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10 mai 2016 2 10 /05 /mai /2016 07:09
JAZZ SOUS LES POMMIERS 35 ème EDITION

Un grand millésime que l’édition 2016 de Jazz Sous les Pommiers à Coutances qui s’est déroulée du 30 avril au 07 mai. On a tendance à le dire chaque année, car la programmation est toujours soignée et inventive chez nos amis jazz-fan normands, mais il se trouve que cette année avait un goût de grand cru exceptionnel à plus d’un titre, avec une météo particulièrement clémente, où un soleil coquin chatouillait notre peau entre deux concerts et le souffle d’un vent modéré qui faisait que la douceur était toujours au rendez-vous à la tombée de la nuit.
Une réussite économique aussi avec un record d’affluence encore battu (38500 entrées), 41 concerts complets et un taux de remplissage de salles qui avoisine les 94 % ! Il s’agit bien sûr de la plus belle fréquentation de l’histoire du festival, mais nous savons que ce record sera au moins égalé (voir battu) l’année prochaine.
Comme toujours à Coutances, il y a des résidences d’artistes et des créations exceptionnelles : un total de sept cette année, dont trois autour la talentueuse résidente trompettiste Airelle Besson qui a réussi à convaincre la chanteuse coréenne Youn Sun Nah (en congé sabbatique depuis plus d’un an) de rompre exceptionnellement son silence pour le seul concert qu’elle effectuera cette année. Chapeau Airelle ! Ainsi qu’aux 25 musiciens de l’orchestre régional de Normandie dirigé par Alexandra Cravero qui se sont pleinement investis autour de cette rencontre magique et si fructifiante !
Prévue l’année dernière, la création du projet « Skydancers » d’Henri Texier, inspiré par les indiens de toutes les Amériques, a heureusement pu voir le jour cette année autour d’un formidable double plateau intitulé : « Texier, père et fils ». Le saxophoniste et clarinettiste Sébastien Texier a ouvert la marche et conquis le public du théâtre de Coutances avec son nouveau projet « Dreamers » en quartette avec orgue, guitare et batterie. Une musique réjouissante et chaleureuse, teintée de blues, de jazz et de soul, autour d’un groupe cohérent et homogène où la guitare de Pierre Durand nous a électrisé en permanence. La standing ovation après l’ultime rappel du sextette d’Henri Texier était amplement méritée au vu de la folle énergie déployée par tous les membres du groupe (Nguyên Lê, Armel Dupas, François Corneloup, Sébastien Texier et Louis Moutin) au service d’un remarquable discours poétique centré sur une musique qui vient à la fois des tripes et de la tête. C’était presqu’une bonne chose que ce concert fût reporté d’un an, car entre-temps, le disque a été enregistrée, le projet a tourné et la musique a pris des formes et des couleurs plus vives, plus contrastées et plus denses.
La création de François Raulin et Didier Levallet « Brotherhood Heritage » fût elle aussi passionnante, car elle rendait hommage à l’un des musiciens importants de l’histoire de Coutances : le pianiste et compositeur Sud-Africain Chris McGregor, chef d’orchestre du « Brotherood of Breath » (la confrérie du souffle !) qui joua en piano solo à la première édition du festival en 1982 et dont le groupe se produisit en clôture du festival 1990 malheureusement sans lui car il venait de décéder quelques heures plus tôt !
Le festival a réussi aussi des soirées thématiques exceptionnelles comme celle autour de blues et de la soul avec un double plateau particulièrement relevé qui réunissait Betty LaVette et l’immense Taj Mahal. Celle sur New-Orleans nous a permis de voir un projet réjouissant d’une Dee Dee Bridgewater en grande forme qui a fait le show en s’amusant à imiter Louis Armstrong, sans oublier de nous émouvoir avec des versions sublimes de Come Sunday et de C’est Ici Que Je T’Aime. Et puis Dee Dee n’oublia pas de rendre un vibrant hommage à Prince en interprétant au rappel un émouvant Purple Rain. Après DeeDee Bridgewater, accompagnée de l’orchestre du trompettiste et arrangeur néo-orléanais Irving Mayfield, place à un autre trompettiste de New Orleans, le talentueux Christian Scott, qui réussit l’exploit de garder un pied dans la tradition, tout en s’aventurant dans la modernité (avec notamment des rythmes électroniques joués en direct par le batteur à l’aide de pads) et la présence à ses côtés du brillant saxophoniste : Logan Richardson.
John Coltrane fût à l’honneur également avec un beau projet de Lionel Belmondo autour d’un big band avec Archie Shepp et Stéphane Belmondo en invités solistes. Un projet qui ressuscitait la période Atlantic de Coltrane où l’on a pu entendre une éblouissante version d’Olé (avec Shepp au soprano), un arrangement pertinent sur Like Sonny et un hommage inattendu (Yal) à Yusef Lateef, proche des frères Belmondo et disparu en décembre 2013.
Le plus beau et le plus émouvant concert du Festival fût aussi quelque part un hommage (indirect) à John Coltrane à travers le duo magique formé par le saxophoniste Charles Lloyd et le pianiste Jason Moran. Une spiritualité toute Coltranienne s’échappait des instruments des deux compères et lors d’un Monk’s Mood d’anthologie, l’on ne pouvait pas s’empêcher de penser à la version jouée par Monk et Trane en 1957 pour le label Riverside. Je vous conseille vivement de vous connecter sur Culture Box afin de revivre ce concert particulièrement exceptionnel, où les larmes aux yeux, j’ai pu croiser des confrères dans le même état que moi, et je dois vous avouer que ce fût extrêmement difficile d’enchaîner sur un autre concert après ce moment magistral !
N’oublions pas aussi de mentionner l’esprit globe-trotter du festival qui tous les ans aime tant nous faire voyager sur des musiques issues de pays éloignés. Cette année la Corée du Sud et le Congo (entre autre) étaient particulièrement à l’honneur. Concernant la Corée : la rencontre inédite entre l’octette coréen Baraji et la guitare de Nguyên Lê, le souffle conjoint de la flûte metallique de Joce Mienniel avec celle en roseau d’Aram Lee pour le projet « Wood & Steel », la présence des groupes « Black String » et [su :m] et puis celle de l’ensemble « The N.E.Q » où la musique traditionnelle coréenne côtoie un jazz contemporain dans l’esprit des productions ECM.
Pour le Congo, la présence du Mbongwana Star, qui enflamma le Magic Mirror et la réconciliation des deux Congos, initié par le génial Ray Lema autour du projet « Nzimbu » où Lema (originaire de Kinshasa) mêle sa voix et son piano aux voix enjouées de Ballou Canta et Fredy Masamba (originaires de Brazzaville) avec la complicité du fabuleux guitariste brésilien : Rodrigo Viana.
Signalons aussi une grande thématique autour du piano, avec une pléiade de pianistes talentueux qui à l’image du nombre de touches d’un clavier ont dû toucher au moins 88 fois l’heureux public de Coutances ! Citons le berlinois Michael Wollny en trio, le français Edouard Ferlet autour d’un beau projet sur Bach avec la claveciniste Violaine Cochard dans la cathédrale de Coutances, le vétéran René Urtreger (82 ans), déjà présent à la première édition du festival en 1982, le génial Bojan Z (en duo avec Julien Lorau), l’incroyable Jeff Neve, ainsi que les talentueux Laurent Courthaliac, Thomas Encho, François Chesnel et Laurent Coulondre.
Enfin, n’oublions pas non plus une belle brochette de saxophonistes, qui du soprano au baryton, nous ont durablement enchantés : Chris Potter, Geraldine Laurent, Céline Bonacina, Julien Lourau, David Sanborn, Raphaël Imbert, Emile Parisien, Julien Soro….
Huit jours intenses de bonheur, ivres de soleil et de musiques aussi belles que variées, autour d’une constante et sympathique convivialité. Il n’y a aucun doute, le rendez-vous est pris pour l’année prochaine du 20 au 27 mai 2017, pour la 36 ème édition de Jazz Sous les Pommiers !
Lionel Eskenazi

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8 mai 2016 7 08 /05 /mai /2016 21:36
nOx.3 : «  Nox tape »

Jazz Village 2016
Matthieu Naulleau (p, moog et Fx), Relmi Fox ( saxs et Fx), Nicolas Fox (dms , elctr)

Voilà devant vous la nouvelle génération du jazz ! Celle qui sort depuis peu du CNSM ( de Riccardo Del Fra) avec dans les oreilles et au bout des doigts le goûts des extrêmes. Cette génération d’hypra talentueux qui s’inspirent autant de la musique de John Kirbty ou de la New-Orleans ( on vous parlera de « Post K » prochainement, groupe dont fait aussi partie Matthieu Naulleau ) que des musiques électroniques inspirées de Steve Reich autant que de Philippe Glass, Amon Tobin, Flying Lotus etc.…

Ici, ce jeune brillant trio fait tourner la musique et le son dans une sorte de danse derviche des temps modernes, emmenant à la transe dans des figures circulaire ou arythmiques avec un sens aiguisé du groove absolument irrésistible. De la New-Orleans à aujourd’hui, ce goût de la pulse et surtout de la danse. Celle qui fait voler au vent les cheveux des jeunes filles des dance floor, tourbillonnantes dans une sarabande sans fin.
Et comme ils disent : ça joue terrible ! Chacun des trois partenaires joue à merveille sa partition improvisée, faite de petits bouts qu’ils ont emmené chacun en studio pour faire monter la sauce, prendre la mayonnaise du son et du rythme. C’est absolument fascinant et envoûtant comme une sorte de rituel païen. Les sons se juxtaposent, se mêlent et s’entremêlent, bifurquent et se rejoignent à coups d’ostinatos et de ligne sauvages. ça ne vous lâche pas.
Les trois ensemble forment alors un power trio terriblement moderne. Sorte de musique survitaminée.
Il faut vous laisser prendre par l’hypnose à laquelle vous convie des formidables musiciens. Ces trois-là, vous en entendrez parler longtemps.
Ils ouvrent au jazz, des voies enthousiasmantes.
Jean-Marc Gelin

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8 mai 2016 7 08 /05 /mai /2016 21:32
CAMILLE BERTAULT « En Vie »

Camille Bertault (voix), Olivier Hutman (piano), Gildas Boclé (contrebasse),

Antoine Paganotti (batterie)

Maurepas, mai 2015

Sunnyside SSC 1438 / Naïve

De cette chanteuse, on lit partout qu'elle a fait l'événement communicatif (en franglais le buzz ) sur la toile (en franglais le net....). Et que le microcosme états-unien a relayé ses vidéos via des références indiscutables (Wayne Shorter, l'entourage de Brad Mehldau....). Ce n'est pas rien. C'est même ce qui lui a ouvert les portes du plus français des labels new-yorkais, Sunnyside, après qu'un financement participatif a permis l'éclosion de la séance d'enregistrement.

Mais l'essentiel est ailleurs : dans une rage de partager un amour du jazz qui se révèle dans les nombreuses versions scatées de Coltrane, Bill Evans et consorts publiées sur Youtube ; et dans un désir profond de jazzer aujourd'hui en français sans négliger la prosodie de notre langue. Le résultat vaut le détour : belle voix agile, timbre qui touche, et textes qui font mouche le plus souvent. La qualité de l'objet tient aussi au trio qui l'accompagne : Olivier Hutman au piano, maître ès-balancement contagieux, et connaisseur érudit de cette musique ; Gildas Boclé, nourri Outre-Atlantique aux émois jazziques de première main ; et Antoine Paganotti, subtil pourvoyeur d'effractions douces dans le cours du chant. Après un tour de chauffe sur Empty Pockets de Herbie Hancock, habillé d'un texte sinueux sur l'art des pickpockets (Quoi de plus anodin), la chanteuse dérive en scat dans Course, magnifié d'harmonies en rerecording, et que l'on dirait inspiré par la course folle d'un certain À bout de souffle de Claude Nougaro. C'est au sublime Toulousain que l'on pense parfois, dans le goût des images, et l'aisance prosodique ; et à Mimi Perrin évidemment : on connaît de plus mauvaises influences.... Et à Nougaro encore que l'on songe en écoutant le mélancolique mais humoristique À la mer tume ( Nougaro chantait « Je lance une bouteille à la mer... Hic ! »). Très belles versions de The Peacocks (Cette nuit) et de Prelude to a kiss (Prélude), chaque fois ornés de textes sensibles et plus que pertinents. Scat encore, et brillant, dans Double face et Tatie Cardy, puis valse mélancolique inspirée par Erik Satie (Satiesque), point final d'un CD qui culmine peut-être en sa troisième plage avec une très belle adaptation d'Infant Eyes de Wayne Shorter. On peut juger que la qualité des textes n'est pas encore totalement homogène, mais un prochain disque infirmera probablement cette petite réserve.

Xavier Prévost

Camille Bertault et ses partenaires joueront le mardi 10 mai 2016, à 20h30, à Paris au Sunside. Et le 19 juin au festival de jazz de Maisons-Laffitte

Sur Youtube, My cat doesn't like trumpet , un scat sur Le Bleu d'Hortense d'Éric Le Lann

https://www.youtube.com/watch?v=6dwP0MdSDPg

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2 mai 2016 1 02 /05 /mai /2016 21:30
Le jazz selon les Obama (Barack et Michelle)

Les Obama « adorent » le jazz. C’est Michelle qui l’a dit le 30 avril en accueillant un plateau de rêve à la Maison Blanche pour la Journée internationale du jazz : Dee Dee Bridgewater, Aretha Franklin, Herbie Hancock, Terence Blanchard, Chick Corea, Esperanza Spalding, Wayne Shorter, Al Jarreau, Diana Krall, Pat Metheny, Bobby Watson.
"Ce soir nous transformons ce lieu en Blues House", a lancé le président américain en reprenant les propos de Dizzy Gillespie qui candidat à la présidence en 1964 avait déclaré : « Ma première décision en tant que Président sera de nommer la White House, Blues House ».
"Le jazz est peut-être la réflexion la plus honnête de ce que nous sommes comme nation. Parce que après tout, y-a-t-il eu jamais une plus grande improvisation que l’Amérique elle-même ?. » a souligné Barack Obama. Né à Honolulu, le président des Etats-Unis a évoqué son premier concert-donné par Dave Brubeck en 1971, auquel son père l’avait emmené, (« J’avais dix ans. J’étais scotché »).
Sur la même longueur d’ondes, Michelle Obama », née dans les quartiers sud de Chicago a rappelé qu’elle avait « grandi dans une famille de jazz ». "Chaque matin, mon grand-père démarrait la journée avec du jazz. Mon père était fou de jazz-à Noël on écoutait Miles Davis pour ouvrir les cadeaux et Charlie Parker pour célébrer un anniversaire. Et je me suis marié avec un homme qui adore aussi le jazz".
On peut consulter l’intégralité des déclarations de Barack et Michelle Obama sur le site officiel de la Maison Blanche. www.whitehouse.gov; Le concert a été diffusé le 30 avril sur la chaîne ABC.
Jean-Louis Lemarchand

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30 avril 2016 6 30 /04 /avril /2016 20:21
Le roi René, René Urtreger par Agnès Desarthe

Le roi René, René Urtreger par Agnès Desarthe
Ed.Odile Jacob. Avril 2016. 262 pages.21,90 euros.
Il dirigeait son trio (Pierre Michelot, basse, Christian Garros, batterie) qui en 1956 accompagnait lors d’une tournée européenne Lester Young et Miles Davis. Soixante ans plus tard, il participait à un septette de rêve (Texier, Goubert, Guillaume, Besson, Pedron, Laurent, Le Lann) pour les 60 ans (eh oui ! aussi) de l’Académie du Jazz le 8 février au Chatelet. Que s’est-il passé entre temps dans la vie de René Urtreger ? C’est ce parcours pas du tout académique qui nous est conté dans « Le roi René », ouvrage signé par l’essayiste Agnès Desarthe. Fruit d’une collaboration avec le pianiste, le livre évoque une vie tourmentée sur le plan professionnel et aussi personnel, sans céder au travers de l’hagiographie. En confiance avec son interlocutrice, René Urtreger se livre. Jacqueline Urtreger, son épouse, confie à Agnès Desarthe (p.244) : « Ce livre que tu écris, c’est comme un testament pour lui. Un message pour ceux qu’il aime, pour ceux qui l’aiment, mais aussi pour ceux qui ne l’aiment pas ».
On découvre cette jeunesse parisienne des années 40, ses jeux avec son cousin Georges Kiejman, sa fuite dans les Pyrénées, sa mère, Sarah, déportée (et qui ne reviendra pas), son retour à Paris, son échec au Conservatoire, son travail chez un tailleur trotskyste (boutonnières de manteaux pour dames). On retrouve une carrière d’exception, marquée par un succès précoce (avec comme symbole Ascenseur pour l’échafaud en 1957 (1)), une auto-destruction (excès en tous genres), une période yé-yé (dont il garde de bons souvenirs, notamment auprès de Claude François), un retour flamboyant, libéré de ses démons personnels, et une sérénité actuelle toujours empreinte de cette remise en question, marque des Grands du jazz. La lecture est facile, les anecdotes ne manquent pas mais on referme cette biographie avec le sentiment d’avoir approché de près un artiste dans ses joies, ses peines, ses doutes, un jazzman -il revendique l’appellation avec fierté- qui n’a jamais baissé les bras.
(1). La photographie de couverture signée Jean-Pierre Leloir présente René Urtreger le 4 décembre 1957 au Poste Parisien lors de l’enregistrement de la bande-son d’Ascenseur pour l’échafaud, de Louis Malle. L’original du cliché publié dans le livret du CD édité en 1988 par Fontana -Polygram, montre René debout aux côtés de Miles Davis, auteur de la musique du film, et de Barney Wilen, assis à la console du studio.

Jean-Louis Lemarchand

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26 avril 2016 2 26 /04 /avril /2016 20:34
FREDERIC CHAUDIERE : TRIBULATIONS D’UN STRADIVARIUS EN AMERIQUE

FREDERIC CHAUDIERE : TRIBULATIONS D’UN STRADIVARIUS EN AMERIQUE
Actes Sud - Babel
Juin, 2008 / 11,0 x 17,6 / 304 pages
Prix indicatif : 8, 70€
Par Yaël Angel

Frédéric Chaudière, luthier de renom à Montpellier et chroniqueur à Radio France nous conte l’histoire d’un chef-d’oeuvre à travers les âges : celui du violon Stradivarius dit « Gibson ». Commandé en 1713 à Antonio Stradivari par Philippe V d’Espagne mais refusé par l’émissaire de celui-ci en raison de sa couleur « troppo rosso », le violon va traverser 300 ans d’histoire. Une histoire chaotique et passionnante, qui commence, pour le lecteur, par le vol du violon dans les loges du Carneghie Hall. Nous sommes en 1936. Le « Gibson » appartient alors au célèbre violoniste Bronislaw Huberman, juif fuyant l’Europe nazie et fondateur de l’Orchestre Philarmonique d’Israël. C’est Julian Altman, jazzman névrotique en quête d’ascension sociale, qui est l’auteur du larcin. Julian Altman maquillera l’instrument au cirage noir pour en jouer contre un salaire de misère sur la scène des clubs de jazz bondés et enfumés, et lors de ses crises éthyliques, s’en servira comme cendrier et souffre-douleur. Ce vol, qui défraya la chronique à l’époque et donna lieu à des enquêtes de détectives privés, est l’occasion pour Frédéric Chaudière de faire un grand retour en arrière dans le temps pour nous raconter la vie de ce violon. Nous voilà plongés dans l’âge d’or de la lutherie de Cremone, en Italie, où officièrent notamment Antonio Stradivari et ses fils. Nous assistons à l’abattage des arbres, leur tri et leur tronçonnage en fonction de l’instrument à cordes souhaité. Dans les ateliers, on dessine, on coupe, on scie, on vernit, on colle, et le style de Frédéric Chaudière est tellement nourri de ses propres connaissances techniques sur ce sujet que les poussières et l’odeur des résines semblent parvenir jusqu’à nos narines. Nous suivons le violon qui pérégrine entre différentes mains, parfois celles de musiciens, parfois celles de collectionneurs, jusqu’à ce que Bronislaw Huberman en fasse l’acquisition pour se le faire voler à New York. Restitué plusieurs dizaines d’années plus tard contre hautes finances et en piteux état par la veuve de Julian Altman, le violon, dont la sonorité est restée magnifique, appartient aujourd’hui à Joshua Bell. Ce dernier l’enregistra pour la première fois sur son émouvant album « Romance of the Violin » (Sony Classical Records 2003). L’histoire de ce Stradivarius laisse imaginer celle d’autres instruments anciens qui, eux aussi, ont forcément eu leurs « tribulations ». Elle est touchante parce qu’elle ressemble à nos vies, faites de bonheurs et d’épreuves, et dont les aspérités rendent le son de « l’âme » encore plus vibrant.
Yael Angel

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26 avril 2016 2 26 /04 /avril /2016 16:40
SÉBASTIEN TEXIER QUARTET  « Dreamers »

Sébastien Texier (saxophone alto, clarinette, clarinette alto), Pierre Durand (guitare), Olivier Caudron (orgue) Guillaume Dommartin (batterie)

Enregistré à Rochefort en 2015

Cristal Records CR 240 / Harmonia Mundi

Après le quintette Toxic Parasites, et le CD éponyme publié en 2013, le saxophoniste-clarinettiste change d'instrumentation en conservant le même batteur. D'un trio qui associait originellement sax, orgue et batterie, surgit par l'adjonction d'une guitare une formule très marquée par l'histoire du jazz (Jimmy Smith, Brother Jack McDuff, Jimmy McGriff, mais manifestement aussi Larry Young). On est en effet dans un contexte d'effervescence, de groove et de cursivité qui entraîne les pieds et les neurones dans un désir de mouvement perpétuel. Des plages sur tempo rapide, qui cultivent le goût du vertige en mouvement, alternent avec des moments de mélancolie revendiquée, que ce soit aux clarinettes (Smooth Skin, Cape Cod ) ou au sax alto, avec un évidemment tropisme qui entraîne du côté d'Ornette Coleman (Dreaming with Ornette, Silent March ). Sébastien et ses partenaires assument ces bipolarités (groove/ballade ; passé/présent) avec une tranquille assurance, et un sens de l'engagement musical qui force le respect, et même l'admiration. Olivier Caudron, Pierre Durand et Guillaume Dommartin nous prouvent, s'il en était besoin, que les ambiances funky des années cinquante-soixante (Let's Roll ) n'ont aucun secret pour eux, même s'ils sont des musiciens d'aujourd'hui qui gardent les yeux rivés sur demain. Même chose pour Sébastien Texier, qui nous rappelle opportunément que l'amour du jazz englobe Lee Konitz autant d'Ornette Coleman, Phil Woods ou Joe Lovano : liste à compléter évidemment selon les inclinations de chacun....

Xavier Prévost

Extraits sur Youtube :

https://www.youtube.com/watch?v=_ZvBwRCUCtY

Le quartette jouera les 24-25 mai à Paris au Sunset

Le groupe jouera également le 6 mai au festival Jazz sous les pommiers de Coutances, en première partie du sextette « Sky Dancers » du contrebassiste Henri Texier, groupe auquel participe Sébastien Texier.

On retrouve aussi Sébastien Texier dans un enregistrement de concert avec Henri Texier, en quartette, en Allemagne et en 2015, qui vient d'être publié sur CD : chronique ci-après

SÉBASTIEN TEXIER QUARTET  « Dreamers »

HENRI TEXIER « Dakota Mab , European Jazz Legends vol. 5 »

Henri Texier (contrebasse), Sébastien Texier (saxophone alto, clarinette, clarinette alto), François Corneloup (saxophone baryton), Louis Moutin (batterie)

Gütersloh (Allemagne), 22 octobre 2015

Intuition INTCHR 71317 / Socadisc

Régulièrement le théâtre de Gütersloh (en Rhénanie du Nord-Westphalie), avec le concours de la revue Jazzthing et de la radio publique WDR de Cologne, organise des concerts qui mettent en valeurs ces musiciens européens qui ont forgé une identité spécifique de la musique de jazz sur notre continent. Henri Texier est du nombre (la série a également accueilli Enrico Pieranunzi, Alexander von Schlippenbach, Jasper Van't Hof....), et la publication de ce concert le rappelle opportunément. Le groupe est le « Hope Quartet », celui du disque « Live at L'Improviste », enregistré en 2012 et publié en 2014 par Label Bleu, mais avec quelques nouvelles compositions, dont le contrebassiste a donné des versions en sextette sur le tout récent « Sky Dancers » (Label Bleu / L'Autre distribution). Tout ça respire la chaleur inimitable d'une captation sur le vif, et si l'on aime Henri Texier, cette nouvelle publication nous devient indispensable. Les sept plages sont complétées par un entretien du contrebassiste, en anglais, avec Götz Bühler pour la radio WDR 3.

Xavier Prévost

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26 avril 2016 2 26 /04 /avril /2016 16:20

AUTOUR DE CHET
Collectif fat. Yael Naïm (vc,g), Hugh Coltman (vc), Eric Truffaz (tp), Charles Pasi (vc, hmca), Sandra Nkaké (vc), Airelle Besson (tp), Bojan Z (p), Ibeyi (vc, perc), Benjamin Biolay ( tp, eh oui !), Camelia Jordana (vc), Elodie Frégé (vc), Alex Tassel (tp), Rosemary Standley (vc), Stéphane Belmondo (tp), José James (vc, Piers Faccini (vc, g), Luca Aquino (tp).
Christophe Mink (cb), Pierre françois Dufour (cello, percus), Cyril Atef (dms)
Verve 2016

Clement Ducol n’est pas totalement un inconnu. Ce jeune musicien et arrangeur de talent avait déjà réalisé l’an passé un magnifique hommage à Nina Simone dans l’album « autour de Nina » qui réunissait plusieurs musiciens et chanteurs. Aujourd’hui il récidive avec une autre figure légendaire du jazz, celle de Chet Baker.
Et pour rendre un hommage au trompettiste de l’Oklahoma il lui fallait logiquement réunir les deux pôles de la musique de Chet Baker : le chant et la trompette.
Alors Clément Ducal réunit des chanteurs de la nouvelle génération venus de tous horizons. Et il ne les réunit pas seulement sur l’album. Ils les réunit tous ensemble en même temps dans la studio. Histoire de créer l’osmose. Car autour de la figure de Chet se réunissent ceux et celles qui furent influencés par le chant poignant de Chet dont la dramaturgie a été une véritable école pour un grand nombre. Les chanteurs qui composent cet album viennent du jazz (Hugh Coleman, Sandra Nkaké, José James) de la pop ( Rosemary Stanley chanteuse de Moriarty, Piers Faccini, Charles Pasi) ou encore de la chanson ( Yael Naïm, Elodie Frégé, Camélia Jordana). Tous et toutes sont des voix exceptionnelles et des interprètes inspiés et particulièrement soulful. Magnifiquement accompagnés par des trompettistes à la fibre bakerienne comme Eric Truffaz, Stéphane Belmondo ( qui vient de lui consacrer un album), Airelle Besson, Luca Aquino ou encore, et c’est plus surprenant Benjamin Biolay qui a pour l’occasion préféré l’embouchure à la voix.

Au final cet album de all-stars est superbement produit avec de associations qui confinent au génie comme celle de Sandra Nkaké avec le son crépusculaire d’Airelle Besson sur un Grey december de légende. On marche à fond lorsque la chanteuse franco-cubaine Ibeyi donne un sérieux coup de jeune à Moon and Sand ou lorsque la chanteuse de Moriarty ralentit le tempo à l’extrême sur un Let’s get lost qui confine au désespoir. Tout comme la voix absolument renversante de Camélia Jordan qui tire des larmes sur a Thrill is gone déchiré. Les arrangements, avec ou sans cordes sont magnifiques même si l’on pourrait regretter parfois la tonalité un peu mélodramatique flirtant avec pas mal de clichés autour de Chet Baker. Heureusement Hugh Coltman avec Eric Truffaz au sommet, y mettent un peu de rage ( Born to be blue), Charles Pasi (it could happen to you) emballe le tempo à l’harmonica dans un style plus bluesy et la très très pulpeuse Elodie Frégé affole les compteurs et son auditoire masculin sur un But not for me torride accompagné d’un Axel Tassel réincarnant littéralement Chet Baker dans la musicalité de son improvisation.

De bout en bout de cet album on est pris, on est séduits par ce travail d’orfèvre de Clement Ducol empreint d’amour pour son sujet autant que pour ses interprètes.
Et cet amour-là on vous le dit est aussi communicatif qu’émouvant.
Jean-Marc Gelin

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25 avril 2016 1 25 /04 /avril /2016 09:08
JULIAN LAGE  : «  Arclight »

Mack avenue 2016
Julian Lage (g), Scott Colley (cb), Kenny Wollesen (dms)


Je me souviens d’un jour au Cornelia Café à New-York où nous avions écouté le pianiste Dan Tepfer qui jouait alors avec un jeune guitariste que nous ne connaissions pas. Je suis sorti de là totalement fasciné par le jeu limpide et élégant de ce musicien à l’évidente humilité et dont j’appris plus tard en lisant sa biographie qu’il était un petit génie précoce de la six cordes, déjà repéré à l’âge de 8 ans. Aujourd’hui membre du groupe d’Eric Harland et du vibraphoniste Gary Burton, il joue avec les plus grands de la scène New-Yorkaise.
Et il joue et joue et joue encore comme si cela lui était aussi naturel que respirer. Comme s’il n’y avait rien d’exceptionnel là-dedans. Il joue comme s’il avait appris à tenir une guitare avant de savoir marcher.
Il signe aujourd’hui un album d’une fraîcheur remarquable. Sa sonorité étonne et ses inflexions un peu country semblent parfois sorties du répertoire d’un Bill Frisell ( Harlem blues), . Avec une volonté évidente de se démarquer des guitaristes d’aujourd’hui qui revendiquent leur filiation à Metheny ou à Rosenwinkell. Julian Lage déploie son propre langage. Il joue country on l’a dit mais dans le même temps très jazz ( Activate) avec une aisance et une agilité rare. Parfois il joue aussi avec un sens du picking très old school ( Persian rug) ou avec un sens du blues jouant élégamment avec les réverbes ( Nocturne). Il joue un peu free, un peu rock avec la même évidence. Dans chacune de ses notes, la même intention, la même intensité , le même charme. Il suffit écouter avec quelle classe il se promène sur ce standard, I’ll be seeing you !
11 petits morceaux courts enchaînés dans le même balancement léger de mélodies gracieuses (Presley) avec deux compères d’exception. Scott Colley gardien non seulement du temple rythmique mais affichant lui aussi un sens rare de l’assiste mélodique. Et le très zornien Kenny Wollesen au vibraphone et batterie qui quitte Marc Ribot pour donner à l’ensemble ce son doucereux du rêve éveillé.
Et c’est bien de cela dont il s’agit, d’un véritable groupe à la cohérence parfaite. Un ensemble en mouvement coordonné.

Cet album est un vrai bonbon. Une véritable sucrerie dans la production actuelle parfois si convenue.

Le jazz, c’est aussi cela !
Jean-Marc Gelin

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22 avril 2016 5 22 /04 /avril /2016 19:43
Michel Petrucciani, Both Worlds Live

Michel Petrucciani
Both Worlds Live, Michel Petrucciani(piano), Anthony Jackson (basse), Steve Gadd (batterie), Flavio Boltro (trompette), Stefano du Battista (saxophone alto et soprano), Denis Leloup (trombone), North Sea Jazz Festival (10 juillet 1998) CD+DVD. et en bonus Live with The Hague Philharmonic (15 septembre 1997) et duo avec Steve Gadd (Montreux 16 juillet 1998) .2CD et 1 DVD. Francis Dreyfus Music-BMG. Avril 2016.

De Michel Petrucciani disparu le 6 janvier 1999 à New York, les amateurs pensaient tout connaître. Tant sa production discographique fut abondante. Ceux qui avaient suivi son parcours fulgurant regrettaient tout de même l’absence de trace physique de cette symphonie entamée et jamais achevée.
Dans un entretien qu’il nous avait accordé au printemps 1997 (et publié dans Paroles de Jazz.Editions.Alter Ego.2014) le pianiste confiait : « Je voudrais m'attaquer à quelque chose de plus européen et faire une expérience avec un orchestre symphonique, sur ma propre composition. C'est une grosse machinerie d'écrire pour un grand orchestre symphonique. Aujourd'hui, je dispose déjà de 25 à 30 minutes de musique. Mais je suis patient. Je me suis fixé comme délai d'achever cette oeuvre pour l'an 2000 ».
Ces 25 minutes sortent aujourd’hui dans les bacs lors d’une captation effectuée à La Haye à la fin de l’été 1997 avec l’orchestre symphonique dirigé par Jurre Haanstra sur des arrangements de Anders Soldh (un élève de Michel Legrand). « En retrouvant l’original de cet enregistrement, j’ai eu l’émotion d’entendre ce que je cherchais depuis longtemps »,témoigne son fils, Alexandre. Michel Petrucciani a fait le choix de ne pas prendre de section rythmique et de se présenter seul face –ou plutôt avec-une grande formation. Grand admirateur d’Arturo Benedetti Michelangeli, le pianiste prodige témoigne d’une profondeur propre à séduire les plus exigeants amateurs de « grande musique ».
Le coffret réalisé sous la direction artistique de Franck Avitabile, dont le premier album fut produit par Petrucciani, exploite le patrimoine de Francis Dreyfus Music aujourd’hui intégré dans BMG. Il propose également un concert donné à cette même époque par un groupe ayant beaucoup tourné baptisé Both Worlds pour refléter sa composition européo-américaine. Percussion et séduction font ici bon ménage. Le visionnage du DVD permet de saisir le style de Michel : « Ce qui m’intéresse, c’est la manière dont il attaque les notes, quel angle de doigt il utilise pour quel type de son », analyse Franck Avitabile.
Plus de quinze ans après l’envol de Michel Petrucciani, cet ensemble de trois galettes nous donne à entendre toute la diversité de la palette d’un interprète qui faisait chanter son instrument quel que soit le format adopté. Laissons le dernier mot au pianiste Franck Avitabile : « Ce sont deux manières de faire du jazz qui suscitent deux types d’émotion différents ».
Jean-Louis Lemarchand

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