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25 septembre 2012 2 25 /09 /septembre /2012 21:26

 

ACT 2012  ( dist. Harlunia Mundi)

Yaron Herman (p), Logan Richardson (as), Emile Parisien (ts,ss), Stéphane Kerecki (cb), Ziv Ravitz (dm)

yaron-herman.jpg

Je fais partie de ceux qui tiennent cet album pour une étape majeure dans l’œuvre que le pianiste Yaron Herman poursuit depuis quelques années d’abord chez Laborie puis maintenant chez ACT. Bien qu’il s’en défende et affirme que cet album est un autre visage de lui-même, un « Alter ego », il marque à mon avis un vrai tournant dans sa carrière de pianiste compositeur, arrangeur et surtout dirigeant ici d’un exceptionnel quintet.

On ne saura d’abord que se réjouir de ces retrouvailles entre le pianiste et le contrebassiste Stéphane Kerecki compagnon de longue route mais que le parcours discographique de l’un comme de l’autre avait un peu éloignés. Leur entente, ici appuyée par les trésors et les perles magiques de Ziv Ravitz en font ici un trio de très très haute volée. La pulse grave et le battement frémissant. Mais l’autre coup de génie de cet album est aussi d’avoir associé deux saxophonistes immenses : Emile Parisien d’une part, jeune prodige de Marciac qui phagocyte avec autant de gourmandise que de talent inouï la scène du jazz  ( avec entre autres Daniel Humair, avec Jean-Paul Céléa ou encore avec son propre quartet),  et le saxophoniste américain exilé depuis peu dans notre capitale, Logan Richardson dont nous suivons (depuis « Cerebral Flow », son premier album chez Fresh Sound) le parcours de très très haute classe.

 

Vrai tournant dans la carrière du pianiste qui met là ses compositions au service d’autres interprètes que lui. Qui offre avec générosité des plages d’improvisations superbes.

Dès l’ouverture avec Atlas et Axis on entre dans un univers très personnel du pianiste auquel on aurait bien du mal à rattacher un autre modèle qui l’aurait précédé. Et le fait qu’il ne s’expose pas seul ou en trio, n’empêche pas Yaron Herman, de livrer ici un de ses albums les plus personnels. Oubliées les références explicites à Keith Jarrett (elles sont implicites). Oubliées les reprises pops ( elles sont implicites aussi) mais en revanche bien présentes et prégnantes, les racines culturelles qui effleurent ( sur Hatikva ou encore sur ce thème de Gideon Klein sublimement arrangé) et enfin plus que jamais la passion pour un certain classicisme ( on pense à Debussy ou Fauré sur Your eyes par exemple).

Comme toujours avec Yaron Herman la musique est dense, ensorceleuse, faite du syncrétisme de tout ce que l’on vient de citer. Une musique à la fois intelligente et sensorielle et qui respire avec une certaine urgence à être ( Mojo) ou à exprimer une forme de dramaturgie intérieure ( Heart break through). Et puis il y a des fulgurances, celles notamment de l’expression du son de Logan Richardson se jouant de la défragmentation du tempo (Madeleine) et, chez le saxophoniste cette façon de chercher et de fouiller les harmonies justes, la phrase juste ( Kaos).

Il est des albums qui parce qu’ils ont leur propre existence relèvent presque d’une certaine forme de philosophe. Celle de Yaron Herman groove terriblement, emballe tout, fait danser et respirer et d’une certaine manière nous appelle à l’intelligence des sens.

Jean-Marc Gelin

 

 

 

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21 septembre 2012 5 21 /09 /septembre /2012 12:46

Patrois.jpgArts et Spectacles

Cavajazz

C'est depuis le premier album "Il sogno di Diego" de David Patrois, paru en 2007, que je suis régulièrement son " Trio  + 2 ". Le 10 septembre dernier est sorti  un second album sobrement intitulé "Live".
Le quintet de David Patrois est un "groupe", véritablement vrai, l'un des plus solides et soudés musicalement et humainement dans l'hexagone. Le genre de groupe que l'on va écouter pour jouir à l'envi d'une musique éclatante qui le caractérise.
Rodé à la ligne directrice chère au leader, le trio+2 est aujourd'hui  un groupe majeur du jazz français par son niveau de jouerie et ses qualités musicales, sa structuration originale : pas de basse ni de piano et une distribution des rôles éclairée. Trois musiciens " tiennent la baraque " - ce sont les musiciens du trio à l'origine de ce quintet - " et les deux derniers colorient les pièces " dixit Patrois himself.  Ainsi, le tromboniste et conquiste Sébastien Llado et le guitariste Pierre Durand déploient des horizons fertiles aux rythmes improbables, aux ambiances décalés, s'entremêlent, se jettent la pierre, jonglent avec les notes et les anecdotes. David Patrois les qualifient d'  " aliens " dans le groupe… mais des aliens sympas et venus en paix.
Et le trio quant à lui, composé de David Patrois aux vibraphone et marimba, Jean Charles Richard aux saxophones et Luc Isenmann à la batterie, déroule un parterre musclé et poétique, spatial (" Hal 9000 "), africain sans excès, parfois étrangement chaloupé (le reggae à sept temps) et tellement évident (" Freedom Jazz Dance "). Ces cinq musiciens ne font pas partie des " institutionnels du jazz français " - et c'est tant mieux - mais comptent parmi les meilleurs praticiens de leurs instruments en France ; ils aiment jouer ensemble et le font en concert et sur ce disque.
L'album "Live", paru chez Arts et Spectacles, a été gravé à l'occasion d'un concert " normal " à la Cavajazz à Viviers (Ardèche). Pas de méprise avec ce propos ! C'est un concert de haut niveau, celui d'un groupe soudé, expérimenté et avec des idées, comme il y en existe peu sur la durée. Mais cette performance enregistrée n'est pas hors du commun pour le groupe : elle est habituelle et c'est ca qui est bon ! Tant le niveau du groupe et sa musique atteignent des sommets de créativité.
Le but est ici de marquer une empreinte, le genre de trace qu'on veut laisser pour dévoiler l'évolution profitable qu'a suivie la musique du premier album... Costaud, le trio + 2 de David Patrois est une vraie valeur montante du jazz français.

JG

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19 septembre 2012 3 19 /09 /septembre /2012 22:46

sunset-sunside.jpgPour sa 11ème édition, les trophées du Sunside sous la houlette d'un jury composé cette année de Gaetan Dupenher (Tempo111), Philippe Marchin (Photographe jazz), Guillaume Lagrée (journaliste) et Agnès Minetto (Responsable Technique Sunset-Sunside)

 a décerné son palmarès :

 

1er prix de groupe

NOT FORGET, THE PROJECT
Jean Rondeau – piano ; Virgile Lefebvre – saxophone ; Erwan Ricordeau – c.basse ; Aurélien Pasquet – batterie

http://www.facebook.com/media/set/?set=a.104618912990542.4934.104618512990582&type=3

not-forget-copie-1.jpg

 

2ème prix de groupe

CHARLOTTE WASSY QUINTET
Julien Lallier – piano ; Arnaud Dolmen – batterie ; Damian  Nueva – c.basse ; Irving Acao – saxophones ; Charlotte Wassy – vocal

 
1er prix de soliste : CHARLOTTE WASSY l vocal

 

 

 

2ème prix de soliste : GAUTHIER GARRIGUE l batterie



(NDR : un musicien à suivre absolument et qui commence sérieusement à faire parler de lui sur la place de Paris)
1er prix de composition

WEN Quartet
Carla Gaudré – saxophone soprane ; Xavier Gainche – piano ; Louise Navarro – c.basse ; Simon Portefaix – batterie, percussions


2ème prix de composition

NOT FORGET, THE PROJECT
Jean Rondeau – piano ; Virgile Lefebvre – saxophone ; Erwan Ricordeau – c.basse ; Aurélien Pasquet – batterie

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14 septembre 2012 5 14 /09 /septembre /2012 12:32

Le Mot et le Reste, collection Attitudes
422 pages, 26 euros

Bruford2009, Bill Bruford a soixante ans. Les temps changent, il ne prend plus son pied sur la route. L' a-t-il jamais pris d'ailleurs ? Après quarante ans d' une carrière dédiée à la musique et à la batterie, il décide de raccrocher et nous livre son autobiographie sans détour, une somme pas vraiment anecdotique. C'est la première fois qu'il nous est donné de suivre la vie (compliquée) d'un musicien célèbre, Bill Bruford s'expliquant sans langue de bois sur ses participations dans divers groupes : Yes, à ses débuts à 19 ans en 1968, King Crimson avec des sorties et retours sur 20 ans, son passage à Genesis quand Phil Colllins abandonna un temps les baguettes pour se mettre à chanter, mais aussi son aventure dans l'anarchique Gong, dans la " fournaise ardente " UK, sans oublier la création de ses propres groupes, Bruford puis le quartet de jazz moderniste Earthworks. Intéressant point de vue qui n'est pas celui d'un fan même érudit, mais d'un musicien au cœur de la tornade entre pop, rock et jazz. Comme le déclarait Miles Davis en 1969, Bill Bruford est obligé de " changer ", d'accepter " comme une malédiction " sa feuille de route. Bruford est un Anglais éduqué, de la classe moyenne de l'après guerre, qui plongea dans l'underground sans vraiment jamais réussir à choisir entre ces musiques : né en 1949, ses références sont jazz, ses batteurs préférés sont Max Roach et Art Blakey, la pop des Beatles et des Stones ne l'intéresse pas plus que cela. Comme il arrive au bon moment, il participe à la naissance du rock prog qu'il contribuera à développer. Travailleur acharné, scrupuleux, sans complaisance,  Bill Bruford décrit de l'intérieur la vie d'un groupe de rock progressif (il en donne une des meilleures définitions page139 ), les galères de la vie d'artiste, déjouant ainsi certaines idées reçues. On apprend beaucoup sur l'industrie du disque, les conditions d'enregistrement, les concerts et la vie en tournées, de la fin des années soixante aux années deux mille. Cupidité de managers et de producteurs plus que contestables, naïveté des musiciens qui se laissent déposséder de leur travail. Ses anciens compagnons, Ian Anderson, John Wetton, Robert Fripp, Phil Collins, Alan Holdsworth, Chris Squire, s'ils ne sont pas toujours épargnés, sont jugés sans trop exagérer le trait, avec humour même.
Le Mot et le Reste a réussi le tour de force, après le très complet Rock progressif d'Aymeric Leroy, expert en la matière, d'évoquer en deux livres King Crimson et Bill Bruford, l'une de ses principales figures. La traduction de Leroy est parfaite, avec juste ce qu'il faut de recul pour mettre en valeur  la construction en chapitres précis, aux titres attractifs, découpant ce parcours en épisodes savoureux que l'on lira à son rythme et selon son désir. Le dernier chapitre " Lâcher prise " pourrait se lire en premier, dévoilant ainsi le retour sans indulgence sur une vie pas si exceptionnelle et pourtant exaltante. Au moment du bilan, au delà des mirages du show business, cette introspection constitue une analyse rigoureuse d'un milieu controversé, passionnant pour l'amateur, désespérant pour l'artiste. Et fait la part des choses entre succès, célébrité et talent. Suivant une chronologie finement établie, la narration, sans être platement linéaire, suit cet univers rock en expansion dont les contours ne sont pas encore complètement connus. Un parcours rarement chaotique malgré certains repentirs, avec une ligne assumée de la part d'un musicien authentique qui a marqué de sa personnalité presque tous les albums qu'il a enregistrés. Bruford a su gérer sa carrière, sans tomber dans l'exaltation mystique de Yes, la sombre démesure de King Crimson. Sans aucun scandale, menant une vie familiale rangée,  c'est au fond un type très ordinaire … sauf qu'il a traversé l'histoire de la musique populaire des quarante dernières années, participé à quelques-uns des plus grands groupes, alors que les rock stars explosaient en vol …
Absolument indispensable, enlevé, percutant  et instructif !
NB : un index suffisant et une iconographie (photos, pochettes...) très bien insérée dans le texte.
Sophie Chambon

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14 septembre 2012 5 14 /09 /septembre /2012 12:29

paringaux.jpgIntroduction de Christophe Quillien
 Le Mot et le Reste/ Attitudes

Autre lecture incontournable en cette fin d'été, même pas hors sujet pour les DNJ, le recueil de chroniques de Philippe Paringaux, l'une des têtes pensantes de Rock and Folk, " la NRF de la contre-culture ", entre 1968 et 1973. Pourquoi ? Parce que fort étonnamment, Paringaux comme Koechlin, les deux timoniers du Rock & Folk historique,  étaient de vrais passionnés de jazz. Pour preuve, le premier numéro de la revue a paru en juillet 66, comme hors série de Jazz Hot.
Paringaux, voilà un type qui n'était pas sectaire, qui appréciait toute bonne musique, imprégnée de blues et qui pouvait écouter les Beatles à l'Olympia et Charlie Mingus à Wagram. Des types de cette génération qui entendirent  sans préjugé aucun, jazz, pop et rock, croyez moi c'est rare... capable d'apprécier autant In A Silent Way que Led Zep II. Un véritable éclectisme, au sens le plus noble du mot et non une dispersion brouillonne.  C'est un régal que de (re)découvrir les articles de PP qui témoignent du vrai désir d'écriture de celui qui a toujours manifesté un goût prononcé pour le roman et la littérature. Il aimait les mots, et écrire sur la musique relevait pour lui de l'exercice de style. Tout chroniqueur  devrait en prendre de la graine. La critique rock lui doit une fière chandelle.  "Jazz Magazine et les Cahiers du Cinéma possédaient une véritable écriture et une personnalité, ils étaient des " bibles " dans leur domaine respectif, et Rock and Folk s'est hissé à leur niveau, en écrivant sur le rock, considéré à l'époque comme une musique pauvre."
Il a formé malgré lui toute une génération de critiques qui ont su décrire, avec la plus grande liberté, la révolution musicale qu'ils avaient la chance de vivre, et développer les fondements d'une esthétique rock. Reportages, critiques sensibles, coups de cœur pas bidon ni trafiqués, Paringaux écrit sur Léo Ferré, Dylan, CSN&Y, le Buffalo Springfield, Montreux pop, Wight blues, Lou Reed, Larry Coryell, Zappa et The Mothers of  Invention, Johnny Winter, Jeff Beck et John Mayall , Pink Floyd, the Tony Williams Lifetime,  B.B King, Wayne Shorter, Tim Buckley, Charles Mingus , Sun Ra, The Who ... La liste n'est pas exhaustive tant cette période est bénie, favorisant l'éclosion de groupes talentueux. Il aime entourer les musiciens,  et c'est ainsi qu'il approchera Miles en 1970 à l'île de Wight qui lui confiera même sa trompette rouge.
Il y a aussi ses fameuses Bricoles, de véritables textes d'auteur au ton neuf...où il donne des nouvelles du petit monde du rock, parle de tout et de rien mais avec grand talent. Le reste est à découvrir dans ce recueil absolument passionnant qui devrait figurer dans toute bibliothèque d'amateur de rock, pop, jazz ou d'amoureux de la musique tout simplement. Paringaux a arrêté d'écrire sur le rock depuis longtemps, devenu ermite sur une île atlantique, il n'en a pas moins contribué à éveiller, à faire danser de nouveaux (in)fidèles,  prêts à écouter la musique plus que les experts. A en savoir moins, mais à se laisser guider par le plaisir et l'émotion, l'oreille et le coeur. Ce n'est donc pas une histoire du rock and roll, ni un cours magistral mais bien une série de portraits " chic et choc ", croqués au feeling, de figures élues parmi bien d'autres à venir ... Aujourd'hui, on relit l'histoire de cette musique,  de ces années où le temps est comme aboli, sans perspective ni recul. Un bonheur de lecture rare.
Autre particularité de ce livre : si ce sont ses textes qui sont repris et son nom d'auteur qui figure sur la couverture, Paringaux appréciant la maison d'édition Le mot et le Reste et se faisant volontiers traducteur au besoin, il n'a pas souhaité se prêter à la sélection de ses textes, corpus gigantesque d'un écrivain de musique prolifique, d'autant qu'il lui est arrivé parfois de rédiger la majeure partie du mensuel.

Sophie Chambon

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11 septembre 2012 2 11 /09 /septembre /2012 18:01

Miles de A à Z. Franck Bergerot. Editions Castor Astral. 412 pages. 24 euros.

 

 

Miles-de-a-a-z.jpgIl y aura 21 ans le 28 septembre, Miles Davis III, fils de Miles Davis II, rendait l’âme au St John’s Hospital de Santa Monica. Tout aura été dit sur Miles, une des rares stars du jazz. Du moins le néophyte pouvait le croire. La « brique » de Franck Bergerot, rédacteur en chef de Jazz Magazine-JazzMan apporte une masse d’informations et d’analyses qui regroupés sous la forme d’un abécédaire constitue un must pour tout amateur de jazz, de musique ou plus généralement tout honnête homme du XXIème siècle.
Connaisseur émérite du trompettiste, Franck Bergerot lui avait consacré en 1996 « Miles Davis, introduction à l’écoute du jazz moderne » (Editions Le Seuil), ouvrage qui analysait l’œuvre du musicien des années be-bop à l’époque hip-hop. Il avait à cette occasion procédé à une écoute de la totalité de l’œuvre enregistrée et connue alors. Ces « fiches », enrichies des œuvres diffusées depuis, forment une grande partie de « Miles de A à Z » et sont indispensables à qui veut écouter en connaissance de cause les centaines d’albums du trompettiste.  Un intérêt d’autant plus fort que chacun des sidemen de Miles a droit à une fiche détaillée de Julian « Cannonball » Adderley à Zucchero.
L’autre centre d’intérêt de ce dictionnaire de quelque 400 pages à la présentation aride mais à l’écriture claire réside dans la présentation de la vie privée de Miles. La lecture des rubriques Santé, Toxicomanie, Femmes, Domiciles, Automobiles, Racisme permet de brosser un  portrait sans concessions (mais sans voyeurisme) d’une véritable star. Collectionneur de voitures de sport (Ferrari, Lamborghini, Jaguar….), grand séducteur (pour ses idylles françaises, Juliette Gréco et Jeanne de Mirbeck, productrice et sœur de René Urtreger), toujours élégant (une tenue extravagante provoqua le commentaire de Francis Marmande : « entre le Prince de Hombourg et Achille Zavatta ») peintre à ses heures perdues, Miles était tout cela. Et pas seulement l’artiste qui avec sa franchise coutumière avait confié à une convive d’un dîner à la Maison Blanche avoir « changé cinq ou six fois le cours de la musique ». 
 
Jean-Louis Lemarchand

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8 septembre 2012 6 08 /09 /septembre /2012 10:24

 

Fresh Sound New Talent 2012

Vincent Bourgeyx (p), Pierre Boussaguet (cb), André Cecarelli (dms)

 vincent-bourgeyx-hip.jpg

Dans une interview menée par son frère, Bill Evans disait qu’il est primordial de « libérer la conscience pour se concentrer sur le développement créatif spontané »[1]. C’est certainement ce choix qu’à fait le talentueux pianiste Vincent Bourgeyx, lui qui déclare préférer s’occuper de sa musique plutôt que de se soucier de sa médiatisation. C’est ainsi que d’album en album, Vincent Bourgeyx tisse son œuvre.

 

Pour son dernier disque « Hip », sorti en mai 2012 chez le label Fresh Sound New Talent, Vincent Bourgeyx s’est associé à deux solides musiciens : le batteur André Ceccarelli et le contrebassiste Pierre Boussaguet. La participation de Pierre Boussaguet était - dit le pianiste - l’aboutissement naturel de dix années de collaboration sur la scène parisienne, tant en duo qu’en trio. Avec André Cecarelli ce fut un « coup de foudre ». Réunis en studio pour l’enregistrement d’un disque de Frédéric Couderc, l’entente tant humaine que musicale a été instantanée.

 

L’album reflète l’image duelle que le pianiste a de lui-même : un artiste partagé entre tradition et modernité, attiré aussi bien par l’interprétation des standards que par l’écriture de compositions. Bien sûr, cela peut déplaire à une certaine orthodoxie du jazz qui aime et réclame « l’unité ». Mais diversité ne veut pas forcément dire hétérogénéité. Et c’est bien ainsi que le pari de Vincent Bourgeyx est relevé. Car sa « patte » se retrouve au fil des morceaux même si ces derniers semblent appartenir à des mondes différents.

 

Dans un incessant balancement qui n’est pas du qu’au swing, l’album oscille entre ces deux versants de la musique du pianiste. Les compositions aussi bien que les arrangements sont d’une beauté parfois époustouflante. L’opus démarre en force par une version puissante et créative de « Daahoud », un morceau de Clifford Brown. Celui-ci et la très monkienne composition « Shoes Now » croient déjà placer le pianiste dans la catégorie « post be-bop » ! mais les compositions suivantes « For Françoise », « Renaissance » et « Zig Zag » nous plongent dans un autre univers de Vincent : un univers classique, romantique, empreint des mélodies de la fin du XIXe – début du XXe ; un autre visage de lui-même, comme un paysage qui défilerait et montrerait les deux versants d’une même colline. « For Françoise » est un hommage, nostalgique et poétique, à la mémoire de Françoise Hougue, la professeur de piano classique de Vincent, qui, dit-il, lui a « tout appris » de son instrument. La magnifique composition « Renaissance » est un cadeau d’amitié fait à Pierre Boussaguet qui a l’honneur d’en jouer la mélodie. Kafka’s Nightmare et Blue Forest, deux autres remarquables créations, sont comme une île entre deux eaux, entremêlant indistinctement ces deux facettes du pianiste. A noter également : un arrangement frais et original de Prelude to a Kiss, qui illustre encore une fois les talents d’arrangeur de Vincent Bourgeyx[2]. Ce dernier à déjoué la tradition de la potion langoureuse généralement administrée à ce morceau pour le transformer en une joyeuse danse où piano et contrebasse se répondent « fugueusement ».

 

Vincent Bourgeyx fera parler de lui avec ce dernier album dont on peut tirer plusieurs « singles », si tant est que ce terme s’applique à un album de jazz. Des titres riches, travaillés, que le public appréciera à l’écoute de l’album et dès que le nouveau trio se retrouvera sur une scène, ce que l’on souhaite pour très bientôt. En attendant, Vincent Bourgeyx sera en tournée en Allemagne du 16 au 27 octobre avec le groupe du saxophoniste Ed Kroger.

 

Yaël Angel

Vincent-Bourgeyx-Trio-Hip.jpg 

Site internet de Vincent Bourgeyx : vincentbourgeyx.net
Vincent Bourgeyx sur Facebook : https://www.facebook.com/vincent.bourgeyx
Discographie chronologique de Vincent Bourgeyx (en tant que leader)

 

Introduction (2003 – Utica Records)

Un Ange qui Ricane (2007 – Cristal Records)

Again (2008 – Fresh Sound New Talent)

Hip (2012 – Fresh Sound New Talent)


[1] « Freeing the conscious to concentrate on spontaneous creative development ».

 

[2] Qui a d’ailleurs été missionné par le vocaliste Marc Thomas pour écrire les arrangements de son album « Shining Hours ».

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5 septembre 2012 3 05 /09 /septembre /2012 22:44

IGLOO-ACT.jpgAct Big Band
Guests Joe Lovano and John Ruocco
1987
Igloo Jazz classics (Réédition 2012)

A l’occasion du vingtième anniversaire du label belge Igloo records, voilà deux rééditions bienvenues,  remixées et remastérisées qui combleront les amateurs nostalgiques des big bands et de la chanteuse Maurane à ses débuts. Le caractère commun  entre ces deux albums réside peut-être dans l’intemporalité de la musique qu’ils développent. On découvre la Maurane de ses débuts, constatant avec étonnement que peu de choses ont changé dans sa façon d’utiliser sa voix. Les musiciens qui l’accompagnent jouent des « chansons » adaptées en  jazz de chambre dont certaines sont devenues des succès populaires en Belgique. Quant au jazz de big band, il garde intact la fraîcheur d’une forme et d’un répertoire inscrits dans la tradition.
Commençons d‘abord par Extrêmes, un des quatre albums enregistrés entre 1980 et 1996 par un big band soudé, dirigé par le batteur Félix Simtaine  en compagnie du pianiste compositeur /arrangeur Michel Herr,  avec des guests stars comme les saxophonistes ténors Joe Lovano et John Ruocco .
Cet enregistrement de1986 est l’écrin de commandes passées à Francy Boland  « Omnitonic », Michel Herr (« Pentaprism », « Extremes »), Arnoult Massart (Re), Jean Warland (« Rough Business » et le formidable final « Rough Stuff »). On entend aussi un swing véritablement moderne dans cet « Easy Fucksong » du trompettiste /arrangeur Bert Joris. Beaucoup de talents réunis pour présenter un univers original, dans un joyeux brassage des âges et des cultures : à l’instar de l’ONJ en France, créé en 1986 à l’initiative de Jack Lang, on comprend que cette formation était des plus passionnantes à l’époque. Eh oui, il faut déjà se reporter à ce passé proche des années quatre vingt. Avec une pensée émue en entendant sur le deuxième thème « Omnitonic » le  talentueux violoniste Jean Pierre Catoul, disparu prématurément. On écoutera aussi les improvisations superbes de Lovano sur « Extremes » et « In a sentimental mood », John Ruocco intervenant sur  « Re ». La Belgique a encore de nos jours de beaux et grands formats, toute une génération prête à en découdre, malgré les difficultés de ce type d’entreprise, avec des musiciens qui savent faire de la musique en nombre, la liberté de chacun s’exprimant collectivement. A l’écoute de cet enregistrement, on mesure la richesse et la vitalité d’une forme d’expression qui n’a cessé de se renouveler, prolongeant avec bonheur un jazz majuscule.

IGLOO-HLM.jpgHLM
Houben Loos Maurane
1986.
Quant au deuxième album, HLM,  il nous fait découvrir le travail de deux duos indépendants  qui se regroupent en un trio Houben/ Loos/ Maurane, dans une dynamique qui fonctionne à merveille. Le pianiste Charles Loos est la pierre angulaire de ce trio de jazz de chambre, ayant travaillé avec la jeune chanteuse et avec le saxophoniste flûtiste Steve Houben (père du trompettiste Greg Houben). Assurément, Maurane demeure un mystère : devenue une vedette de variétés depuis, sans pouvoir nier son attachement au jazz, elle se défend cependant d’une réelle appartenance. Et pourtant, depuis ses débuts, elle n’a guère changé.  Quand on écoute par exemple « Overloos », une de ses compositions, en duo avec le pianiste, impossible de dater cette prise. Elle était déjà proche de Nougaro (« Morceau en forme de Nougarose »). Aujourd’hui, elle se sert toujours de sa voix comme d’un instrument mais au lieu de scater, comme dans « Potion magique » ou « Savapapapa », elle chante des textes originaux dans une variété « world ». 
A remarquer le bonus heureusement intégré (issu du LP Comptines) qui permet avec « Les Chevilles de Valéry » de terminer l’album sur un exemple d’accord parfait entre le rythme de Loos et la mélodie de Houben.
Sophie Chambon

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4 septembre 2012 2 04 /09 /septembre /2012 07:26

 

En ces temps de rentrée, deux disques sortent à quelques jours d’intervalles, avec aux baguettes notre génial et helvétique batteur. Deux albums aux esthétiques totalement différentes et deux occasions d’y entendre le drive toujours incroyable de Daniel Humair.

 

 

NICOLAS FOLMER & DANIEL HUMAIR PROJECT : «  Light s»

Nicolas Folmer (tp), Alfio Origlio (p), Daniel Humair (dm), Laurent vernerey (cb)

Cristal Records 2012

 folmer-humair.jpg

 

Avec le trompettiste Nicolas Folmer ( l’album est sous son nom) , l’association née au travers de plusieurs concerts donnés au Duc des Lombards est assez surprenante. L’esthétique des deux musiciens est en effet assez éloignée l’une de l’autre même si au final il y a le goût du jazz et du swing comme commun dénominateur. Chacun y joue alors sur son propre terrain. Chacun dans une logique qui pourrait être propre au contraste fécond. En liaison des deux, un (trop rare) Alfio  Origlio remarquable y assume un rôle de pianiste de transition. Les compositions, apportées essentiellement par Folmer et Humair sont tirées de leurs précédents répertoires. C’est dire que cette rencontre n’a pas donné lieu à la création ex-nihilo d’un projet, ce qui, en soit est tout de même un peu dommage.

Cette rencontre-là qui suppose beaucoup d’écoute de la part de chacun des protagonistes, nous laisse un peu sur notre faim même si l’on sent bien que le quartet pourrait fusionner dans de beaux moments de groove ( sur Attrape-moi si tu peux, thème composé par Folmer pour un précédent album, où l’on sent que la machine pourrait bien s’envoler et nous embarquer).

Mais l’ensemble donne quand même l’impression d’une union un peu contre-nature de deux grands musiciens  chacun soucieux de définir avec beaucoup de respect pour l’autre un espace musical qu’ils doivent partager pour les besoins de la cause.

Sans chercher à surprendre, l’album reste agréable mais semble néanmoins très encadré sans jamais réellement sortir d’une sorte de round d’observation.

 

 

 

DANIEL HUMAIR QUARTET : «  Sweet & sour »

Emile Parisien (ss, ts), Vincent Peirani (acc), Jérôme Regard (cb), Daniel Humair (dm)

 daniel-humair-quartet.jpg

Rien d’équivalent en revanche avec le premier album du batteur pour le label Laborie Jazz.

Pour le coup marqué d’un vrai projet musical, d’une rencontre explosive entre 4 musiciens de très grand talent et surtout d’une énergie partagée que l’on sent capable de dynamiter toutes les frontières. Là où nous restions sur des sentiers très battus dans l’album du trompettiste nous sommes ici dans le large champ des possibles. Là où tout peut arriver. Où le blues prend des allures de free dans un esprit mutin que ne dédaignerait pas Ornette Coleman ( Care 4, Shubertauster). C’est foisonnant. L’invention est au bout de chaque note. Sous le drumming énergique et éblouissant de Daniel Humair et la pulse de Jérôme Regard, ça fourmille, ça change de rythme, ça accélère, ça ralentit comme sur des montagnes russes. Et les manèges ici enchantés (7A3) emportent le tourbillon et se dérèglent gentiment.

Emile Parisien, que l’on a le plaisir d’entendre aussi au ténor, crée avec Vincent Peirani   un véritable son et un univers à nul autre pareil. L’association soprano /accordéon est un coup de génie. La musique vit, vibre, vibrione d’une force tellurique irrésistible. Emile Parisien reste celui que l’on connait, torrentiel et fougueux, soucieux d’exploser les lignes. Il trouve en Vincent Peirani une réplique formidable. Rarement d’autres accordéonistes ont manié la science de l’improvisation avec autant d’esprit « free » dans le geste autant que dans l’intention, avec une science rare de l’harmonie « jazz ».

La rythmique est exceptionnelle. Là encore Humair, sensationnel. Au sens propre du terme. Au sens de celui qui éveille le sens par son drumming riche et toujours varié, jamais encadré, totalement libre. Il trouve avec Jérôme Regard  un partenaire à l’écoute. Il faut l’entendre sur un thème comme Schubertauster où le blues palpite, où le beat lent s’accélère.

Ce groupe qui avait fait le bonheur des spectateurs du Paris Jazz festival à Vincennes durant l’été (http://www.lesdnj.com/article-la-belle-ouverture-de-daniel-humair-106681107.html) nous revient avec cet album qui marque assurément la rentrée musicale. Ceux qui étaient au Parc Floral retrouverons assurément le charme et l’intensité de cette musique étonnante où l’invention le dispute à l’inventivité et où 4 grands musiciens, génies de l’improvisation se jettent à corps perdus dans la musique en général  et le jazz en particulier avec le même souci de cohérence. Jubilatoire

 

Jean-Marc Gelin

 

http://jazz.abeillemusique.com/CD/Jazz-Blues/LJ19/0810473014158/Laborie-Jazz/Daniel-Humair-Quartet/Sweet--Sour/cleart-61823.html

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27 août 2012 1 27 /08 /août /2012 20:49


candini-on-the-other-side.jpgPiano Solo Improvisations
Instant Present 101

Tout ce qui peut être imaginé est réel. (Pablo Picasso)

Voilà un autre côté pour le moins original, un solo de piano, passage obligé des instrumentistes et des pianistes en particulier que réalise le jeune Alessandro Candini, de formation classique, tombé dans le contemporain et le jazz récemment. Mais avec suffisamment de recul et d’intensité pour vouloir ne faire que cela… pleinement. Et  assumer les risques d’une improvisation folle. Des petites pièces pas si faciles en apparence, au total 12, composent cet album providentiel d’un pianiste qui aime se frotter à tous les genres, styles et techniques. Au studio de La Buissonne, on peut imaginer que, galvanisé par le lieu, il se soit ensuite livré au travail solitaire et plus ingrat de l’auto-portrait, à l’enivrante aventure de l’improvisation.
Dans cet exercice de style, variant les nuances et atmosphères de l’instrument, il fait se croiser mystères, instantanés et aussi exigences d’une personnalité musicale à découvrir, laissant aller son imaginaire et faisant entendre un piano puissant, résolu. On entend en fait une suite sauvage, dérangeante, abrupte, composée dans l’improvision . Ce n’est  pas l’art du clavier en une dizaine de leçons qui est proposé, la position de soliste s’avère dangereuse à garder de façon satisfaisante :  Alessandro Candini explore les possibilités de l’instrument tout en affirmant la dimension narrative, émotionnelle, jusqu’au vertige : des motifs répétés à l’infini jusqu’au trouble et au dérapage, des ponctuations assénes plus ou moins fortement, des changement de rythmes avec des coupures nettes, des accélérations jusqu’à la série de cris qui clôt ce développement structuré.
On s’engage dans un labyrinthe des passions, de l’imaginaire qui suit le chemin que trace la pochette au design parfait, en totale adéquation avec l’esthétique de la musique. De même le texte des « liner notes » est absolument essentiel pour comprendre comment s’imbriquent les titres en un itinéraire selon une architecture baroque à la Escher.
Cette performance mériterait d’être suivie en live, mais on peut découvrir avec l’album la teneur de cette aventure où il est question de moment poétique. Et l’on s‘interroge alors sur la maîtrise à ce niveau d'intensité . Peu de silence, l’appréhension d’un certain vide qui demeure musique, semble lui faire plus peur encore que le déploiement fou de pièces vibrantes et enlevées, avec d’autres aux cadences à peine moins rapides. Il  laisse des formes ouvertes suffisamment libres, donnant un quasi-récital, sans prononcer un mot ou un soupir, sauf dans le final, où il s’autorise des cris. A t-il traversé le miroir ? Pour le savoir, écoutez l’histoire de ce solo…

Sophie Chambon

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