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18 mars 2025 2 18 /03 /mars /2025 18:42

John Taylor (piano), Palle Danielsson (contrebasse), Martin France (batterie)

Ludwigsburg, octobre 2006

CAM Jazz / l’autre distribution

 

Beaucoup (dont je fais partie) se souviennent de John Taylor : sous son nom, et dans le trio ‘Azimuth’ (avec Norma Winstone & Kenny Wheeler) ; avec Charlie Haden (mais aussi avec Stéphane Kerecki), et même en trio de pianos avec Martial Solal et Franco D’Andrea, au Festival de Jazz de Paris en 1983…. Pris d’un malaise sur la scène d’un festival français en 2015, il mourut dans les heures qui suivirent.. Des inédits ont déjà paru (notamment un concert avec Norma Winstone en 1988, publié voici 3 ou 4 ans). Nous le retrouvons en trio avec des partenaires qui lui étaient familiers, dans cet enregistrement exhumé par CAM Jazz, label qui l’a publié durant les dix dernières années de sa vie.

Des compositions du pianiste, sauf une empruntée à Kenny Wheeler. Et une musique d’une belle intensité, d’une plage à l’autre, entre nuance, sophistication harmonique et liberté d’improvisation, le tout avec de soudains éclats d’expressivité. Et une interaction avec ses partenaires qui fait de cette musique, que l’on croirait paisible, un bouillonnement de passion(s) musicale(s). Palle Danielsson et Martin France sont morts l’un et l’autre en 2024, et cette très belle publication nous rappelle un trio que l’on peut qualifier, sans exagération, d’exceptionnel.

Xavier Prévost

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16 mars 2025 7 16 /03 /mars /2025 14:32


Enregistré au domicile de Meredith d’Ambrosio, Duxbury (Massachusetts) les 9 et 10 avril 2024.
©peinture Meredith d’Ambrosio (couverture).
Sunnnyside Records – SSC 1721 / Socadisc.
Paru le 14 mars 2025.

       C’est l’histoire d’une rencontre transatlantique ayant débuté sur internet entre deux artistes de la note bleue ayant en commun une amitié avec un producteur de jazz et pianiste passionné de Duke Ellington, Claude CARRIÈRE.
 

      Le guitariste parisien Frédéric LOISEAU annonça à la chanteuse américaine la disparition (en 2021) de l’homme de radio qui l’avait conviée à jouer à Paris au milieu des années 80, notamment lors de son émission hebdomadaire avec Jean DELMAS, JAZZ CLUB (le concert donné au Petit Journal Montparnasse le 12 novembre 1987 est disponible sur le site de l’émission Les légendes du jazz de France Musique).


    S’ensuivirent des échanges par courriels qui allaient convaincre Meredith d’Ambrosio à sortir de sa retraite phonographique à plus de 80 printemps.


       Frédéric Loiseau contacte François ZALACAIN, le producteur français établi à New York depuis 1982, qui avait déjà publié 17 albums avec la chanteuse sous son label Sunnyside. L’affaire est bouclée. L’enregistrement se déroule au printemps 2024 dans la maison de la chanteuse proche de Boston et les dix titres mis en boîte en 48 heures.


       La spontanéité est au rendez-vous (uniquement des premières prises) pour ces séances entre trois interprètes, Meredith d’Ambrosio ayant choisi de céder sa place habituelle au piano à un ami, Paul McWilliams.

 

       « MIDNIGHT MOOD », titre de l’album, reprenant une composition de Joe Zawinul enrichi de paroles de Meredith d’Ambrosio, « raconte la beauté, la fragilité de la vie, de l’amour », confie Frédéric Loiseau. Le guitariste y déploie son sens de la nuance, sa délicatesse de jeu initiés lors d’un enseignement auprès de Joe Pass, sur la même longueur d’ondes que Meredith d’Ambrosio, « une musicienne qui chante » selon Fred HERSCH, qui eut l’occasion de l’accompagner au piano. « J’ai retenu des chansons que j’aime depuis des décennies », précise la chanteuse dans le texte de pochette.

 

        On y retrouve des airs du grand répertoire américain signés Irving Berlin, Richard Rodgers, Bill Evans… et bien entendu une composition de Duke Ellington (« Prelude to a Kiss »). On prêtera l’oreille à une œuvre à quatre mains, « Beaucoup Kisses », morceau instrumental de Frédéric Loiseau (d'abord intitulé « Song For Meredith ») sur lequel Meredith a posé des paroles romantiques à souhait.

 

       « Le charme latent de Meredith d’Ambrosio provient de ce qu’elle diffuse constamment une musicalité que l’on pouvait croire perdue depuis Anita O’Day et Helen Merrill, en la suggérant sous la pudeur de la nonchalance et l’élégance de la litote, ayant compris comme peu d’autres, que seul le moins peut dire le plus », écrivait Jean-Pierre MOUSSARON dans le Dictionnaire du Jazz (Robert Laffont, 3ème édition 2011).
 


       Une bonne dizaine d’années plus tard, « Midnight Mood » vient illustrer cette élégance dans la sobriété et la fluidité qui place Meredith d’Ambrosio dans ce petit cercle des voix intimes (sans pathos) de la jazzosphère. Une quarantaine de minutes sous le charme qui nous laissent dans un état d’apesanteur. Un grand disque.

 

Jean-Louis Lemarchand.
 


Frédéric Loiseau sera au Sunset (75001) le 13 avril lors d’une soirée-hommage à la chanteuse Laura Littardi, le 10 mai au Baiser Salé.

 

On peut retrouver Claude Carrière au piano avec Frédéric Loiseau (guitare) dans « LOOKING BACK » (Black & Blue 2011) aux côtés de Rebecca Cavanaugh (voix) et Marie-Christine Dacqui (contrebasse).


 

 

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13 mars 2025 4 13 /03 /mars /2025 18:34


Robinson KHOURY

Prix Django REINHARDT


       La plus prestigieuse récompense de l’Académie du Jazz, le prix Django Reinhardt, décerné à l’artiste de l’année, a été remise lundi 10 mars pour l’édition 2024 au tromboniste Robinson Khoury, lors d’une cérémonie-concert qui s’est déroulée au Beffroi de Montrouge (92).
       Recevant son trophée (doté d’une allocation par la Fondation BNP-Paribas) des mains du président de l’association d’érudits indépendants, Jean-Michel Proust, le jeune jazzman s’est déclaré honoré de devenir ainsi le second tromboniste –après François Guin en 1969- de l’histoire de l’Académie, fondée en 1955, à décrocher ce prix.
       Natif de Vienne (Isère), Robinson, qui fêtera ses 30 ans en avril, doit sa « passion de la musique » à ses parents, tous deux enseignants au conservatoire (piano pour le père et chant pour la mère).
       Le collège des académiciens a tenu à saluer la personnalité d’un jazzman qui s’est affirmée en 2024 en faisant « chanter son instrument » : sortie d’un album (le troisième sous son nom) MŸA (Komos Records/Big Wax-Believe) dans lequel se retrouvent la musique de ses origines libanaises, Jean-Sébastien Bach et l’électronique ; résidence (2024-2026) au festival Jazz sous les Pommiers à Coutances (Manche).


 


       La soirée, dédiée à la mémoire de Martial SOLAL, président d’honneur de l’Académie disparu en décembre dernier (et … compositeur par ailleurs de « Balade du 10 mars ». Soul Note 1999), a mis en lumière deux pianistes venus jouer quelques minutes après la réception de leur trophée : le norvégien Tord GUSTAVSEN (un « contemplatif » selon le producteur de France Musique Arnaud Merlin), Prix du Musicien Européen et l’américain Sullivan FORTNER (déroutant), Grand Prix de l’Académie du Jazz pour ‘Solo Game’ chez Artwork Records, co-lauréat avec la chanteuse Meshell NDEGEOCELLO (‘No more water’ : the gospel of James Baldwin, publié par Blue Note).

 


       Le jazz français d’aujourd’hui a vu sa diversité récompensée par deux autres prix majeurs. Pour le Prix Vocal, le chanteur André MINVIELLE, le béarnais de Nay, « concasseur de mots », a coiffé d’une courte encolure, selon le vocabulaire des champs de courses, la populaire chanteuse Youn Sun Nah, au troisième tour de scrutin pour un album consacré à Charles Trenet (‘Trenet en passant’ avec Guillaume de Chassy, piano, et Géraldine Laurent, saxophone alto) co-produit par sa propre maison au vocable surprenant, 'La complexe articole de déterritorialisation'.  

 


        Quant au trophée récompensant le Disque du Jazz Français, il a été attribué à la dernière production d’un quartet évoluant depuis une quinzaine d’années, FLASH PIG, formé des frères SANCHEZ, Maxime (piano) et Adrien (saxophone ténor), Florent NISSE (contrebasse) et Gautier GARRIGUE (batterie) pour leur arrangement de la bande originale du chef d’œuvre du cinéaste de Hong-Kong Wong Kar Wai, sorti en 2000, ‘In the Mood for Love’ (The Mood for Love. Astérie/L’Autre Distribution).

 


       La mission de l’Académie et de ses quelque 71 membres est également (et essentiellement) de couvrir l’ensemble du spectre du jazz de ses origines à nos jours. Le palmarès 2024 l’illustre à merveille dans des choix qui font fi des frontières, nationalités et toute autre critère discriminant. Le Prix Héritage, destiné à récompenser une approche actuelle de l’expression classique du jazz (l’avant be-bop), a été accordé au batteur norvégien vivant au Danemark Snorre KIRK (‘What A Day’. Stunt Records) ; le Prix duPatrimoine au site internet (https://www.nicole-eddie-barclay.com/) consacré à Nicole et Eddie BARCLAY (couple majeur dans la diffusion du jazz, spécialement américain, en France au lendemain de la Libération) par Daniel RICHARD, infatigable historien du jazz et ancien patron d’Universal Jazz.

 

 

       Le Prix Blues, Soul & Gospel au chanteur américain Marcus KING (‘Mood Swings’ - Republic).

 

       Dernier prix en date dans l’histoire de l’Académie, le Prix Evidence devant distinguer un enregistrement d’un jeune talent, est venu couronner la chanteuse française Charlotte PLANCHOU (‘Le carillon’ -Quais Son Records) devançant au tour final deux espoirs tricolores (la chanteuse Sophye Soliveau et le vibraphoniste Alexis Valet) et le fougueux saxophoniste US de Chicago Imanuel Wilkins.


       En résumé, neuf prix qui révèlent l’œcuménisme de l’Académie du Jazz, par des résultats obtenus à l’issue de débats souvent épiques et parfois de faibles différences de voix. On est loin cependant, relevaient certains anciens lundi soir à Montrouge, de la profusion dominante lors de la présidence de Maurice Cullaz, une générosité qui avait porté le palmarès en 1985 au chiffre de 20 prix !

 


Jean-Louis Lemarchand (membre de l’Académie du Jazz).

 


Le palmarès complet avec les sélectionnés dans chacune des catégories est consultable sur le site de l’Académie du Jazz

 

 

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13 mars 2025 4 13 /03 /mars /2025 09:03

Anzic 2025

Anat Cohen (cl), Avishai Cohen (tp), Yuval Cohen (saxs) + WDR big band

Une réunion de famille heureuse et joyeuse !

Voilà bien un album qui devrait inspirer tous les programmateurs de festival !

Cette réunion de famille qui permettait de retrouver la fratrie des Cohen sous l’égide du célèbre big band allemand le WDR, outre qu’elle procède d’une idée géniale, est en effet absolument émoustillante d’un bout à l’autre de ce concert donné en 2022 à Cologne.

Les trois frères et sœurs qui avaient déjà enregistré plusieurs albums ensemble, se sont ainsi retrouvés invité par le WDR dirigé par Bob Mintzer pour ce concert donné autour de leurs compostions originales et de quelques reprises, arrangés notamment par Oded Lev-Arvi.

On connait bien désormais Anat Cohen, dont nous parlions dans ces colonnes il y a quelques mois ( Anat Cohen quartetinho : «  Bloom » - les dernières nouvelles du jazz) et qui fait la une ce mois-ci du journal Downbeat. A bientôt 50 ans elle s’impose sur la scène internationale comme la fille spirituelle d’un Buddy de Franco et par sa capacité à imprimer de la joie à, a peu près tout ce qu’elle entreprend.

Avishai Cohen (le trompettiste) est lui aussi un habitué des podiums. Depuis quelques années il imprime sa marque sur le label ECM et l’on a encore en tête l’incroyable moment de musique qu’il donnait il n’y a pas si longtemps en duo avec Fred Hersh.

Quand au dernier, le saxophoniste Yuval Cohen, c’est peut-être le moins connu du trio (en tout cas sous nos contrées) mais une figure respectée de l’enseignement à Jérusalem.

 

Dire que la rencontre des trois est un summum d’interplay serait bien peu dire. Ça joue à haut, très haut niveau mais toujours dans une forme d’intensité libérée. On sent qu’il y a toujours dans cette fratrie le plaisir de se retrouver pour faire de la musique ensemble. Anat Cohen le dit elle-même : « Nous pouvons parler sans parler », a déclaré Anat à propos de la relation fraternelle du trio. « Souvent, nous n'avons même pas besoin de nous regarder sur scène. Nous avons une telle histoire ensemble que nous ressentons chacun other through the music. »

Et cela donne au final une musique éblouissante et étincelante qui respire le jazz de partout avec l’immense talent d’une fratrie décidément hors du commun.

Jean-marc Gelin

 

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11 mars 2025 2 11 /03 /mars /2025 18:21

 

Joachim Kühn (piano solo)

Ibiza, 17 mars, 18 & 22 avril 2023 ; 13-14 décembre 2023

Intakt CD 431 / Orkhêstra International

https://intaktrec.bandcamp.com/album/chapp-e-24bit-hi-res-96khz

 

Autant le dire d’entrée de jeu : c’est un très très beau disque ; de piano, solo ; de jazz bien sûr, mais pas que….  de musique, tout simplement. Quelques mois avant son quatre-vingtième anniversaire, et avant ses adieux à la scène, Joachim Kühn s’est offert, sur l’île d’Ibiza où il réside depuis plusieurs décennies, un condensé de son art d’improvisateur-compositeur. Sur un instrument d’une très belle qualité, il nous délivre la quintessence de ce qui nous a réjouis depuis la fin années 60 : pas en tant que style pratiqué, ou d’adhésion esthétique aux courants successifs. Nous sommes ici au cœur de la musique, sans distinction d’école, d’obédience, que sais-je…. Des escapades fougueuses bien évidemment, mais aussi des trésors de nuances, d’expressivité, de lyrisme et d’audace. Des aventures sur le clavier qui se tiennent toujours au plus près de l’exigence musicale. Avec aussi un très bel hommage à son frère, le clarinettiste Rolf Kühn, mort l’année qui précéda ces enregistrements. Pas d’ostentation, rien que la profonde sincérité d’un Maître de musique. Chef d’œuvre, tout simplement !

Xavier Prévost

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7 mars 2025 5 07 /03 /mars /2025 10:59
HAÏM ISAACS          JONI MITCHELL IN JERUSALEM

HAÏM ISAACS    JONI MITCHELL IN JERUSALEM

 

Sortie le 7 mars Studio de l’Ermitage

Haïm Isaacs/ L’Autre Distribution

 

 

Joni Mitchell in Jerusalem – haimisaacs.com

 

Haïm Isaacs (voc) Frédéric Reynier (p, percussions), Jules Lefrançois (dms, tuba, backup vocals) Yann-LouBertrand (cb,trumpet, backupvocals), Matthieu Beaudin (electric accordion) et Michelle Pierre (cello)

 

Dans la longue série des hommages voilà un album vraiment original qui a attiré notre attention que l’on soit connaisseur ou non de l’oeuvre écrite de Joni Mitchell, l’une des grandes songwriters anglosaxonnes qui est remontée sur scène à près de 80 ans pour un concert exceptionnel le 24 juillet 2023 au Newport Folk Festival.

A l’heure où les projecteurs sont braqués sur le prix Nobel de 83 ans, le barde Bob Dylan dont le film A Perfect Unknown, au succès mérité, revient sur les premières années folk de 1961 à 1965. On le voit accompagner et inspirer l’autre grande égérie de l’époque, Joan Baez, ce qui rend d’autant plus intéressant le parallèle avec Joni Mitchell si on considère que la plus grande rivale de Baez à l’époque était la guitariste, autrice et compositrice canadienne. D'où l'intérêt avivé de la sortie de cet album longuement maturé sur le propre label de Haïm Isaacs, né à New York, grandi à Jérusalem, à Paris désormais, au parcours plus qu’original. Après une formation musicale classique, il vit en France depuis l’aventure initiatique du Roy Hart Theatre:

"J’ai découvert Joni Mitchell chez ma voisine de palier à 15 ans. Mon frère dit que je suis né ce jour là... arpentant les collines de Jérusalem, de Jéricho et de Bethlehem, j’ai chanté ses chansons comme des songlines aborigènes”.

La chanteuse canadienne fascina nombre d’artistes et de musiciens de style divers : elle démarra elle aussi d’une voix haut placée qui pouvait enjamber trois octaves chez les folk singers, connut d'ailleurs intimement certains des grands “protest songwriters” de Laurel Canyon (David Crosby, Graham Nash) mais elle prit un virage dès la fin des années soixante, se tournant alors vers le jazz avec Mingus, entre autre, qui lui écrivit quatre chansons pour “Mingus” (1979), l’un de ses albums studio les plus célèbres dont une version de Goodbye Pork Pie Hat, un hommage dans l’hommage au saxophoniste Lester Young. Dans le livret de l’album, Joni Mitchell avait expliqué ce tournant décisif : “J’avais l’impression de me trouver au bord d’une rivière, un doigt de pied dans l’eau, pour tester la température – puis Charlie est arrivé et m’a poussée –Coule ou mets-toi à nager’…”

Mingus certes mais la liste des très grands jazzmen qui l’accompagnèrent ou firent des "covers" est impressionnante, les guitaristes Larry Carlton et Pat Metheny, les saxophonistes Michael Brecker, Wayne Shorter, Herbie Hancock sans oublier Jaco Pastorius ni bien sûr  nombre chanteurs et chanteuses.

Si l’album “Mingus”est parmi les plus connus avec l’incontournable Both Sides Now que les jazzeux n’arrêtent pas de revisiter avec d' autres tubes…fort astucieusement Haïm Isaacs ne reprend pas, sur le CD du moins, les chansons les plus connues. Il se penche sur le répertoire aimé avec soin, choisissant finement ses “emprunts” pour la faire mieux (re)découvrir dès les premiers albums "Clouds" (1969) ou encore "Blue" (1971) avec par exemple  A case of Blue et All I want.

Ce qui est original est sa volonté de faire entrer la diva dans son univers très particulier, de la chanter au coeur de Jerusalem (aujourd’hui transplanté sur Seine) avec son quartet jazz et autres invités, où abondent les polyphonies vocales soulignées, des grondements des basses et de l’énergie des cuivres, chants appuyés par des rythmiques organiques. On se sent bien dès le premier titre Chelsea Morning de l’album "Clouds" de 1969 ou Blonde in the Bleachers dans “For the roses” en 1972 qui fait écho aux premiers émois et à nos souvenirs des irréelles harmonies vocales caractéristiques de cette époque à la CSN&Y.

Le CD propose une version “straight” émouvante et déjà impressionnante avec un livret épais dont les textes poétiques donnent une idée de la version performante que le concert intelligemment propose. Entre chaque titre, le chanteur raconte sa jeunesse à Jérusalem dans les années soixante-dix, proprement “envoûté” par Joni qui continue à l’inspirer. Car l’album créatif ne sonne jamais comme une redite et nous immerge dans une sensation quasi mystique, celle d’assister à un concert éminemment spirituel. Des reprises nuancées, enjouées, mélancoliques aussi selon les textes plus ou moins introspectifs ; des paysages sonores jamais arides se forment, s’enchaînent sous nos yeux à l’image des peintures de Joni.

Une véritable petite entreprise qui a pris deux jours pour enregistrer les instrumentistes, deux autres pour les back up vocaux et enfin les prises de sa voix dans ses différents états sur un intervalle plus large de deux mois. Au final onze titres et un final du chanteur qui ne dépare pas dans l’ensemble monté avec pertinence.

Une voix chaude, profonde et grave qui elle aussi connaît un bel ambitus, une élocution parfaite où chaque mot de Joni résonne sculpté comme dans le fascinant Little Green. Les chansons de Joni Mitchel ont trouvé un écrin à leur hauteur, une dramaturgie dans ce Marcie presque susurré, où Haïm Isaacs en véritable directeur artistique conduit sa réinterprétation avec des cordes ombrageuses, voire déchirantes mêlées au sifflement du vent.

On peut se laisser aller à en rester à la seule “présence” réincarnée aujourd’hui de ce Black Crow ou Cherokee Louise du  “Night Ride Home” de 1991. Si Haïm Isaacs et ses musiciens tout aussi inspirés nous invitent à une expérience hautement recommandable, on se laissera  peut être aller à la tentation de retourner à la source. Un grand moment assuré.

 

Sophie Chambon

 

Pour aller plus loin :

JONI MITCHELL, POUR L’AMOUR DU JAZZ - Jazz Magazine

Joni Mitchell, le tournant jazz (1975-1979) | France Inter

 

 

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4 mars 2025 2 04 /03 /mars /2025 08:11

MICHAEL WOLLNY trio : « Living ghosts »

ACT 2025 

Michel Wollny (p), Tim Lefebre (cb), Eric Schaeffer (dms)

Attention : point culminant !

« Living ghosts », le dernier album du trio du pianiste allemand Michael Wollny s’intitule ainsi  pour deux raisons. D’une part il s’agit de la version live de l’album «Ghosts » enregistrée en concert en 2024. D’autre part « living ghosts » évoque le fantôme de quelques morceaux du répertoire du trio depuis leur 1er album « Weltentraum » en 2014 jusqu’à « Ghost » et qui sont repris ici au travers de 4 mouvements de ce concert. 4 longs morceaux développés.

Dire que ce trio est littéralement en osmose serait ouvrir des portes déjà bien grandes ouvertes. Le trio de Michael Wollny fait en effet partie de ce qui se produit de mieux en Europe depuis le célèbre groupe suédois EST. L’entente des trois est ici, comme on le dit souvent des power trio, télépathique, laissant ensemble évoluer la musique par elle-même comme un corps autonome qui prend vie. Les racines du jazz sont bien implantées avec force de groove battant, de tourneries et de riffs obsédants. Michael Wollny s’y montre improvisateur virtuose au service d’un jazz palpitant.

Les trois ensemble explorent le territoire musical qu’ils découvrent en avançant au gré de ces 4 longs morceaux avec une passion en partage.

Ca sent le jazz de partout.

C’est bon !

Jean-Marc Gelin

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3 mars 2025 1 03 /03 /mars /2025 08:57
Thomas Naïm           May This Be Love

Thomas Naïm   May This Be Love

(Acoustic guitar takes on Jimi Hendrix)

Rootless Blues/ L’Autre Distribution 

 

 

Sortie le 7 mars 2025.

Concert de sortie le 20 mars @ Le 360, Paris précédé d'une mini conférence de Yazid Manou.

 

Thomas Naïm

 

Une version sobre mais jamais désincarnée de Hey Joe commence l’album du guitariste Thomas Naïm et très vite on comprend que l’on a affaire à un maître de la six-cordes qui, en aucune façon, ne tentera de faire des reprises au plus près des originaux. D’ailleurs la version la plus proche de ce titre, je me souviens que c’est Bashung qui la donna, un soir en laissant tourner les bandes après un concert, une “version” bluffante mais sans variation.

Daniel Yvinec, directeur artistique (toujours un gage de qualité) de ce May this be love sorti sur Rootless Blues dans des notes de pochette éclairantes souligne que le son joue son rôle (micros anciens placés efficacement dans le studio et guitares d’époque Gibson et Martin). On oublie paradoxalement dès le premier thème à dire vrai, les fulgurances, le déferlement sonore, le déluge électrique des murs de Marshall. Pourtant, l’esprit de Jimi plane sur ses chansons désormais sans parole que l’on connaît si bien et a dû s’imposer sur la scène de l’opéra de St Etienne, le projet étant une commande du Rhino Jazz festival.

S’il revient sur les titres parmi les plus connus d’Hendrix, après un premier album en groupe en 2020 Sounds of Jimi, c’est qu’il semble difficile pour un guitariste d’échapper à la fascination voire à la tentation hendrixienne. Pourquoi s’attaquer à cet olympe et comment s’y prendre? S’il n’a pas choisi la facilité, il le fait en solo et en acoustique, avec l’élégance d’un pas de côté tout en cernant les contours de mélodies tout simplement envoûtantes.

Sur les treize compositions, hormis Cherokee Blues de sa plume, un Sergeant Pepper des Beatles et un Jealous Guy de Lennon seul qui s’intègrent sans mal dans la cohérence de l’ensemble, se retrouvent évidemment les tubes du génial gaucher Purple Haze, Voodoo Chile, The Wind Cries Mary...Le standard est le terrain créatif d’un musicien de jazz. Thomas Naïm est un guitariste qui a une signature sonore particulière et un jeu d’une sophistication incroyable, toujours en mouvement. Les arrangements font évoluer chaque titre au profit de ces miniatures d’une grande variété rythmique, récital de petites pièces qui prennent néanmoins le temps de tisser une ambiance, une bulle irisée, colorée par un interprète au jeu précis et vivifiant, énergique et doux. Une douce rêverie qu’alimentent ses échos tendrement mélancoliques (One Rainy Wish).Avec une virtuosité tout en retenue d’un guitariste sorcier, voilà un album d’une grande fluidité aussi apaisant qui se termine avec élégance sur ce May this be love.

Sophie Chambon

 

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23 février 2025 7 23 /02 /février /2025 21:24

Sullivan Fortner (piano), Peter Washington (contrebasse), Marcus Gilmore (batterie)

New York, 8 juillet 2023

Artwok Records / [PIAS]

 

Après l’éblouissant disque «Solo Game», où cohabitaient un CD de standards et un autre de digressions où le pianiste donnait libre cours à sa fantaisie, avec des musiques et des instruments hétérodoxes, Sullivan Fortner revient aux fondamentaux : un trio (et quel trio !) capté en une matinée de studio, sans retouches, alors que chaque soir les mêmes s’offraient au public du Village Vanguard. L’enfant de la Nouvelle Orléans revient à ses racines en commençant par un thème (celui qui donne à l’album son titre) signé Allen Toussaint, emblème historique du style local à l’ère moderne. Souplesse, infinie décontraction, swing irrépressible….Tout y est, et le pianiste s’amuse à exacerber le côté extrême-oriental du thème. Puis sur I Love You de Cole Porter, il s’offre une intro-solo de pure liberté avant de rejoindre le langage attendu, non sans ouvrir de nouvelles portes. Ensuite c’est un blues de son cru, en 9 mesures ! Façon encore de taquiner l’orthodoxie. Puis c’est une célèbre chanson cubaine, revue avec autant de respect que d’audace. Et des thèmes de Donald Brown, Woody Shaw, Clifford Brown…. D’une plage à l’autre, une leçon de trio, libre, inspiré : pur régal !

Xavier Prévost

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Sullivan Fortner jouera en trio, mais cette fois avec Tyron Allen & Kayvon Gordon, le 8 mars 2025 à l’Espace Sorano de Vincennes

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Un avant-ouïr sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?v=UbHOcFkRvkM

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22 février 2025 6 22 /02 /février /2025 17:01
Possible(s) Quartet      Gymnostrophy

 

Possible( s) Quartet Gymnostrophy

Inouïe Distribution

Rémi Gaudillat et Fred Roudet trompettes
Loïc Bachevillier
trombone

Laurent Vichard clarinette basse

 

On retrouve avec plaisir le Possible(s) Quartet actif depuis 2012 dans un tout nouveau projet sur le label IMR toujours intéressant à suivre. C’est  le même curieux équipage, un « quatuor à cordes à vent » selon le trompettiste Rémi Gaudillat à l’origine de cette formation de la région lyonnaise, une fanfare poétique et cuivrée, proche de la Marmite Infernale de l’Arfi, chaudron magique de tout ce folklore imaginaire depuis plus de quarante ans. Composé de deux trompettes, d’un trombone et d’une clarinette basse, cette association originale plutôt inédite résulte en un quartet de souffleurs, un jazz de chambre à l’alambic parfois chauffé à blanc dans certains projets comme leur Orchestique qui favorisait la danse et le rythme. Et ça danse encore aujourd’hui dans la ronde des évocations de Monk et Satie, deux musiciens unis dans une excentricité commune, un mélange de douce folie (composition “bipolaire” de Rémy Gaudillat) et d’anticonformisme... Ça danse encore mais de travers avec parfois le sautillement  monkien dans ce Gymnostrophy. Les quatre se partagent des arrangements fort réussis qu’ils font dériver tout en conservant l’esprit initial. Douze petites pièces jamais faciles mais fluides qui s’insinuent vite dans le corps et restent dans l’oreille. Les timbres s’ajustent, jouent et se combinent à merveille dans des interactions parfaitement au point dans cet hommage au couple insolite : les recompositions élégantes étagent les timbres, les réunissent en tutti vibrants. Ils s’emparent de titres connus avec brio, quatre de Monk : un enjoué I mean you démarre le programme, Ugly Beauty en marche lente le clôt et  Misterioso est revisité de façon espiègle. Dans deux pièces de Satie Gnossienne I ,  Danse de Travers II, la polyphonie laisse chaque voix s’épanouir sans rompre l’harmonie chambriste dans ce maillage serré qui ouvre des espaces de liberté comme dans Spherik - ils sont tout de même issus de la Compagnie des Improfreesateurs. Leur écriture contrapuntique a une virtuosité formelle sans saxophone et sans le soutien de la section rythmique habituelle contrebasse-batterie. Il revient en particulier à la clarinette basse et au trombone de prendre à tour de rôle la fonction rythmique dans cet exercice de style, sans filet harmonique qui demande un effort constant et du souffle, ce dont nos  compères ne manquent pas. 

Question originaux, le clarinettiste Laurent Vichard apporte quatre pièces de sa composition, les mélodies hypnotiques, feutrées de “ses” gnomiennes, la complainte mélancolique du présent du passé. Son arrangement du bien nommé Gnossienne de Minuit combinant finement les deux mélodies de Monk et Satie fonctionne parfaitement. Il fallait y penser...

Dire qu’ils ont continué à ouvrir le champ des possibles (leur premier CD) est une évidence, un titre qu’ils auraient pu reprendre d’ailleurs! On n’est jamais déçu avec ce quartet plein d’une fantaisie triste qui nous entraîne dans une rêverie poétique.

Sophie Chambon

 

 

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