une révélation. Aujourd’hui j’ai totalement abandonné la basse électrique. En plus j’ai opté pour un jeu sans aucune amplification. Totalement acoustique !

  

Pourquoi avoir choisi  la France

 YZ : D’abord ma mère est française et puis j’avais mes grand parents ici. Surtout il fallait vraiment que je parte. Non seulement je faisais de la musique alors que mes parents attendaient que je suivent un autre parcours mais en plus je me faisais reformer ! Franchement je ne prenais pas le chemin que mes parents voulaient pour moi. Et puis je crois que secrètement ils pensaient qu’au bout d’un an passé en France j’aurai envie de rentrer en Israël reprendre des études normales.

 

 

 Tu arrives en France, tu n’avais pas de connexions particulières

 YZ : Non mais ma mère m’a inscrit au CIM. C’était en 1995. C’était l’année où Alain Guerini venait de disparaître. En fait c’est Texier qui lors d’un concert en Israël nous avait indiqué le CIM.

 

 

C’est là que tu as rencontré Youn Sun Nah ?

YZ : Oui et beaucoup d’autres. Comme David Georgelet par exemple et beaucoup d’autres. Au début c’est surtout David qui était moteur et qui organisait plein de gigs. Mais bon à l’époque même si je savais pas mal de chose sur le jazz cela m’a quand même pris pas mal de temps pour pouvoir me hisser. Cela fait 5 ans que je suis intermittent mais en fait c’est très récemment que je peux gagner ma vie en jouant. Maintenant ça va beaucoup mieux. Le seul truc c’est que tu sais pas combien de temps cela va durer. Avec tous les jeunes musiciens qui arrivent….. Aujourd’hui on est un peu une génération à la mode de gars trentenaires dont on parle un peu et qui commencent un peu à percer. La notoriété est aussi beaucoup liée à un phénomène de génération.

 

Comment ressens tu la difficulté pour un contrebassiste d’exister

YZ :C’est comme ça, on est un instrument qui reste derrière. Même si tu joues vite et fort, tu restes un contrebassiste et tu seras jamais uns star dans le jazz. Ca va avec l’instrument et moi cela ne me pose aucune problème au contraire. Il y a un côté frustrant de ne pas être leader mais cela va très bien avec mon caractère. On peut très bien imposer un style tout en restant derrière un soliste.

 

 

Et toi tu n’as pas envie des fois d’être comme Avishai ( Cohen), un véritable leader avec sa contrebasse ?

YZ : Attention moi je ne suis pas Avishai ! Moi je suis plutôt réservé et puis je  jouerai jamais comme lui. Tu te rends pas compte techniquement le niveau de ce gars, c’est incroyable ! Mais si je devais faire quelque chose sous mon nom, ce ne serait justement pas pour mettre l’instrument en avant mais plutôt la musique. Et là c’est vrai que j’ai envie de composer sans pour autant me transformer en soliste.

Quelqu’un comme Scott La Faro représente un idéal pour les contrebassiste comme toi, non ?

 YZ : C’est un génie et j’adore mais je ne me situe pas du tout dans cette école. Je suis beaucoup plus terrien.

 

 

Quand tu joues tu privilégies plutôt ta relation avec le soliste ou plutôt avec le batteur ?

YZ : Plutôt avec le batteur. Il y a quelque batteurs avec lesquels je m’éclate à jouer comme Karl Januska ou Dre Palleamaert, Tony Rabeson. Il y a bien sûr cette notion de cohérence rythmique qui est fondamentale. C’est lui que j’écoute le plus. En ce sens je ne suis justement pas dans l’école de La Faro qui jouait plus avec le soliste. Il faudrait que je travaille plus l’oreille pour cela.

Justement, tu composes ?

YZ : J’ai un peu composé pour Yun (Sun Nah) mais franchement je n’ai pas le temps et puis pas trop confiance en moi. Je ne ressens pas trop l’envie de cela.

 

Aujourd’hui tu es encensé et tout le monde te demande mais il y a encore 3 ans tu étais très critiqué ( la période où tu jouais avec jacques Schnek). Comment vis tu ces revirements ?

YZ : Si tu fais référence à la période où on a joué avec Artero, cela a été une parenthèse très rapide puisque l’on a été virés juste après le disque. Mais bon, c’est toujours comme ça et je crois que l’on se blinde beaucoup. Il y a des mauvaises critiques et des bonnes et il faut vivre avec ça. C’est pas grave et du moment que c’est argumenté je sais l’accepter.

 

 

A l’inverse il y a des moments où tu es encensé. Ainsi dans le disque de Yoann Loustalot, tu as été porté au pinacle

YZ : Mouai …. Tu veux que je te dises : en fait sur ce disque c’est un contrebassiste qui était ingénieur du son et du coup dans le mixage, la contrebasse est un peu plus forte. Du coup je suis plus présent et de ce fait on trouve que je joue bien. Tu vois à quoi ça tient ! Ca fait plaisir que les critiques sois bonnes mais franchement il faut savoir rester lucide. J’essaie surtout de savoir où je me situe dans la musique. Tu vois ce qui me fait plaisir c’est par exemple ce que je fais avec Géraldine Laurent où je joue vraiment la musique que j’adore. Là je sais où je suis et je sais où je veux aller. Ce qui me fait rêver c’est quand j’entend des gars comme Larry Grenadier, Drew Gress. Ils me font encore rêver.

 

 

Quelles sont tes connections avec la scène plus ou moins alternative comme Chief ou Yolk. On a le sentiment que vous êtes de la même génération mais que les connections ne se font pas forcément ?

YZ : Je les connais mais cela fait longtemps que l’on ne joue plus ensemble. Même si on tous joué les uns avec les autres, ensuite chacun a suivi des routes différentes et l’on ne se rencontre plus souvent. Bardaine, Geniez, de Pourquery sont tous des gars avec qui j’ai joué à un moment mais on est pas du tout dans la même  esthétique. D’ailleurs la contrebasse acoustique perd de son influence dans cette musique donc c’est normal que je les fréquente moins. De mon côté je suis très ouvert sur le plan musical mais je veux absolument me retrouver par rapport au son. Un projet comme Limousine me convient parce qu’il est très acoustique mais des trucs comme Collectif  Slang par exemple ne correspondent pas à l’univers dans lequel j’aime évoluer.

 

Avec qui tu joues en ce moment

YZ : Je vais pas tous les citer parce que cela peut être plus ou moins anecdotique. Dans les collaborations régulières il y a bien sûr Youn, Sophie Alour (on a enregistré avec Coq et Januska) et puis avec Géraldine avec qui on a enregistré ( je ne sais pas encore chez qui cela va sortir). C’est vraiment incroyable ce qui lui arrive. Elle a vraiment un truc sur scène. Elle a cette rythmique à la Rollins. Il y en a pas beaucoup qui joue comme ça tout en gardant un son un peu rauque. Pas les sons comme on entend aujourd’hui, très brillants. Ensuite il y a aussi Yoann Loustalot qui est un vraiment un super musicien. Yoann comme Sophie font vraiment partie de ces gens qui cherchent sans cesse. J'ai enregistré le disque de David Sauzay qui vient de sortir, et bientôt sortira le disque de David Prez et Romain Pilon chez Fresh Sound. Ils ne sont pas assez connus encore mais ils jouent vraiment grave. Tu verras c’est très dans l’esthétique du label.

 

 

C’est quoi la musique que tu aimes jouer ?

YZ : J'aime jouer un jazz interactif mais qui garde une certaine structure. Dans ce qu'on entend aujourd'hui, j'aime l'esprit de Mark Turner, Jason Moran,Chris Cheek... J’aime les gens qui jouent vraiment en groupe.

 

 

Tu as un rêve de musicien ?

YZ : Moi ce sont plutôt des cauchemars. Celui de me faire virer des groupes dans lesquels je joue.

 

 

 

 

 

 

Propos recueillis par Jean marc Gelin

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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3 février 2007 6 03 /02 /février /2007 21:31

  Cela fait déjà quelques années que ce jeune guitariste ne cesse de nous surprendre. Qu’il navigue entre le rock furieux à la Sonic Youth ou les évanescences  d’un Ry Cooder, on commence à reconnaître sa griffe. Maxime Delpierre est un des artistes majeurs du label Chief Inspector que l’on peut entendre avec Collectif Slang ou encore avec l’album Limousine qui aura surpris beaucoup de monde l’an dernier. Insaisissable ce garçon ne pouvait que se trouver des affinités avec Louis Sclavis aux côtés de qui il joue dans l’album du clarinettiste qui vient de paraître chez ECM ( L’imparfait des Langues). A venir un prochain album qui sortira en avril avec Jim Black.       Rencontre avec ce guitariste qui  à 31 ans affiche et revendique son air d’éternel ado.

  

DNJ : Comment a été accueillie la sortie du nouvel album de Collectif Slang

 MD : Bien mais sans plus. En fait plusieurs choses sont venues se télescoper. D’abord la sortie du très médiatisé Jus de Bosce de Méderic Collignon et celle du quartet de Vincent Courtois.  Mais on a eu un bon écho de Thierry Lepin dans Jazzman et de Frederic Goaty dans Jazzmag. Et puis c’est vrai que dans le monde du jazz on a du mal à affirmer notre identité. Si tu rajoutes à cela le fait qu’il n’y a plus Méderic dans le groupe et que la sortie de l’album s’est faite sans lui, tout ceci explique peut être qu’il y ait eu peu de retentissement.

 

 

 DNJ : Le départ de Collignon, c’est la fin d’une histoire ?

 MD : Non certainement pas. Mais tu sais Collectif Slang existe depuis 8 ans. Méderic avait envie de faire autre chose, de se consacrer notamment au projet qui lui tient à cœur. C’est vrai que nous faisons tous partie de groupes très collectifs où chacun apporte son truc et je crois que Médo a envie à ce stade de sa carrière de se concentrer un peu plus sur ses propres projets musicaux. Mais je te rassure il y avait une vie avant et il y aura une vie après Méderic. Même sil ne s’agit pas de remplacer Méderic mais juste de faire autre chose. Du coup lorsque l’on joue, on joue à 4 et on invite Mike Ladd ou Bruce Sherfields à se joindre à nous quand ils sont disponibles.

 

 

 

DNJ : Quelles sont vos influences dans le Collectif ?

 MD : Par définition dans un collectif, nos influences sont assez différentes mais on se retrouve sur pas mal de points communs. Mike Patton et John Zorn sont des sources qui nous réunissent. Mais on va chercher aussi toutes les influences de rock un peu méchant du genre Sonic Youth par exemple.

 

DNJ : Il y a un titre qui s’appelle «  le kid de Minneapolis », c’est un clin d’œil  à Prince ?

 MD : Ce n’est pas un morceau de lui mais oui c’est clairement un truc qui s’en inspire. En fait Médo et David Aknin sont de vrais fans de Prince.

 

 

 DNJ : Zorn c’est votre lien avec le jazz

 MD : En fait c’est moins Zorn que tout ce que Zorn met dans sa musique. L’idée de parvenir  à intégrer toutes les références et toutes les expérimentations musicales. Mais dans notre album  on est parti de ce que l’on savait jouer sans se lancer dans des défis insensés. En essayant de faire tourner des idées. Qu’est ce qu’on peut faire de Sonic, de Prince, de Mike Patton….

 

 

 DNJ : Tu donnes l’impression d’exprimer clairement ton côté Dr Jeckyll et Mr Hyde. On t’entend manier la guitare furieuse avec Slang et en même temps être d’une extrême douceur avec Limousine ave des couleurs très empruntées à Ry Cooder.

 MD : Le côté Ry Cooder vient du fait que j’adore les musiques méditatives. Et il y a un peu de cela chez Cooder. Mais j’adore par ailleurs les musiques indiennes ou les musiques de Sakuhachi (NDR : la flûte japonaise). Par rapport à Ry Cooder en fait c’est dans notre album de Limousine que l’on retrouve l’influence et ce qui nous a inspiré c’est très clairement Paris-Texas de Wim Wenders. Mais quand on a fabriqué Limousine au départ ce n’était pas du Ry Cooder que l’on voulait mais plutôt du Neil Young.

 

 

 DNJ : Justement, comment est né Limousine

 MD : C’est clairement venu, paradoxalement d’un problème de volume sonore. L’univers dans lequel moi et mes copains musiciens nous exprimions était un univers de violence musicale. Avec Mathieu Jérôme et Philippe Glaize, ce que l’on fait c’est de la violence pure. On est dans une approche presque animale. Avant que Chief Inspector ne prenne Collectif Slang sous son aile on a eu la vie dure. On n’était pas des gars du conservatoire. Plutôt des musiciens de cave qui avaient pas mal de difficulté à se faire entendre. C’est vrai que notre musique donne carrément dans le free rock. Mais on avait toujours l’impression qu’on ne nous laissait pas faire ce que nous voulions. Il y avait toujours un  patron de club pour nous dire : « eh les gars jouez comme vous voulez mais juste pas trop fort ». Du coup on avait les retombées plutôt bonnes de ce que l’on faisait en festival mais pas vraiment de lieux ailleurs pour nous exprimer. C’était toujours très difficile d’arriver comme ça dans des programmations et d’envoyer le boulet ! Du coup Limousine est venu par réaction à ça. Au fait par exemple de ne pas pouvoir jouer fort. Limousine a été un super contrepoint à cette idée de puissance dans la musique. A un moment où l’on commençait à être reconnus par rapport à cette puissance, et qu’en même temps on avait beaucoup de problème pour trouver des lieux. Du coup on s’est dit, voilà un format où l’on va pouvoir jouer partout, où personne ne pourra l’ouvrir pendant le concert, où on entendra pas un seul tintement de verre. Impossible de se lever pour aller pisser pendant un concert de Limousine sinon tout le monde va le capter !

 

 

 DNJ : Du coup c’est une musique contre nature pour vous ?

 MD : Il a juste fallu que l’on se fixe un certain nombre de contraintes. On s’est imposé de jouer assis (c’est une contrainte énorme pour nous t’imagines pas !). On s’est aussi imposé un look, une façon de s’habiller, de travailler notre image.

 

 

 DNJ : Le problème que tu évoques avec Collectif ne vient il pas de l’ambiguïté du public auquel vous vous adressez. Tu ne peux pas me faire croire que vous ne pouvez pas jouer sur des scènes de rock, même avec votre puissance sonore.

 MD : Notre public n’est pas forcément un public rock. En fait l’accueil le plus ouvert que l’on a jusqu’à présent vient du jazz. Le rock c’est souvent un marché, des riffs de guitare et des pieds de grosse caisse à longueur de journée. Moi j’adore personnellement ce côté garage. Mais voilà, dans Collectif il y a une vraie dimension de recherche musicale qui ne s’inscrit pas dans ce que l’on demande aux musiciens de rock.

 Avec Limousine c’est très drôle car notre public est hyper diversifié. C’est bizarre de voir que cela peut toucher des gens qui viennent de cultures si différentes. Limousine est un groupe qui ne suppose pas de prise de tête. Du coup à la fin des concerts on voit des gens qui nous achètent des disques, qui nous demandent des autographes. Des trucs que l’on ne verrait pas dans un club de jazz. Et pourtant ce n’est pas vrai que l’écriture est plus simple. Avec Limousine on voit vite qu’un morceau ne pourra pas marcher alors qu’avec Slang il y a plein de micros idées qui peuvent fonctionner.

 

DNJ : Dans Slang pourtant derrière le chaos, votre musique semble au contraire très écrite et surtout très exigeante quand à sa cohérence et sa sonorité.

 MD : La sonorité est clairement un parti prit. Le jeu guitare/basse/ batterie est à la base très dense. Ensuite pour ce qui est de la place des solistes (trompette ou sax) nous avons clairement voulu repositionner les rôles voire les inverser. Mingus concevait les choses comme ça. Quand on écoute un disque de Coltrane on se prend bien sûr un solo de sax fabuleux avec la rythmique qui tourne derrière mais quand on voit une vidéo du quartet de Coltrane, curieusement on entend surtout un quartet qui joue ensemble. Le solo est un son de groupe. Le seul qui se positionne comme ça, comme leader chanteur c’est Zorn à mon avis. Il se positionne en leader tout en libérant les espaces et en organisant le son à partir de lui. Les saxophonistes avec qui je travaille comme Laurent Bardaine ou Laurent Geniez se prennent la tête depuis des années pour savoir comment exister sans prendre des solos de trois plombes. Notre façon de travailler est une partie de la réponse. Elle leur redonne une place essentielle qui n’est pas limitée au fait de prendre des chorus en solo.

 

 

 DNJ : Avez vous le sentiment de faire bouger les choses dans cette musique

 MD : Je crois surtout que nous avons eu la chance de rencontrer sur notre chemin quelqu’un qui est véritablement animé d’une vision sur l’évolution du jazz. C’est franchement grâce à Nicolas Netter et à son label « Chief Inspector » que beaucoup de choses ont été possibles. Je me demande parfois ce qui se passerait dans cette musique, dans notre propre musique et où nous en serions s’il n’avait pas fait ce label.

  

DNJ : Y a t-il des connections fortes entre les différents artistes du label ?

 MD : Le label est un peu moins collectif aujourd’hui. Au début il ( NDR : Nicolas Netter) a récupéré une somme de disques destinés à aller nulle part de mecs qu’il connaissait vraiment bien . Depuis il a fait son chemin en tant que jeune producteur et il signe des trucs en fonction de ce qui l’intéresse. Le label s’enrichit incroyablement aujourd’hui de personnalités et de générations assez différentes. Tu y trouves Yves Robert (avec le projet  « l’Argent »), il va y avoir D’Kabbal qui va faire un album avec Marc Ducret. En septembre on a enregistré un album avec Jim Black avec Collignon, Roulin et moi. Ça va sortir en avril. Un jour cela ne m’étonnerait pas que l’on voit Sclavis sortir sur le label (Je viens de participer à son dernier album L’imparfait des langues qui vient de sortir chez ECM). Donc tu vois non seulement les connections existent mais en plus elles s’élargissent.

 

 

 DNJ : Quel est ton parcours ?

 MD : Clairement moi je viens du rock au départ. Tendance ado, guitare héro. Quand j’ai voulu commencer à prendre de vrais cours je me suis adressé à un guitariste de jazz, Philippe Eveno. Mais sinon je suis plutôt autodidacte. Je suis juste passé par l’école ARPEJ. Le jazz au départ c’était plutôt pour moi le moyen d’accéder à des formes un  peu plus compliquées. J’écoutais Pat Metheny et je trouvais ça génial alors forcément je voulais faire pareil. Donc pendant des années j’ai essayé. Et puis je crois que lorsque j’ai commencé la guitare c’était un instrument qui devenait un peu « has been ». Le chorus que personne n’écoutait. La question du son est un peu venue de cela pour moi : comment me faire entendre après trois chorus de sax dans un jam d’un demi heure.  Ensuite ce qui s’est passé dans le jazz à partir des années 90 a commencé a nettement moins m’intéresser. Il ne se passait plus rien dans le jazz. Et j’ai donc commencé à aller chercher. En allant voir vers les musiques improvisées j’ai pu rencontrer des gens qui venaient de plein d’univers différents. Avec Slang c’est un groupe où on a fait que de l’improvisation pendant 7 ans (avant que nous ne commencions à entrer en studio). Et là on a pu expérimenter plein de choses à partir de l’improvisation. Les fans de slang doivent avoir quelques enregistrements pris au MD ou à la sortie de table du Batofar, de la Malterie ou aux Falaises de concerts comme ça, entièrement improvisés. J’ai perdu ces enregistrements et je lance donc officiellement un appel  tous ceux qui ont ces bandes des Falaises ou de la Malterie  : je suis demandeur !

  

DNJ : près ces dernières années au service du Collectif, tu as la tentation de l’enregistrement d’un projet sous ton nom ?

 MD : C’est clair même si je sais déjà que cela ne portera pas mon nom. En tous cas ce sera mon projet. J’y pense depuis pas mal de temp. L’Atelier du Plateau m’a laissé une carte blanche depuis près de deux ans et c’est l’occasion pour moi d’y faire des rencontres et de nourrir mes propres réflexions sur ce que je pourrai faire et avec qui. Je me remets aussi à écrire de la musique. J’ai ressorti des trucs que j’avais écris il y a longtemps et donc je commence à avoir un peu de matière. Je crois que je n’ai plus envie de faire comme avant, de la musique totalement improvisée.

 

 

 

Propos recueillis par Jean-Marc Gelin

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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7 octobre 2006 6 07 /10 /octobre /2006 09:14
Claudia Solal, l’improvisation par coeur

 

 

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3 septembre 2006 7 03 /09 /septembre /2006 23:07

Tu sors à la rentrée un album, le premier sous ton nom. Tu as choisi de l’autoproduire. Pourquoi ?

JCR : J’avais eu des contacts très intéressants avec Yolk. Mais au final il se trouve que le travail que nous avons avec mon frère me permettait de maîtriser entièrement toute la chaîne. C’est ce que je voulais. Même si les labels comme Yolk sont hyper respectueux des choix de l’artiste, du packaging, je voulais, ne serait ce que sur des choix esthétiques avoir le choix de l’objet, ne pas rentrer dans un canon prédéterminé, pouvoir faire passer certains textes en pochette, parler de la pièce de Alain Margoni etc… En  plus je sais bien qu’un projet comme celui là n’atteindra jamais son seuil de rentabilité. Cela devient donc quasiment un investissement personnel.

 Où l’as-tu enregistré ?

 JCR:   A  Saylorsburg, en Pennsylvanie, à côté de la maison de Dave Liebmann. En pleine forêt. Au départ il y a Steve Lacy qui est à l’origine de ce projet. C’est quelqu’un qui m’a ouvert des voies instrumentales et musicales que je ne soupçonnais pas. J’avais écrit une pièce dans une master class avec Dave Liebman, Lacy avait trouvé que cette musique était vraiment celle qui me convenait. Ensuite  j’ai beaucoup étudié la pédagogie de Liebman, beaucoup écouté avec lui. Mais après plusieurs années à apprendre à ses côtés j’avais acquis le sentiment que j’arrivai au bout de quelque chose en tant qu’étudiant. J’avais envie de me retrouver en situation de plus grand danger.  Alors j’ai eu envie de me lancer dans l’aventure du solo. Car l’idée de faire un solo me donnait la possibilité d’être avec Dave en studio comme avec un miroir. Qu’il me place ce miroir de qui je suis et de la façon dont lui, aurait travaillé.

 Quand je lui ai proposé cette idée à l’occasion d’un master class, il a tout de suite accepté. Nous avons convenu que je lui enverrai des projets par MD et que nous échangerions comme ça, à distance. Nous nous sommes retrouvés à Paris en 2005 lorsqu’il a enregistré ses duos avec Michel Portal. Nous avons alors fait des premiers tris et il m’a donné des pistes de réflexions. Il voulait que j’enregistre chez lui, être dans son univers. En plus il ne voulait pas trop s’éloigner de sa famille. Je me suis rendu compte après coup que me retrouver dans son studio, dans ses terres, partager ainsi un peu de son intimité était une grande chance. Je ne te cache pas que dans l’avion, je n’étais vraiment pas sûr que j’aurais assez de cran pour arriver au bout de ce disque. Et finalement je me suis dit que tant pis, même si je n’allais pas au bout au final j’aurais quand même pris une superbe leçon.

  Comment s’est passé le travail en studio avec lui ?

 JCR : D’abord le fait d’avoir fait cela chez lui avec Kent Heckman l’ingénieur du son avec qui il travaille de longue date, nous a fait gagner beaucoup de temps. Du coup, le son était fait en ¼ d’heure. Il y avait juste aussi un peu de travail à faire sur des re-recording lorsque l’on entend deux saxes sur un même morceau. Et là aussi il a été vraiment très efficace.

 N’est ce pas une prise de risque énorme de faire un premier disque en solo ?

JCR : Interpréter la musique des autres est un vrai travail d’abnégation. Se mettre au service des autres est quelque chose que j’aime faire et que je fais dans de multiples occasions comme avec Chris Culpo ou avec Jean François Baez. J’adore servir la musique des autres lorsqu’elle est aussi superbe que la leur. Mais là le solo s’imposait pour moi. Le solo est une merveilleuse manière de se connaître soi même. De livrer ma musique et aussi celle de Lacy, quelque chose que je porte vraiment en moi.

 

Le format de cet album est assez varié malgré le fait qu’il soit en solo. Il y a donc de vrais choix artistiques.

JCR : Nous avons (avec Dave) beaucoup échangé sur le choix d’un ensemble qui ne soit pas monochrome mais qui présente un ensemble assez varié. Faire en sorte que les pièces aient une variété de couleurs, dans les timbres comme dans l’écriture. Je passe ainsi du soprano au baryton et parfois aussi j’utilise les deux. J’ai surtout essayé de ne pas me répéter d’une pièce à l’autre dans cet album. Même dans la forme les morceaux vont de 1’02 à 5’20. Sur le fond je crois que quelqu’un comme Steve Lacy aurait conçu un projet comme celui là à partir d’une thématique de base (Ellington ou Monk par exemple) et serais ensuite parti dans un  travail de défrichage. C’est un peu ce que j’ai voulu faire. De plus c’est un travail qui est à la fois écrit et improvisé. J’ai voulu faire ressortir ces deux aspects. Des pièces comme First sound  ou George Perec sont en grande partie improvisées alors que celle de Alain Margoni, inspirée de Messiaen est largement écrite mais avec un background jazzy.

Pourquoi cette musique de Lacy ?

JCR : Lacy a bien sûr cette dimension spirituelle très forte. C’est un philosophe de la musique. Par les aphorismes qu’il donne aux titres de ses morceaux, par les interviews qu’il a données on voit bien que c’est quelqu’un qui a un champ de profondeur qui dépasse le simple cadre de sa propre musique. Le parcours de Lacy, sa vie entière consacrée au soprano. C’est quelque chose de très fort. Un modèle.

 

Tu as au départ un parcours issu du classique. Comment en es tu venu à la musique improvisée, au jazz ?

JCR : J’ai effectivement un cursus classique. Mon parcours est très institutionnel. Mais dès que j’ai fini mon cursus j’ai posé le ténor. En fait je ne parvenais plus à prendre le ténor sans avoir à me dire « comment faut il que je joue. Comment est il bien que je joue pour être conforme à ce que je suis censé faire ». Mais je trouvai ces préceptes un peu stériles. Je suis alors passé par une phase de rejet et surtout véritablement par une phase de désapprentissage. Il faut ce rejet pour revenir à la pratique. Cependant je crois vraiment qu’il faut en passer par cette rupture pour revenir aux bases fondamentales que mon parcours classique m’a permis, un peu inconsciemment de maîtriser. Il ne faut surtout ne pas croire que ces années d’apprentissage  sont des années perdues. C’est justement tout le contraire. Mais il a fallu passer par cette césure pour trouver ces nouvelles sensations.

 

Tu as déjà proposé ton projet en solo en public ? C’est un peu rude pour un public pas toujours averti. Quel a été l’accueil ?

JCR : J’ai été surpris. Le concert devait durer 30mn. Il en a en fait duré près d’une heure. L’accueil a été très bon. Beaucoup de gens, pas forcément musiciens n’ont pas été arrêté par l’austérité du projet. J’avais surtout peur d’avoir dit très vite tout ce que j’avais à dire. En fait je me rend compte que n’ai pas tout dit et surtout pas très vite.

Propos recueillis par Jean- Marc Gelin

 

 

L’album « Faces » est un album magnifique et assurément l’un des événement de cette rentrée. Il sortira début octobre et sera chroniqué dans les colonnes des DNJ lors de  sa sortie officielle.

 

 

 

 

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6 juin 2006 2 06 /06 /juin /2006 07:20
Isabelle Olivier

 

 

  Lorsqu’on lui a annoncé qu’elle était nominée aux Victoires du Jazz, elle n’en est pas revenue. Persuadée qu’il y avait erreur sur la personne elle s’est précipitée sur son téléphone pensant que cette distinction était en fait réservée à un autre Olivier, Temime celui là. Il faut dire qu’il y a avait de quoi s’étonner de voir la harpe ainsi propulsée sur le devant de la scène. Car les jazzmen sont souvent devant cet instrument comme une poule devant une brosse à dent et depuis les quelques essais plutôt pas convaincants de Alice Coltrane, on croyait cet instrument jazzo-incompatible.

 Mais Isabelle Olivier tout comme sa consoeur Hélène Breschand ou, Zenna Parkins de l’autre côté de l’atlantique font aujourd’hui la démonstration inverse. Conscientes des limites de l’instrument qui, comme le dit Isabelle Olivier, ne modulera jamais comme un saxophone, elles en démontrent en revanche l’immense potentiel mélodique et rythmique. Et depuis plus de 10 ans Isabelle Olivier  évolue au sein du groupe Océan. Mais son dernier exploit carrément fou a été de se lancer dans l’aventure du solo tout juste accompagnée par les touches électro et délicatement impressionnistes d’Olivier Sens. Un album de harpe en solo ! Une artiste totalement casse cou qu’il était donc indispensable de vous faire découvrir

 

 

 

 

 Comment en es tu venue au jazz ?

 IO : J’ai d’abord commencé par la harpe celtique. Puis j’ai intégré le CNSM.

 Mais pour moi le jazz c’est surtout l’écoute. J’allais très souvent au petit Op’ où l’on avait une super proximité avec les musiciens. Et puis j’ai été séduite par la joie de jouer de tous ces musiciens. En fait dans le milieu classique les musiciens font tous la tête. Et ce qui m’a frappé avec les musiciens de jazz, c’est le vrai plaisir qu’ils semblaient avoir sur scène tout en jouant des choses très complexes.

 Un jour Louis Moutin que je connaissais m’a demandé de venir jouer dans leur formation jazz. Je n’avais qu’à improviser un peu. Et là j’ai été terrifiée. Toutes ces années d’études pour me rendre compte que j’étais incapable de sortir la moindre note du moment qu’elle n’était pas écrite ! Du coup je me suis mise à envier la formidable liberté dont ils jouissaient et j’ai eu envie de tout réapprendre. A ce moment il m’est apparu qu’il fallait me vider de tout ce que j’avais appris précédemment. Désapprendre en quelque sorte.

 Cela m’a amené aussi à un certain esprit critique sur l’enseignement classique que l’on reçoit. On a un enseignement qui va à l’envers. A l’époque baroque ce n’était pas cela du tout. Je pense qu’à côté de apprentissage de l’écrit il faut aussi cultiver un enseignement de l’oral. C’est en fait comme si tu demandais aux gens de communiquer uniquement en lisant de livres et de ne plus parler en conversation. Il n’y a pas longtemps je suis allée animer une master class  au conservatoire de Dijon. A un moment  j’ai eu envie de mélanger tous les âges et je me suis rendue compte que ceux qui se débrouillaient le mieux c’étaient les petits. Parce qu’ils ne se posent aucune question, ils jouent alors que beaucoup de ceux qui ont 15 ans de harpe derrière eux sont bloqués sur plein de choses.

 Tu as fréquenté les écoles de jazz ?

 IO : Jamais ! Je n’y ai jamais mis les pieds. D’ailleurs lorsque l’on a commencé le groupe Océan, Louis (Moutin) m’a dit «  surtout ne va jamais dans les écoles de jazz, joue ! ».

 Je suis allé simplement voir le regretté Bernard Maury. Lui m’a dit d’envisager l’affaire sous le plan modal. Il m’a dit «  dis toi que chaque accord génère des modes ». Ensuite c’est François Moutin qui m’a appris à faire sonner les lignes de basse. Et puis à chaque rencontre, chaque musicien m’a apprit chaque fois quelque chose de nouveau. Avec Sylvain (Beuf) j’ai été un peu désarçonnée par ses compositions et les difficultés harmoniques qu’elle présentaient. Je mettais parfois six mois avant de les intégrer parfaitement.

  Tu disais que la harpe était un instrument avec lequel il n’était pas possible de jouer tout le répertoire jazz et que notamment le be-bop était inadaptable à la harpe. Pourtant dans ton dernier album tu reprend le plus parkérien des thèmes, « Donna Lee ».

 IO : C’était drôle de prendre ce thème qui était totalement injouable et qui n’arrête pas de moduler. En fait ce qui m’intéresse surtout c’est la mélodie. Et je me suis rendue compte que même avec un thème comme celui là, les aspects mélodiques pouvaient être exploités et retravaillés et ‘est ce qui m’a intéressé dans ce morceau. Et puis je me rends compte que je n’en suis qu’au tout début de mon apprentissage et je vois bien toutes les potentialités de cet instrument. Elles sont incroyablement diverses et riches qu’elles soient mélodiques bien sur mais aussi harmoniques ou rythmiques.

 Comment intègres tu ces difficultés dans ton écriture. Composes tu d’abord pour la harpe et ensuite pour les autres instruments ?

 IO : Suivant les morceaux, ça change. Il y a des morceaux que j’écris d’abord à la table. D’autres au piano. C’est clair aussi qu’il y a des morceaux plus harpistiques. Sinon j’écris surtout en pensant à la musique et après en pensant à l’instrument. E qui demande beaucoup de travail.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Tu joues des deux harpes ?

 IO : oui j’ai toujours une harpe celtique avec moi. Simplement j’en joue un peu moins. Même su j’y reste fondamentalement attachée, il est vrai qu’avec la petite harpe cela tourne un peu en boucle parce qu’on ne peut pas changer les harmonies. Mais je reste attaché aux deux. Mais ce sont deux instruments qui racontent deux histoires différentes. Et c’est vrai qu’avec le public, le son plus cristallin de la harpe celtique entraîne plus l’adhésion.

 

 

 

 

 

 Tu écoutais du jazz à côté de études classiques ?

 IO : Oui ma sœur me faisait écouter des disques de Basie ou d’Ella.

  J’ai lu quelque part que tu écoutais aussi beaucoup de pop et, (cela m’a fait plaisir), que tu étais une fan de Genesis

 IO : Ah oui, absolument ! Quand j’entends quelqu’un comme Peter Gabriel, c’est un vrai modèle. Il n’y a rien à jeter. Même ce qu’il a fait récemment c’est génial. Je l’ai vu il y a deux ans et je trouve qu’il évolue extrêmement bien. C’est un artiste en perpétuelle évolution et à la fois scéniquement et musicalement c’est top.

 On te demande souvent s’il est facile pour une femme d’intégrer une formation de jazz, essentiellement masculine. J’aurais plutôt tendance à te demander s’il n’est pas difficile pour un garçon d’intégrer le milieu des harpistes ?

 IO : Ça c’est un cliché. D’abord l’un des plus grands maîtres de la harpe en France est Pierre Jammet à qui nous devons tout. Ensuite moi je vois ce qui se passe dans ma petite ville de Marcoussis. Je suis agréablement stupéfaite de voir que dans cette petite ville j’ai 26 élèves dans ma classe de harpe et qu’il y a beaucoup de garçons.

 On te connaissait surtout pour ton groupe Océan mais en fait tu viens de dévoiler un nouvel aspect de ton travail avec un disque en solo. Ce n’est pas trop risqué un disque en solo à la harpe ?

 IO : c’est un truc de fou tu veux dire. En fait l’idée au départ ne vient pas de moi. J’avais signé un contrat d’artiste avec Nocturne et un jour Yann Martin m’a suggéré l’idée de faire un album en solo. J’étais un peu réticente mais aussi tentée par l’aventure. Du coup j’ai intégré d’autres éléments à mon travail comme la patte de Olivier Sens qui ajoute ses effets électroniques et sa magnifique programmation.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Propos recueillis par Jean Marc Gelin

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Concerts :

 

 

 

9/06 : Jazz dans l’Oise – Quintet Océan

 

 

 

10/07 : Jazz à Porquerolles – Quintet Océan

 

 

 

14/08 : Jazz Utopique – Quintet Océan

 

 

 

17/10 : Jazz sur son 31 – Toulouse – Quintet Océan

 

 

 

 

 

 

Albums

 

 

 

« Petite et Grande » - Nocturne 2004

 

 

 

«  Island # 41 » - Nocturne 2005

 

 

 

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3 juin 2006 6 03 /06 /juin /2006 10:09
PATRICK ARTERO : tirage de portrait

 Après trente-cinq ans de gourmandes et fiévreuses expériences autour de la salsa, du jazz, de la musique antillaise, du reggae, de la variété, Patrick Artero nous a régalé l’automne dernier avec sa première oeuvre personnelle en hommage au cornettiste Bix Beiderbecke, immédiatement récompensée par l’Académie du Jazz. Bix, Artero le découvre à l’âge de l’apprentissage alors qu’il étudie la trompette au lycée de musique de Sèvres.  Bix, c’est quelqu’un qui lui parle, un être tourmenté, quelqu’un qui a traversé pleins de choses qu’il a vécu. En 1975, il incarne déjà Bix  dans un film de Jean-Christophe Averty pour la télévision, une sorte de prémonition de ce projet qui inaugure superbement sa discographie. Ce projet il. Musicien voyageur et curieux, Artero multiplie les expériences et les performances. En 1969, il rejoint le groupe mythique de jazz New Orléans des Haricots Rouges. Entre 1973 et 1977, il joue tous les soirs au Slow Club avec Michel Attenoux. Cette période est déterminante dans sa carrière car il rencontre toutes les stars du jazz français, parmi lesquelles Claude Bolling, Marc Laferriere, Guy Laffitte, Martial Solal, René Urtreger. Il participe également à l’Anachronic Jazz Band et au Jazz Five de Raymond Fol avec André Villeger. Au début des années 1980, il se passionne pour la Salsa. A partir de 1984, il est de toutes les aventures musicales africaines et antillaises, ou presque, de Kassav à Touré Kounda. Les  années 1990 marquent son retour au jazz, surtout en big bands. Il nous prépare dit-on pour 2006 une surprise avec Vincent Artaud aux arrangements chez Nocturne, label avec lequel  il a signé un contrat d’artiste. Nous en salivons d’avance. En attendant, il ne cesse de réinventer sur scène l’univers bixien accompagné d’un quatuor à cordes ou en quartet (Laurent Courthaliac au piano, Matthias Allamagne à la contrebasse et Mourad Benhamou à la batterie). C’est dans cette dernière formation qu’Artero se produira le 21 octobre au NEW MORNING. Il nous fait ce mois-ci l’amitié de répondre à notre questionnaire-type. 

 

 

 

Régine Coqueran

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DNJ : Pourquoi le jazz ?

 

 

 

Patrick Artero : « Parce que c’est la forme d’expression musicale la plus libre et qui permet de véhiculer dans  l’instant ses sentiments propres sur un schéma soit harmonique ou rythmique ou bien mélodique, donné avec son instrument. Politiquement ce serait une certaine idée de l’anarchie qui serait contenue…Je suis assez sensible à la notion de Liberté……. »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DNJ : Quelle est votre principale influence musicale ?

 

 

 

P.A : « Je pense que c’est la vie sous toutes ses formes ainsi que toutes les musiques qui s’y rattachent qui sont ma vraie source. Je vous parlerais donc de voyages et de rencontres, donc d’émotions, de douleurs plus ou moins physiques, psychiques, de la peur, de l’angoisse, mai aussi du bonheur amoureux, de la joie de vivre, la naissance et bien sûr la mort ! Mais j’ai commencé cette influence musicale par le son de la trompette de Louis Armstrong……puis aussi, quelques notions de musique dite Classique. »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DNJ : Qu’aimeriez vous transmettre ?

 

 

 

P.A : «  Si j’avais à transmettre quelque chose, ce serait surtout une certaine idée de la liberté, par rapport à ce monde qui est en pleine mutation. Il y a un roman de Francis Marmande sur l’alternance des triomphes et les débâcles aussi profonds les uns que les autres, d’un torero, qui en ont fait une légende…comme une image de la grandeur et de la peine des hommes en liberté. Il y a évidemment cette chanson de Jacques Brel intitulée «  La Statue » qui reflète bien ce que je peux ressentir au sujet de cette transmission.  En fait, je me sens bien dans une peau de troubadour qui va, comme les chiens, renifler un peu le c.. des autres.  Je me crois volontiers d’un naturel curieux et gourmand…jusqu’à l’extrême parfois……. »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DNJ : Croyez vous à une révolution possible du jazz et existe-t-il de nouvelles expériences qui vous intéressent ?

 

 

 

P.A : « Pour ma part, la révolution doit être permanente ou bien elle meurt…. Donc, forcément la musique suit, ou bien influence le cours de la vie. Si nous prenons la musique de Jazz comme exemple, (avec sa conception du swing au sens véritablement le plus large du terme), elle ne peut évoluer que si elle garde son aspect révolutionnaire, en faisant appel  à l’être humain et lui seul pour sa création sur l’instant. Le reste (rythmique, harmonique et mélodique) est  le regard de ce même être humain sur le monde actuel.

 

 

 

Les nouvelles expériences font partie intégrante de cette révolution. Certaines meurent, d’autres survivent !

 

 

 

 En ce qui me concerne, il m’est difficile de travailler avec des éléments que je ne maîtriserais que partiellement, mais cela ne veut pas dire que je m’interdis cette voie. Le tout doit être d’une logique par rapport à moi-même. »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DNJ : Sur une île déserte qu’emporteriez vous ?

 

 

 

P.A : « Pour un court séjour, ma brosse à dents et quelques livres, pour un temps plus long je rajouterais ma trompette, mais pour un temps définitif je demanderais à mon épouse de bien vouloir réfléchir à l’idée de venir partager cette solitude ….. »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DNJ : Pouvez-vous rédiger la dédicace de votre prochain album

 

 

 

P.A : « …….Pépé, Fattier, Luis, Rolph, l’Orannais…C’est à vous que j’ai pensé…… »

 

 

 

 

 

 

DNJ : Pouvez-vous citer 3 artistes que vous détestez ?

 

 

 

P.A : « Non, mais je déteste la connerie sur toute ses formes…Mort Aux Cons !!! »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DNJ : Quel est l’artiste avec lequel vous rêveriez de jouer ?

 

 

 

P.A : « Il y a tellement de rencontres à faire…ou bien qui n’ont pas pu se faire……. »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DNJ : Qu’est ce qui vous fait lever le matin ?

 

 

 

P.A : « Le réveil, les enfants pour l’école, le p’tit déj, la matinée très longue puisque levé tôt….. Pendant longtemps,…..très longtemps dirons nous je n’ai pas été du matin…Je me rattrape. »

 

 

 

 

 

 

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11 mai 2006 4 11 /05 /mai /2006 07:29

 

Géraldine Laurent , celle que l’on attendait

 

Il y n’y a pas si longtemps que cela, à peine un mois dirais je, personne ou presque n’avait entendu parler de Géraldine Laurent. Presque personne en effet sauf les oreilles avisées de Claude Carrière (Jazz Club) qui traînent toujours au bon endroit et qui avaient bien repéré la jeune femme. Un Jazz Club enregistré à la Fontaine fut le véritable déclencheur de ce qui allait devenir en quelques jours le phénomène  Géraldine Laurent. Telle une traînée de poudre, il ne fut plus question que de la jeune femme. Jean Louis Chautemps, auditeur passionné de cette retransmission prit aussitôt sa plus belle plume pour adresser une magnifique déclaration d’amour à Jazzman, se battant la coulpe de ne pas avoir su reconnaître le génie (ce sont ses termes) lors de son passage au conservatoire  de Niort. Un autre m’en parla dans un club un soir. Puis Jean Michel Proust, des trémolos dans la voix déclara que illico presto il allait lui donner la scène du Duc un Lundi par mois.  Bien décidé à savoir de quoi il retournait nous allâmes donc l’entendre  rue des Lombards. Et là mes amis, ô vous qui pensiez que le sax en jazz en était trop souvent aujourd’hui réduit à gens qui jouent vite des gammes montantes et descendantes et terminent par des hurlements furieux, vous auriez eu si vous aviez été là le même choc que moi. Dolphy était là. Ornette Coleman soufflait dans le même sax que Paul Desmond et Jackie Mc  Lean se tenait là juste derrière et Rollins venait de troquer son ténor pour un alto.

  

Rencontre avec la saxophoniste que l’on attendait…..

 

D’où viens tu  Géraldine Laurent ?

 GL : Je viens de Niort. Cela fait 6 ans que je suis sur Paris mais je travaille beaucoup en province ce qui fait que souvent les gens pensent que je n’habite pas Paris. C’est à Niort que j’ai débuté mon parcours. Au conservatoire j’ai commencé par le piano classique. Mes parents écoutaient beaucoup de classique. Il faut dire que mon père est musicien et enseignant en musique. Il est spécialisé en pédagogie musicale pour les enfants (NDLR : son père, Jean Laurent est l’auteur d’un ouvrage intitulé «  La Tradition orale enfantine et l'éducation musicale à l'école »). Donc la musique a toujours été présente dans ma vie. Mais bon le piano j’en ai fait deux mois au conservatoire et j’ai ensuite pris des cours particuliers. Puis j’ai arrêté et je ne me suis mise au saxophone que vers 12/13 ans. J’ai vu l’orchestre du conservatoire de Niort, le big band et là ça m’a fait bizarre, je ne sais pas ce qu’il s’est passé mais cela a sonné comme un appel au jazz. Je crois avoir hésité un instant entre le sax, la trompette ou le trombone. Et du coup j’ai commencé l’année d’après au conservatoire à une époque charnière où il y avait les premières classes de jazz qui s’ouvraient. Et il se trouve que mon prof venait du jazz. Du coup j’ai commencé à écouter mes premiers disques de jazz à cette époque.

 Lesquels ?

 GL : J’en ai pris deux à la médiathèque mais c’était du genre à ce que je me dise «  si c’est ça le jazz ! ». En fait j’avais commencé par un disque de Dolphy et un double album live de Coltrane. Et là j’avais le sentiment d’avoir à me forcer un peu. Pas du tout le déclic. Mes oreilles n’étaient pas encore préparées à ça. Mais avec mon prof on a continué et il nous a rapidement mis en situation de jouer. Pas des trucs de fin d’année. Non de vrais concerts avec des vrais pros. Du coup je suis rentré dans un groupe avec Sylvain Cathala et d’autres saxophonistes plus âgés que moi qui n’avais que 16 ans. Et puis après avoir passé mes examens de fin d’année j’ai alors arrêté le sax. Je faisais 2mn par semaine à tout casser. Et j’ai arrêté pendant 4 ans.

Tu connais les raisons pour lesquelles tu as rejeté l’instrument ?

GL : Je ne sais pas trop. Je sais par contre que je me suis fait mal sur l’instrument. C’est un apprentissage physiquement douloureux. Comme tous les instruments à vents. Heureusement maintenant je n’ai plus ce rapport là avec le sax. C’est devenu un plaisir total. Bon j’ai quand même passé mon DEM et j’ai essayé de jouer à gauche  droite dans les groupes que je trouvais.

 A Ce moment là tu n’as pas eue envie de te consacrer à l’enseignement toi aussi ?

 GL : Justement à cette période là j’ai effectivement un peu enseigné pendant 2 ans mais j’ai arrêté parce que ce sont des responsabilités énormes et il fallait que je choisisse entre l’enseignement ou la pratique. Je sais bien que ce n’est pas incompatible. En plus, nous les musiciens on en a besoin financièrement. En plus moi l’enseignement musical ce n’est pas quelque chose qui ne me vient que de mon père. C’est de génération en génération que la famille compte des enseignants en musique. Mais simplement moi, je ne m’en sens touts simplement pas capable. L’enseignement demande une exigence à laquelle je ne suis pas certaine de pouvoir répondre. Enseigner c’est une responsabilité énorme.

 A quel moment as-tu décidé de quitter Niort ?

 GL : En fait je tournais un peu dans la région (surtout à la Rochelle ) mais je n’avais pas beaucoup de travail. Et pour être dans la réalité du jazz il fallait que je monte. Pourtant j’ai appris plein de choses en province. Mais comme il y a moins de monde en province il y a une cohésion bien plus forte entre les gens avec qui tu joues. Mais dans le même temps tu tournes un peu toujours avec les mêmes.

 Comment cela se passe quand on arrive à Paris, pour tourner, trouver des gigs, se mettre dans la connection des jazzmen parisiens ?

 GL : Déjà trouver des gigs ce n’est pas mon truc. Je ne sais pas trop faire. Mais bon j’avais des copains déjà installés comme Yoni (Zelnik) ou David (Georgelet). Et j’avais monté mon quartet avec eux.

 

 

 Avec qui joues tu actuellement ?

 GL : Je tourne notamment avec le Time Out Trio qui est composé de moi-même, de Yoni Zelnik à la contrebasse et de Laurent bataille à la batterie. Mais là c’est une réunion, ce n’est pas sous mon nom. Mais j’ai un autre trio sous mon nom avec Hélène Labarrière à la contrebasse et Eric Groleau à la batterie.

 Récemment tu as été invitée aux Lundi de Caratini. Tu le connais depuis longtemps ?

 GL : Pas du tout. En fait il avait écouté ce fameux concert sur France Musique et il a eu envie de m’inviter. Et j’étais ravie parce que c’est quelqu’un dont  j’ai toujours admiré son travail.

 Cela devait être particulièrement stressant

 GL : En fait je stresse pour tellement de choses ! Même par exemple lorsque je joue à la Huchette où je fais danser les gens. J’adore ça. Je joue dans un autre style bien entendu, un peu plus New Orléans (pas complètement quand même, on ne se refait pas !) et j’y prend un grand plaisir mais en stressant quand même.

 Quelles sont tes influences

 GL : Sur ma platine il y a forcement Eric Dolphy mais surtout Sonny Rollins. Parker et Coltrane évidemment dont je repiquais les chorus. Ou alors Paul Desmond aussi. Ou bien encore des chorus de Bill Evans que je reprenais pour le sax. Et en ce moment je suis totalement passionnée par Dolphy.

 Tu écoutes quoi en ce moment ?

 GL : En fait je n’écoute pas grand-chose. Mais j’entends des trucs épatants lorsque je sors. Même si je sors rarement. Parmi ceux là je suis vraiment émue par le batteur Dré Pallemaert. J’adore son jeu. Mais en ce moment j’écoute peu car je me consacre beaucoup à mon travail.

 Tu composes beaucoup. Dans quel esprit écris tu ?

 GL : Je ne sais pas trop, faut écouter. Il y a une certaine forme de construction des morceaux. Par tableaux. Je construis des morceaux comme des standards mais avec des reprises et des ostinatos. Ça reste ternaire mais quand même un peu free. Mais bon pour les gens qui aiment le free, c’est bop et pour les gens qui aiment le bop c’est trop free. Et à côté de cela j’adore jouer les standards pour avoir le plaisir de les structurer. J’adore les quartets de Miles avec Shorter ou encore l’esprit qu’il y a chez Mingus avec Dolphy.

 Tu composes comment ?

 GL : Juste un peu sur ordinateur mais juste pour m’amuser. Sinon je travaille au piano. Il m’arrive de travailler à la table sans rien. Mais en ce moment je n’ y arrive pas trop. C’est la page banche et je n’arrive pas à me forcer.

 Si un label venait te voir pour enregistrer tu préférerais y mettre quoi : tes compos ou des standards ?

 GL : Les deux absolument. Mais je ne ressens pas la nécessité d’enregistrer même si je sais que c’est la quadrature du cercle : jouer pour enregistrer et enregistrer pour jouer. C’est la loi du genre e je sais que je dois en tenir compte. Dans l’idéal j’aimerai surtout faire un album en public. J’aime cette idée de prise de risque.

 Aujourd’hui tu as trouvé ta formation idéale ou est ce que tu as des idées d’autres formats ?

  GL : Le format actuel me va bien. J’aimerai quand même un peu revenir un peu au quartet. Ramener u instrument harmonique. Et puis j’adore le piano !

 Des projets d’enregistrement ?

 GL : Non pas encore mais je sais bien qu’il va falloir que je m’y mette un jour. Pour l’instant mon seul album c’est celui auquel je participe avec Christophe Joneau. Mais c’est quelque chose de très stressant là aussi. Le retour du son c’est un truc terrible.

 

Tu arrives à accepter l’idée de te consacrer exclusivement au jazz, au détriment d’autres musiques comme le classique par exemple?

 GL : Si je le faisais j’irais dans un conservatoire car je trouve cela très difficile. En plus en sax il n’y a guère que le répertoire contemporain et je trouve cela très dur. Je le fais au piano parce qu’il y a le texte qui m’aide pour cela. Mais au sax s’il fallait que je m’enferme dans une partition je serais totalement perdue. En fait tout mon apprentissage vient essentiellement du travail d’oreille.

 Tu joues exclusivement de l’alto ?

 GL : Eh oui ! D’abord parce que je n’ai pas de soprano et le ténor cela me fait trop mal au dos. Et pourtant mon influence c’est plutôt les joueurs de ténors comme Rollins. Et puis peut être aussi par pragmatisme financier. C’est David Georgelet, l'ex- batteur de Yun Sun Nah qui m’avait revendu son sax et depuis je l’ai toujours. Mais maintenant que j’arrive à me sentir libre avec l’alto, pas question d’en changer. Même s’il m’arrive de l’oublier souvent (bel acte manqué, non !)

 Comment tu perçois cette arrivée soudaine sur le devant de la scène ?

 GL : En fait tout est parti du festival de Calvi où Claude Carrière m’a entendu un jour. Moi je ne les connaissais pas mais j‘ai fait le beuf comme on me l’avait demandé. C’est parti de là. Sinon il faut leur demander à eux. Mais je suis très touchée par le retour et l’écoute qu’ils ont de mon travail. Mais je vivais aussi avant ce fameux Jazz Club.

 Tu signes pour une série au Duc des Lombards ?

 GL : Oui effectivement, Jean Michel Proust me laisse un Lundi par mois.

 

 

 Propos recueillis par Jean Marc Gelin

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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15 mars 2006 3 15 /03 /mars /2006 19:06
Interview du pianiste Nico Morelli

 

 

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