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31 octobre 2022 1 31 /10 /octobre /2022 11:08
MADELEINE & SALOMON    EASTERN SPRINGS

Madeleine & Salomon Eastern Spring

 

Clotilde Rullaud (vocals and flute) Alexandre Saada ( piano, vocals) Jean Paul Gonnod Fx effects

Label Tzig'art

 

Un duo étonnant (piano voix) qui reprend des chansons pop du bassin oriental de la Méditerranée, des années soixante et soixante-dix inconnues pour la plupart d’entre nous. “Chansons d’amour, de mort, de révolte”, des thèmes simples, universels même s’ils s’inscrivent dans un espace géographique très particulier ( Israel, Egypte, Liban, Turquie, Maroc, Tunisie ).

Après un travail de sélection minutieux sur un corpus patrimonial de plus de 200 titres, pour n’en conserver que 9, le duo a opéré un travail de traduction, en anglais le plus souvent-ce qui modifie la donne. Ainsi tout naturellement, sur l’hymne de la pop iranienne “Komakon Kon”après les mots que scande avec ardeur la chanteuse, le duo a inséré des fragments du mythique “Howl”, le cri d’Allen Ginsberg, le poète de la Beat géneration. Mais ce n’est pas tout: le duo a travaillé des arrangements de ces versions originales en improvisant des fragments personnels, intitulés justement “Rhapsodies”, c’est à dire des pièces libres utilisant des effets folkloriques et souvent électroniques.

Un répertoire révolutionnaire, humaniste, inscrit dans un temps certes révolu, qui entre hélas singulièrement en résonance avec l’actualité des dernières années, l’échec des printemps arabes, d’où ce titre d’Eastern Springs. Si les langues arabes sont sensuellement poétiques, métaphoriques, jouant toujours avec la censure impitoyable dans tous ces pays, Madeleine (le second prénom de la Française Clotilde Rullaud) ne voulait pas, selon ses propres termes, coudre un "patchwork" linguistique. L'anglais domine donc, une seule chanson est en français “De l’Orient à Orion”, extraite du patrimoine tunisien. Si le duo a gardé les mélodies et leurs rapports harmonico rythmiques, il n’en demeure pas moins que cette suite est remarquable par la sobriété, la volonté de ne laisser qu’un chant épuré dès le premier titre, où sur le piano élégiaque et subtil s’élève la voix fragile sculptant les mots du poète palestinien Mahmoud Darwich (“Matar Naem” libanais du groupe Ferkat Al -Ard).

Quel effet produit cet album, une fois exposé le propos généreux et ambitieux du duo? On est assez loin du monde originel du jazz commun à tous deux. Comme s’ils avaient voulu faire un pas de côté, essayer d’adapter leur regard passionné sur le monde et ses cultures à leur façon de travailler le duo. Pourtant, il fait retour,  le duo poursuit en un sens le travail du précédent album sur les “protest songs” de chanteuses américaines de la même période. Madeleine a d'ailleurs  gardé quelques inflexions de Nina Simone, ce qui contribue à augmenter le trouble. Après quelques écoutes, certains airs deviendraient ritournelles, fredons étrangement familiers. C’est le cas avec les comptines et berceuses israéliennes, plus proches de notre sensibilité occidentale? En particulier “Ha’Yalda Hachi Yafa Ba’gan”.

La voix de Clotilde Rullaud est plus qu’attachante, grave sans être trop profonde, sur cette petite fiction égyptienne “Ma Fatsh Leah” du groupe Al Massrien, qu’entraîne un piano vif, au groove hypnotique. Ou aiguisée sur le rock anatolien "Ince Ince Bir Kar Yagar".

Alexandre Saada (dont le second prénom est Salomon, on commençait à s’en douter) chante aussi. Il n'est pas que l'accompagnateur du duo, il souligne sans effort la ligne de chant, adaptant son jeu à chaque thème, impressionniste, syncopé, uni avec sa partenaire dans une même respiration jusqu’au final libanais "Do you love me?" qui s’achève en un murmure. Parfait.

 

Sophie CHAMBON

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25 octobre 2022 2 25 /10 /octobre /2022 21:36

Rémi Dumoulin (saxophones ténor & soprano), Bruno Ruder (piano), Frédéric Chiffoleau (contrebasse), Pascal Le Gall (batterie)

Sarzeau (Morbihan), septembre 2021

Eddie Bongo EB 0011 / Inouïe Distribution

 

La ligne de démarcation suggère le débat sur la manière de désigner la transformation que font subir les jazzmen à des standards, en utilisant leurs harmonies (souvent enrichies) pour un nouveau thème auquel on donnera…. un nouveau titre. Personnellement j’ai pris depuis des décennies le parti de parler de démarquage ou - démarcage - (on enlève le titre et le thème : la marque) quand la démarcation suggère une limite géographique (la fameuse ligne que les nazis tracèrent en France occupée pour la couper en deux, en 1940). Quoi qu’il en soit, c’est bien de cela qu’il s’agit. Rémi Dumoulin et ses amis transfigurent les thèmes en reprenant leurs harmonies (et leur segmentation rythmique), comme le faisaient Lee Konitz et Warne Marsh en perpétuant le péché mignon de leur Maître Lennie Tristano (et à leur suite Mark Turner, Gary Foster….). Et c’est bien de ce vertige particulier qu’il est question : se lancer sur la structure en cherchant d’autres chemins. Rémi Dumoulin y excelle, avec une sorte de gourmandise, sérieusement épaulé par ses partenaires. Le premier titre est Licks For 1 Penny, manière de se souvenir que Tristano imagina plusieurs démarquages sur les harmonies de Pennies From Heaven…. Je vous laisse découvrir ce que pourrait dissimuler Stelly ou Friendz…. Ce disque est jouissif, plein de verve et de surprises. Une absolue réussite, une œuvre collective forgée sur une passion commune pour le jazz, et plus précisément sur un jazz d’aventure. Chapeau bas !

Xavier Prévost

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Le groupe sera en concert le 15 décembre à paris au Sunset-Sunside

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Sur Youtube la genèse de l’aventure, par Rémi Dumoulin 

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24 octobre 2022 1 24 /10 /octobre /2022 13:11


JOHN COLTRANE
Jean-Pierre JACKSON
. 208 pages. 20 euros.
Actes Sud. Paru le 19 octobre.

    Les amateurs éclairés connaissent le monument de Lewis Porter consacré à John Coltrane et disponible en France aux éditions Outre Mesure avec une traduction de Vincent Cotro (John Coltrane, sa vie, sa musique. Collection Contrepoints. 368 pages. 2007).

    Il faudra compter désormais sur l’ouvrage de Jean-Pierre Jackson, auteur dans le passé de biographies de Charlie Parker, Benny Goodman, Miles Davis et tout récemment (2019) de Keith Jarrett. Certes son livre ne prétend pas à l’exhaustivité, se présentant sous un format poche. Mais il permet d’approcher au plus près et d’appréhender le parcours du saxophoniste (ténor et soprano) né à Hamlet (Caroline du Nord le 23 septembre 1926) et décédé à New-York le 17 juillet 1967. John Coltrane, résume Jackson, incarne à la fois l’apollinien –la sérénité, la maîtrise de soi- au début de sa carrière, en admirant Johnny Hodges, puis, à partir des années 60, le dionysiaque « par la transe, le dessaisissement de soi, le rejet des formes établies ».  

 

    Au fil du récit, on découvre ainsi l’influence du pianiste Hasaan Ibn Ali (1931-1980), proche de Thelonious Monk et Elmo Hope, qui développa au début des années 50 un système qui se traduira chez Coltrane par ces fameuses « nappes de son » ou encore comment Monk, qui engagea le « jeune homme en colère » en 1957-58, « fut l’un des premiers » à lui montrer comment jouer simultanément deux ou trois notes au saxophone ténor !

 
    Parmi les temps forts de cette biographie, figurent les chapitres dédiés à deux titres majeurs dans l’œuvre de Coltrane : ‘’My Favorite Things’’, mélodie de Rodgers et Hammerstein intégrée dans une comédie musicale de Broadway, La Mélodie du Bonheur (The Sound of Music.1959) qui assurera le premier grand succès du saxophoniste en 1961 et qui, aux dires mêmes de Coltrane restera comme son « morceau préféré » ; ‘’Love Supreme’’, composition du saxophoniste, fruit d’un travail solitaire dans sa chambre cinq jours de rang en 1964 (« C’est la première fois que j’ai tout reçu de la musique que je veux enregistrer sous la forme d’une suite », confiera-t-il à son épouse, Alice) et qui stupéfiera le public du festival d’Antibes Juan les Pins le 26 juillet 1965 dans sa première interprétation publique.


D’une lecture aisée, le Coltrane de Jean-Pierre Jackson nous donne quelques clés majeures pour entrer dans l’univers d’un créateur « en quête d’un amour suprême qui par nature est musique ». A conseiller vivement.

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

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24 octobre 2022 1 24 /10 /octobre /2022 10:43

Sakina Abdou (saxophone, flûte), Raymond Boni (guitare)

Lille, 21-23 décembre 2020

Circum-Disc CIDI 2203

https://www.circum-disc.com/abdou-boni-sources/

 

Pour l’auditeur de musique improvisée que je suis, c’est comme un retour aux sources, qui fait écho à d’anciens émois musicaux éprouvés chaque fois que la rencontre est féconde. L’improvisation libre est un exercice périlleux, et il arrive (cela m’est arrivée récemment) que l’on assiste à des concerts peu convaincants. Mais avec ce duo, qui avait émergé pour l’émission d’Anne Montaron, ‘À l’improviste’, sur France Musique, et se poursuit avec ce disque, la communication s’établit dès les premiers instants, et la musique surgit, sans souci d’étiquette, de catégorie, de style, ou d’obédience. S’ils n’appartiennent pas à la même génération, la musicienne et le musicien ont manifestement en commun la maîtrise de leurs outils (instruments, mémoire, goût du risque) et la faculté de faire naître la beauté de la musique en osant le saut dans l’inconnu. Il devient de plus en plus difficile, à propos d’art en général, et de musique en particulier, d’oser parler d’inouï (surtout depuis que c’est devenu une marque commerciale pour une entreprise ferroviaire et néanmoins publique….). Et pourtant j’oserai l’adjectif. Ce disque m’a transporté vers un horizon neuf, un plaisir d’écoute qui, même s’il doit beaucoup à la somme (aujourd’hui assez considérable) des musiques (toutes sortes de musiques) que j’ai écoutées, m’a entraîné vers la fraîcheur d’une aube nouvelle, vers un horizon inexploré, franchissant une fois encore ce que le poète et peintre Bruno Capacci appelait Le balustrade du possible. Ce disque est une expérience musicale unique : on se précipite !

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur Youtube

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17 octobre 2022 1 17 /10 /octobre /2022 14:07

Christophe Monniot (saxophones sopranino, alto & baryton), Marc Ducret (guitares)

Lanmeur (Finistère), avril 2022

Jazzdor Series 13 / l’autre distribution

 

Deux irréductibles de la liberté et de l’audace, et deux musiciens qui se sont croisés dans leurs projets respectifs (Monio Mania, Métatonal….). En choisissant de constituer ensemble ce duo, et d’en composer les contours comme ils écrivent, improvisent et arrangent la musique, il était prévisible qu’ils nous entraîneraient loin : loin de nos bases, loin de nos réflexes d’écoute, loin de cette faculté prospective que nous avons tous, et qui nous pousse à attendre au fond ce que nous avons déjà perçu, éprouvé, aimé en écoutant tel musicien, en lisant tel écrivain, en découvrant tel film d’un cinéaste que nous aimons. Dès la première plage, ils passent d’un unisson funambule à un éclat de rock saturé, puis reviennent à des sons plus soyeux, avant de replonger dans des rythmes fracturés. C’est comme un collage, mais très composé, plein de références, de surprises, de pirouettes et d’idées, jetées à la volée et rattrapées en virtuoses, jusqu’à une coda apaisée…. en attendant le prochain éclat ! Et l’on file ainsi, de titre en titre, d’un simulacre de relecture sauvagement cubiste du Dernier Tango à Paris à des nostalgies orientales totalement resongées, en passant par des contrepoints lunaires, ou des impromptus façon pop dynamitée. Avec aussi une pièce du compositeur Michel Petrossian écrite pour eux. C’est totalement jouissif, assez déjantée, très inspiré, mené de part et d’autre avec ce mélange de maîtrise et d’abandon qui fait le Grand Art. Et je ne suis pas certain d’avoir le talent qu’il faut pour rendre compte de la totalité de ces événements musicaux qui m’ont ravi. Alors faites comme moi, plongez-vous dans ce maelström…. que j’avais trouvé génial, en concert au début de l’été dernier aux Rencontres d’Archipel en Charente, et encore maintenant à l’écoute de ce disque !

Xavier Prévost

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Le duo est en concert le 19 octobre à 18h à la Bibliothèque Nationale Universitaire de Strasbourg, puis le 22 octobre en soirée au Comptoir de Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne)

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Un avant-ouïr sur Youtube

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14 octobre 2022 5 14 /10 /octobre /2022 18:23

Bo Van Der Werf (saxophone baryton, électronique), Jozef Dumoulin (piano électrique, claviers, électronique)

Bruxelles, juin 2021

PeeWee! PW 1009 /Socadisc /https://peeweelabel.com/fr/albums/36

 

Une aventure musicale, assurément. Une rencontre singulière entre deux musiciens qui se sont souvent côtoyés dans une foule de groupes. Et ici le désir, assumé, de faire un saut dans l’inconnu. Ce qu’ils connaissent l’un de l’autre se trouve remis en jeu, dans ce projet presque insensé. En rejouant des musiques de l’un ou de l’autre, transfigurées par le contexte de ce duo bercé d’électronique ; en construisant un mystère qui va se fondre dans un chœur de moines tibétains ; en effleurant quelques mesure d’un trio à cordes ; ou en insérant dans un hommage à Martin Luther King une berceuse ukrainienne, les deux solistes nous entraînent dans l’inouï, et parfois nous ressentons que notre surprise à l’écoute n’a d’égale que la surprise qu’ils ont ressentie en inventant, dans la magie de l’instant, cet objet musical fascinant. Le traitement électronique du sax baryton, par un dispositif dont je n’indique pas la nom commercial (pas plus que je n’indique la marque du piano électrique….), dans son dialogue avec les sons traités des claviers, nous transporte dans un ailleurs qui nous dépayse (et nous enchante). Parfois on tourne (mais de très loin!) autour d’un standard. Dans le livret un beau texte de Nicole Caligaris, sans livrer les clés du mystère, nous ouvre des portes d’écoute et d’émois. Cette musique gardera sa part de d’indicible, et c’est cela qui la rend fascinante. Et pourtant elle peut nous toucher dans l’immédiateté de sa sonorité, de ses constructions labyrinthiques, de ces moments d’équilibres vertigineux qui se résolvent chaque fois dans un nouvel étonnement. Du Grand Art.

Xavier Prévost

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Des avant-ouïr sur Youtube

https://peeweelabel.com/fr/videos/50

https://peeweelabel.com/fr/videos/49

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14 octobre 2022 5 14 /10 /octobre /2022 10:24

 

Matthieu Donarier (saxophone ténor, clarinette), Ève Risser (piano, piano préparé), Karsten Hochapfel (violoncelle), Toma Gouband (batterie)

Budapest, 6-8 août 2021

BMC CD 304 /Socadisc

 

Le premier volet sur disque d’un travail singulier déjà mené sur scène depuis plusieurs années avec ce groupe, accueillant en concert d’autres musiciens (Samuel Blaser, Gilles Coronado, Christophe Lavergne, Antoni-Tri Hoang….). C’est, selon l’artiste, «une fiction autour de la musique et du vivant sous toutes ses formes». Vaste perspective qui permet toutes les libertés créatives et nous dispense de la rituelle ‘musique à programme’, où chaque fragment est supposé évoquer un élément du projet. Si l’inspiration est bien l’ensemble des paysages et des êtres qui font notre environnement, c’est la musique qui mène la danse. Lyrique, raffinée, parfois presque sérielle, souvent aussi nourrie de cette irrépressible pulsation qui anime ce que nous continuons d’appeler le jazz. Jazz de chambre si l‘on veut, assurément contemporain, mais toujours au plus près de ce lyrisme qui forgea aussi bien la musique dite savante de la fin du 19ème siècle que la seconde école de Vienne, et que bien des musiques surgies de la naissance du vingtième siècle, en Europe et ailleurs. La clarinette, dans un accès de douce mélancolie, fait écho aux pizzicati du violoncelle, puis le piano entre dans la danse, soutenu par les éléments de la batterie. Un festival de timbres qui font symphonie. Et l’aventure se déploie, thème après thème, avec cette sonorité diaphane de saxophone ténor, entre mystère et soudains éclats de liberté, jusqu’au terme de l’aventure. Profond, ambitieux, mais aussi directement jouissif, car cette musique est d’une humanité palpable, d’une sensualité à fleur de peau. Magnifique !

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?v=eqnFzQUxfW8

Des infos

http://wanbliprod.com/artistes/le-bestiaire-de-russell-twang/

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12 octobre 2022 3 12 /10 /octobre /2022 17:30

David Chevallier (guitare, ordinateur), Laurent Blondiau (trompette), Sébastien Boisseau (contrebasse), Christophe Lavergne (batterie)

Sarzeau (Morbihan), février2022

Yolk Records J 2090 / l’autre distribution

 

Une aventure qui trouve sa source dans la fascination du tout jeune David Chevallier pour une compilation des guitaristes du catalogue ECM, et quelques années plus tard dans sa rencontre avec Kenny Wheeler, puis avec John Taylor, avec lequel il a joué dans divers contextes. C’est inspiré par ce trompettiste et ce pianiste qu’il s’engage dans l’élaboration de ce programme. Une rencontre lors dune tournée scandinave avec le trompettiste finlandais Tomi Nikku concrétisera ce projet, et le groupe donnera des concerts dans divers lieux, comme par exemple le festival D’Jazz de Nevers en novembre 2021. Finalement c’est Laurent Blondiau qui se joindra au trio avec lequel David Chevallier joue depuis dix ans et a déjà publié plusieurs disques.

Même si le disque est inspiré par les deux musiciens précités, toutes les compostions sont signées par David Chevallier, sauf un thème extrait de Music For A While de Purcell, joué dans une beau respect mélodique, avec de savants contrepoints, après une introduction très libre de Laurent Blondiau. Pour le reste, sous un caractère parfois éthéré (que d’autres diraient planant) se joue la formidable finesse du compositeur-guitariste et de son trio d’origine, sur quoi le jeu de Laurent Blondiau pose des phrases lyriques, expressives, parfois virulentes. C’est d’une profonde musicalité, et d’une grande beauté : chapeau bas !

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?v=_TBGyD6SdYE&t=1s

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Le groupe est en concert : le 15 octobre à Paris pour ‘Jazz sur le Vif’ à la Maison de la Radio, puis le 18 novembre au Petit Duc d’Aix-en-Provence, et le 14 décembre à Nantes, Salle Paul Fort

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11 octobre 2022 2 11 /10 /octobre /2022 11:53

Eve Risser (composition, piano, piano préparé, voix), Antonin-Tri Hoang (saxophone alto, synthétiseur analogique), Sakina Abdou (saxophone ténor), Grégoire Tirtiaux (saxophone baryton, percussion), Nils Ostendorf (trompette, synthétiseur analogique, Matthias Müller (trombone), Tatiana Paris (guitare électrique, voix), Ophélia Hié (balafon, bara, voix), Mélissa Hié (balafon, djembé, voix), Fanny Lasfargues (basse électro-acoustique), Oumarou Bambara (djembé, bara), Emmanuel Scarpa (batterie, voix), Céline Grangey (prise de son)
Rezé (Loire Atlantique), décembre 2021
Clean Feed Records CF 609 CD / Orkhêstra

Une rencontre. Pas une fusion, plutôt un dialogue, entre un groupe européen et des percussionnistes d’Afrique de l’Ouest. Le choix du titre, Eurythmia, fait référence à une heureuse configuration du rythme, mais aussi à une forme d’harmonie. Quand, dans La République de Platon (livres III & VII) la notion d’εὐρυθμία fait son apparition dans le dialogue entre Socrate et Glaucon, il s’agit des disciplines (danse, gymnastique, musique….) qui pourraient (ou pas) donner accès à la sagesse que recherche la philosophie. On est en plein dans le sujet dans les deux cas : harmonie et dialogue…. Dans la première plage, c’est l’euphonie, monde idéal de l’harmonie consonante. Puis le rythme fait son entrée, entre sonorités des percussions africaines et ingrédients européens, voire technologiques. On est de plain pied dans les univers que la pianiste-compositrice affectionne : musique plurielle, libre, où les accords tendus du piano font écho aux sons issus des instruments à vent ou des sources électroniques, sous l’impulsion des percussions. Une sorte de procession harmonique stimule les solistes, en pleine liberté, un peu comme le faisait Carla Bley quand elle composait pour de grandes formations.

À l’effervescence rythmique des ensembles de percussions fait écho une atmosphère mélancolique suscitée par certains arrangements et quelques solistes. Et le dialogue est éminemment collectif dans cette musique qui s’est élaborée, de l’aveu même de la pianiste-compositrice-cheffe d’orchestre «… à l’oral car tout le monde ne lit pas la musique, et surtout voulant éviter ‘l’efficacité’ de l’écriture, et rentrer dans un processus lent». Il en résulte une incontestable réussite, tant sur le plan du dialogue artistique que sur celui de l’expression individuelle. En grec ancien εὐ (eu) signifie l’adverbe bien, et sert de préfixe à tout ce qui est heureux. D’une certaine manière, ce disque est celui d’une musique heureuse.

Xavier Prévost

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Le Red Desert Orchestra sera en concert le 14 octobre à Rouen (Le 104), le 15 à Perpignan (festival Jazzèbre) et le 20 à Paris au Studio de l’Ermitage

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7 octobre 2022 5 07 /10 /octobre /2022 16:50

MIGUEL ZENON : « Musica de las americas »

Miguel Zenon (as), Luis Perdomo (p), Hans Glawischnig (cb), Henry Cole(dms).

MIEL 2022

 

Difficile de garder les semelles collées au sol lorsque l’on entend le dernier album du saxophoniste Miguel Zenon et tout son groove qui va avec. D’ailleurs avec le saxophoniste portoricain, ce n’est même plus de groove dont il s’agit mais de FLOW !

En soi cet album n’est pas surprenant dans la discographie du saxophoniste qui, album après album s’emploie à explorer la question des racines et de l’identité au travers des relations musicales des deux continents américain : celui du Sud et celui du Nord. C’est un travail qu’il explore depuis plus de 15 ans: Jibaro (2005), Esta Plena (2009), Tipico (2017). Toujours la question centrale des relations syncrétiques entre le jazz tel qu’il se pratique à New-york et ses propres racines sud-américaines.

Dans ce nouvel album le saxophoniste explore plusieurs traditions musicales caribéennes sous le prisme du jazz ( salsa, rumba, biguine etc…) allant même, dans un élan qui relève presque de l’ethno-musicologie, à sonder, comme il le déclare dans le dernier numéro de Downbeat les différence entre les cultures pacifiques ( Portorico p.ex) et celles plus guerrières ( Venezuela) dans un jeu de clair obscur.

 

Pour ce travail exploratoire, Miguel Zenon s’entoure de son fidèle quartet avec le pianiste Luis Perdomo, le contrebassiste autrichien Hans Glawischnig et le batteur portoricain Henry Cole. Et ces quatre-là inventent alors une sorte de langue nouvelle où les caraibes se marient à Charlie Parker et Steve Coleman. Cette langue est aussi foisonnante qu’une jungle luxuriante. Elle se parle avec de fines ciselures et le sang chaud. Emporté par son sujet, Miguel Zenon s’enflamme en maître d’une improvisation échevelée et finement dessinée.

Alors que beaucoup de musiciens français s’évertuent en ce moment à jouer dans la cour de la musique sud-américaine, la différence est criante. Il leur manque la joie. Il leur manque l’envie. Il leur manque l'histoire. En un mot il leur manque el fuego !

Jean-Marc Gelin

https://youtu.be/RqId5co1lU4

 
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