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23 avril 2025 3 23 /04 /avril /2025 16:57

PulciPerla : «  Tatekieto »

Prado records 2025

La Perla : Diana Sanmiguel (vc, maracas, guacharaca), Giovanna Mogollón « Roberta Leono » (vc, tambor alegre), Karen Forero (vc, gaita, tambora) et 

Pulcinella : Ferdinand Doumerc (saxs, flûtes, clavier) ; Jean-Marc Serpin (cb), Bastien Andrieu (claviers), Pierre Pollet (dms)

Attention, passage d’un objet musical non identifié : Pulciperla !

Pulciperla c’est la rencontre totalement improbable du groupe de jazz Toulousain Pulcinella et d’un power trio de femmes venues de Colombie. La rencontre du bâton de dynamite avec sa mèche en quelque sorte.

A la base ce cocktail n’était pas gagné tant les univers des deux groupes, sans toutefois être aux antipodes, venaient quand même d’horizons bien différents. Mais ici c’est le sens de la fête, une formidable envie de faire danser les jambes, les voix, les instruments et les flonflons du bal dans une ambiance où l’Occitanie se retrouve immergée dans les faubourgs de Bogota, qui les réunit. Et comment dit-on caliente en occitan ?

Alors c’est une musique de transe faite pour emmener les foules du village au bout du bout de la nuit. Les filles qui chantent ont des allures un peu trash comme on aime et les garçons qui jouent sont collés à leur suite à coup de groove et de pulse.

Oubliez toutes vos références, Pulciperla va vous surprendre et entrer en, comment dit-on "terre inconnue" déjà : en terra incognita entre jazz, funk, reggaeton et musiques andines.

La fête ici se fait procession païenne, des sons étranges venus de l’electro parcourent les andes et le sax de Ferdinand Doumerc ajoute des sonorités sauvages.

Programmateurs en recherche de nouveautés et d’étrangeté : si vos villes dorment ou s’ennuient n’hésitez pas, Pulciperla va vous emporter en terrain d’envoutement, de transe et de danse.

A bon ecouteur…

Jean-marc Gelin

 

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20 avril 2025 7 20 /04 /avril /2025 17:39

 

Myra Melford (piano, compositions), Michael Formanek (contrebasse), Ches Smith (batterie, vibraphone)

Winterthur (Suisse), 29-30 juillet 2024

Intakt CD 436

https://intaktrec.bandcamp.com/album/myra-melford-splash

 

Inspiré par la peinture de Cy Twombly, comme l’était le CDMyra Melford’s Fire and Water Quintet’ (enregistré en 2021 et publié sous le label Rogue Art), ce nouveau disque en trio approfondit encore cette double exigence de liberté radicale et d’audace formelle. Des sections très segmentées cohabitent avec des improvisations très ouvertes, comme si la forme et l’expression dialoguaient, par transitions fluides ou par oppositions. Même si la pochette du CD renvoie à une partie d’une œuvre de Cy Twombly, cette référence ne constitue pas une sorte de décodeur, et encore moins une illustration. Simplement la source d’un désir d’expression, d’expressivité, qui avance à mesure que les titres s’enchaînent, et qu’une insondable liberté s’affirme. La contrebasse, la batterie (et le vibraphone) sont partie prenante de cette œuvre en mouvement. Il n’est plus qu’à s’immerger, non pour se laisser bercer (ce n’est pas ce genre de musique….) mais pour entendre vraiment ce qui nous est dit. Instrumentalement, musicalement et esthétiquement remarquable, ce disque nous confirme que cette musique que l’on appelle ‘jazz’, au sens le plus large, écrit encore, et encore, de nouvelles pages. Passionnant !

Xavier Prévost

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18 avril 2025 5 18 /04 /avril /2025 16:04

Emmanuel Bex (orgue), Antonin Fresson (guitare), Tristan Bex (batterie), David ‘Catman’ Taïeb (platines, électronique), Arnaud Dolmen (batterie), Dominique Pifarély (violon), Simon Goubert (batterie), Fidel Fourneyron (trombone), Michel Alibo (basse), Arnold Moueza (percussions), Phil Reptil (électronique), André Minvielle (voix), Fréderic Fresson (programmation), Vincent Mahey (électronics), La fanfare de la grande soufflerie, La fanfare du carreau.
Studios Sextant juin-octobre 2024. 
Peewee ! /Socadisc.
Paru le 11 avril.

    

      La Bastille, 1981. Brasserie Bofinger. Emmanuel Bex découvre Eddy Louiss en concert. « Dès que son orgue Hammond s’est mis à ronfler à côté de moi, j’ai eu la sensation qu’un jardin extraordinaire, comme aurait dit Charles Trenet, s’ouvrait devant moi » confiait-il récemment à Jazz Magazine. Séduit par ce « meuble magique », le jeune musicien normand (22 ans) va rapidement faire l’acquisition d’un orgue Hammond B3 déniché par petites annonces à Pau !


      Par un de ces hasards incroyables, c’est en compagnie d’un palois, le chanteur André Minvielle qu’Emmanuel Bex rend hommage aujourd’hui à Eddy Louiss dix ans après sa disparition (30 juin 2015 à Poitiers). Les deux musiciens, qui ont participé à des périodes différentes, au collectif de l’occitan Bernard Lubat à Uzeste, co-signent la composition « Eddy m’a dit » qui donne son nom à cet album plein de fougue et de tendresse. Douze titres qui passent en revue la carrière d’un jazzman d’origine antillaise qui anglicisa son nom, de Louise à Louiss sans pourtant renier ses racines et son père (Pierre) trompettiste.

     Emmanuel Bex a joué la carte de la générosité et de l’éclectisme dans cet hommage. Sont ainsi évoquées les multiples facettes de l’art d’Eddy, en petite formation (les trios avec notamment René Thomas à la guitare ou encore Jean-Luc Ponty, ici avec Antonin Fresson et Dominique Pifarély) ou en big band en format hyper avec un Multicolor Feeling dépassant les 50 interprètes (Bex a ici convoqué deux fanfares).
 

     Côté répertoire, on retrouve quelques-unes de ces compositions qui ont assuré la gloire d’Eddy Louiss (et étonné également entre autres Stan Getz), telles Dum-Dum-Our Kind of SabiCaraïbes, Espanol. A cette sélection, Emmanuel Bex a contribué par des airs de sa plume (Eddy ou Blues for Eddy, ce dernier donné avec son fils Tristan à la batterie) tout en conviant un vieux complice, Bernard LUBAT pour un message en quelques mots (un salut à l’homme libre refusant les contraintes) clôturant cette heure musicale gorgée d’énergie et de tendresse.

       Un album d’une grande beauté qui (ré)unit deux « hénaurmes » organistes.
 


Jean-Louis Lemarchand.

 


 Concert de sortie le 6 mai au New Morning (75010). Le 19 mai au Pan Piper (75011), Emmanuel Bex co-animera avec le saxophoniste Olivier Temime le concert de jazz solidaire "Secours Pop Live" organisé par le Secours populaire de Paris auquel les artistes participent à titre bénévole.

 

 

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17 avril 2025 4 17 /04 /avril /2025 14:06

ERIC PLANDE unit : «  The feeling never stops . Plays the music of Joachim Kühn"

Unit 2025

Eric Plandé (ts), Bob Degen (p), Norbert Dömling (cb), Uli Schiffelhoz (dms)

 

Le son ! non mais, le son d’Eric Plandé ! Juste E-NO-RME !!

C’est Eric Plandé qui vit en Allemagne qui nous a envoyé directement cet album qui serait certainement passé inaperçu compte tenu de sa non-distribution en France.

On l’avait laissé un peu de côté et puis un beau matin on l’a mis dans la platine. Et alors là, mes amis c’est une véritable claque qui vous arrive en plein dans les oreilles. Un SON de ténor comme on en fait plus. Un son qui vient de Rollins mais qui vient avant tout et surtout d’une histoire humaine et remplie d’âme. Un souffle devrait on dire, avec ce qu’il emporte de puissance, de grain, de vent et d’embruns. Un son qui vous enveloppe dans sa matière brute, fauve. Avec Eric Plandé, le son c’est autre chose que le son, c’est le geste. Comme celui d’un peintre devant une toile blanche.


Cet album est le témoignage d’une rencontre que le saxophoniste avait faite avec Joachim Kühn et qui a amené Eric Plandé à le construire autour des compositions du pianiste allemand. Et cela aboutit à cette forme d’urgence à dire, à cette explosivité qui l’emmène à la lisière du free et qui fait qu’il se passe là, à cet instant autre chose que de la musique.

La présence énorme de Plandé, son lyrisme, son vibrato, sa puissance eclipsent un peu les musiciens qui l’accompagnent et font un peu de figuration.

Mais pour le reste c’est un disque rare, énorme qui va vous saisir tout vifs. Vifs et vivants !

Jean-Marc Gelin

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16 avril 2025 3 16 /04 /avril /2025 11:04

YOTAM SILBERSTEIN :  « standards vol.2 »

Jojo records 2025

Yotam Silberstein (g), John Patitucci (cb), Billy Hart (dms)

 

Il y a à peine un an sortait un album de standards sous l’égide du guitariste Yotam Silberstein. Album réalisé avec une équipe de haute volée composée de John Patitucci, le contrebassiste de Wayne Shorter et du légendaire et inusable Billy Hart à la batterie.

L’album fut alors salué par le magazine Downbeat comme «  meilleur album de l’année 2024 ». Du coup, puisque lors de la séance d’enregistrement, ces trois musiciens avaient accumulé pas mal de titres, il n’y avait pas de raison de s’arrêter en si bon chemin et go on pour un volume 2.

Ce qui n’est pas pour nous déplaire.

Car voyez-vous il y a standards et il y a standards.

Il y a ceux que l’on connait par cœur, dont la grille est archi-connue et répétée jusqu’à satiété dans toutes les jam-sessions de la planète. C’est 100% plaisir immédiat parce que l’on connaît la chanson et que ca roule tout seul. Et puis à côté il y a les standards un peu moins joués et qui sont pris comme la base d’un jouage commun, comme un terrain d’entente entre les musiciens qui savent qu’en partant de ces chansons c’est tout un espace harmonique qui s’ouvre à eux et qu’ils peuvent ainsi faire durer le plaisir de l’impro en toute fusion, en toute communion. Cela peut être un blues classique (  wrap your trouble in dream  de Harry Barris) ou encore une très étonnante lecture de Delilah de Victor Young où Yotam alterne entre guitare et Oud, tout semble facile, tout va de soi.

Yotam Silberstein est en effet un guitariste qui sonne le jazz par toutes les cordes de sa guitare qu’elle soit électrique ou acoustique : il la fait chanter avec une souplesse au velouté sensuel et moelleux : la grande classe ! Il n’ y a qu’à écouter Love Thy Neighbor » de Harry Revel et Mack Gordon ( joué par Coltrane dans l’album Stardust) : masterpiece !

 

Alors dans la grand messe des standards, c’est le moment où l’on reçoit la sainte bénédiction, l’eucharistie des non-croyants, l’apparition de la vierge : ca fait du bien par où ça passe !

Et plus voilà, y a pas à faire des phrases : c’est ça le jazz !

En plus si ce vieux briscard de George Coleman au son rauque et toujours puissant passe le bec de son saxophone par là sur un Tenor Madness des familles : que demander de plus.

Déjà se termine ce volume 2 de «  standards » et vous savez quoi ? On attend déjà le volume 3 !

Jean-Marc Gelin

 

https://youtu.be/lbJ0wwxL4JE?si=-Bx67gew2aadSObS

 

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10 avril 2025 4 10 /04 /avril /2025 15:48

Frémeaux & Associés. 240 pages
En librairie depuis le 28 mars 2025.

     Les lecteurs des DNJ connaissent bien le Laurent CUGNY pianiste, chef d’orchestre (grande formation en particulier), arrangeur, directeur de l’ONJ (1994-1997), plusieurs fois lauréat de l’Académie du Jazz, mais peut-être un peu moins le Laurent Cugny historien du jazz, même si on lui doit « une histoire du jazz en France, du milieu du XIXème siècle à 1929 » (Editions Outre Mesure.2014), devenu un ouvrage de référence.

   

        Professeur (aujourd’hui émérite) à la Faculté de Lettres  de Sorbonne-Université, Laurent Cugny élargit son champ de vision avec « Une Histoire du Jazz, une Musique pour les XX ème et XXI ème siècle » (Frémeaux & Associés). En quelque 200 pages, dans un format de poche, voici retracée une épopée prenant ses racines dans les champs de coton du Sud profond des Etats-Unis et à la Nouvelle-Orléans et nous conduisant jusqu’à ces dernières années à l’ère de la mondialisation et de la dématérialisation.


         Construite sur la base de son enseignement, cette histoire du jazz déclinée de manière chronologique (hormis un chapitre consacré à l’expression vocale), se présente, selon son auteur, comme « une histoire de la musique et des musiciens », n’évoquant que ponctuellement les aspects de l’histoire sociale et culturelle. Il n’empêche. Laurent Cugny enrichit son approche artistique et stylistique de propos personnels sur l’évolution du jazz en s’attaquant à des idées générales et hâtives. Il entend ainsi détruire les mythes selon lesquels l’improvisation ou l’engagement politique et social n’aurait débuté qu’avec le be-bop, ou encore que le hard bop serait uniquement « une réaction de musiciens noirs à un jazz cool affadi joué par des blancs ». Dans ce même ordre d’idée, l’auteur tient à affirmer la place « très présente » des femmes dans le jazz dès ses débuts (par exemple Lil Hardin, pianiste et première épouse de Louis Armstrong) même si elles ont été « largement invisibilisées ».

 

     Où va le jazz ? Laurent Cugny se garde de tout pronostic. Il relève cette diversification du jazz qui se manifeste depuis 1975-1976 (époque de naissance du groupe VSOP d’Herbie Hancock), ère post-moderne, « nébuleuse sans réelle géométrie » (world jazz, fusion, musiques européennes improvisées, influences des musiques traditionnelles…).  A la fin de ce premier quart du XXI ème siècle, « le jazz est plus vivant que jamais. Il se pratique, s’enregistre et s’enseigne ». La dématérialisation a fait des ravages certes conduisant, juge l’interprète-historien du jazz, à « une relative indigence économique » à laquelle toutefois échappe « un petit groupe d’artistes ».  Constat autrement présenté : « le nombre d’albums produits n’a jamais été aussi grand alors que les ventes globales ont considérablement chuté ». Curieux (et explosif) cocktail alliant richesse de l’offre et pauvreté des revenus perçus par les créateurs.

 

     Un ouvrage d’une lecture aisée (sans céder à la facilité), fortement conseillé, et qui renvoie à une large discographie puisée dans l’encyclopédique catalogue patrimonial de son éditeur, Frémeaux & Associés.

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

 

 

 

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8 avril 2025 2 08 /04 /avril /2025 18:46

Bruno Angelini (piano, composition), Sakina Abdou (saxophone ténor), Angelika Niescier (saxophone alto)

Pernes-les-Fontaines, 9-10 juin 2024

Abalone AB 035 / l’autre distribution


Un disque, et un projet, inspirés par Wayne Shorter, qui décrivait ainsi la fleur de lotus : «La fleur de lotus est la seule à pousser dans le marais qui est comme le monde, trouble et boueux [….] Quand la fleur s’ouvre dans le marais, tout autour de la tige, l’eau s’éclaircit ! C’est un symbole de lumière». Et cela conduit Bruno Angelini à imaginer une suite de compositions dédiées à des militantes et militants qui ont alerté les consciences, de Rosa Parks à Nelson Mandela, en passant par les Mères de la Place de Mai, en Argentine, Berta Cacéres et sa fille Laura qui s’opposèrent à la construction d’un barrage destructeur pour l’environnement au Honduras, et d’autres lanceuses et lanceurs d’alerte…. Plus deux dédicaces à Wayne Shorter et Paul Éluard. Des inserts sonores nous feront aussi entendre les voix de certaines de ces figures tutélaires (Rosa Parks, Nelson Mandela). De plus un titre évoque les pertes croisées d’enfants par les peuples palestiniens et israéliens. De ce programme nourri de références surgit une musique chargée de sens : mais en rien une musique ‘à programme’. Plutôt une musique qui, par sa liberté et son inventivité, secoue notre sens esthétique en faisant éclore des sensations et des émotions qui nous parlent. De cet instrumentarium inusité (deux saxophones et un piano) surgit tout un monde de formes, de langages, d’expressivités croisées et de lyrisme de tous les instants. Lyrisme du compositeur, mais aussi des deux musiciennes dont l’expression, tempérée ou violente selon les plages, épouse les contours du projet dont elles portent l’oriflamme. À découvrir d’urgence, pour en découvrir toutes les nuances, la force, et la beauté.

Xavier Prévost

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7 avril 2025 1 07 /04 /avril /2025 09:13

Géraldine Laurent (saxophone alto), 

Noé Huchard (piano), François Moutin (contrebasse), Louis Moutin (batterie)

Jazz Eleven JZE 11015 / BacoDistrib

 

Une idée qui a germé, par la rencontre de Géraldine Laurent et des Frères Moutin, en vue de réaliser un projet commun. Et ils choisissent pour partenaire le pianiste Noé Huchard, pour cette connexion de créativité et d’énergie que suggère le nom du groupe. Un siècle après le début des années 1920, ils ont l’ l’envie de revoir les chansons de cette époque, dont le jazz a fait ses standards, mais en ouvrant de nouvelles perspectives : le présent, la liberté d’interpréter et d’improviser, le goût de marquer le cadre pour en mieux transgresser les contours. Jouer ‘dedans-dehors’, prenant en compte les harmonies, les rythmes et les mélodies dont un siècle de jazz a paré ces thèmes, tout en s’offrant la liberté de passer outre. Bref faire vivre et revivre, de la manière la plus organique, ce que cette musique a insufflé dans l’histoire culturelle.

Liberté à tous les étages : les tempi consacrés par la tradition du jazz, les métamorphoses rythmiques et harmoniques qui étaient devenues les nouveaux standards normatifs de ces thèmes, tout cela est remis en question, ou plutôt remis en scène : musique intensément vivante, et aussi composition plastique selon une nouvelle perspective.

De ces thèmes qu’une tradition ancienne, partagée par les amateurs et les artistes, qualifiait avec une affectueuse ironie, de ‘vieux saucissons’ (comme ailleurs on parlerait de vieilles rengaines), ce quartette fait son miel : en faisant chanter les mélodies, pour mieux les subvertir, en dynamitant les ingrédients autant que les repères (y compris ceux dont le jazz a fait des versions de référence). C’est à la fois fidèle et transgressif, respectueux et iconoclaste, bref intensément jouissif pour qui aime, dans cette musique, l’inextinguible soif de liberté.

Entre After You’ve Gone (1918) et Ain’t Misbehavin’ (1929), un bouquet de standards de la musique populaire états-unienne devenus des emblèmes du jazz. Des thèmes de Fats Waller, George Gershwin, Kurt Weill, Duke Elligton, Irving Berlin…., mais aussi d’autres mélodies dont les versions de référence dans le jazz ont plutôt émergé à partir des années 50 (Softly As in a Morning Sunrise, Bye Bye Blackbird). Et chaque fois c’est un moment de jazz vivant, estampillé ‘présent absolu’, qui ne néglige pourtant pas, incidemment, les échos du passé. Un manifeste ? Une leçon de vie ? En tout cas une sorte de cri du cœur pour les musiques d’hier conjuguées au présent. D’une plage à l’autre, entre vertiges de l’effervescence et incendies de lyrisme, un bonheur musical....

Xavier Prévost

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Le groupe est en concert à Paris le mercredi 9 avril au New Morning

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Des avant-ouïr sur Youtube

https://www.youtube.com/shorts/DDTA1B_JMlM

https://www.youtube.com/watch?v=XKmaTHrXb7I

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4 avril 2025 5 04 /04 /avril /2025 17:41
YVES BROUQUI                MEAN WHAT YOU SAY

YVES BROUQUI             MEAN WHAT YOU SAY

 

 

Label Steeple Chase /Socadisc

Sortie le 4 AVRIL

YVES BROUQUI

 

 

C’est son premier album sur le prestigieux label Steeple Chase et pourtant le guitariste Yves Brouqui  a une belle et déjà longue carrière depuis 1986 : respectueux d’une certaine tradition,  il s'inscrit dans la lignée des grands de l’instrument, les Grant Green, Wes Montgomery, Kenny Burrell...ce qui n'est pas pour nous déplaire. 

Il a su s’entourer de complices aussi doués que lui et le quartet qu’il forme avec son ami le pianiste Spike Wilner est une splendide  jazz machine. Ce pianiste avec lequel il a beaucoup joué en club dans ses années new yorkaises, en particulier au Smalls que possède à présent Wilner est son alter ego. L’un finit à peine sa partie que l’autre le relaie tout aussi étourdissant quand il entre dans la danse. Les deux échangent avec une énergie déconcertante et pourtant décontractée, une inventivité permanente adaptée à la fluidité de la musique. Le pianiste est « venu » avec son trio, une rythmique superlative (Paul Gill à la contrebasse et Anthony Pinciotti hélas disparu dernièrement) qui sait installer un swing généreux et robuste, propice aux envolées délicates du guitariste.

Neuf compositions qui prennent le temps de se déployer et développer des passages improvisés avec goût, parmi lesquelles un arrangement  inventif et réussi de Magali (traditionnel folk) par ce guitariste limpide et trois compositions de son cru qui apportent une touche plus lyrique voire sentimentale  comme dans l'exquise ballade Elsa Rosa . Le quartet reprend cinq standards dont deux de pianistes le Turquoise Twice de Cedar Walton peu revisité depuis sa sortie en 1967 sur lequel le contrebassiste joue  un solo à l’archet impressionnant par sa clarté d’articulation et Mean What You Say de Thad Jones, titre éponyme de l’album, une ballade medium tempo avec une intervention musclée de Wilner. 

Mais c’est à la mitan du CD avec une version du pourtant ressassé Besamo Mucho ( 1932)  jouée plus de cinq cents fois depuis 1943 que le quartet s’envole faisant retrouver à ce classique une fraîcheur surprenante. Contre toute attente la chanson de Consuelo Valasquez est revivifiée sur un tempo en 5/4 ce qui change quelque peu la donne. La rengaine swingue d’un coup et le guitariste soyeux trace sa ligne claire avec élégance. Out of The Town de Cole Porter moins connu peut être que ses « tubes » éternels est interprété sur un rythme plus nonchalant, latin qui bizarrement souligne combien  cette mélodie mélancolique est inspirante. Tout à fait dans l’esprit de Cole Porter avec encore un solo à l’archet de Paul Gill. Quant à For John L, cette autre composition de Brouqui m’a fait revenir aux grandes heures d’un jazz  post bop qui n’existe plus guère aujourd’hui, en France du moins, une pulse chaleureuse irrésistible, pas du tout hypnotique mais euphorisante.

Le quartet termine en beauté « tranquillement » avec la valeur sûre qu’est Caravan. Enfin pas si quiètement puisqu’ils finissent sur un up tempo très impressionnant. Un épilogue énergique et emballant. C’est la musicalité et la cohésion de ce groupe que l’on retient d’un bout à l’autre de cet album lumineux qui s’écoute d’une traite et donne une furieuse envie de se retrouver en club entre amis ou sur une piste de danse. Voilà une musique que ne décalquera pas cette sacrée Mademoiselle I.A.

 

Sophie Chambon

 

 

 

YVES BROUQUI                MEAN WHAT YOU SAY
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29 mars 2025 6 29 /03 /mars /2025 09:41

Editions Grasset. Mars 2025.
Roman. 206 pages.


     Cent ans après son décès (le 1er juillet 2025), Erik Satie n’a pas fini de séduire et intriguer ne serait-ce que dans la jazzosphère.  


     Ces derniers mois, sont ainsi sortis dans les bacs des disquaires GYMNOSTROPHY, rencontre de Satie et Monk, signée du Possible(s) quartet (IMR/Inouïe Distribution), chroniquée dans ces colonnes par Sophie Chambon, La MARCHE du CHIEN NOIR (Label Bleu) version big band donnée par le Red Star Orchestra, sans oublier publié en 2023 IKIRU PLAYS SATIE (Collectif Surnatiral/L’autre distribution) où Fabrice THEUILLON (saxophone ténor) échange avec Yvan ROBILLIARD (piano) sur une douzaine de compositions, y compris les célébrissimes Gnossiennes et Gymnopédies.

 

     L’écrivain belge Patrick ROEGIERS (‘Le cousin de Fragonard’, ‘l’autre Simenon’, ‘Eloge du génie’…) livre une explication : « Satie était de son temps, en avance sur son temps et hors du temps. Sa musique était intemporelle, atemporelle ».


      De son vivant, Erik Satie (qui avait troqué le c de son prénom de naissance pour un k rappelant l’origine anglaise de sa mère) connut le succès assez jeune (22 ans) avec les 'Gymnopédies' en 1888 et le scandale à 51 ans avec 'Parade' (18 mai 1917), spectacle-ballet donné au Châtelet par les ballets russes de DIAGHILEV, sur un livret de Jean COCTEAU et des costumes et décors de PICASSO. « Musicien bruitiste », lança un critique.  

 

      Économe de ses notes, « Satie composait la musique du silence, la musique sortait du silence et retournait dans le silence » résume Patrick Roegiers.
 

     Cette sobriété assurée irritait Pierre BOULEZ (allergique par ailleurs au jazz) qui qualifiait le compositeur de ‘Trois morceaux en forme de poire de « talent mineur, indigent techniquement ».  
 

     Tel n’était pas l’avis de compositeurs majeurs du XX ème siècle, qui voyaient en Satie un précurseur de la musique répétitive, minimaliste. A commencer par John CAGE qui interpréta en première mondiale en 1963 ‘Vexations’, partition inédite de 1893 conçue pour la peintre montmartroise Suzanne VALADON, compagne fugace de l’excentrique Satie.
 

 

     Vêtu en toute saison d’un pantalon noir trop court, d’un paletot élimé, coiffé d’un melon, muni d’un parapluie, le normand d’Honfleur (né le 16 mai 1866 à 9 heures du matin) arborant barbichette et lorgnons parcourait tout Paris à pied avant de rejoindre son « placard » d’Arcueil, en banlieue sud, où personne n’avait droit d’entrée. Etre sensible, non dépourvu d’humour, peu sujet aux compromis mondains, Satie confia à Darius MILHAUD : « j’ai eu une belle vie, solitaire et triste, vraiment triste ». Mais, c’est un trait peu connu de sa personnalité, l’ermite d’Arcueil adorait les enfants de la commune banlieusarde auxquels il donnait des cours de solfège quand il n’organisait pas des goûters.

 

     Admiratif de son héros, Patrick Roegiers, nous accompagne (brillamment) auprès d’un Erik Satie intime dans une biographie sans ordre chronologique, romancée et imaginée.
 

     Au fil des pages, se retrouvent ainsi côte à côte des artistes (terme qu’exécrait Satie : « nous n’avons pas besoin de nous dire artistes laissant cette dénomination reluisante aux coiffeurs et aux pédicures ») ne s’étant jamais rencontrés, les amis de Satie (Ravel, Cendrars,  Picabia, Brancusi…) et ses fans futurs (Cage, Bob Wilson, David Hockney, Pina Bausch) ... Tous unis dans une affection pour un compositeur refusant tout carcan et définissant la musique comme « un silence qui parle ».

 

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

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