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17 novembre 2015 2 17 /11 /novembre /2015 07:54
Kevin Norwood Quartet : " Reborn"

Ajmiseries / Les allumés du jazz

https://www.youtube.com/watch?v=-3FFEtrqZX8

www.jazzalajmi.com

www.discogs.com

Adoubé par David Linx, ce qui n’est pas une mince référence, Kevin Norwood est un nouveau venu dans le jazz vocal masculin, moins encombré heureusement que le féminin par des révélations toujours plus sensationnelles qui ne durent pas longtemps... On écoute toujours avec intérêt une nouvelle voix. Dans son texte d’introduction sur le label jazz Ajmiseries, le vocaliste belge décrit «une voix chaudement haut perchée»; on ne saurait mieux dire... et je l’avoue c’est peut-être ce qui « résistait» à mon oreille, au point que j’ai écouté très souvent cet album pour sonder les mystères de cette voix étrange, un peu irréelle, qui rappelle par moment certaines consoeurs, comme Betty Carter, pour le titre éponyme, cette ballade mélancolique, «Reborn». Mais seulement par touches allusives, car le chanteur sait installer dans ses musiques et ses textes originaux -il ne se protège pas derrière le répertoire jazz et se confronte à l’écriture, une atmosphère originale. Influencé peut être par d’autres qui l’ont forcément précédé, comme Joni Mitchell ou Jeff Buckley, il parvient à un syncrétisme de bon goût, nous surprenant agrablement, quand il n’hésite pas à scater avec talent sur «Past dreamers».

Une musique sans aspérité apparente, très cohérente, écrin à cette voix gravement troublante, qui swingue et respire le blues : elle laisse derrière elle un sillage de mélancolie, ravivée par le talent de musiciens aujourd’hui confirmés, sudistes comme Kevin Norwood (originaire d’Avignon malgré un nom très anglo-saxon), Vincent Strazzieri au piano, Cedric Bec à la batterie et Sam Favreau à la contrebasse.

Sophie Chambon

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16 novembre 2015 1 16 /11 /novembre /2015 22:17
D'JAZZ NEVERS FESTIVAL : LES DEUX DERNIÈRES SOIRÉES

©A.Honhim

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On était heureux et insouciants, le vendredi 13 novembre à 20h30 : heureux de réécouter le duo François Couturier / Anja Lechner entendu à « Jazz in Arles » en mai dernier : (cf. Les DNJ : http://www.lesdnj.com/2015/05/jazz-in-arles.html) ; heureux de découvrir sur scène le nouveau quartette d'Enrico Rava (celui du disque « Wild Dance », paru chez ECM fin août) : cette fois l'invité n'était pas le tromboniste Gianluca Petrella, mais le saxophoniste Stefano Di Battista.

Le duo Lechner/Couturier, en donnant pourtant pratiquement le même programme qu'en mai (celui du CD « Moderato Cantabile », ECM, 2014), en offrait une vision différente, dotée d'une nouvelle énergie et d'une nouvelle fraîcheur : perfection du timbre de la violoncelliste, formidable sens de la nuance et de l'expression chez le pianiste. La musique parcourt tous les territoires, du piano romantique jusqu'au jazz en passant par des bouffées de musiques du monde. Lyrisme absolu, recueillement, et sensualité douce d'un univers sans fracas, mais pas sans intensité.

Le quartette/quintette d'Enrico Rava donne lui aussi un programme nourri du dernier disque. Mais là encore on ne rejoue pas la partie : tout se fait au bonheur de l'instant, au sursaut de l'inspiration, sous le doux empire de la connivence. Enrico Rava est au bugle, et le velouté de l'instrument sied à merveille à son lyrisme exacerbé, à son goût du chant. Stefano Di Battista, au saxophone (alto ou soprano selon les instants), est aussi un grand lyrique. Mais son expression est plus vive, quand celle de Rava joue la retenue, le suspens : la combinaison est superbe. Et la rythmique, timide durant les premières minutes, va ensuite donner sa pleine mesure, expressive et hardie.

Le bonheur est parfait, et quand on sort de la salle de la Maison de la Culture, c'est pour apprendre qu'à Paris, pendant ce temps-là, des dizaines de morts ont endeuillé la France pour longtemps : stupeur et sidération.

Le lendemain, samedi 14 novembre, le concert est privé de sa seconde partie, en l'occurrence le groupe de John Scofield & Joe Lovano, bloqué en Autriche par les incertitudes des transports aériens consécutives aux attentats de Paris. La salle est pleine, le public a refusé la terreur, et répondu présent. Le chanteur Hugh Coltman donne un programme consacré à Nat King Cole (comme son disque paru cette année). Dans le groupe qui l'accompagne le pianiste Paul Lay, qui termine un remplacement d'une dizaine de concerts, brille de mille feux, car le vocaliste a su lui laisser l'espace que justifie son considérable talent. Hugh Coltman a dédié le concert à l'un de ses amis qui était la veille au Bataclan, et fait partie des innombrables victimes. Son concert, magnifique, est un témoignage d'espoir, de tolérance, d'adhésion aux valeurs de la vie. Il en parlera chaleureusement au public vers la fin du concert. Il nous donne tout : la suavité de King Cole, le swing, une escapade vers un thème soul funk qui embrase l'assistance.... et des ballades à tomber, avec l'exquise délicatesse du pianiste pour écrin. Hugh Coltman, malgré sa peine, nous a offert une formidable leçon de vie, de fraternité, d'humanité : chapeau l'artiste, et merci !

Xavier Prévost

Ce concert a été diffusé en direct sur Culture Box ; il sera bientôt disponible en replay à cette adresse :

http://culturebox.francetvinfo.fr/festivals/d-jazz-nevers-festival/hugh-coltman-au-d-jazz-nevers-festival-2015-230427

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16 novembre 2015 1 16 /11 /novembre /2015 20:35
PANORAMA CIRCUS : « PAINTER OF SOUL »

LIFE STYLE SOUNDS 2015

Mathieu Jérôme (p, wurlitzer, clavinet, synth), Jean-François Blanco (sample, scratch, prog, percus, synth), Jean-Philippe Morel (cb), Philippe Gleizes (dms), David Aknin (dms), Vincent Courtois (cello), Elise Caron (vc, fl), David Neerman (vb), Mederic Collignon (cnt), Thea Hjelmeland (vc), Maxime Delpierre (g)

On hésite à vous parler de musique aujourd’hui. Poster une dérisoire chronique d’album semble totalement incongru, presque déplacé.

Mais voilà nous aimons la musique autant que la vie. Autant qu’elle est honnie par ces fous sanguinaires qui haïssent notre amour du rire, notre désir de joie et du beau et nous pensons qu’il ne faut renoncer en rien. Jamais. Ne pas s’arrêter de vivre heureux, ne pas cesser de vous raconter ce qui nous rend heureux et quoiqu’il arrive partager nos rêves avec vous. Malgré l’horreur.

Alors oui aujourd’hui j’avais envie de vous parler d’un album remarquable et je ne vais surtout pas me gêner.

Avec ce Panorama Circus voilà bien un album conçu avec une énergie décapante par Mathieu Jérôme et Jean-François Blanco. Des moments de groove d'une superbe modernité comme sur ce très electro-hip Retour de Chewbacca avec un Philippe Gleizes totalement décoiffant s’acoquinent avec un gros travail sur les sons venus de nulle part. Ce sont les laptops et les turntables qui virevoltent. C’est parfois rock et c’est parfois free. Parfois sauvage et toujours animé. Dessin animé, presque.

Elise Caron nous emporte de sa voix libre et farouche à moins qu'elle ne se transforme en vestale très pop. Les furies free de Thomas de Pourquery ( Crazy latin suff) à l’alto et les envolées très milesiennes de Collignon ( Free metal morfing) , les salissures rock de Maxime Delpierre (painter of soul) qui laisse traîner ses sons un peu garage et qui s'accouple avec l'acoustique du pianiste et enfin la passion à fleur de mailloche d’un David Nerman juste sublime ( Beyond the blue floyd magnifiquement ecrit ) émaillent cet albul toujours inventif et surprenant.

En l’écoutant j’avais un peu l’impression d’être pris par la main et emmené dans une sorte de Palais des glaces aux miroirs déformants. Un peu halluciné.

Il y a une vraie dynamique dans cet album remarquablement conçu, puissant,

énergique.Vivant. Maginifiquement vivant.

Jean-Marc Gelin

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13 novembre 2015 5 13 /11 /novembre /2015 19:24
D'JAZZ NEVERS FESTIVAL : D'ALBERT CAMUS à SUSANNE ABBUEHL

Susanne Abbuehl à Nevers ©Maxim François

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L'Étranger « Réminiscences », d'après L'Étranger d'Albert Camus

Pierre-Jean Peters (voix, jeu, idée originale), Guillaume Séguron (contrebasse, guitare basse, direction artistique), Adrien Dennefeld (guitare, violoncelle), Jean-Pierre Jullian (batterie, percussions), Pierre Vandewaeter (son, régie générale), Éric Bellevègue (création lumière), Olivier Malrieu (adaptation)

Nevers, Maison de la Culture, 12 novembre 2015, 20h30

Faire dialoguer le texte de Camus (segmenté, en chronologie bouleversée, incarné par un acteur qui endosse tous les personnages) avec une musique qui épouse les contours ou joue le contrepoint : tel est le pari. Gagné, assurément, dans la mesure où ce spectacle, abouti et cohérent, nous remet en mémoire l'extranéité de Meursault, à l'écart du monde, du sentiment convenu, de la sensation univoque, de la valeur avérée et validée par le consensus. Il nous rappelle aussi les figures du conformisme ordinaire, de la frilosité sociale, et de l'acharnement vertueux. La musique puise à de multiples sources, entre jazz contemporain et rock progressif. Et le tout ravive en nous le souvenir d'un émoi de lecture, voire d'un trouble d'identification.

La présence d'un tel spectacle, en première partie d'une soirée de festival de jazz, avant une chanteuse à la voix de nuit profonde, semble des plus naturelles : la musique et le texte cohabitent légitimement dans tous les arts sonores et musicaux. La question qui demeure, pour le spectateur, mais aussi lecteur, que je suis, est celle de l'adaptation comme création. Et j'attends peut-être l'impossible (que n'autoriserait probablement pas les détenteurs des droits de l'œuvre) : un bouleversement, un détournement, une altération profonde, pour l'élaboration d'un autre objet, transgressif, tout uniment musical et littéraire. Je suis sans doute victime de mon caractère exagérément rêveur, qui me fait adhérer à l'horizon d'un autre étranger, celui des Petits poèmes en prose de Baudelaire « J'aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... là-bas... les merveilleux nuages ! »

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Susanne Abbuehl « Gift »

Susanne Abbuehl (voix), Matthieu Michel (bugle), Wolfert Brederode (piano, harmonium indien), Øyvind Hegg-Lunde (batterie, percussions)

Nevers, Maison de la Culture, 12 novembre 2015, 22h45

Après l'éblouissement du soleil d'Algérie qui inonde le roman de Camus, la seconde partie de soirée nous offrait un chant crépusculaire (crépuscule du soir ou du matin ? Baudelaire encore, il faut choisir !) ; ou plutôt un chant nocturne, comme l'annonce d'entrée de jeu Susanne Abbuehl au public. Le répertoire est majoritairement celui de l'album « The Gift », paru en 2013 chez ECM. Le chant est de confidence, la tonalité intimiste, et chaque membre du groupe joue ce jeu à un niveau superlatif : les incroyables nuances du batteur (nouveau venu dans le groupe, il n'était pas sur le dernier disque) qui compose, à chaque mesure, un paysage sonore de touches ténues, d'injonctions pertinentes et souterraines, avec une richesse de timbres extraordinaire, et une gestuelle qui ferait à elle seule entendre l'indicible. Le pianiste lui aussi place chaque note à l'exact moment, à l'intensité la plus appropriée. Quant au bugle, il se fond littéralement dans la voix, ou lui fait un écho magnifique quand leurs chants alternent. Susanne Abbuehl place sa voix comme on parle à l'oreille, et les lents mouvements de son corps souple épousent chaque inflexion de la musique. C'est fascinant, d'une beauté presque irréelle. En plus de l'album le plus récent, elle va aussi chercher une ou deux chansons dans les précédents (« April », « Compass »), dont une magnifique reprise de Carla Bley (A.I.R. - All India Radio), et une version de 'Round about midnight qui se coule ensuite dans un chant d'orient. Elle nous offre aussi la primeur de ce qui viendra pour un futur disque, avec d'autres poèmes, et d'autres auteurs. Moment intense, inoubliable : si l'on ne craignait pas le cliché, on hasarderait : magique !

Xavier Prévost

Susanne Abbuehl donnera un concert "Jazz sur le vif" le samedi 21 novembre 2015 à la Maison de la Radio

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13 novembre 2015 5 13 /11 /novembre /2015 16:33
D'JAZZ NEVERS FESTIVAL : WORKSHOP DE LYON

Workshop de Lyon (Collectif ARFI)

Jean Aussanaire (saxophones alto & soprano), Jean-Paul Autin (saxophones alto & sopranino, clarinette basse), Jean Bolcato (contrebasse), Christian Rollet (batterie & percussions)

Nevers, Auditorium Jean-Jaurès, 12 novembre 2015, 18h30

Pour le chroniqueur, bonheur de retrouver le Workshop, que je n'avais pas eu l'occasion d'écouter en direct depuis quelques années. Le nouveau programme s'intitule « Lettres à des amis lointains ». Il raconte des rencontres et des souvenirs, et parle d'amis encore présents, ou disparus. Chaque musicien a choisi une évocation, pour laquelle il a composé, ou seulement exhumé une musique naguère partagée. La première pensée émane de Jean Aussanaire, et va vers le regretté Maurice Merle, cofondateur du groupe. Puis Jean Bolcato évoque Colette Magny, avec laquelle le groupe a partagé la scène : pour ce faire il propose une mélodie arabo-andalouse que la chanteuse aimait beaucoup. Jean-Paul Autin adresse ensuite une carte postale sonore à des amis de rencontre, dans un cadre de collectage, qui lui ont fait découvrir des trésors de musique traditionnelle. Vient le tour de Christian Rollet, qui part d'une ambiance sonore de l'Arsenal de Brest, où les musiciens de l'Arfi s'étaient produits.

De paysage sonore en réminiscence chaleureuse, c'est tout une humanité qui défile à nos oreilles ravies : l'humain, l'être humain, est depuis toujours au centre de l'utopie des Arfieux. Comme le dit souvent un des mes amis très chers, batteur et chanteur, c'est « de la musique de musicien, entièrement faite à la main ». Et le miracle demeure : passer des contours familiers d'une mélodie populaire à une esthétique hardie, ou une envolée très free, et très libératrice, tel est toujours et encore le mot d'ordre (et parfois de désordre) du Workshop. Chacun trouve sa place de soliste mais l'enjeu est constamment collectif. Qu'ils évoquent un ami berger de Buis-les Baronnies, ou un court-circuit improbable entre les musiques de Myriam Makeba et Ornette Coleman ; un professeur de musique du Niger ou le saxophoniste Steve Lacy ; ou encore tel ami peintre, ou trois femmes remarquables opérant dans trois univers différents : l'humanité profonde est au centre de chaque moment musical, manière de rappeler, s'il était nécessaire, que pour les membres de l'Arfi, et singulièrement pour le Workshop de Lyon, l'esthétique est aussi (d'abord ?) une éthique.

Xavier Prévost

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13 novembre 2015 5 13 /11 /novembre /2015 15:36
D' JAZZ NEVERS FESTIVAL : PLEIN SOLEIL !

DAUNIK LAZRO / JEAN-LUC CAPPOZZO / DIDIER LASSERRE

Daunik Lazro (saxophones ténor & baryton), Jean-Luc Cappozzo (trompette, bugle, flûte harmonique serbe), Didier Lasserre (batterie)

Nevers, PAC des Ouches, 12 novembre 2015, 12h15

Cela fait plus de 25 ans que je fréquente assidûment le festival de Nevers, et c'est habituellement le lieu des premiers frimas, des premières gelées blanches et des premiers pare-brise à dégivrer. Cette année, débarquant après 4 heures de route, in extremis et à midi, pour le concert de 12h15, je vois pour la première fois en cette saison le majestueux Palais Ducal en plein soleil ; et au fond de la place, l'adorable théâtre à l'Italienne, où j'ai tant de grands souvenirs et qui, fermé de longtemps, attend impatiemment une improbable rénovation.

Je file en contrebas au PAC des Ouches, pour un concert d'improvisation par trois maîtres de genre. Daunik Lazro choisit de commencer dans le velouté du sax ténor, tandis que Jean-Luc Cappozzo, à la trompette puis au bugle, habille l'espace de timbres mystérieux. La batterie de Didier Lasserre s'aventure vers des terres où les rythmes et les sons tendent à se fondre, et même à se confondre, dans un geste collectif. Puis, dans une deuxième séquence le baryton et la trompette composent dans l'instant un contrepoint hétérodoxe. La batterie s'aventure, comme en suspens, avant de déclencher sa furia. Vient la flûte harmonique, étrangeté sonore en soi, à laquelle le baryton répond, en harmoniques itou, tandis que la batterie fait crisser ses cymbales. Pour chacun le son est déjà une phrase, et presque une forme, si tant est que la question de la forme, même rétrospective, soit le premier souci de l'improvisation libre. Nous sommes en présence de ces musiques qui jaillissent de l'instant, mais dont on sait bien qu'elles ne surgissent pas du néant : ces musiciens sont des faiseurs de miracles, sur le fil de l'incertitude qui devient pourtant évidence. Vient ensuite une troisième séquence où le ténor va cheminer de la douceur au cri, en dialogue avec les deux autres instruments, jusqu'au paroxysme final ; fin provisoire, puisqu'en rappel une sorte d'hymne sacré, dont les premières notes rappellent My Funny Valentine, va nous conduire vers le souvenir d'un extrême recueillement, celui d'Alabama, de John Coltrane. Toute parole, alors, devient superflue....

Xavier Prévost

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12 novembre 2015 4 12 /11 /novembre /2015 20:20
Didier Ithursarry quartet : " Kantuz"

Label LagunArte/L’autre distribution

www.lagunearte.org

www.didierithursarry.com

Encore chaud dans les bacs, après le concert du 28 octobre à l’Ermitage parisien, Kantuz, le nouveau CD du quartet de Didier Ithursarry, nous fait voyager dans des territoires aimés. Difficile de renier ses origines, Kantuz, traditionnel basque, exprime dans cette langue difficile et mystérieuse, « l’instant présent où l’on chante». Du chant, il y en a encore avec «Habanera pour François Béranger», hommage au chanteur militant des années soixante dix, trop tôt disparu, titre qui prolonge délicatement l’une de ses chansons «Grand-mère», en écho. De la danse encore, car si « Kantuz » invite à la danse avec son rythme éblouissant, il y a encore plus virtuose avec «L’antichambre», positivement à couper le souffle. Tourbillon d’une valse qui n’est pas ravélienne, qui rappelle aussi qu’elle n’est pas synonyme des seuls plaisirs bourgeois. Eh oui, cet accordéoniste vient aussi du bal et de cette tradition populaire, qui n’est pas un folklore imaginaire. Encore que, partant de ce socle qui le constitue et de ses racines, l’accordéoniste nous emmène fort loin avec le concours de ses camarades de jeu, parfaitement en osmose. Une rythmique de rêve, Joe Quitzke et Matyas Szandai et un soufflant toujours émouvant Jean Charles Richard, tant il sait nous emporter dans les volutes de son soprano dont il nous fait aimer la sonorité caractéristique, toujours un peu aigre. L’association avec le saxophone, en particulier le soprano est un des éléments les plus convaincants de cette musique, vite incandescente. Une affaire de matières, de textures qui souligne le caractère original de cet instrument, loin des clichés qui lui sont associés. Ithursarry n’a-t-il pas tenté avec succès un autre alliage inusité dans cet Oboréades absolument unique, porté par le hautbois de Jean-Luc Fillon ? Si Didier Ithursarry est un taiseux, ses projets parlent pour lui. Il est l’un des accordéonistes qui comptent aujourd’hui, engagé dans les projets les plus divers, depuis son passage à l’ONJ de Claude Barthélémy, l’Orphicube d’Alban Darche, le Danzas de Jean Marie Machado... Il faut le suivre, les yeux fermés. Comme dans cet album magnifique, construit avec délicatesse et intelligence qui s’ouvre sur tempo vif et se conclut sur un «Sonne» plus introspectif, tout aussi intense. A découvrir vite.

Sophie Chambon

Didier Ithursarry quartet : " Kantuz"
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11 novembre 2015 3 11 /11 /novembre /2015 20:56
JAZZ FROM AMERICA ON DISQUES VOGUE

41 albums originaux en 20 CD

Noël ! Noël ! C’est encore Noël avant l’heure qu’on vous dit !

Le label Legacy a eu en effet cette merveilleuse idée d’éditer dans un coffret de 20 CD, quelques-uns des enregistrements originaux du très célèbre label Vogue. Avec Charles Delaunay aux commandes les éditions Jazz-Disques (Vogue, Jazz-Selection et Swing) avaient en effet, dans les années 50 un directeur artistique de luxe dont l’éclectisme gourmand le disputait à sa connaissance encyclopédique du jazz. Qui d’autre mieux que lui pour éditer dans la même foulée des albums de Duke Ellington, Mahalia Jackson, Wynonie Harris, Stan Getz, Red Norvo, The Spirit of Memphis quartet, Artt Tatum, Charlie Christian, Dixiland Jubilee, Charlie Parker, Originators of Modern Jazz, Erroll Garner, Kings of Boogie Woogie, Jerry Roll Morton, Dave Brubeck, Miles Davis, Red Norvo, Gerry Mulligan, Chet Baker, Syndey Bechet et enfin Lester Young.

Grâcve aux accords que delaunay avaits pu nouer avec des labels étrangers Vogue pu ainsi constituer un ilpressionant catalogue où les productions maisons côtoyaient les éditions d’Outre Atlantique. C’est ainsi que les Français purent profiter des accords passés avec Blue Norte, Dial, Aladdin ou encore Pacific Jazz

Legacy, sous la direction de Daniel Richard et François Lê Xuan a la bonne idée de rééditer ces albums avec la pochette originale dont les fameux dessins étaient notamment signés Pierre Merlin qui marquait de sa superbe signature des couvertures pleines d’à-propos et d’humour à l’image de cette couverture très drôle et un poil irrespectueuse de Jerry Roll Morton.

Ce panorama du jazz impressionne encore par la qualité de ce qui compose ce coffret.

Un cadeau essentiel à mettre au pied du sapin et à mettre absolument entre toutes les mains.

Jean-Marc Gelin

JAZZ FROM AMERICA ON DISQUES VOGUE
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10 novembre 2015 2 10 /11 /novembre /2015 22:07
STÉPHANE PAYEN :  The Workshop

STÉPHANE PAYEN

The Workshop : Stéphane Payen (saxophone alto), Olivier Laisney (trompette), Guillaume Ruelland (guitare basse), Vincent Sauve (batterie)

Villetaneuse, juin 2014

« Conversations with the drum » Onze Heures Onze ONZ 010

« Music by Doug Hammond » Onze Heures Onze ONZ 015

www.onzeheuresonze.com

Deux CD presque coup sur coup pour ce groupe rassemblé par Stéphane Payen : le premier avec ses compositions, avant l'été ; et le second, consacré à la musique du batteur Doug Hammond, qui vient de paraître. Ce groupe est né comme une sorte d'atelier, du désir qu'avait Stéphane Payen de jouer avec Guillaume Ruelland et Vincent Sauve, sans autre but que le plaisir de jouer, sans projet particulier d'esthétique ou de système. Au bout de quelque temps, se sentant un peu seul comme souffleur, il a suivi le conseil de ses partenaires qui lui recommandent le trompettiste Olivier Laisney. Ainsi naît un groupe, qui élabore sa musique à partir des compositions du saxophoniste, enrichies par la pratique, l'interaction, l'émulation. Le rythme, la combinaison infinie de ses figures et de ses accents, y tient une place prépondérante. Groupe de dialogues plus que de solistes, ce Workshop repose sur l'engagement de chacun dans l'action commune, dans l'optique de cette maxime que l'on prête à Max Roach, selon laquelle le jazz serait la seule démocratie réalisée. Cela fonctionne à merveille, et la progression de la musique vers son accomplissement, dans chaque plage, semble confirmer le bien fondé de ce choix, et constituer en soi une esthétique. Une partie du travail du Workshop est issu des conceptions de Doug Hammond, batteur, percussionniste, compositeur et pédagogue afro-américain qui partage désormais son temps entre Detroit et Linz en Autriche. Doug Hammond a influencé les conceptions du mouvement M'Base , et notamment de Steve Coleman (lequel a joué à ses côtés) ; il se trouve donc sur la branche maîtresse de bien des courants du jazz contemporain. Stéphane Payen avait donné en février 2009 pour « Jazz sur le vif » à Radio France un concert en duo avec Doug Hammond, et enregistré ensuite avec lui en duo, et en trio avec le bassiste Reggie Washington (Doug Hammond, « New Beginning », Blue Marge 1012). C'est tout naturellement que le Workshop reprend les compositions de ce musicien, qui sont dans la proximité immédiate des préoccupations et des pratiques du groupe. Dans l'un et l'autre disque le résultat tutoie l'excellence : il y a donc urgence à découvrir ces deux CD !

Xavier Prévost

France Musique diffusera le mercredi 11 novembre 2015 à 20h le concert « Jazz sur le vif » du 9 novembre, où le Workshop a mêlé le répertoire de ces deux disques (en première partie, le duo Airelle Besson – Nelson Veras)

Le Workshop jouera le 12 novembre au Café Colette's à Tours, puis le 26 novembre à Paris au Disquaire, le 27 à l'Ajmi d'Avignon, et le 28 au Moulin à Jazz de Vitrolles. Pour ces trois derniers concerts, Doug Hammond assurera la première partie, en solo.

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9 novembre 2015 1 09 /11 /novembre /2015 20:38
CHRISTIAN BRAZIER quartet : "SEPTIEME VAGUE"

ACM jazz label

https://www.youtube.com/watch?v=12o0fnvhCac

Pour son septième album, suite logique de Circumnavigation, l'ancien officier de la marine marchande, amoureux de Marseille depuis plus de vingt ans, a su, en bon capitaine garder le même équipage, au batteur près, des musiciens aux fortes personnalités qui savent aussi être «leaders», et qui nouent une joyeuse complicité, immédiatement perceptible sur scène.

Aux côtés du contrebassiste qui est l'auteur de toutes les compositions, on retrouve avec plaisir pour cette nouvelle aventure, Perrine Mansuy au piano, elle aussi venue s’arrimer à Marseille de même qu’un autre néo-arrivant, le Normand Christophe Leloil, à la trompette. Le batteur, Australien de Melbourne, Dylan Kent, est nouveau à bord, d’une discrétion tranquille et efficace. Chacun des albums du contrebassiste constitue une nouvelle page, un chapitre non moins essentiel de ce livre ouvert, d’une vie en musique. Très régulièrement, Christian Brazier met au point un nouveau projet dont la musique précisément juste, cohérente, toujours mélodique, laisse à tous un espace de jeu équilibré.

Le résultat s'entend dès le premier thème, « D’août », une musique forte, belle et libre, vibrante et lumineuse. Perrine Mansuy a un univers vite reconnaissable dont Christian Brazier avoue se sentir proche : pianiste singulière, elle sait être lyrique dans sa longue introduction sur ce thème avant qu’elle ne soit rejointe par les zébrures du trompettiste, éclats d’un jazz vif, solaire qui s’accorde à cette lumière si intensément violente en été dans le sud. « Sur le sentier de la guerre » introduit un rythme tonique, intense, d'une douce violence, très déterminée.

Une qualité de chant, indispensable à la création d'une atmosphère poétique et vibrante, anime toute la musique du contrebassiste : la composition, en majeur évidemment - le titre "Le Lac Majeur" nous en fournit d’ailleurs un indice, est une incursion dans un monde plus apaisé.

La trompette post bop de Christophe Leloil, «le plus jazz des quatre», hoquette, stratosphérise, vocalise aussi quand il le faut, avec élégance, jouant de contrepieds mélodiques ou rythmiques, passant de sensuelles arabesques à des dissonances fortes. C’est un duo impertinent, un rien frondeur sur le titre éponyme, qui débute une sorte de petite histoire sans parole, avant que la rythmique ne le rejoigne, fine et assurée, complétant le tableau.

Pourquoi Septième vague, au fait ? Le saviez-vous, c’est la plus belle, la plus forte, celle qui vous entraîne irrémédiablement vers le plaisir, disent les surfers. Et la rythmique que le contrebassiste forme avec Dylan Kent, jamais emportée ni obsessionnelle, sait mener à bon port. Juste dans le bon tempo, comme pour ce "J'sais pas quoi faire", évocation fugitive de Pierrot le Fou.

Avec ce septième album, qui pourrait lui porter chance auprès des programmateurs, Christian Brazier trouve un accomplissement avec prises de risque et ouverture au large : il atteint une sérénité enviable, avec cette joie toujours intacte à faire de la musique. S’il a toujours « la tête dans les étoiles », il sait aussi raison garder, pour ces chansons sur mesure, pour les musiciens de son groupe, s'adaptant aux couleurs, timbres, et personnalités de chacun. « Les pieds sur terre », on vous disait.

Sophie Chambon

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