PATRICK ARTERO : tirage de portrait
Après trente-cinq ans de gourmandes et fiévreuses expériences autour de la salsa, du jazz, de la musique antillaise, du reggae, de la variété, Patrick Artero nous a régalé l’automne dernier avec sa première oeuvre personnelle en hommage au cornettiste Bix Beiderbecke, immédiatement récompensée par l’Académie du Jazz. Bix, Artero le découvre à l’âge de l’apprentissage alors qu’il étudie la trompette au lycée de musique de Sèvres. Bix, c’est quelqu’un qui lui parle, un être tourmenté, quelqu’un qui a traversé pleins de choses qu’il a vécu. En 1975, il incarne déjà Bix dans un film de Jean-Christophe Averty pour la télévision, une sorte de prémonition de ce projet qui inaugure superbement sa discographie. Ce projet il. Musicien voyageur et curieux, Artero multiplie les expériences et les performances. En 1969, il rejoint le groupe mythique de jazz New Orléans des Haricots Rouges. Entre 1973 et 1977, il joue tous les soirs au Slow Club avec Michel Attenoux. Cette période est déterminante dans sa carrière car il rencontre toutes les stars du jazz français, parmi lesquelles Claude Bolling, Marc Laferriere, Guy Laffitte, Martial Solal, René Urtreger. Il participe également à l’Anachronic Jazz Band et au Jazz Five de Raymond Fol avec André Villeger. Au début des années 1980, il se passionne pour la Salsa. A partir de 1984, il est de toutes les aventures musicales africaines et antillaises, ou presque, de Kassav à Touré Kounda. Les années 1990 marquent son retour au jazz, surtout en big bands. Il nous prépare dit-on pour 2006 une surprise avec Vincent Artaud aux arrangements chez Nocturne, label avec lequel il a signé un contrat d’artiste. Nous en salivons d’avance. En attendant, il ne cesse de réinventer sur scène l’univers bixien accompagné d’un quatuor à cordes ou en quartet (Laurent Courthaliac au piano, Matthias Allamagne à la contrebasse et Mourad Benhamou à la batterie). C’est dans cette dernière formation qu’Artero se produira le 21 octobre au NEW MORNING. Il nous fait ce mois-ci l’amitié de répondre à notre questionnaire-type.
Régine Coqueran
DNJ : Pourquoi le jazz ?
Patrick Artero : « Parce que c’est la forme d’expression musicale la plus libre et qui permet de véhiculer dans l’instant ses sentiments propres sur un schéma soit harmonique ou rythmique ou bien mélodique, donné avec son instrument. Politiquement ce serait une certaine idée de l’anarchie qui serait contenue…Je suis assez sensible à la notion de Liberté……. »
DNJ : Quelle est votre principale influence musicale ?
P.A : « Je pense que c’est la vie sous toutes ses formes ainsi que toutes les musiques qui s’y rattachent qui sont ma vraie source. Je vous parlerais donc de voyages et de rencontres, donc d’émotions, de douleurs plus ou moins physiques, psychiques, de la peur, de l’angoisse, mai aussi du bonheur amoureux, de la joie de vivre, la naissance et bien sûr la mort ! Mais j’ai commencé cette influence musicale par le son de la trompette de Louis Armstrong……puis aussi, quelques notions de musique dite Classique. »
DNJ : Qu’aimeriez vous transmettre ?
P.A : « Si j’avais à transmettre quelque chose, ce serait surtout une certaine idée de la liberté, par rapport à ce monde qui est en pleine mutation. Il y a un roman de Francis Marmande sur l’alternance des triomphes et les débâcles aussi profonds les uns que les autres, d’un torero, qui en ont fait une légende…comme une image de la grandeur et de la peine des hommes en liberté. Il y a évidemment cette chanson de Jacques Brel intitulée « La Statue » qui reflète bien ce que je peux ressentir au sujet de cette transmission. En fait, je me sens bien dans une peau de troubadour qui va, comme les chiens, renifler un peu le c.. des autres. Je me crois volontiers d’un naturel curieux et gourmand…jusqu’à l’extrême parfois……. »
DNJ : Croyez vous à une révolution possible du jazz et existe-t-il de nouvelles expériences qui vous intéressent ?
P.A : « Pour ma part, la révolution doit être permanente ou bien elle meurt…. Donc, forcément la musique suit, ou bien influence le cours de la vie. Si nous prenons la musique de Jazz comme exemple, (avec sa conception du swing au sens véritablement le plus large du terme), elle ne peut évoluer que si elle garde son aspect révolutionnaire, en faisant appel à l’être humain et lui seul pour sa création sur l’instant. Le reste (rythmique, harmonique et mélodique) est le regard de ce même être humain sur le monde actuel.
Les nouvelles expériences font partie intégrante de cette révolution. Certaines meurent, d’autres survivent !
En ce qui me concerne, il m’est difficile de travailler avec des éléments que je ne maîtriserais que partiellement, mais cela ne veut pas dire que je m’interdis cette voie. Le tout doit être d’une logique par rapport à moi-même. »
DNJ : Sur une île déserte qu’emporteriez vous ?
P.A : « Pour un court séjour, ma brosse à dents et quelques livres, pour un temps plus long je rajouterais ma trompette, mais pour un temps définitif je demanderais à mon épouse de bien vouloir réfléchir à l’idée de venir partager cette solitude ….. »
DNJ : Pouvez-vous rédiger la dédicace de votre prochain album
P.A : « …….Pépé, Fattier, Luis, Rolph, l’Orannais…C’est à vous que j’ai pensé…… »
DNJ : Pouvez-vous citer 3 artistes que vous détestez ?
P.A : « Non, mais je déteste la connerie sur toute ses formes…Mort Aux Cons !!! »
DNJ : Quel est l’artiste avec lequel vous rêveriez de jouer ?
P.A : « Il y a tellement de rencontres à faire…ou bien qui n’ont pas pu se faire……. »
DNJ : Qu’est ce qui vous fait lever le matin ?
P.A : « Le réveil, les enfants pour l’école, le p’tit déj, la matinée très longue puisque levé tôt….. Pendant longtemps,…..très longtemps dirons nous je n’ai pas été du matin…Je me rattrape. »