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6 mai 2007 7 06 /05 /mai /2007 10:10

JJJJJ GETACHEW MEKURYA and The Ex : “ Moa Anbessa

 TerP records 2007

 Attention à vous, c’est du brutal ! Un bon gros son comme ça, c’est pas fait pour les mauviettes ! On  vous aura prévenu. « Mais de quoi qu’il cause » disent ils ? Tout simplement de cette rencontre incongrue organisée un jour entre des anciennes gloires néerlandaises de la musique punk, «  The Ex » et du roi, que dis je, de la légende vivante, du Négus du sax éthiopien, Getachew Makurya qui doit aujourd’hui afficher pas loin de 80 piges au compteur. Et Getachew n’est chez nous totalement inconnu pour ceux qui ont suivi les magnifiques éditions des Éthiopiques qui permirent il y a quelques années de découvrir les gloires fameuses du jazz du côté d’Addis-Abeba. Ces gloires qui explosèrent dans les années 70 à peu près en même temps qu’à l’autre bout du continent émergeait le phénomène Fela.

Rencontre en tout point étonnante qui naquit le jour où ces petits gars, alors invités à Banlieues Bleues entendirent Mekurya chevaucher son saxophone tel on dresse un cheval en liberté. Alors de ce son rauque à gros grain ils se dirent qu’il y avait quelque chose à faire. Ils perçurent l’évidence de la rencontre pourtant  curieuse sur le papier. Ils perçurent que dans les deux cas il s’agit du même art brut, de la même animalité voire de la sauvagerie tripale. Car il y a du cri et du grincement parfois, de la rage souvent mais jamais de violence. Bien au contraire. Des tourneries païennes qui peuvent renvoyer autant aux plaines d’Afrique qu’aux docks de Londres. Terrie et Andy donnent alors dans la guitare saturée et à plusieurs moments le chanteur de « The EX », GW Sok brandissant un mégaphone porte sa voix entre chant et parlé chanté. Getachew Mekurya habitué aux fanfares dans sa jeunesse, a peut être trouvé dans ce brass band néo-punk (aux accents lointainement Ska) une source de jouvence. Toujours est il que c’est avec une terrible force Aylérienne qu’il trace les sillons dans lesquels la bande des «  Ex » semble se régénérer à son tour.

Enregistrée pour partie en studio et pour partie en «  live » lors d’un concert à Tourcoing, cette rencontre vous prend aux tripes, bouscule vos repères, décoiffe le bourgeois assoupi qui d’habitude d’une oreille distraite se demande avec un  air distingué, entre deux volutes de sa cigarette de quoi donc sera fait l’avenir du jazz.

Ce n’est pas là qu’il trouvera forcément la réponse. Peut être pas dans la perpétuation du gros son d’Albert Ayler ou dans l’énergie de Fela. Mais certainement dans la confrontation face à face de ces deux cultures musicales, dans le travail en commun qui, croyez moi en l’occurrence n’a rien d’un métissage. Car vous ne ressortirez pas de cet album avec le sentiment d’y avoir vu un mélange des couleurs qui trop souvent se traduit par l’affadissement de l’une d’entre elle mais plutôt à une sorte de rapprochement au terme duquel, et c’est là toute la magie de cet album, aucun vraiment aucun n’a perdu son identité mais sort grandi de cette expérience commune.

Une leçon de vie en somme qui, en ce début de XIX° siècle traduit une incroyable modernité. Et nous rend optimiste sur l’avenir du jazz.

Jean-Marc Gelin

 

 

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6 mai 2007 7 06 /05 /mai /2007 10:01

JJJJ Dee Dee Bridgewater : « Red Earth (A Malian journey)»  De la terre rouge de Memphis (Tennessee), sa ville natale, à Bamako (Mali), Dee Dee Bridgewater part à la recherche de son identité. Comme un enfant perdu rentrant enfin à la maison, comme elle l’écrit en introduction à l’album qu’elle consacre à la terre rouge du Mali (Red Earth), à l’Afrique... Rarement au cours de sa prolifique carrière, Dee dee Bridgewater nous avait-elle ainsi subjugué. Quel groove ! Avec une liberté totale, la chanteuse américaine sans renier sa propre culture blues rentre en dialogue avec les rythmes maliens, improvise, joue, ose…et le résultat est éblouissant. La rencontre se fait communion alors que chacun reste profondément fidèle à sa propre identité. Une gageure ? Sans aucun doute, non ! Une vraie rencontre… Dee Dee Bridgewater est allée se frotter à la tradition malienne et les musiciens maliens lui ont grand ouvert leurs espaces d’improvisation et d’inspiration. Avant d’enregistrer ce disque à Bamako ils ont multiplié ensemble les occasions de travail à travers des jam sessions au Mali ou des répétition en public au New Morning : ceux qui ont assisté à ces concerts parlent de magie. Les duos entre vocalistes maliens qui chantent en bambara et Dee Dee Bridgewater en anglais sont d’une extrême intensité et d’une incroyable contemporanéité. De manière excessivement troublante, ce chant résonne dans notre plus profonde intimité. Gage sans doute de sa sincérité.  D’abord et avant tout saluons le talent des musiciens maliens sélectionnés pour ce projet par Cheick Tidiane Seck : l’extraordinaire vocaliste Ramata Diakité (écoutez le remarquable Mama don’t ever go away), les deux chanteuses traditionnelles Oumou Sangaré et Tata Bambo, stars en leur pays, le joueur de kora Toumani Diabaté, Adama Diarra au djembé. Le pianiste malien Cheick Tidiane Seck qui connaît parfaitement la culture nord-américaine et le jazz et sans lequel ce projet n’aurait pas pu voir le jour, a ensuite veillé avec brio au choix du répertoire et a lui-même arrangé la plupart des titres. Notons la superbe tournerie Children go round (Demissenw) dans laquelle l’incantation mandingue d’Ami Sacko se confond avec la prière blues de Dee Dee, sur un accompagnement endiablé de Bassékou Kouyaté au ngoni, luth à 3-4 cordes pincées à l’origine du banjo. Même les standards (et en particulier Footprints de Wayne Shorter accompagné par une flûte peul traditionnelle) sonnent « mandingue ». Un album baigné de lumière.

 

 

Régine Coqueran

 

 

 

 DDB Records 2007

  

 

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6 mai 2007 7 06 /05 /mai /2007 10:00

JJJJAndy Emler MegaOctet – « West in Peace »

 

Nocturne 2007

 

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Argh ! Certains groupes portent très bien leur nom ! Impossible, non mes amis, impossible de rester de marbre face au MegaOctet du pianiste Andy Emler. C’est un saut que l’on fait à pieds joints dans une flaque d’eau, vous savez bien, ce genre de saut qui est censé faire des dégâts autour de vous. Ce nouvel opus du groupe est manifestement la suite du disque précédent, « Dreams in Tune ». Parmi ces neufs musiciens, on retrouve de drôles d’oiseaux comme Laurent Dehors et Médéric Collignon. Sans parler de la tout aussi étrange ressemblance de Thomas de Pourquery avec un certain Éric Dolphy. Guillaume Orti est le second altiste. Le « tuyau » du groupe est en la personne de François Thuillier, un adorable tubiste capable d’acrobaties digne d’un coléoptère en période d’accouplement. Dans le mot adorable, n’y voyez pas là d’amitié entendue, mais intéressons nous plutôt au fait d’être plus ou moins attendri par tel ou tel instrument, et en l’occurrence, le Tuba. Éric Echampard et Claude Tchamitchian donne l’énergie à l’ensemble, par leur complémentarité tout-terrain (on dit aussi la CTT !). Parce que c’est de ça qu’il s’agit, une passionnelle suite d’évènements, de scènes, d’épisodes, avec à chaque fois une nouvelle surprise au coin d’un passage. Un album irrésistiblement complet. Un florilège de beaux mouvements, de bons moments, forts et intenses. Avec ce coté expérimental qu’à plaisir à exercer Andy Emler, aussi bien dans son écriture que dans l’esprit de son entourage. Ce disque débute sur un ostinato avec le sampler et les cris déstructurés de Médéric, qui nous offre au bugle, un peu plus loin dans le disque, un phrasé très pertinent. Il y a là tant de styles abordés, magnifiés. Cet esprit collectif est vastement ouvert et repousse les limites de la Musique. François Verly use par exemple des tablas dans la pièce majeure du disque, West in Peace. Le groove bestial au thème modal menaçant, la douce poésie du chant de la contrebasse. Certains gestes invoquent le « free style », ce sont ces gestes qui transfigurent le « skate- boarder » en artiste. On penserait presque à un scénario dont le pianiste serait le gourou, l’arbitre, le maître, celui qui libère les enfants terribles à l’heure de la récré. Plus sérieusement, en suivant cette trame musicale, on pense à Debussy, en allant jusqu’à Gustav Mahler. Les cornemuses sont même de la partie ! Quel bouquet de fleur ! Une originalité sans limite, un avant-gardisme comme on les aimes. Et tout ce tintouin organisé est capté à la Buissone par le Gérard De Haro national. Nos oreilles sont kidnappées, emmenées dans un rêve sur tapis volant, voyageant dans les airs au-delà des paysages les plus divers. Époustouflant, renversant, ingénieux, enivrant, ce disque est incontournable de vérité, de fraîcheur aussi. Les commentaires littéraires inscrits dans le livret témoignent des sentiments du compositeur sur sa propre musique, comme pour mieux transmettre ce qu’il a de grand à offrir. Merci qui ? Merci Monsieur Emler.

Tristan Loriaut

 

 

Dans la lignée du précédent album Dreams in Tune mais encore plus captivant,  West in peace nouvel opus du Megaoctet, réunit toujours une distribution de rêve. On se réjouit de retrouver le spectaculaire nonette du pianiste Andy Emler, en grande grande forme. La machine rutilante, puissante, démarre très vite, tout de suite, et très fort. Difficile de faire autrement quand on dispose d’ une section rythmique superlative ( Eric Echampard et Claude Tchamitchian, sans oublier le percussionniste, ami de longue date, François Verly) et de soufflants déchaînés autant que brillants (Laurent Dehors au ténor et aussi à la cornemuse, diable d’homme, Thomas De Pourquery et Guillaume Orti, souverains à l’alto, Méderic Collignon toujours aussi doué au bugle  comme dans « Les neuf cents lunes »).

Quand on lit les notes d’introduction du pianiste, qui constituent  son credo artistique, on comprend pourquoi on aime tant le musicien.

Ce n’est pas seulement une question de génération et d’éducation musicale.  Emler allie de façon délibérée, une musique savamment composée,  à une énergie  très actuelle qui déborde tout en restant à sa place. Sans oublier l’intelligence mélodique des grands groupes pop des années 70 et l’étude admirative du travail de géniaux perturbateurs, comme F.Zappa. Ce qui explique en partie une démarche qui explore avec humour, impertinence et précision, certains territoires musicaux actuels : ruptures de tempos, suspens harmonique et rythmique, faux arrêts et donc faux départs, ostinatos souples et rebondissants ; par instant, une douceur de prélude suivie d’ envolées qui n’en seront que plus étonnantes. Des interventions plus « sauvages », chantées, marmonnées, ou hurlées aux saxophones, exaltent certains dérèglements assumés avec le plus sérieux.

Ce que le pianiste arrive à faire avec ce groupe de surdoués tient d’un véritable projet collectif dans lequel chacun reste à sa place, concourant à cette impression de joyeux chaos.

Voici donc une formation soudée prête à se lancer dans une aventure permanente sous la férule du chef. L’ improvisation collective malmène le travail soigné de composition, avec une tendance impulsive à rechercher un certain désordre que l’on met en scène. Un embrasement que l’on partage sans que cet enchaînement ne laisse de côté les moments plus  tendres et rêveurs comme ce passage doux  qui se glisse dans la première composition « Les ions sauvages »  que domine au tuba, le trop rare François Thuillier.

C’est qu’Andy Emler  compose très soigneusement, en fonction de « ses » hommes, en recherchant les combinaisons insolites ou intéressantes de timbres, de  textures et de couleurs : du « cousu main » qui donne aussi sa pleine mesure en live.

Mais pour ceux qui achèteront le disque  (oui, cela vaut encore le coup d’acheter un album), mention particulière à l’ « objet » conçu avec soin, de la poétique photo de graminée, en couverture aux  explications révélatrices de la conception de chacun des titres (5 pièces longues et un court interlude, ludique, « Hugs » avant le final).

S’il fallait choisir un seul titre, « West in peace » aurait notre préférence : doux, tendrement nostalgique, et terriblement émouvant. Guillaume Orti dont on admire depuis longtemps déjà, la démarche, discrètement  tenace, est saisissant dans ce chant de désir ou aveu d’une plainte, c’est comme on voudra,  une ballade au cœur de la mélancolie, le climax d’un disque qui ne peut laisser indifférent.

Sophie Chambon

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5 mai 2007 6 05 /05 /mai /2007 23:09

Jazz IMAGE  « lES GRANDS PHOTOGRAPHES DE JAZZ »

 

Lee Taner

 

SEUIL – 40€

 

 

La photo de jazz est un art que l’on croyait bien codifié. Une sorte d’esthétique obligée dont les règles ont longtemps contribué à établir l’esthétique du jazz. L’ouvrage du photographe Lee Tanner en propose ici une sorte de best of puisée auprès de 27 photographes (dont un français dans le lot Guy Le Querrec) qui de 1935 à 1992 ont traversé l’histoire du jazz et de ses figures légendaires. Mais Lee Tanner en propose surtout 150 clichés sublimes choisis avec un œil qui privilégie, avec un certain regard, celui de l’amour du photographe pour les photographes. Ses frères d’armes en sorte.

Et l’on comprend à feuilleter ce livre qu’en photo comme peut être en musique tout est affaire d’angle. Angle d’attaque, angle de vue. L’angle de vue qui dévoile ce que la photo de l’homme immobile ne dévoile pas toujours. Prenez une photo de Billie Holiday ou de Mary Lou Williams par exemple. Vous en avez vu des centaines. Mais il suffit que le photographe se place de ¾, qu’il surélève un peu son objectif et alors apparaît un bout de la scène et aussi

 

du public révélant plus qu’un portrait, un moment de la vie du club. Par un léger  décentrement de l’image tout est dit différemment et l’artiste déstatufié prend une autre vérité (Gjon Mili – 1943 – p.19 et p.30). Ou alors il peut s’agir d’un autre angle que celui de la photo de face.

 

Regardez ces photos prises de profil depuis les loges comme cette photo célèbre de Duke Ellington prise en 1958 par le grand Herman Leonard ( P.41) ou la chanteuse Dinah Washington dans une danse nègre par William Claxton (p.51). On pourrait parler du photographe Chuck Stewart qui semble en embuscade aux cotés de l’organiste Jimmy Smith. Et pour ce qui me concerne un penchant tout particulier pour Louis Armstrong et Velma Middleton prise en 1960 par Herb Snitzer. Là encore violant les lois florentines de la perspective, le photographe décentre et laisse les deux protagonistes sur la gauche du cadre, l’espace central étant occupé par la trompette de Louis Armstrong qui devient alors véritablement incarnée ici.

Et puis il y a aussi ces moments impudiques pris dans l’intimité des artistes comme cette photo de Sarah Vaughan prise derrière le rideau de scène, celle de Clifford Brown et ses copains répétant torse nu dans une chambre d’hôtel ou celle encore d’une balance avec Ornette Coleman dans un moment où le photographe saisit au plus près la vérité d’un instant non dit

     

en musique mais réellement exprimé. Et l’on pourrait multiplier à l’envie les exemples de ces clichés rares et magnifiques.

Le livre donne aussi quelques repères biographiques sur ces photographes légendaires  ainsi que quelques repères bibliographiques. La préface est signée du légendaire critique Nat Hentoff.

Plus qu’un regard ou qu’un témoignage sur une époque du jazz ce livre est un véritable geste d’amour qui salue avec émotion ces musiciens aimés et avec un tendre respect, ces chasseurs d’images de jazz.

Jean-Marc Gelin

 

 

 

 

 

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5 mai 2007 6 05 /05 /mai /2007 23:07

JJJJ Sophia Domancich et Simon Goubert : « You don’t know what love is » Cristal records

 

Entre les textures  affranchies du trio DAG et les  envolées excitantes de Pentacle, quintette plus cuivré qui s’abandonne aux Triana moods, Sophia Domancich et Simon Goubert tentent pour la première fois un album en duo.  Sur un répertoire largement original  (ils composent et improvisent  également à deux), voilà une autre tentation/ tentative  décidément  réussie pour une oreille capable de goûter les nuances de leur musique. C’est que leur double univers confondu ici, sans excessive fusion est singulièrement excitant pour qui a commencé à s’y aventurer.

Tout est ici soigneusement conçu et exécuté même si tout n’est pas véritablement écrit. Et l’album a une couleur originale vite reconnaissable, due à la personnalité de la pianiste Sophia Domancich. Elle s’abandonne toujours aussi élégamment  à ses propres rêves, entretenant la surprise par des changements abrupts de rythme, des interruptions, ou des reprises abondamment répétées. Une conception intimiste de la musique,  une poétique du jazz portée à un rare degré avec des sonorités plutôt sombres dessinées par le duo, sur un arrière plan de  mélancolie, dépourvue de sensiblerie. Une émotion plutôt froide, une sensibilité qui affleure mais  jamais ne déborde, aucune évanescence.

Simon Goubert accompagne, soutient, habille parfois en fond sonore, comble les vides ou recrée, souligne les lignes de force de sa partenaire. Si leurs rôles sont assez finement répartis, on ne peut pas vraiment dire qu’il s’agisse d’une pianiste accompagnée d’un batteur, il serait plus juste d’évoquer de solistes construisant de pair leur interprétation. Simon Goubert pense aussi en termes mélodiques tout en s’inscrivant dans la grande tradition  des batteurs de jazz. Mais son jeu  à la variété infinie ( un vrai festival sur caisse claire, grosse caisse, cymbales) sait s’accommoder des discontinuités évidentes, recherchées par sa pianiste. Et de toute façon,  la mélodie ne fait pas loi. Ce qui l’emporte au fond est infiniment plus subtil, une manière d’être et de jouer ensemble, de poursuivre un dialogue engagé hors scène.  C’est que ces deux là se connaissent parfaitement. Eux seuls peuvent nous dire « You don’t know what love is ». 

On ne s’étonnera donc pas de les voir reprendre avec succès  le « Lonely Woman »d’Ornette Coleman , qui est une sorte de passage obligé pour beaucoup de musiciens actuels , mais aussi le beau  thème de Mal Waldron  « Seagulls from  Kristiansund »:  ils s’ancrent  ainsi  dans la lignée de ce pianiste de l’épure qui savait créer une véritable fascination par d’abondantes répétitions tout à fait compulsives («All alone »). Sophia Simon, Simon Sophia, un duo à suivre assurément de tout cœur.

Sophie Chambon

 

 

 

 

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5 mai 2007 6 05 /05 /mai /2007 23:06

JJJJ GUILLAUMEE DE CHASSY :  PIANO SOLO.

Bee Jazz 2007

 Guillaume de Chassy, dont on appréciait déjà la sensibilité dans les albums « Chansons sous les bombes » ou « Wonderful world » (avec entre autres le contrebassiste Daniel Yvinec pour complice), nous livre maintenant son premier opus solo… Pari osé, car il est impossible de tricher ou se reposer sur la moindre forme d’interaction dans la pure solitude, pari obligé, car il faut bien un jour montrer tout ce que l’on a dans le ventre in fine… mais pari ô combien brillamment relevé !

 

 

Tous les disques de piano solo ne sont pas passionnants, loin de là, et l’on sombre souvent dans une certaine monotonie ou lassitude, un je-ne-sais-quoi de récurrent ou stérile… Rien de tel ici.  Il y a dans le jeu de Guillaume de Chassy et dans les 10 titres de ce disque une telle charge d’émotions qu’il me semble impossible à tout mélomane de passer à côté… De l’extrême douceur, parfois teintée de nostalgie, à la révolte flamboyante, on passe insensiblement des sanglots à l’effroi, de l’inquiétude à la plus grande sérénité, sans pathos excessif, sans une once d’artificialité ou de maniérisme… Bravo !

 

 

De Chassy a reçu une formation classique, et bien sûr cela s’entend. Il y a une composante « néo-romantique » dans son approche artistique, une sorte de background impressionniste, souvent à découvert... Mais après tout, ne trouvait-on pas déjà des réminiscences brahmsiennes ou debussystes chez Bill Evans, pour ne citer que lui ? Pour autant, qu’on ne s’y trompe pas, c’est bien de Jazz qu’il s’agit, et du grand ! Cet homme improvise depuis son plus jeune âge, et croyez-moi, on sent quelques heures de folle liberté au compteur, une maturité exemplaire dans sa musique !

 

 

On dirait que De Chassy prend d’ailleurs un malin plaisir à brouiller les pistes, à jouer la surprise, susciter l’étonnement… Incontestablement, c’est un maître du contraste, autant que de la transition ! La première pièce est déjà hautement symbolique et révélatrice… « Slava » est une de ses compositions, basée sur un thème de Serge Prokofiev (Concerto pour violon N.1)… Et d’une certaine façon, tout y passe ! Quelle synergie, quel onirisme !… Mood nocturne façon club embrumé, envolées lyriques et « concertantes », cadence be-bop, pulse incroyable… Difficile de décrire l’alchimie souveraine qui naît ici, avec une maîtrise du clavier (indépendance MG – MD incroyable d’aisance et de densité) et des timbres exceptionnelle… Chaque titre vaudrait à lui seul une analyse minutieuse et approfondie, tant cela regorge de pétites, de moments rares et intenses… Le raffinement à l’état pur ! 

 

 

L’écoute ne peut laisser indemne, on a affaire à une musique de l’absolu, exigeante et sans compromis, musique du passage, de la frontière, et qui ose, jusqu’au vertige… Prenons en exemple cette « Valse bulgare » au beau milieu du disque, très douce et musicale, introduite par 40 secondes pour le moins galopantes… Rupture de style qui force le respect ou questionne… Cela pourrait agacer mais montre un tel brio et une telle sincérité, qu’on a pour le coup l’impression de voir naitre une musique sous ses yeux, échappant aux carcans, faisant fi des standards et autres cloisonnements ! On sent vraiment ici qu’une musique personnelle se fait, nourrie par des idiomes variés, et surtout parfaitement assimilés…  Sa version d’«Ugly beauty», thème moins connus que d’autres parmi ceux écrits par Monk, est si personnelle qu’on n’a plus du tout l’impression d’une « reprise »… Il y a un aspect intemporel dans ces solos, et l’on croise aussi l’ombre d’autres géants, Paul Bley en tête… Cette profondeur des silences et des respirations, ces relances, ces subites éclaircies…  Tout cela fait merveille dans « Lune », dont le trope lancinant et obstiné est particulièrement touchant ou encore dans le sublime « Récapitulons », dont la furieuse dispute cède la place à une intense harmonie… L’énergie parfois bouillonnante dans ces pages est (tonalement et totalement) contenue, feline et racée, elle retombe pour ainsi dire toujours sur ses pattes, on ne dérive jamais vers certains écueils du free jazz : point de véhémence gratuite ici !  L’élégance de la forme et du phrasé, l’articulation et la poésie de l’instant priment… qui s’en plaindrait ? Dans le fond, échappant aux clivages, on a quasiment l’impression d’entendre ce qu’on appelait à une époque une « musique à programme », sauf que là il s’agit d’un programme libre, d’histoires imaginaires, ouvertes…

 

 

Libre à vous d’entendre ces ruptures, ces réconciliations et de les habiter de votre vécu…

 

 

Ce piano solo magique et unique, est une formidable passerelle entre le meilleur des mondes…

 

 

Jean Denis Gil

 

 

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5 mai 2007 6 05 /05 /mai /2007 23:05

JJJJTEDDY CHARLES TENTET : «  Vibrations »

 

Rééd Fresh Sound 2007

 

Art Farmer (t),  Billy Butterfield (tuba), Gigi Gryce (as), J.R Monterose (ts), George Barrow, Sol Schlinger (bs), Teddy Charles (vb), Mal Waldron (p), Jimmy Raney (g), Teddy Kotick (cb), Joe « Chiz » Harris (dm)

 

S’il y a des idées salutaires dans le monde de l’édition musicale, celle de rééditer cet album de Teddy Charles, est assurément de celles là. Car il faut bien dire ce qui est, le vibraphoniste qui pourtant est véritablement un immense compositeur- arrangeur est largement et très injustement sous estimé voire même totalement inconnu pour un grand nombre. Cet album a le mérite de remettre les choses à leur place et remettant au goût du jour ces sessions de 1956. 7 des neufs titres proposés dans cette réédition ont été enregistrés en janvier  alors que les deux dernières plages additionnelles ont elles été enregistrées quelques mois plus tard.

Ce que l’on entend alors est une musique franchement en avance sur son temps qui propose à l’auditeur qui s’attendrait à un certain formatage, une forme à laquelle peu alors sont habitués et des structures compositionnelles très surprenantes pour des musiciens habitués généralement  jouer plutôt dans le style bop. Et l’on comprend alors que rien ne naît de rien et que cette musique trouve ses connections avec celle d’autres génie de l’époque et notamment son contemporain, George Russell  qui la même année signait un album culte, Ezz-thetic. Mais il n’y a pas loin non plus de Teddy Charles à la révolution de Mingus avec qui justement le vibraphoniste a beaucoup travaillé par la suite. Car formellement cette musique là est alors d’une incroyable modernité s’appuyant sur des renversements, des ruptures harmoniques et rythmiques brutales, des séquençages multiples qui font qu’à l’intérieur d’un même s’en trouvent deux ou trois autres révélés. Et cette  musique qui ne rompt pas avec le bop au point d’en livrer des morceaux à l’inspiration très New Yorkaise (The Emperor p.ex) , dépasse le propos et s’accorde de beaux moments de liberté formelle. Et c’est tout le talent d’arrangeur de Teddy Charles de s’emparer ainsi de thèmes composés par Mal Waldron, Jimmy Giuffre ou encore ce merveilleux tromboniste, Bob Brookemeyer. Comme quoi liberté ne veut pas forcément dire émancipation sauvage….. C’est parfois déroutant et presque dans l’inspiration d’une Nouvelle vague qui commence à éclore un peu partout. Et puis c’est aussi l’occasion d’entendre de merveilleux musiciens. Art Farmer ou Gigi Gryce bien sûr mais surtout, à tout seigneur tout honneur Teddy Charles lui même qui livre là une version d‘anthologie de Nature Boy. Où l’on voit bien que Teddy Charles qui précède Bobby Hutcherson et Gary Burton pour ne citer qu’eux s’impose comme une référence incontournable des mailloches dont l’inspiration a su créer après Lionel Hampton une voie nouvelle pour l’instrument. Il n’est que d’entendre cette version d’anthologie de Nature Boy pour s’en convaincre et se laisser aller au plaisir de (re)découvrir un musicien à qui il est grand temps aujourd’hui de rendre l’hommage qu’il mérite enfin.

Jean-Marc Gelin

 

 

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5 mai 2007 6 05 /05 /mai /2007 23:03

JJJ SOPHIE ALOUR : « Uncaged »

Nocturne 2007  

Après « Insulaire »,  au jazz classique, Sophie Alour nous revient avec « Uncaged » et les mêmes musiciens qu'« Insulaire » pour un opus plutôt différent et certainement plus réussi.

Deux particularités ressortent. Tout d’abord, une sonorité qui surprend : saturée et lourde de saveur (« Uncaged »). Et surtout du côté musical, Alour s’écarte de la voie noble du jazz. Cet opus est à mi-chemin entre le rock et le jazz : certaines pièces sont purement rock avec, et c’est important, l’intensité et l’émotion du rock.

Sur la ballade délibérément rock et poignante « Haunted», Sophie Alour est hautement engagée dans son jeu qui révèle un son profond, qu’elle puise dans son for intérieur.

Le son saturé de la guitare de Sébastien Martel et du Rhodes de Laurent Coq nous jette dans une atmosphère compressée sans évoquer de gravité pour autant. Mais on ressent comme une sensation d’urgence venant de la saxophoniste et des compositions.

« Uncaged » est dense. le sax de Alour est rocailleux comme trafiqué, la batterie est sourde et lourde. 

Quel message, si message il y a, Sophie Alour a t elle essaye de nous transmettre? Fatiguée d'être considérée comme la « jeune et jolie » du jazz français non vocaliste? C'est un peu le sentiment qu'on a de Sophie Alour qui apparaît à ce jour comme une artiste timide un peu en retrait sur scène cherchant à affirmer son jazz. En tout cas, cette coloration saturée et d’urgence est prédominante dans cet album.

Cette sensation de saturation est quasi omniprésente sur tout l'oeuvre et c'est aussi la première que l'on perçoit  à l'écoute. Pourtant cet opus est peuplé de moments de douceurs, parfois écrites (« Sparkling water », « Goodbye »),  mais toujours avec ce petit côté saturé ou étouffé. En tout cas « Sparkling water » est une très jolie compo de Laurent Coq, qui s’offre d'excellentes parties de piano comme sur « Addict ».

« Snow in May » est une composition de Karl Jannuska qui part sur une lente montée colorée par la sonorité à la Ry Cooder de la guitare de Sébastien Martel. Une fois encore Sophie Alour s'exprime dans un registre plus rock et sort du canevas strict de son premier opus « Insulaire ». Confirmé par « Nos cendres », qui finit sur un riff groovy,  écrite par Sophie Alour.

Comme sur « Insulaire », on retrouve le style hendersonien de Sophie Alour. Pourtant, lors de ses concerts parisiens, on la croyait s'envoler vers des contrees shorteriennes?

Mais finalement on s'en moque. L'essentiel est que sa musique existe, évoque et fasse naître quelques états d'âme. Si ce cd s'écoute facilement et avec plaisir, les compositions sont de bonne facture le quartet est soudé, en particulier Laurent Coq, et l'engagement sincère et intense

Jerome Gransac

 

 

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5 mai 2007 6 05 /05 /mai /2007 23:02

JJ MINA AGOSSI : « Who wants love »  

 

Candid 2007

 

Mina Agossi (vc), Eric Jacot (cb), Ichiro Onoe (dm), Daoud David Williams (perc), Rob Henke (tp)

  

Pour sûr Mina Agossi est une chanteuse de scène ! Totalement investie dans la performance « live » elle a cette faconde incomparable qui lui permet de mettre toujours tous les publics dans sa poche. Souvenez vous, il y a un an. Alors qu’elle nous avait totalement conquis un soir au China Club pour la sortie de Well you needn’t, on n’avait pas pu s’empêcher d’un autre côté d’émettre des réserves à l’écoute de l’album qui selon nous avait du mal à tenir la longueur et à captiver son auditoire comme elle sait le faire sur les planches. Et c’est peut-être pour rendre compte de cela que le label Candid a choisi de proposer un nouvel album cette fois capté en « live » un soir d’Halloween à New York en 2006. Ambiance club surchauffé, public chaud comme la braise et un invité surprise, le trompettiste Rob Henke. Alors, ce soir là qui à New York est un soir si particulier, qui se prête dans les rues de la Grosse Pomme à toutes les extravagances, Mina Agossi se montre ensorceleuse, ondoyante autant que serpentine, se lovant dans les méandres d’un chant libre et fou, érotiquement inquiétant. Il y a chez cette chanteuse assurément cette totale émancipation par rapport à la voix qui lui permet de tout faire, depuis les grincements, les couinements jusqu’aux imitations des guitares saturées façon Hendricks. Seulement voilà, la plus étonnante des chanteuses peut faire ce qu’elle voudra si elle ne s’appuie pas sur des arrangements de qualité et sur une rythmique adéquate, elle aura beau s’agiter on passera toujours à côté.  Slap that bass qui ouvre l’album est l’exemple même d’un morceau alléchant mais un peu « cassé » par des arrangements très moyens, alors que sur le prometteur Spanish Castle Magic on sent toute la difficulté pour une rythmique de suivre une chanteuse aussi imprévisible que Mina Agossi. C’est qu’il faut à la chanteuse quelqu’un quoi soit capable d’imposer sa présence, de faire jeu égal. Et à ce titre l’intervention du trompettiste Rob Henke est un coup de génie. Un coup qui sauve tout l’album !  ( Do nothin’ till you hear me). Car alors on entre dans une autre dimension. Celle de la vraie scène New Yorkaise, celle du happening théâtral, celle de la poursuite d’une ambiance post-free, celle que l’on rencontre dans les petits clubs de New York à l’heure des troisièmes sets entre chiens et loups. Un soir d’Halloween à New York.

Jean-Marc Gelin

 

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5 mai 2007 6 05 /05 /mai /2007 16:23
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JJJJ jerome SABBAGH: « Pogo »

Jérôme Sabbagh (ts, ss), Ben Monder (g), Joe Martin (cb), Ted Poor (dm)

 

 Fichu disque ! Non mais c’est pas permis des trucs comme ça ! Parce que moi figurez vous que depuis que je l’ai reçu et ben il tourne en boucle sur ma platine. Bon d’accord c’est bien joli tout ça mais pendant ce temps là, y a du monde qui attend, j’ai les albums qui s’accumulent….Et vas y que je me repasse Pogo et que je me redonne un petit coup de Stand Up, et que Middle Earth me donne des battements au bout du pied et que même si des trucs comme Hamra me gonflent un peu, là c’est Ben Monder qui me décoiffe. Non mais j’vous jure quand c’est pas l’un c’est l’autre. Un coup il y a Sabbagh qui t’assassine, un autre c’est ben Monder à la guitare. Quand à Joe Martin à la basse je te raconte pas ! T’as qu’à écouter cette profondeur (Moon/sun). Non mais franchement vous avez entendu ce truc, comme disent les p’tits gars dans le milieu «  ça joue monstrueux » ! Moi je vous l’dis le Jerôme il a pas intérêt à pointer le bout de son nez parce que là c’est sûr tous les saxophonistes du coin ont dû lancer un contrat sur sa tête. En plus voilà le gars qui vous arrive avec son petit air tout propret de gendre idéal. Le gars qui connaît son affaire et il souffle dans son biniou joliment, totale maîtrise et tu te dis, putain c’est classe ! Et puis avec son air de pas y toucher et sans se départir d’une superbe élégance, il te balance un vieux blues poisseux qui colle aux basques. Et le morceau d’après t’entends un truc genre un refrain que t’aurais pu entendre avec The Police dans les années 80, mais là, Monder et lui en complices ils te balancent un truc plus rock qui assure grave. Mais la connivence de ces quatre là est ailleurs. Elle est plutôt du registre de celle que se trouvent les mauvais garçons quand ils veulent jouer les aristos. A moins que ce ne soit des gars de la haute qui aillent s’encanailler dans les ruelles sombres et les boites mal famées. Avec des mélodies simples voire carrément chantantes, ces quatre là jouent autre chose que le son. C’est plus dans la façon de dire que dans le dire lui-même. Une façon d’installer le groove permanent, de jamais en démordre. Un truc que quand tu l’entend tu pex pas t’empêcher de lâcher un « yeah man ! ».  Et puis moi quand j’entend cet album je pense à des associations évidentes. Je pense à Scofield et je pense à Lovano (tiens Lovano c’est une des références de Jérôme, justement). Mais aussi (allez savoir pourquoi), moi j’avais Lester Young en tête. Parce que justement quand les ténors sont capables de jouer ave autant de classe une musique de voyous, ben moi je pense à Lester. Et pour ceux qui commençaient à désespérer du saxophone un peu trop formaté des scènes New Yorkaises, le jeune frenchy qui aligne toutes les compositions montre là qu’il y a bien d’autres choses que le post fun ou le revival.

Il y aura bien quelques grincheux pour vous dire que certaines parties (notamment au niveau de la rythmique) ont été parfois simplifiées à l’extrême. Il n’empêche qu’on en démordra pas, depuis North on savait que Sabbagh était un grand saxophoniste qui confirme ici sa lancée sans chercher à réinventer le monde. On sait désormais qu’avec cette formation il a réussi à trouver quelque chose de plus. Et quand on les entend on croirait qu’ils jouent ensemble depuis des milliards d’années. Et je sais pas ce que vous ferez de tout ça mais moi c’est sûr je me le mets dans mes favoris sur mon Ipod. Et je peux vous dire qu’il va pas me lâcher de sitôt. Yeah man !

Jean-Marc Gelin

 

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