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20 novembre 2019 3 20 /11 /novembre /2019 21:03

Le festival s'est terminé le samedi 16 novembre. Jean-Marc Gélin vous a parlé de la journée du 15 dans une toute récente chronique (ici). Reprenons le fil là j'avais abandonné mon précédent compte-rendu (lequel se trouve là).

La journée du 12 novembre avait commencé vers midi dans la petite salle de La Maison (….de la cuture) avec 'Cluster table', un duo de percussions qui associe Sylvain Lemêtre et Benjamin Flament, face à deux tables en vis-à-vis couvertes d'une nuée d'instruments et d'objets : impressionnant d'invention, de précision, de liberté et de vie.

Puis ce fut à 18h30, au même endroit, le trio du pianiste Damien Groleau, un jeune musicien de Besançon entouré de Sylvain Dubrez ert Nicolas Grupp : des compositions originales, une reprise de Bill Evans, le terrain de jeu d'un musicien qui a publié son troisème disque et trouve ses marques en se frottant aux grandes scènes. Work in progress, comme on dit en bon franglais.

Au théâtre municipal la soirée accueille 'Le Cri du Caire', du poète-chanteur-slammeur-compositeur Abdullah Miniawy. Très belle présence, des textes de lyrisme et de combat dont la traduction à deux moments nous est donnée en voix off. Forte intensité, soutenue par la trompette d'Éric Truffaz, le saxophone de Peter Corser et le violoncelle de Karsten Hochapfel. Moment fort assurément, qui marquera la mémoire des présents.

Le lendemain 13 novembre, le concert de la mi-journée se donnait au théâtre avec la chanteuse-accordéoniste Erika Stucky. Lieu idéal, car autant que de musique il s'agissait d'un spectacle intitulé 'Ping-Pong', une sorte de théâtre musical plein de vie et de fantaisie. Son partenaire Knut Jensen, à l'interface électronique, avec renfort d'un petit clavier et d'un ukulélé, est plus qu'un faire valoir : le révélateur des fantaisies et autres folies. Le jazz et le yodel des Alpes suisses se mêlent à mille et une fantaisies visuelles, à des récits drolatiques et à une chaleureuse communication avec le public : réjouissant, et très musical.

À 18h30, retour à al petite salle de La Maison (…. de la culture) pour un quintette emmené par le clarinettiste-saxophoniste Clément Gibert. C'est un groupe de l'ARFI de Lyon (Association à la Recherche d'un Folklore Imaginaire) qui se propose de revisiter la musique d'Eric Dolphy sous le titre mystérieux d'InDOLPHYlités. Il s'agit en fait d'un hommage sans dévotion, d'un amour sans servitude. Jouer la musique du disque «Out to Lunch», avec un amour dont la liberté tolère l'infidélité pertinente, le détour complice. Le batteur est un historique de l'ARFI, Christian Rollet. Il est entouré d'une jeune génération, avec la vibraphoniste Mélissa Acchiardi, le trompettiste Guillaume Grenard, et le contrebassiste Christophe Gauvert : très belle réussite que cette création, que l'on espère réentendre et sur scène et sur disque.

Migration le soir vers le Théâtre municipal pour écouter à 21h le trio du pianiste Shai Maestro (avec Jorge Roeder et Ofri Nehemya). Beaucoup d'effets de dynamique, de tourneries obsédantes, et finalement assez peu de véritable engagement sans arrière-pensées fédératrices.... mais il y eut quand même, çà et là, quelques beaux moments de musique.

Le 14 novembre commença pour nous autour de midi dans la petite salle de La Maison (…. de la culture) avec un duo qui conjugue à merveille virtuosité, sophistication musicale et lyrisme palpable, direct, qui touche au but sans flagorner ni racoler. Christophe Monniot, aux saxophones, et Didier Ithursarry, à l'accordéon, sont deux sorciers de l'émoi et de l'intensité musicale. Le disque «Hymnes à l'amour» (ONJ Records / l'autre distribution) en apportait la preuve éclatante. Il est dommage que les scènes des festivals les fassent si peu entendre.

Le même jour au Théâtre municipal, en fin d'après-midi, Géraldine Laurent présentait son quartette, avec Baptiste Trotignon qui remplaçait Paul Lay, retenu auprès d'Éric Le Lann par un engagement antérieur, et les partenaires habituels : Yoni Zelnik à la contrebasse et Donald Kontomanou à la batterie. Engagement musical, imagination, absolue cohérence dans le discours musical, même à l'instant le plus enflammé : formidable !

Et le soir dans la grande salle de La Maison (…. de la culture), le Trio Orbit : Stéphan Oliva, Sébastien Boisseau & Tom Rainey : délicat et intense, dans un trilogue permanent qui force l'admiration.

Puis en fin de soirée l'Orchestre National de Jazz dans son programme autour d'Ornette Coleman et de sa galaxie (Dolphy, Julius Hemphill, Tim Berne....) : dans des arrangements de Fred Pallem et sous la direction de Frédéric Maurin, un feu d'artifice d'envolées audacieuses et de solistes percutant(e)s.

Pour le lendemain 15 novembre, c'est l'ami Jean-Marc Gélin qui vous conte la journée (en suivant ce lien).

 

Et enfin le 16 novembre, pour le bouquet final, nous avons écouté le midi à la Maison (…. de la culture) le trio NES de la chanteuse-violoncelliste Nesrine Belmokh : textes fervents, en anglais, arabe et français, dans des univers musicaux pluriels, soutenus par Matthieu Saglio au violoncelle et David Gadea aux percussions. Encore une belle découverte. En fin d'après-midi, dans l'espace café-concert du même lieu, nous avons découvert un jeune quintette de la région, Les Snoopies (4 sax et une batterie) : un groupe plus que prometteur.

Et le soir, dans la grande salle, d'abord André Minvielle & Papanosh (Quentin Ghomari, Raphaël Quenehen, Thibault Cellier & Jérémie Piazza). Ils ont rendu un hommage décoiffant, joyeux et musical à Jacques Prévert.

©Maxim François

Pour conclure ce fut, très attendue, la chanteuse Youn Sun Nah, en trio avec Tomek Miernowski et Rémi Vignolo, deux poly-instrumentistes qui lui ont offert un écrin pour toutes les facettes de son récital : country, pop sophistiquée, rock parfois explosif, chanson française, espagnolades. Un vrai show, presque 'variété internationale de haut niveau', mais avec quand même de vrais moments d'émotion(s).

Xavier Prévost

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19 novembre 2019 2 19 /11 /novembre /2019 09:32

Yakir Arbib (piano solo)

Meudon, 21juin, 5 & 17 juillet 2019

JMS 114-2 / Pias

 

Un nouveau venu trentenaire, israélo-italien, qui surgit dans le paysage jazzo-pianistique avec éclat. Le disque commence par I Got Rythm et I'm confessin (à la Fats Waller plus qu'à la Art Tatum). Suit Caravan avec une intro à l'orientale, un exposé énergique, et une main gauche qui trace une pulsation forte. Il y a aussi des compositions personnelles sur le mode 'ballade mélancolique'. L'indispensable détour par des thèmes Charlie Parker, avec fragmentation virtuose et improvisation étincelante. Et également un Cherokee qui me rappelle qu'en 1956, les version de solo de Martial Solal et Phineas Newborn méritaient, pour l'époque, leur pesant de transgression. Du très beau piano, assurément, de bout en bout. Manque à mon goût (pervers j'en conviens....) des incartades esthétiques, ce petit supplément d'audace, de fantaisie et de folles surprises que j'entends chez Jean-Michel Pilc (notamment quand il est en duo de pianos avec Martial Solal), chez Stefano Bollani, ou même chez Marc Benham (qui partage avec Yakir Arbib de surgir tardivement, et avec éclat, dans la jazzosphère, en mêlant attachement à la tradition et goût du risque). Sur Giant Steps Dan Tepfer, voici plus de 15 ans (il avait tout juste vingt ans) m'avait davantage étonné. Bref le disque de Yakir Arbib est un très très bon disque de piano-jazz, ça c'est sûr. J'ai lu ou entendu, ici ou là, que c'était le disque de l'année : c'est un peu excessif. Selon une formule vieille comme le moyen-âge, et qui plaît tant aux politiciens et commentateurs «il faut savoir raison garder».

Xavier Prévost

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19 novembre 2019 2 19 /11 /novembre /2019 00:01

THE BIG LOVE : Vie et mort avec Bill Evans
Laurie Verchomin
Jazz & Cie
135 p
19,90 euros
 

Laurie Verchomin est la femme qui a partagé les dernières années de la vie de Bill Evans et qui, longtemps après la mort du pianiste, raconte aujourd'hui une brève histoire d'amour, la leur.
Près de 40 ans se sont écoulés et Laurie depuis a dû vivre depuis sa vie de femme. Mais la trace laissée dans sa vie par le pianiste, génie tourmenté s'il en est, est restée, on s'en doute indélébile.
Laurie Verchomin raconte le souvenir de ces quelques années où elle a pu partager sa vie avec lui. 30 ans les séparent. Mais ils se trouvent. Et l'auteure dit avec honnêteté qu'elle n'est pas toujours très sure aujourd'hui de ses propres souvenirs et admet qu'elle s'accorde la licence de broder un peu.
Mais durant toutes ces années, elle a écrit Laurie et a gardé ses quelques notes prises dans son carnet intime.
Et ce que dit ce livre est juste une histoire d'amour. Sans jamais aucun pathos, Laurie Verchomin touche au coeur et émeut. Chaque ligne est d'une confondante simplicité. Sans aucune niaiserie.
Ces lignes viennent du fond de l'âme et sont marquées d'une incroyable poésie sur lesquelles passe l'ombre fantomatique du pianiste qui semble flotter au dessus de sa propre vie.
Touchant, ce livre se présente  dans un format original et est accompagné de 4 titres inédits présentés (c'est un peu dommage) sous forme d'un 45tours.

Bill vient de mourir. Laurie se trouve à l’hôpital et voit le corps du pianiste. Sur son carnet, elle écrit ces lignes :
« Bill flotte sans effort au-dessus de son corps allongé sur la table de la salle d’urgence. Les ampoules fluorescentes ont cessé de lutter contre le souffle agonisant de son corps physique.
A présent, nous sommes en union. Bill m’observe assise dans la salle d’attente m’agrippant à sa veste tâche de sang. Il me suit à la salle de bains où il m’aide à vider ce qu’il reste de sa réserve personnelle de cocaïne - à peine un gramme - dans la poubelle.
Il m’encourage à noter mes impressions du moment - à prolonger ce moment pour l’éternité. Il se tient debout entre nos vies - y réant une ouverture à mon intention. Sans jamais m’abandonner - il m’encourage gentiment.
J’apercois le vide qui l’entoure et je souhaite de tout coeur aller le rejoindre et partager so bonheur. Ce qui m’est refusé en raison de la jeunesse de on corps et de la tache inachevée.
Je reste en retrait pour me réapproprier  notre amour parfait dans cette chambre que j’ai créée dans mon coeur (5/4). Cette pulsion arythmique qui me transporte jusqu’au bar.
Nul ne connaît ce rythme intérieur bien spécial que je porte en moi désormais. C’est notre secret.
Notre amour parfait - que nul ne peut atteindre. il est nôtre pour l’éternité.
Nous sommes imbriqués l’un dans l’autre, enchainés par l’amour, la mort et le sang.
Bill se remémore sa vie, ses récits inondants sa conscience en pleine évolution et déferlant sans interruption vers un entendement. Les croyances se désintègrent et les récits se transforment en couleurs puis en musique et, finalement, l’intime compréhension qu’il a tenté d’atteindre pour qu’il puisse en rire.
La perfection, la beauté, l’illumination. Il redevient lui-même. »

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18 novembre 2019 1 18 /11 /novembre /2019 10:35

Film de Sophie Huber. Eagle Vision - Universal. Disponible en DVD et Blue-ray.

 

Alfred Lion « ne m’a jamais mis la pression », témoigne Herbie Hancock. C’était l’esprit de Blue Note résumé par une de ses signatures les plus illustres.
Dans le film documentaire consacré au label prestigieux à l’occasion de ses 80 ans, les jazzmen se plaisent à mettre en exergue cette liberté d’expression. Co-fondateur de la maison de disques le 25 mars 1939 à New York avec un écrivain, Max Margulis, et un poète, Emmanuel Eisenberg, Alfred Lion sera rejoint quelques mois plus tard par un camarade de jeunesse également berlinois et juif, Francis Wolff. Le duo Lion-Wolff prit totalement les rênes en 1940, en rachetant les parts de Margulis tandis qu’Eisenberg disparaissait dans un accident d’avion.  


L’aventure de Blue Note doit aussi beaucoup à deux hommes, Reid Miles, graphiste qui donna un style aux pochettes des albums, et Rudy Van Gelder, ingénieur du son, qui créa son propre studio d’enregistrement.
Les grandes heures du label -qui furent l’objet d’une passionnante somme écrite en 2014*- sont évoquées sur un rythme soutenu par la documentariste Sophie Huber. La cinéaste donne ainsi à voir sur scène et en studio Thelonious Monk, Miles Davis, Art Blakey et à entendre les témoignages d’Herbie Hancock, Wayne Shorter avec une mention spéciale pour Lou Donaldson, nonagénaire facétieux et volubile.
Patron depuis 2012 de Blue Note -désormais dans le giron d’Universal Music- Don Was entend inscrire sa ligne éditoriale dans l’esprit innovateur de ses fondateurs. Le hip-hop a droit de cité chez Blue Note comme fut dans les années 40 le be-bop -Monk y fit ses débuts- et la décennie suivante le hard bop et les expressions les plus modernistes portées par Eric Dolphy, Andrew Hill et autres Grachan Moncur III. Cette filiation est soulignée par des artistes-clés actuels de Blue Note, Robert Glasper et Ambrose Akinmusire. C’est l’un des enseignements majeurs de ce documentaire hautement recommandé.


Jean-Louis Lemarchand

 

'Blue Note Records: Beyond the Notes' by Sophie Huber :
https://www.youtube.com/watch?v=6D0uVDnCOR4&t=1s


Le Blue Note Festival se tiendra à Paris du 25 au 30 novembre avec notamment Madeleine Peyroux et Sarah McCoy au Trianon (25), J.S.Ondara à l’Elysée Montmartre (27), Gregory Porter à  l’Olympia (28).


*’Blue Note, le meilleur du jazz depuis 1939’. Richard Havers, traduction Christian Gauffre. 416 pages, 450 photos et fac-similés. 2014. Editions Textuel.

 

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17 novembre 2019 7 17 /11 /novembre /2019 17:44

Avant dernière soirée du festival pour sa 33ème édition et ….programmation de rêve.

 

 

Pour démarrer cette soirée à 18h ce n’était ni plus ni moins qu’un trio de très haute volée avec Joe Lovano au sax, Marilyn Crispell au piano et Carmen Castaldi aux drums qui se produisait sur la petite scène du Théâtre dans une ambiance très intimiste de soirée d’automne pour y écouter ce qui pourrait presque s’apparenter à une musique de chambre. Car le trio Tapestry ( chronique dans les DNJ  http://lesdnj.over-blog.com/2019/02/joe-lovano-trio-tapestry.html ) est une musique d’écoute et presque de méditation. Une musique exigeante qui demande au public l’effort d’y entrer et de s’en imprégner.

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@Maxim François

Et ce concert, retransmis en direct sur les ondes de France Musique a été un moment rare d’échange entre trois musiciens orientés vers le même but, respirant d’une même voix, façonnant le son ensemble entre lignes écrites et improvisations atonales. Le partage de l’espace entre Lovano et Crispell se faisait alors sous la houlette d’un Carmen Castaldi exceptionnel tant il apportait la couleur le liant à l’ensemble.

 

Sorti de ce concert, c’était dans un état proche de la transcendance zen que le public pouvait se diriger vers « La Maison » où la flûtiste Naissam Jalal récemment primée aux Victoires du Jazz proposait une autre forme de musique méditative inspirée des mélismes orientaux. Entourée de deux musiciens superlatifs ( Claude Tchamitchian à la contrebasse et Leonardo Montana au piano),

@Maxim François

Naissam Jalal donnait une version de son dernier album (« Quest of the Invisible » http://lesdnj.over-blog.com/2019/03/naissam-jalal-quest-of-the-invisible.html ) qui, par rapport à son concert de lancement au Café de la Danse a encore pris une dimension énorme  avec là encore une totale entente fusionnelle du trio. La musique et le chant de Naissam Jalal est une invitation à la méditation et à la prière qu’elle soit ou non religieuse. Et c’est un moment de pure beauté auquel il nous a été donné d’assister. En lévitation.

La deuxième partie de ce concert à "La Maison" était plus saignante puisqu’il s’agissait du quartet de Louis Sclavis avec Benjamin Moussay (p), Sarah Murcia (cb) et Christophe, Lavergne à la batterie.
Ce concert était donné en écho à l’exposition d’ Ernest-Pignon-Ernest (« Characters on a wall ») . C’est sur la base de ce matériau que Sclavis et Moussay ont composé les titres de ce concert, s‘inspirant de l‘oeuvre du plasticien.

Alors forcément la musique y est plus urbaine, plus engagée, plus puissante à l’image de l’énergie habituelle que déploie la saxophoniste à la clarinette basse ( son instrument d’excellence)

@Maxim François

ou à la façon dont Moussay entreprend le piano avec autant de fougue que de presque violence. Il y a du Matthew Shipp chez lui. L’oeuvre d’Ernest-Pignon-Ernest alimente celle de Sclavis depuis de longues années et avait contribué à la création de l’album « Napoli’s wall ». Ici c’est à partir de 8 oeuvres que le concert a été bâti. Il y avait dans ce concert ce qu’il y a dans l’oeuvre c’est à dire autant de violence urbaine que de poésie. Magique.

Et cette avant-dernière soirée de ce festival porté à bout de bras par Roger Fontanel démontrait bien, par la qualité de sa programmation qu’il figure depuis 33 ans parmi les événements majeurs de la scène hexagonale.
Pour la 34ème édition nous serons là. C’est sûr !
Jean-Marc Gelin

@Jean-Marc Gelin

 

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17 novembre 2019 7 17 /11 /novembre /2019 14:59
@Aleski_Hornborg

 

C'était un concert en petit comité donné à l'Ambassade de Finlande à Paris.

Le pianiste finandais Iiro Rantala venait y présenter son dernier album (" My Finnish Calendar") publié chez Act cette année.
12 compositions autour des 12 mois de l'année qui donnent l'occasion au pianiste d'exprimer en musique ce que lui inspire sa vie finlandaise.
Derrière l'apparente mélancolie que pourrait inspirer le paysage finlandais (les clichés !), Iiro Rantala jette au contraire un regard aussi drôle qu'acerbe et attendri sur son pays et ceux qui l'habitent.
Totalement iconoclaste, inclassable, la musique de Rantala échappe aux longs travellings que l'on pourrait imaginer sur un paysage désolé pour aller chatouiller les oreilles avec autant de tendresse poétique que de gentilles railleries.
Et c'est un pianiste exceptionnel qui se révèle. Véritable kaléidoscope musical, parfois classique avec des airs de Rachmaninov (Octobre, Décembre) ou de Bernstein et émouvant sur des mélodies romantiques (Mars et Avril) ou brillamment primesautières (Juin) et drôles (May). Parfois flirtant avec le ragtime de Scott Joplin ou jouant avec le piano préparé ou frappé qu'im soit délié ou très percussif, Iiro Rantala est un pianiste libre qui ne se laisse enfermer dans aucun schéma musical.

Le pianiste donne chaque fois l'explication de ce que lui évoque chaque mois de l'année en Finlande. Caustique mais finalement si tendre envers les finlandais qu'Iiro Rantala se donnerait presque des airs de Woody Allen finlandais lorsque le réalisateur jette un regard aussi amusé qu'amoureux sur New-York et les New Yorkais.
Chaque morceau était précédé d'une présentation drôlissime du pianiste décrivant ce que lui inspire chaque mois de l'année en Finlande. Son Excellence riait (jaune) sous cape à l'évocation des névroses finlandaises ( l'argent, le sexe, les saunas, la depression et les vacances !)

Sans aucun cynisme mais avec une bonne dose de facétie (February), le pianiste évoque un brin de colère sombre (magnifique Décembre porteur d'un autre espoir que celui de Noël - bouleversant pour conclure l'album ).
Et malgré ce qu'Iiro Rantala peut dire sur son pays et ses habitants dépressifs et avaricieux, anxieux et parfois futiles, ces douze mois de l'année chargés d'émotions contraires nous invitent à ce voyage intime et nous prennent a rêver une année finlandaise
Brillant !
Jean-Marc Gelin

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15 novembre 2019 5 15 /11 /novembre /2019 08:03
REMI CHARMASSON/ALAIN SOLER “Mr. A.J.”

REMI CHARMASSON/ALAIN SOLER

Mr. A.J.”

LABEL DURANCE-ABSILONE

www.label-durance.com

SORTIE CD 15 NOVEMBRE 2019

 

Voilà un album hommage particulièrement émouvant, de deux musiciens sudistes, ancrés dans leur département et région), Rémi Charmasson ( Gard) et Alain Soler ( Alpes de Haute Provence)  qui ont profité des enseignements d’un grand saxophoniste voyageur, plus toujours reconnu à sa juste valeur aujourdhui, André JAUME ( marseillais d'origine). Il fut l’une des figures emblématiques du jazz d’avant-garde des années soixante dix, original dans le meilleur sens du terme. Discret mais tenace, avançant selon son esthétique,“jouant sa musique et celle des autres à sa sauce”, comme le remarque avec pertinence Alain Soler, le saxophoniste a ouvert la voie aux plus jeunes, en faisant des pas de côté décisifs”. D’ailleurs, les deux musiciens de l’album, excellents guitaristes, ont aussi beaucoup voyagé, l’ont accompagné dans de nombreuses tournées et enregistrements dans le monde entier. (Chine, Vietnam, Afrique, Amérique…) et ont retenu ses leçons.

Le répertoire reprend des thèmes de Jaume comme “Beguin”, “Heavy’s”, “Marratxi”, souvent sortis sur le label CELP, quatre thèmes du dieu Django ( guitare oblige et on ne s’en plaindra pas), une composition du musicien préféré d’André Jaume, Jimmy Giuffre “River Chant” qu’il a accompagné et suivi de près, dans ses années free...et dont il sait évoquer la mémoire avec passion ; une reprise du “Girl” des Beatles. On le voit, un répertoire fait de choix décidés selon des convictions, des goûts réels, un éclectisme de bon aloi. Car ces compositions ont un potentiel immense, plein de nuances, se révélant un excellent terrain de jeu pour ces orfèvres de la six cordes, pincées, frottées, brosséesqui ont aussi proposé des compositions de leur cru. La première et forte sensation à l’écoute de cette musique qui s’écoute d’un trait, déroulant un groove envoûtant, persistant, est l’absolue cohérence du chant intérieur, épuré, essentiel qui anime le duo. En fait, si André Jaume est un soufflant polyinstrumentiste doué, il n’était pas question de transposer pour guitaristes même si les amoureux de l’instrument seront comblés. C’est un disque complet, pour musiciens selon l’expression consacrée mais aussi, plus simplement pour ceux qui aiment la musique, toutes les “bonnes” musiques du jazz à la pop et au rock. 

Cet hommage démontre avec brio que la passion du jazz se prête à toutes les fantaisies, se moque des frontières de styles, d’instruments, car on apprend et partage tant d’aventures sonores avec des “frères de son”. Et assurément, Rémi Charmasson et Alain Soler le sont. Ce portrait recomposé n’est ni complaisant ni nostalgique. André Jaume qui s’est retiré en Corse et va fêter en 2020, ses quatre vingt ans, sera fier de l’élégance, l’énergie, la joie profonde et l’intelligence de ce duo parfaitement accordé, libre et audacieux.

Pas besoin de plus grands discours : "let’s play the music"….ou encore mieux "let’s face the music and danse".

 

Sophie Chambon

 

 

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12 novembre 2019 2 12 /11 /novembre /2019 11:18

Plus qu'un rituel, presque une manie pour le plumitif qui fréquente le festival depuis plus de trente ans. Et chaque fois l'occasion d'un émoi automnal et ligérien (autrement dit kiffer les bords de Loire au 11 novembre !) 

Le chroniqueur est arrivé après la soirée d'ouverture, celle du samedi 9 novembre, qui a commencé vers 18h30 au Théâtre municipal, et s'est prolongée dès 20h30 à la Maison (que la nomenclature officielle n'ose plus appeler 'de la Culture', alors qu'elle le mérite....). Élogieux échos des présents, tant à propos du Trio Viret au théâtre qu'au sujet d'Éric Le Lann-Paul Lay en duo, puis du quintette de Charles Lloyd à la Maison.... de la Culture ! On en profita pour honorer ce dernier dans l'Ordre des Arts et Lettres : ce dont, témoignent les présents, il fut ravi.

Le dimanche 10 novembre, c'est théâtre, avec une très belle surprise, un spectacle autour de Nina Simone par Ludmilla Dabo et David Lescot, spectacle qui a déjà beaucoup tourné dans les circuits théâtreux, et qui sera repris du 13 au 21 décembre à Paris au Théâtre des Abesses, dans le giron du Théâtre de la Ville. Le spectacle s'intitule Portait de Ludmilla en Nina Simone. L'auteur-metteur en scène (et aussi musicien) David Lescot ,est familier des connexions avec le jazz : que l'on se rappelle L'instrument à pression (avec Médéric Collignon et Jacques Bonnafé) et La chose commune (avec Emmanuel Bex, Élise Caron, Géraldine Laurent, Simon Goubert....). Ayant reçu commande d'un portrait de personnage célèbre, il souhaitait consacrer un spectacle à Nina Simone.

©Maxim François

Il s'est mis en quête d'une comédienne également chanteuse et s'est tourné vers Ludmilla Dabo, laquelle dans ses années au Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique, avait esquissé un travail autour de cette chanteuse qu'elle admire. De leur rencontre est né un dialogue, dont l'auteur a fait un spectacle, et qui évoque des moments de la vie de Nina Simone. Dispositif scénique minimal, et grande intensité dès la première minute. Dans l'obscurité, battements de pieds et claquements de mains distribuent rythme et syncopes. Puis en pleine lumière le partenaire-enquêteur et accompagnateur (guitare, ukulélé) interroge l'histoire de Nina : la comédienne répond en chantant, d'une voix magnifiquement habitée par l'âme de la soul music.

©Maxim François

Ainsi se déroule, sur un rythme d'une précision incroyable, un échange entre un texte narratif, des dialogues, et des chansons tout aussi chargées d'histoire(s). C'est un tourbillon d'émotions fortes qui traverse la vie de Nina, sa vie de femme en butte aux violences de toute sorte, le naufrage de ses rêves de jeunesse (devenir la première concertiste classique noire des U.S.A.), mais aussi ses combats pour les droits civiques, le tout nourri de quelques chansons de la grande Nina, chantées sans aucun mimétisme (sauf le clin d'œil à Ne me quitte pas), mais à un niveau de vocalité et d'interprétation qui place la barre très très haut, et nous révèle en Ludmilla Dabo une grande chanteuse. Par une sorte de mise en abyme l'expérience personnelle de Ludmilla s'insère dans la dramaturgie, en parallèle à l'évocation des luttes afro-américaines.

©Maxim François

Et en rappel un épisode époustouflant nous offre la grande scène d'Arnolphe et Agnès dans L'École des femmes de Molière, qui dérive progressivement de grande tradition du théâtre classique vers une version en prosodie syncopée, accompagnée par l'ukulélé, et soulignée d'une danse voluptueuse de la chanteuse comédienne : grand moment de liberté théâtrale, et de musique. Le Théâtre municipal de Nevers, belle salle à l'italienne, est assurément l'écrin idéal pour un tel spectacle. Et un festival de jazz l'endroit rêvé pour le faire découvrir. On rêverait que d'autres programmateurs de jazz aient aussi la bonne idée d'offrir à leur public ce très beau spectacle.

 

Le lendemain, promenade de santé par un 11 novembre qui s'ensoleille vers le théâtre (le concert de midi y a été déplacé). En chemin, l'arrière de la Maison (de la culture) en travaux.

Je passe devant la Maison des Sports, qui n'a pas peur de dire son nom (je me rappelle une commune où il y avait une direction des sports et de la culture, dans cet ordre....). En contournant le bâtiment en travaux, je découvre l'appellation désormais officielle.

En montant vers le Palais Ducal et le théâtre, je découvre cette appellation obstinée jusque dans la signalétique.

Et j'arrive enfin au théâtre pour découvrir sur scène le cymbalum de 'Bartók Impressions'. Le groupe a publié voici un an un CD justement remarqué («Bartók Impressions», BMC / l'autre distribution). C'est un trio en nom collectif, sans leader, mais le contrebassiste Matyas Szandai a imprudemment accepté un concert avec un autre groupe le même jour.... Pas rancuniers, ses partenaires le mentionneront en fin de concert pour rappeler que cette musique est celle d'un trio. Ce sera donc un duo : Mathias Lévy au violon, et Miklós Lukács au cymbalum.

   Maxim François, à gauche, en chasseur d'images

 

Le concert commence vers 12h15. La musique s'organise autour des pièces de Bartók, librement traitées dans l'exécution comme dans l'improvisation. Elles sont empruntées au recueil de piano Mikrokosmos, et à diverses autres compositions, notamment celles inspirées à Bartók par les musiques traditionnelles balkaniques. C'est vif, emporté, l'échange entre violon et cymbalum est permanent, souvent ludique. Les modes de jeu sont assez libres, avec recours à des artifices dictés par l'urgence de l'improvisation.

À 15h30 c'est dans la petite salle de la Maison (de la culture....) que se produit le trio 'Un Poco Loco', rassemblé par le tromboniste Fidel Fourneyron, avec Geoffroy Gesser au sax ténor (et à la clarinette), et Sébastien Belliah à la contrebasse. Ils jouent leur nouveau programme intitulé Ornithologie, et consacré non aux oiseaux mais à Charlie 'Bird' Parker. C'est un pari que de jouer ce répertoire de manière innovante sans en altérer ni la densité musicale ni la force expressive. Pari gagné, haut la main, en déstructurant/recomposant chaque thème avec un mélange de fraîcheur et de science musicale qui force l'admiration. Chacun des membres du trio a contribué à l'arrangement du répertoire : Shaw Nuff, Anthropology, Salt Peanuts, Donna Lee, et bien d'autres, et aussi une très belle relecture du standard Everything Happens To Me inspirée par la version avec orchestre à cordes de Charlie Parker. Comme toujours avec le trio 'Un Poco Loco' un grand moment de musique, de prise de risque et d'expressivité.

 

Retour au Théâtre municipal vers 18h30 pour écouter le saxophoniste Éric Séva avec son nouveau groupe 'Mother of Pearl'. C'est un projet inspiré par la rencontre en 1974 de Gerry Mulligan et Astor Piazzolla. Le saxophoniste a fait le choix de l'accordéon plutôt que du bandonéon, en s'associant avec un musicien qu'il connaît de longtemps : Daniel Mille. Christophe Wallemme à la contrebasse, Alfio Origlio au piano (et piano électrique) et Zaza Desiderio à la batterie complètent le quintette. Les compostions originales du saxophoniste sont conçues sur mesure pour cette instrumentation, avec une dominante mélancolique, sans exclusivité toutefois. Deux thèmes de Piazzolla s'insèrent dans le programme. Et après une cavalcade collective en 6/8, c'est un duo accordéon-sax baryton sur une belle composition inspirée par le village d'Eus, dans les Pyrénées-Orientales, avant un quintette conclusif. Un disque, déjà enregistré, paraîtra au printemps prochain.

    ©Maxim François

La soirée se termine à la Maison (de la culture....) avec le MegaOctet d'Andy Emler. C'est le programme anniversaire (30 ans!) d'un orchestre né à l'extrême fin de 1989, et dont la naissance officielle fut constatée en janvier 1990 au Sceaux What, aux Gémeaux de Sceaux (Hauts-de-Seine). Ce programme avait été inauguré le 12 octobre dernier lors d'un concert Jazz sur le Vif à la Maison e la Radio. Pour avoir assisté au deux concerts, j'ai été épaté par le fait que, jouant le même programme, l'orchestre a donné un concert différent, et toujours du même niveau musical, avec cette prise de risque et cette confiance mutuelle des musiciens qui font que, vraiment, tout semble permis. La première partie nous a donné le répertoire du disque paru à l'automne 2018 («A Moment For...», La Buissonne/Pias). Tous sont des solistes de haut vol, à commencer par les historiques, François Verly, percussions, et Philippe Sellam, saxophone alto : ils étaient tous deux dans le MegaOctet des origines. Claude Tchamitchian, contrebasse, avec Éric Échampard, sont les partenaires habituels du trio d'Andy Emler, et cela contribue largement à l'assise du groupe. Laurent Blondiau (trompette), FrançoisThuillier (tuba), Laurent Dehors (sax ténor et cornemuse), et Guillaume Orti (sax alto) complète l'équipe, et tous nous ont transportés par leur insolent liberté musicale.

Après l'entracte l'orchestre est rejoint par trois musiciens qui eurent partie liée avec l'histoire du groupe : le guitariste Nguyên Lê (qui était dans le MegaOtet à sa création), et les imprévisibles Médéric Collignon (cornet, voix, human beatbox....) et Thomas de Pourquery (sax alto et voix).

   ©Maxim François

Ce fut un festival d'envolées périlleuses, de rétablissements virtuoses, et de surprises en cascade.

Tous les musiciens se sont éclatés, et le public en fut conquis. Rappel aussi insistant que chaleureux, et fin de soirée dans la joie d'un moment exceptionnel.

Xavier Prévost

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4 novembre 2019 1 04 /11 /novembre /2019 23:06

LONGBOARD : «  Being wild »
Yolk Music 2019
Alban Darche ( sax, cl, clv, compos), Matthieu Donarier (sax, cl, compos), Meivelyan Jacquot (dms)


C’est un album très bel album protéiforme que signe le trio. Foisonnant d’idées, ce Longboard, jamais linéraire il dessine des contours et des sons pour former un imaginaire en mouvement.
Des flottements et des tensions lunaires côtoient des lignes mélodiques et des enchevêtrements. Des moments de rare poésie (Beauty and sadness ou Embrace the grace) emportent dans un imaginaire éthéré.
Alban Darche et Matthieu Donarier sont des souffleurs de rêves qui jouent avec les silences et les courbes de la musique. Elle caresse mais elle cogne aussi parfois ( The thin ice). Mais surtout dans cet album il y a aussi un sens du spectacle et de la mise en scène presque baroque (Elevation) dans une sorte de souffle continu.
Ces acteurs sont des acteurs. Et des acteurs danseurs qui jouent des pantomimes sonores.
Alban Darche et Matthieu Donarier se connaissent bien. Ils sont des piliers du label nantais Yolk qu’ils ont contribué à porter haut depuis près de 20 ans déjà avec Sebastien Boisseau ( récent recipiendaire mérité - mais honteusement en catimini - d’une récente Victoire du jazz). Les deux saxophonistes ( dont la proximité géographique n’a d’égale que celle esthétique) partagent le même goût de la complexité. Celle de géniaux compositeurs comme John Hollenbeck ou Steve Coleman (Cairo hipster). Mais à laquelle ils apportent un soin de calligraphe, comme des dessinateurs au ciel. Et c’est avec cette art de la composition protéiforme ( on l’a dit) qu’ils créent des moments de douceurs où au delà de la mélodie il y a la façon dont les saxophonistes  dessinent le son comme s'ils maniaient l'art du pinceau. Comme par exemple sur cette émouvante Boite à musique qui égrène le temps dans une infinie douceur nostalgique.
Et Meivelyan Jacquot, l’autre nantais de la bande y apporte le liant, le relief et parfois la rugosité avec un talent fou.
Captivant de bout en bout, Longboard refuse de se laisse enfermer dans un schéma musical pour nous captiver du début à la fin. C’est certainement ce que cela veut dire pour eux : being wild.
Jean-Marc Gelin

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2 novembre 2019 6 02 /11 /novembre /2019 18:47

(à l’occasion de la sortie du coffret ‘Nat King Cole « Incomparable »’ réalisé par Claude Carrière pour Cristal Records*)

 

Star éternelle du Louvre, Mona Lisa, œuvre de Léonard de Vinci (1452-1519), n’a pas seulement inspiré Marcel Duchamp qui l’affubla, en 1919, d’une moustache pour une toile baptisée L.H.O.O.Q. –titre dérisoire bien dans l’esprit du dadaïsme - longtemps propriété du Parti Communiste Français. La florentine au sourire étrange donna naissance, trente ans plus tard, à une chanson qui contribua largement au succès populaire de Nat « King » Cole, né cette même année 1919 (le 17 mars).  


La genèse de ce titre Mona Lisa mérite d’être contée. Un metteur en scène d’Hollywood, Mitchell Leisen, avait passé commande en 1949 à un tandem déjà bien connu, Jay Livingstone (compositeur) et Ray Evans (auteur) d’un air devant illustrer une séquence d’un film d’espionnage située en Italie. Admiratrice du tableau de Léonard de Vinci, l’épouse de Ray Evans aurait, dit-on, soufflé l’idée d’évoquer cette jeune femme au sourire mystérieux («est-ce une manière de tenter un amoureux ou une façon de cacher un cœur brisé» dit notamment le texte**).  
Dans le film de la Paramount, sorti en 1950 sous le titre ‘Captain Carey, USA’, avec Alan Ladd dans le rôle principal, la composition est jouée par le grand orchestre du trompettiste Charlie Spivak, la partie chantée étant assurée par Tommy Lynn. Le tandem Livingstone-Evans devait être fier de leur œuvre commune puisqu’ils la confièrent à Nat « King » Cole, pianiste et chanteur de haut vol adulé dans le milieu musical, et pas seulement du jazz, avec un trio au format inhabituel (guitare et basse). Une confiance guère partagée -au début- par le chanteur : le titre ne figure que sur la face B -la moins noble- du 78 tours enregistré le 11 mars 1950 à Los Angeles, qui propose en face A The Greatest Inventor. La maison de disques, Capitol, n’a pas perdu son temps : le film est sorti sur les écrans à peine trois semaines auparavant.

 

Réticent puis charmé


Le charme de Mona Lisa va une nouvelle fois opérer. Une fois le disque pressé, les deux compères font le tour des stations de radio -une vingtaine- pour en assurer la promotion. Le succès ne tarda pas saluant ce mariage entre la voix de velours de Nathaniel Cole et l’arrangement d’un jeune prometteur, Nelson Riddle, pour le grand orchestre de Les Baxter. Dans les bacs dès le mois de mai, Mona Lisa demeurera en tête des ventes pendant huit semaines, selon le classement du magazine Billboard.


La vogue ne se démentira pas, ‘Mona Lisa’ décrochant l’Oscar 1950 de la meilleure chanson pour un film, le deuxième, pour le duo Livingstone-Evans (après ‘Buttons and Bows’ en 1948), qui en décrochera un troisième en 1955 avec ‘Que Sera, Sera’, chantée par Doris Day dans 'L’homme qui en savait trop' d’Alfred Hitchcock.

Dès lors, Mona Lisa gagne une place de choix dans le répertoire vocal de Nat King Cole, géant à double titre (185 cm sous la toise) aux côtés de Nature Boy, enregistré en 1947, Unforgettable (1951), Blue Gardenia (1953) ou encore Quizas, Quizas, Quizas (1958).


En 1992, Mona Lisa entrera au Grammy Hall of Fame, récompense suprême et posthume pour Nat King Cole, disparu le 15 février 1965 à 45 ans. Le titre reste également comme l’une des réussites les plus populaires du tandem Livingstone-Evans dont 26 chansons dépassèrent le cap du million de ventes au cours d’une carrière de plus de soixante ans (Livingstone décéda en 2001 et Evans en 2007). Quant à la famille Cole, elle restera fidèle à Mona Lisa, son frère Freddy et sa fille Natalie ne manquant jamais de chanter « cet énigmatique sourire ».

Mona Lisa et les autres chansons citées sont proposées dans leur première version en studio dans un coffret de trois cd ‘Nat King Cole « Incomparable »’ réalisé par Claude Carrière* ... Une sélection de 60 titres donnant à entendre Nat King Cole comme chanteur accompagné d’orchestres divers, à la tête de son trio et enfin uniquement comme instrumentiste.

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

* ‘Nat King Cole « Incomparable »’, coffret composé par Claude Carrière. Sortie le 15 novembre 2019. Cristal Records - CR 301-02-03.

 

**Do you smile to tempt a lover, mona lisa? or is this your way to hide a broken heart?

 

©photo William P. Gottlieb

 

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