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4 août 2018 6 04 /08 /août /2018 16:57

 

Martial Solal (piano)

Glendale (Comté de Los Angeles), 19 & 21 juin 1966

Fresh Sound Records FSR -CD 960 / Socadisc

 

Disons-le tout net d'entrée : pièce maîtresse, grand moment de piano, et de jazz. La qualité technique de l'enregistrement est plus homogène que pour le volume 1 (cliquer pour accéder à la chronique du vol. 1) : pas de pleurage, diapason assez constant, tout juste un tout petit peu de pré-écho de temps à autre. J'en suis à me demander si l'éditeur n'a pas craint, s'il avait publié en premier ce volume, d'altérer la réception de l'autre, dont la qualité sonore était moindre : mystère de la mercatique.... Mais on peut se dire aussi que, ces séances ayant été conduites par Ross Russell, qui avait produit des enregistrements de Parker en Californie, et aussi publié un livre sur le 'Bird', il était naturel de publier d'abord un volume faisant la part belle au répertoire Parkérien.

Quoi qu'il en soit, voyons le programme du disque : une traversée de l'histoire du jazz, de Scott Joplin à Bud Powell en passant par Fats Waller, Jelly Roll Morton, Gershwin, Cole Porter, une poignée de standards, et même Offenbach (La Chaloupée, que Martial avait enregistré en trio dès 1953). Et bien évidemment, le tout traité 'à la Solal', c'est à dire avec virtuosité, virevoltes, humour, impertinence et passion pour ce jazz de toutes les époques. Il y même un boogie de sa plume (Blues Martial ), dans la tradition, mais avec quand même un petit coup de hachoir.... On trouve aussi une version façon antépisode de Ah Non ! , fameuse pirouette sur la méthode de Charles-Louis Hanon, professeur qui tortura bien des pianistes. Jusque là, la version princeps au disque était millésimée 1971 (33 tours RCA enregistré au Théâtre de l'Ouest Parisien), mais manifestement cela faisait un moment que Martial se jouait de ces exercices pianistiques pour les déjouer.... et les enjouer. Et puis une mystérieuse Suite # 105 qui n'est pas sans parenté avec la Suite n° 105 jouée en concert au studio 105 de Radio France le 20 décembre 1975 pour un concert 'Jazz Vivant' d'André Francis', et que l'on peut écouter sur le site de l'INA ; et aussi dans une certaine mesure avec la Suite for trio enregistrée en 1978 avec N.H.O.P. et Daniel Humair. Les standards de Broadway sont traités par Solal avec sa liberté coutumière (nourrie d'une longue pratique), tandis que les 'classiques du jazz' (Joplin, Fats, Jelly Roll) sont parcourus avec une joie aussi mutine et transgressive que déférente.... Martial s'amuse, et loin de nous amuser, il nous éblouit et nous transporte dans un monde insoupçonné, voire inouï.

Ce disque, comme le volume 1, se conclut par Un Poco Loco de Bud Powell : seul doublon, et totalement justifié. Plus qu'un peu fou, c'est complètement fou. Version un peu plus longue, plus libérée encore, dans l'exposé du thème comme dans l'improvisation. Martial, qui avait entendu Powell dans sa période parisienne, qui n'était pas la meilleure, a su garder le souvenir de la grande époque de Bud (1949-1951), et comme on le fait dans le jazz quand il est vécu intensément, il a su donner une autre vie à un chef d'œuvre.

Dans le long entretien qu'il m'avait accordé en 2003 (publié en DVD accompagné d'un livre en 2005 : Martial Solal, Compositeur de l'instant, INA-Michel de Maule), le pianiste situe vers la fin des années 70 le moment où, stimulé par la rencontre de Pierre Sancan quelques années plus tôt, il se sent un pianiste accompli : «J'avais un peu plus de 50 ans, déjà, et c'est seulement à ce moment-là que j'ai senti que je devenais un pianiste, après quelques années de travail». Pourtant en 1966, et même bien avant, son aisance et sa créativité nous éblouissent. Ce disque en témoigne plus qu'éloquemment !

Xavier Prévost

 

À signaler la parution récente chez Frémeaux & Associés d'un enregistrement de Stan Getz dont Martial est le pianiste, en janvier 1959 aux côtés de Jimmy Gourley, Pierre Michelot et Kenny Clarke : 9 plages d'un concert à l'Olympia, et 3 plages dans les studios d'Europe N°1 («Live in Paris, 1959»). Plusieurs enregistrements de 1958 (Paris, Cannes), où Solal accompagnait déjà Getz avaient déjà été publiés sous diverses formes.

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3 août 2018 5 03 /08 /août /2018 10:53

JULIAN LAGE , un ange du jazz au pays du rock’n roll

 


 

@Mack Avenue

 

Julian Lage, sur la route de sa tournée était à Marciac le 29 Juillet pour un concert en trio à l’Astrada. Celui que la presse américaine qualifie de jeune prodige a déjà, malgré son jeune âge joué avec à peu près tout ce que le gratin du jazz compte de célébrités. Avec des yeux bleus clairs et une voix douce, le guitariste nous accueille avec une grande gentillesse pour quelques mots attrapés au sortir de ses balances…..

 

Les DNJ : « Heureux d’être à Marciac ? »

Julian Lage : «  Absolument. C’est un festival très prestigieux et donc c’est un honneur pour moi d’y être programmé. Plusieurs amis musiciens m’en parlaient depuis longtemps »

Les DNJ : «  Julian, il semble que « Morning lore » votre dernier album prend un direction assez nouvelle dans votre discographie ? »

JL : «  Oui, tout à fait. Il s’agit d’une nouvelle interprétation de la musique que je voulais jouer en trio. Il s’agit du rock’n roll des premières années. Cela veut dire des morceaux très courts, très concis, très axés sur la mélodie. L’idée c’est sur une 12aine de morceaux de pouvoir les écouter et les réécouter encore. Avec peut être moins de place pour l’improvisation. Nous avons enregistré cet album très vite, juste en quelques jours mais c’était un vrai challenge ».

Les DNJ : «  Mais ce n’est pas exclusivement rock’n roll …. »

JM : «  Il y a un ou deux morceaux plus jazz…. »

Les DNJ : » Comme Look book ? »

JL : » Oui c’est l’un d’eux. Earth Science est le deuxième. Cela préfigure ce que je voudrais faire ensuite. Quelque chose plus axé sur la façon dont nous pourrions improviser collectivement. Mais là, pour cet album il était important pour moi de faire un album avec ce que j’avais écris moi-même, mon propre matériau »

Les DNJ : « Vous jouez énormément. A quel moment en êtes vous : au début, au milieu ou à la fin de votre tournée  ? »

JL : «  On arrive à la fin. »

Les DNJ : « Hier il y avait Pat Metheny qui jouait. Est il quelqu’un d’important pour vous, dans votre carrière de musicien ? »

JL : » Absolument. A l’âge de 10 ans, je jouais ses morceaux. »

Les DNJ : « Justement beaucoup de médias, parlent de vous comme d’un génie. Comment réagissez vous à cela ? »

JL : «  Je ne sais pas si je le mérite et pour tout dire cela n’a pas beaucoup d’importance pour moi. J’essaie juste de m’améliorer toujours à la guitare. Je pense que ceux qui disent cela parlent plus d’eux-même que de moi. Ils ont besoin de faire de moi un « prodige » mais cela n’a aucune signification pour moi. Je continue de jouer, à essayer de progresser, exactement comme lorsque j’étais enfant »


Les DNJ : «  qui vous a donné l’envie de devenir guitariste ? »

JL : «  Cela m’a été naturel car mon père était lui-même guitariste.Nous avons joué ensemble. Et avec le temps il jouait moins et je jouais plus, mais il était comme un coach. C’est un super musicien et en plus visionnaire. Ma mère aussi m’a inspiré, pas comme musicienne mais dans le domaine de l’art. »

Les DNJ : « En écoutant ce dernier album, j’y ai retrouvé des sonorités à la Bill Frisell. c’est quelque chose que vous aviez en tête ? »

JL : « Pas vraiment même si j’adore Bill. Il nous est arrivé de jouer ensemble. Je trouve que nous sonnons au contraire très différemment »

Les DNJ : « Mais vous avez en commun cette façon de jouer avec les réverbérations et aussi avec les sonorités country ? »

JL : « Le point commun c’est que nous partageons le même patrimoine musical de notre pays. »

Les DNJ : «  Modern Lore est il un album «  américain »  »  ?

JL : «  Très !  Mais il est surtout très lié à la musique des années 50 et 60 quand la guitare est devenue de plus en plus électrique. Des gens comme Jimmy Bryant et les guitaristes texans par exemple m’ont inspiré »

Les DNJ : «  vous faites partie des rares guitaristes qui savent faire sonner en même les lignes mélodiques et les harmoniques »

JL : «  Le maître entre tous, sur ce plan, c’est Jim Hall ! Pat (Metheny) et Bill ( Frisell) aussi »


Les DNJ : «  Quelques mots sur vos nouveaux projets ? »


JL : « Dans l’immédiat il y a une collaboration avec John Zorn qui va être publié dans les mois à venir. Un travail avec le guitariste Gyan Riley. Nous avons déjà collaboré sur plusieurs projets, Book of Angel, Masada, aussi un travail sur Shakespeare. Il y a aussi un quelque chose plus heavy metal. Nous travaillons aussi en trio sur un nouveau projet, mais là je ne voudrais pas trop en parler maintenant »

Les DNJ : «  Merci beaucoup Julian ! »

 

Propos recueillis par Jean-Marc Gelin le 29 juillet 2018 à l’Astrada - Marciac.

 

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30 juillet 2018 1 30 /07 /juillet /2018 12:28

Jazz in Marciac, dimanche 29 juillet : Brad Mehldau, Dave Douglas & Joe Lovano


Mes amis, comment vous dire ?
On pourrait aujourd’hui vous parler de cette belle journée dominicale sous le soleil gersois, des bulles de champagne et de l’ambiance toujours joyeuse dans les rue de Marciac. Vous parler du off et de ces belles rencontres.

 

Seulement voilà, ce matin encore tout le monde se réveille avec des étoiles dans les yeux et Marciac bruisse encore des échos du concert de la veille. Tout le monde ne parle que de ça. Les touristes chez mon logeur n’en revenaient pas. Marciac se réveille ce matin sous le choc de la claque reçue lors du concert du trio de Brad Mehldau, assurément l’un des plus beau concert de l’année.

 

 

Durant la journée nous avons eu la chance de capter quelques mots de Julian Lage, le guitariste prodige qui donnait un concert le soir même à l’Astrada. L’occasion de parler de son dernier album
( « Morning Lore ») et de ses projets avec John Zorn. Mais nous y reviendrons dans un autre papier.
Mais le meilleur allait venir un peu plus tard sous les coups de 21h.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

BRAD MEHLDAU TRIO

Etait ce parce qu’il était arrivé la veille ( tout simplement parce qu’il avait envie de prendre son temps ) ? Etait ce parce qu’il s’agissait du tout dernier concert de leur tournée (et que le trio ne se retrouvera qu’en juin 2019) ?  Au final, l’un des plus beau concert de l’année en forme de claque magistrale !
Et cela n’a pas traîné. Cela n’a pas mis de temps à s’installer. Dès le premier morceau ( For David Crosby) c’est énorme. Brad est dans la place, laissant déjà le public abasourdi. Et tout le concert sera ensuite au diapason, si l’on peut dire. Au niveau des sommets ! Si Bill Evans se posait souvent la question de la place du batteur, on peut dire que Brad Mehldau a réglé le problème depuis longtemps. Avec Larry Grenadier et Jeff Balard, ils sont en emphase. En fusion d’énergie. Incroyables de densité. S’en est suivi un 2ème morceau qui n’avait pas vraiment de nom mais qu’il baptisait au micro d’Alex Dutilh, Blues in C. Morceau aux accents plus bop. Un standard de Cole Porter ensuite, I concentrate on you. Brad joue les yeux fermés, comme si ses doigts prolongeaient ses idées, surnaturellement. Suivent ensuite des compos (Greens M&Ms, Higway Rider). Puis un moment de grâce exceptionnel avec I Should care pour conclure le concert avec un moment d’apesanteur lorsque la rythmique laisse Brad se lancer dans un solo très Debussien. Le silence est total dans le public et la grâce tombe sur Marciac. Forcément une longue standing ovation. Et pour conclure un rappel en douceur avec Tenderly.
Certains spectateurs désertaient ensuite le chapiteau et le 2ème concert, voulant absolument rester sur cet instant magique derrière lequel on ne peut pas rajouter grand chose.


 

@JM GELIN

 

 

 

DAVE DOUGLAS & JOE LOVANO

Ils arrivaient tout droit du festival de Lisbonne. Pas eu le temps de faire le balances.
Le répertoire : celui de Sound Print et de leur tout dernier album (« Scandal ») chroniqué récemment sur les DNJ (http://lesdnj.over-blog.com/2018/05/joe-lovano-dave-douglas-sound-print-scandal.html).
L’inspiration est clairement celle venant de la musique de Wayne Shooter. Dave Douglas arborait des lunettes de soleil blanches se donnant ainsi des allures de Miles. Le répertoire est riche et parfois complexe, comme l’est la musique de Shorter. Celle de « Adam’s apple » (1954) ou de « Speak no evil »  (1955). Avec Dave Douglas (tp) et Joe Lovano (ts), l’inégalable Joey Baron (dms), le jeune Lawrence Fields (p) et pour remplacer Linda May Han Oh, un contrebassite aux allures de guerrier japonais, Yashuki Nakamura.

@ JM GELIN


Sound Print travaille ensemble depuis plusieurs années et forcément les réflexes s’installent. Dave Douglas et Joe Lovano se répondent, s’entremêlent et contre-chantent. Le saxophoniste dans une veine shorterienne, tournant autour des harmonies et Dave Douglas, gonflé à mort, mordant dans trompette avec une brillance acérée.

@JM GELIN

 

 

 

L’album est passé en revue : Mission Creep, Full moon puis Juju magnifiquement arrangé par Lovano ou encore The corner Tavern aux accents plus bop.
Ca joue terrible et Lawrence Fields, tout en délicatesse amène une couleur fine avec des improvisations en dentelle.
Petit bémol toutefois : on sentait le quitte un peu trop en promotion de l’album. Doing the job. Et si Dave Douglas tentait d’allumer quelques mèches, le feu peinait quand même à s’installer.

JM Gelin

 

 

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29 juillet 2018 7 29 /07 /juillet /2018 15:25

Plaisir intact et toujours renouvelé. Je file en voiture, dernière ligne droite et enfin je vois le panneau d’entrée de ville et les premières affiches des sponsors officiels.
Ca y est, je suis à Marciac, dans la place, heureux de retrouver la famille du jazz, les afficionados et l’ambiance toujours joyeuse et bon enfant de la petite ville du Gers.

La place du village commence à s’animer, ça sent le magret et les effluves de Plaimont nous font un peu tourner la tête à l’approche de la belle soirée qui s’annonce plutôt pas mal. Que du bon !
Ce qui nous attend ?
Une première partie de luxe avec Dave Holland-Zakir Hussain-Chris Potter et une deuxième avec le quarte de Pat Metheny. Rien que ça !

C’est l’alliance du lapin et de la carpe. Celle qui va de la profusion rythmique aux volutes harmoniques.

 

Côté fourmillements rythmiques, c’est le trio de Dave Holland-Zakir Hussain et Chris Potter.

Les polyrythmies s’affolent sous les doigts volubiles du tablaïste Zakir Hussain qui fait office de maître de cérémonie, véritable pièce maîtresse de ce trio. Ça vibre, ça pulse et ça frémit au son des tablas (peut être un peu trop surexposées à mon goût). Là dessus Chris Potter démontre qu’il n’a rien perdu de sa filiation Rollinsienne, adepte du gros son et d’un placement rythmique hallucinant. Et pour en rajouter une couche, Dave Holland impose un son à nul autre pareil. D’une formidable rondeur et d’une profondeur qui pose les bases solides de cette musique syncrétique, entre jazz et musique du monde. Les chorus du saxophoniste qu’il soit au ténor ou au soprano impressionnent toujours autant mais celui qui fait le show c’est un peu Zakir Hussain dont les caméras du festival parviennent à capter les grands yeux d’enfant un peu halluciné.
La magie est dans l’air.

JIM 2018@Laurence Sabathe

 

Elle se poursuit ensuite avec le quartet de Pat Metheny. Aux commandes à côté de l’homme à l’éternelle marinière bleue et blanc, le Bad Hombre (*), le génie du drumming, Antonio Sanchez. La non moins géniale Linda May Han Oh est à la contrebasse. Et au piano, la gallois Gwilym Simock. En somme, les fidèles qui tournent depuis quelques temps avec Metheny, dans la configuration que les parisiens avaient vus à l’Olympia il y a un an. Le guitariste entame son concert avec son instrument étrange à plusieurs manches alliant la guitare et la mandoline ( de Linda Manzer je crois). Ça commence doucement, presque mollement, pas aidés par un son assez cotonneux au départ. Et puis, magie des concerts, ça vient, le son devient plus net et Metheny entre vraiment dans son concert. Et là ce ne sont que profusions harmoniques et mélodiques sur lesquelles le guitariste laisse traîner les notes, les caressent avec une rare subtilité. Gwilym Simeck se révèle, Linda May Han Oh prend ma musique à bras le corps et Antonio Sanchez allie les caresses et le tonnerre

JIM 2018@Laurence Sabathe

 

Avec Metheny, comme toujours la virtuosité se dissout dans une sorte d’évidence musicale. Les lignes mélodiques restent flagrantes malgré ses déambulations harmoniques. Mais bon, cela vous le savez déjà……
La nuit sera étoilée.

 

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24 juillet 2018 2 24 /07 /juillet /2018 09:10

 

Ramon Lopez (batterie, percussions), Percy Pursglove (trompette, bugle), Rafał Mazur (guitare basse électro-acoustique)

Niepołomice (Pologne), 31 mai 2017

Not Two MW973-2 / www.nottwo.com

 

Un disque très singulier, qui repose à la fois sur la qualité de la rencontre et sur les partis pris sonores et musicaux. La rencontre, c'est ce mystère de la vie d'artiste qui fit se croiser, dans l'un des groupes du bassiste britannique Barry Guy, le plus français des batteurs andalous et le trompettiste (dans d'autres contextes également contrebassiste) Percy Pursglove, qui a roulé sa bosse sur les deux rives de l'Atlantique, depuis le jazz de stricte obédience jusqu' aux formes les plus contemporaines. Dans la foulée naquit le désir de faire groupe avec le guitariste basse polonais Rafał Mazur, très impliqué dans les rencontres d'improvisateurs, en Europe et au-delà. Le parti pris sonore, c'est de croiser un son de basse électro-acoustique très très rond, une trompette très naturelle, jusque dans le grain le plus intime du timbre, et des percussions captées avec une netteté et une précision qui les installent d'emblée au cœur même du son collectif. La musique s'organise en quasi alternance de compositions de Ramon Lopez et d'improvisations collectives. Le langage prend son bien dans tous les territoires, de l'Orient à l'Espagne en passant par le jazz, les multiples visages de l'impro, et même furtivement par un certain rock qui groove, et parfois les intervalles distendus des musiques dites savantes du vingtième siècle. Avec toujours aussi un parti pris mélodique, qui se déploie dans les compositions comme dans les improvisations. On part d'un chant, et plutôt que dans les contrechants, la musique se déroule sous forme d'entrechants, un territoire de liberté où l'expressivité va prévaloir. Belle aventure, aboutie : beau moment de musique !

Xavier Prévost

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8 juillet 2018 7 08 /07 /juillet /2018 10:06

 

 

Rémi Gaudillat (trompette, bugle), Jean-Philippe Viret (contrebasse)

Bourgoin-Jallieu, décembre 2107

IMR 017 / Muséa

 

Une rencontre intéressante à plus d'un titre : un toujours jeune vieux routier de la contrebasse tout-terrain, et un souffleur très libre, pilier du réseau imuZZic dans la région lyonnaise (et au-delà). Et aussi deux musiciens connus pour ce mélange d'exigence musicale et d'esprit prospectif. Le terrain de jeu, c'est une sorte de jazz de chambre, des thèmes majoritairement composés par le trompettiste-bugliste, et un cheminement très ouvert, qui conduit de mélodies extrêmement chantournées, avec dialogue harmoniquement sophistiqué, jusqu'à des échanges très segmentés, occasion d'une espèce de contrepoint aussi hétérodoxe que subtil. Et constamment, chez chacun des deux interlocuteurs, un sens du chant et de la nuance qui porte en permanence le dialogue à un très haut niveau d'expression, et d'expressivité. Et l'on va repartir, d'un échange très librement improvisé (belle écoute, belle interaction) vers une plage recueillie, un hymne presque sacré pour une célébration païenne de la beauté. Puis revoilà une jazz syncopé qui se souviendrait d'Ornette Coleman sans oublier les fondamentaux. À cette danse presque libertaire va succéder la majesté d'une mélodie grave qui aura aussi ses sentiers de traverse. Et jusqu'à la fin du disque ce sera ce mélange de liberté revendiquée et d'allégeance à des formes de beauté adoubées par l'histoire. Belle réussite, vraiment, que cette connivence librement assumée dans un champ musical aussi large qu'ambitieux ; ambition pleinement réalisée.

Xavier Prévost

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6 juillet 2018 5 06 /07 /juillet /2018 07:52

 

John Hébert, basse, Eric McPherson, batterie. Flagey Studio 4. Bruxelles. 24 novembre 2017. Palmetto Records/ Bertus Distribution.

 

 

Reconnaissance bien méritée : Fred Hersch, qui joua dans un club parisien désert voici trois-quatre ans, tient l’affiche de quelques festivals qui comptent cet été : Marciac –dans la salle de l’Astrada, et donc dans des conditions acoustiques « humaines », La Petite Pierre et Ramatuelle. Gageons que le pianiste se montrera à son avantage comme au cours de cette tournée européenne automnale qui le vit remplir deux soirs consécutifs le Sunside de la Rue des Lombards. L’enregistrement réalisé en direct quelques jours plus tard à Bruxelles conforte l’opinion du chroniqueur présent au club parisien. Fred Hersch exprime une joie de jouer qui n’a d’égal que sa complicité avec ses deux comparses rythmiques (John Hébert, basse et Eric McPherson, batterie). Il nous confiait alors (les DNJ du 27 novembre 2017), sa sérénité : « J’ai pas mal d’énergie, un merveilleux groupe depuis maintenant 8-9 ans. Oui, assurément, c’est tout bon pour moi. » Dans de telles conditions de confiance, le pianiste laisse parler ses émotions dans des hommages à John Taylor (Bristol Fog), confrère britannique disparu à l’élégance rare, et Sonny Rollins (Newklypso) avec un clin d’œil aux rythmes des Caraïbes. Wayne Shorter figure aussi au répertoire (Miyako, Black Nile) et bien entendu Monk (We See, Blue Monk) qui clôture chacun des concerts du pianiste. « Même si sa touche et la mienne sont très différentes, je pense, nous disait-il  également, que j’honore ses compositions, en faisant passer sa musique par mon filtre personnel » . Voici un filtre qui, à notre humble avis d’amateur,  laisse passer l’excellence
Jean-Louis Lemarchand
Fred Hersch .En concert cet été. Juillet : 11, Istanbul ; 14, Rotterdam, North Sea Jazz Festival ; 15, Ronnie Scott’s- Londres ; 18 Vitoria ; 19 Almuñécar. Août : 10 Marciac, 11 Anvers, 13 et 14, La Petite Pierre (Alsace), 16 Oslo ; 18, Ramatuelle, 25, Annecy.
http://www.fredhersch.com/

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3 juillet 2018 2 03 /07 /juillet /2018 22:42

Sinatra a un rhume, Gay Talese. Editions du Sous-Sol. Mai 2018. 320 pages. 22 euros. Le livre comprend également divers portraits :  Mohamed Ali, Joe Louis, Floyd Paterson, Peter O’Toole…


Le titre interpelle. Bien vu comme accroche. Frank Sinatra has a cold, portrait du crooner éternel, date de 1966. Publié dans le magazine Esquire, commande au journaliste Gay Talese, il ressort aujourd’hui à l’occasion des 20 ans de la disparition du chanteur de Hoboken (1915-1998). Une quarantaine de pages qui régalent, joyau du « Nouveau journalisme » où le récit regorge de choses vues, transformant le lecteur, plus d’un demi-siècle après, en témoin direct de Frank Sinatra aux tables de jeux d’un casino, dans les bars, les studios d’enregistrement. (Extrait : « Le voilà devant l’orchestre, claquant des doigts, dans une pièce intime et hermétiquement close. Bientôt, il domine tout, les hommes, les instruments, et aucune onde musicale, si petite soit-elle, n’échappe à sa maîtrise »). Ses amis, ses connaissances s’expriment –une centaine de personnes interrogées- mais jamais lui, le héros de l’histoire, préoccupé par un rhume et refusant finalement l’entretien pourtant convenu entre l’attaché de presse du chanteur et la rédaction en chef du magazine. Gay Talese (aujourd’hui âgé de 86 ans) mènera une enquête en Californie de cinq semaines, dépensera 5000 dollars en notes de frais et précise-t-il dans une préface inédite, mettra six semaines de retour à New-York pour écrire cinquante cinq feuillets sur la base de deux cents pages de notes. (ndlr : heureuse époque où les journaux donnaient du temps aux journalistes pour rédiger un sujet de fond.) Ecrit sans affect, ce portrait séduit, émeut et surtout révèle des clés pour approcher-appréhender- la véritable personnalité d’une star qui  respectueux de ses parents comme dans toute famille sicilienne (Frank Sinatra 100, Charlie Pignone. Fonds Mercator.2015) n’avait pourtant pas écouté son père, natif de Catane  «  Tu veux devenir chanteur ? avait-il dit au jeune Francis Albert, tenté par la carrière. Tu veux avoir un travail décent ou tu veux être vagabond? ».
Jean-Louis Lemarchand
 

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1 juillet 2018 7 01 /07 /juillet /2018 11:20

JAZZ & PEOPLE 2018

Olivier Bogé (as), Christophe Panzani (ts), Pierre Perchaud (g), Nicolas Moreaux, (cb, compos), Karl Jannuska et Antoine Paganotti (dms)


Pour qu’un joueur comme Mbappe se distingue comme l’un des meilleurs jouer du monde, il faut que derrière lui il y ait un collectif de haute volée. En jazz, c’est la magie de cette musique, c’est pareil il n’y pas de leader si derrière il n’y a pas un groupe exceptionnel.
Ne tournons pas autour du CD, l’album de Nicolas Moreaux est l’un des plus bel album qu’il m’ait été donné d’écouter cette année. Je ne tergiverse pas et j’assume ! Après le précédent album (« Fall somewherere » - Fresh Sound NT) le contrebassiste qui signe les compositions de « Far Horizon », a écrit pour cet album une musique qui colle à la peau de ce groupe où chaque membres se connaît à la perfection. Tout y est. Depuis plusieurs années ces musiciens jouent ensemble, dans des formats différents qui fait ce qui se produit de mieux aujourd’hui. Il faut les entendre dans  Fox ou dans The Watershed où l’essentiel de la musique est improvisée sur scène, pour comprendre à quel haut niveau d’interaction, d’interactivité, de télépathie ils sont arrivés. Tirs au sommet au même moment.
On sent dans leur musique tout l’amour qu’ils portent à quelques légendes américaines, comme la musique de Paul Motian, peut être une pointe de Rosenwinkell et un soupçon sur un autre registre, celle de Chris Cheek. Ils portent en effet avec eux ce jazz qui distille une pointe de nonchalance aérienne qui se promène dans l’espace (To blossom), insuffle un groove toujours délicat ( Sister soul) et une pop élégante ( ( I’ve seen you in me).
Oui, ce groupe pue le jazz à plein nez ! respire jazz ! Inspire et expire le jazz ! Souffle l’air du jazz !
On aurait bien du mal à choisir tel ou tel morceau. Chacun fait office de petit chef d’oeuvre sur lequel flotte cette âme insaisissable du groupe. Olivier Bogé et Christophe Panzani se complètent à merveille, entrelaçant leurs lignes fluides. Pierre Perchaud, comme toujours apporte une lumière à la fois complexe et un supplément de groove et de feeling. L’association de deux batteries, est un choix qui peut paraître surprenant à l’écoute de l’album. Si l’on entend pas toujours le dédoublement, en revanche ( à ce que l’on m’a dit) la version concert est exceptionnelle.
 
La musique de Nicolas Moreaux est à la fois intelligente, fluide et complexe, émouvante aussi ( Bird symbolic). Elle est surtout d’une richesse musicale rare !
Une merveille !
Jean-Marc Gelin

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1 juillet 2018 7 01 /07 /juillet /2018 11:15
THE JAMIE SAFT  QUARTET      BLUE DREAM

THE JAMIE SAFT QUARTET

BLUE DREAM

RareNoise Records

Sortie le 29juin 2018

Jamie Saft (p), Bill McHenry (ts), Bradley Christopher Jones (accoustic bass), Nasheets Waits ( dms)


 

On se souvient du dernier Cd de ce pianiste en solo, sorti en février dernier sur le label anglais Rare Records : multi instrumentiste, ingénieur du son, compositeur, accompagnateur de Bobby Previte, Steve Swallow, Roswell Rudd, Dave Douglas, membre important de l'écurie John Zorn (Masada), Jamie Saft n'oublie pas d'être leader et cette fois, il revient avec un album en quartet, intitulé BLUE DREAM.

Comme dans son précédent album, SOLO A GENOVA, premier solo après 25 ans, où il se réinventait en faisant retour vers la musique américaine, "exemple d'art positif et avant-gardiste  du monde"

Sur les douze compositions, neuf sont de son fait et permettent à son groupe d'improviser, de donner la pleine mesure de son talent avec un Nasheet Waits impérial qui peut brosser des arrière plans doux et soyeux, impressionnistes ("Words and Deeds") mais aussi user d'un drive des plus énergiques. Jamie Saft se livre aussi à une relecture de thèmes qui lui sont chers, une Americana sur mesure, influencée par le patrimoine historique musical nord-américain. On touche en quelque sorte à l'Adn de ce musicien marqué par la vitalité, la pulsation, un goût réel des musiques populaires ( "Sweet Lorraine"ORR. 

Avec un hommage, dès l'ouverture,  avec la composition originale "Vessels", à l'esprit du quartet Coltrane début années soixante, ou encore dans le splendide "Infinite compassion", le pianiste se souvient du passé dans l'exquis "Violet for furs" et parvient à restituer cet esprit mainstream, classique et si nostalgique. Le "Blue dream" qui suit, qui n'est pas un standard, s'intègre parfaitement à l'esprit du jazz : les musiciens connaissent leurs repères et savent s'en affranchir délicatement par une "mise à jour" intelligente.

Si ses modèles pianistiques sont Bill Evans, T.S Monk, Saft arrive à chercher et trouver sa liberté dans les nuances, la progression dynamique, le bouillonnement de son inspiration. Il laisse ses partenaires, bien choisis, suffisamment autonomes, dans des échanges qui prennent alors tout leur sens. Changements de tempi soudains, clarté et swing intriqués (   "Sweet Lorraine"), suavité des ballades au ténor, voilà une parfaite illustration d' une interactivité réussie, au lyrisme sobre, avec une expressivité jamais dépourvue d'émotion. Un album plus qu'agréable à découvrir, rafraîchissant en ce début d'été.

Sophie Chambon

 

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