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7 août 2018 2 07 /08 /août /2018 15:52
27ème édition du Tremplin Jazz d'Avignon , Cloître des Carmes, les  2 et 3 août.
 GRAND PRIX  SIMON BELOW TRIO (Simon Below (p), Fabian Dudek (as, ssax), Yannick Tieman (cb), Jan Philipp (dm).

GRAND PRIX SIMON BELOW TRIO (Simon Below (p), Fabian Dudek (as, ssax), Yannick Tieman (cb), Jan Philipp (dm).

Prix de l'instrumentiste  TORUNSKI BROTHERS Quartet ( Greg Torunski (as), Piotr Torunski (bcl), Mike Roelots (Rhodes), Ron Van Stratum (dm).

Prix de l'instrumentiste TORUNSKI BROTHERS Quartet ( Greg Torunski (as), Piotr Torunski (bcl), Mike Roelots (Rhodes), Ron Van Stratum (dm).

 

27ème édition du Tremplin Jazz d'Avignon

Cloître des Carmes, jeudi 2 et vendredi 3 août 2018.

www.tremplinjazzavignon.fr

Retour à Avignon et partage de ces moment forts en jazz, au coeur d'un été caniculaire. Il n'est pas besoin de partir loin... Avignon est une destination jazz tout indiquée avec ce festival atypique qui inclut un tremplin jazz européen.

Début du mois d'août. Les murs grattent leur peau d’affiches, la ville tente de revenir à elle-même après le marathon théâtral de juillet. Le tremplin européen se glisse après la première soirée de festival (Django Charlie et le trio de la jeune bassiste Kinga Glyk) pour deux soirées très suivies par un public local, fidèle et quelque peu ouvert au jazz. Nous sommes à deux encablures de l'Ajmi, la scène de jazz avignonnaise qui fête cette année ses quarante ans!  Retour donc au cloître des Carmes avec une furieuse envie de continuer à suivre l'aventure de ce concours, initié en 1991 par des passionnés de musiques, toujours actifs pour cette 27ème édition. Michel Eymenier en est le conseiller artistique avisé, collectionneur fou, amoureux de Lester Young, entouré de deux dynamiques co-présidents, Robert Quaglierini et du plus jeune Jean Michel Ambrosino (dont c'est tout de même la dixième participation). Sans oublier  Jeff Gaffet et l' équipe épatante de bénévoles qui se déploient sur tous les fronts, par cette chaleur, à la buvette, au catering, à la technique, sans oublier les chauffeurs et les photographes. Tous fidèles en dépit des fragilités inhérentes aux associations organisatrices, dépendantes de subventions et de la générosité de mécènes.

La vocation du tremplin est de donner un espace d'expression à la jeune scène européenne, d'aider à l'émergence de groupes pré sélectionnés qui pourront mettre à profit cette expérience unique (le concours a commencé dans le quartier difficile de la Barbière, puis dans le square Agricol Perdiguier, avant de se fixer aux Carmes), jouer sur cette scène rêvée à l'acoustique exceptionnelle. Car, si les voûtes du cloître ne parviennent pas, cette année, à prodiguer une ombre fraîche et salutaire, le son est toujours assuré avec finesse par Gaetan Ortega qui officie sur la terrasse, en maître de l'espace sonore. Quant aux pierres et gargouilles du cloître, elles sont mises en lumière par un artiste des découpes et de l'éclairage. Ce plaisir de l'oeil décuple le soin porté à l'écoute. Les six groupes qui entrent en lice, cette année, pour ce qui reste l'un des rares tremplins européens, sont allemands, hollandais, serbes et français.

Rappelons que le Grand Prix consiste en un enregistrement et mixage au Studio de la Buissonne et un concert en première partie d'une des soirées du festival de l'année suivante. Les autres prix (Soliste, Meilleure Composition) sont récompensés d'un chèque de 500 euros offerts par les divers partenaires; sans oublier le Prix du Public très convoité et des cadeaux offerts sur tirage au sort des votants. 

Première soirée : jeudi 2 août

SHIFT Sextet français  Nicolas Algan (tp), William Guyard (sax), Arthur Guyard (p, clavier), Dorian Dutech(g), Louis Nicolas Gubert (b), Guillaume Prévost (dm).

Ce premier groupe toulousain  fait impression dès le démarrage du set, s'installe  vite dans une forme de jazz rock célébrée dans les années soixante-dix/quatre vingt, tendance Brecker Brothers ou Uzeb, esthétique et musique qui peuvent se révéler dangereuses car elles génèrent souvent des clichés. Quelque difficulté à trouver un son de groupe original avec ces collages, changements de rythme, ces inflexions reggae qui pimentent leurs compositions. Néanmoins, on reste sur le premier titre orchestral Impressions d'ivresse qui a cependant de quoi séduire avec de beaux unissons des soufflants.

SIMON BELOW quartet

Simon Below (p), Fabian Dudek (as, ssax), Yannick Tieman (cb), Jan Philipp (dm).

Dès leur première composition "Into the Forest", ce très jeune quartet allemand, qui vient de Cologne, école réputée et vivier inépuisable de jeunes talents, s'impose très vite par la qualité poétique de leur musique, avec des ruptures de rythme au sein d'un même morceau, de la ballade au free. Le saxophoniste, délicat au soprano, change à l'alto, gronde et rugit sur "Late Mate", soliste saisissant qui ne prend pas pour autant le pouvoir, tant le batteur assure des glissements rythmiques assez extraordinaires. Le pianiste qui est aussi le leader, est constamment inventif, ses arpèges pouvant se transformer en accords plaqués vigoureusement. Une des dernières compositions "Wailing Wind's Story", rêverie inquiète, à la douceur mélancolique, retient notre attention. Quelle étonnante complicité des quatre musiciens, dont les commentaires spontanés entretiennent et relancent l'échange. Ce groupe dont les mélodies empruntent un chemin quelque peu brisé, a une capacité à ouvrir des passages entre les genres, au gré d'une improvisation sensible et très suggestive.

 

DEXTER GOLDBERG trio

Dexter Goldberg (p), Berrand Beruard (cb), Kevin Luchetti (dm)

Ah ça joue, c'est enlevé dès l'ouverture. Peut être même un peu trop. Les lignes mélodiques s'emballent sur un rythme faussement enjoué. Le pianiste, Dexter Goldberg, fils de saxophoniste (!), issu du CNSM parisien, fait entendre un beau son, mais, en dépit d'une réelle maîtrise du clavier, ne se révèle t-il pas un peu trop démonstratif, voire désorienté quand il s'abandonne à certaines bifurcations? 

Deuxième soirée : vendredi 3 août

TORUNSKI BROTHERS QUARTET

Greg Torunski (as), Piotr Torunski (bcl), Mike Roelots (Rhodes), Ron Van Stratum (dm).

Voilà assurément une formation très étonnante venue des Pays-Bas (Maestricht) engagée dans une musique personnelle, originale et inspirée. Première impression très forte, presque définitive. Confirmée par la ballade qui suit, Hands up, sifflée au tout début. Les soufflants ont une complicité quasi-gemellaire et cela s'entend. A défaut de respirer d'un même souffle, ils semblent se passer le relais, en un élan continu. La clarinette basse joue fort avantageusement la carte rythmique de la basse et soutient ainsi un claviériste efficace. Le groupe a cependant tendance à se perdre dans des ramifications inépuisables de la mélodie, et l'ensemble du set dépassera les 40 minutes imparties. Sans les disqualifier, cette tendance à la divagation les pénalisera. Une transe dans laquelle ils aiment se perdre, à l'évidence, et dans laquelle ils embarquent certains d'entre nous. Mais pour être vainqueur, n'auraient ils pas besoin d'un projet plus structuré, une écriture plus resserrée? D'ores et déjà, on s'achemine vers un duel allemand/ néerlandais. Bien que les frères Torunski viennent de Pologne à l'origine, du conservatoire de Katowice.

Der Weise Panda  Maïka Kuster (voc), Felix Hauptmann (p), Yannick Tiemann (cb), Joe Beyer (dm)

Que nous réserve le deuxième groupe allemand, venu lui aussi de Cologne? Qui a attendu sagement, non sans inquiétude, que l'averse, qui ne rafraichira même pas l'atmosphère, leur permette de s'installer. Nuit des étoiles filantes ou pas, on espère que la pluie ne viendra pas ruiner les espérances des finalistes, car il n'y a pas d'alternative à l' "open space" du cloître…

Ce "panda sage" et non blanc ( weis et non weiSS) est conduit par une jeune chanteuse, Maïka Küster, alerte et mutine. Maïka Küster a un joli brin et grain de voix, montre musicalité et justesse dans le placement de sa voix, a visiblement travaillé quelques effets avec et sans micro, elle charmera certains membres du jury et le public (à l'applaudimètre, ce groupe remporte la palme), avec cette grâce encore enfantine. Si l'on peut s'en réjouir, la prestation ne nous a cependant pas séduit. Dommage que la sonorité de ses mots ne se fonde pas mieux dans le tissu mélodique, en dépit du soutien actif du contrebassiste, déjà remarqué la veille dans le trio allemand. Est-ce dû à un défaut d'énonciation en anglais ou en allemand, une absence d' improvisation digne de ce nom qui conduit à cette impression de "remplissage", à ce qu'il me semble du moins?

HASHIMA quartet

Igor Miskovic (g), Srdjan Mijalkovic (ts), Vanja Todoravic (cb), Aleksandar Hristic (dm).

Contraste assuré avec le dernier groupe venu de l'Est, ayant roulé depuis la Serbie sans s'arrêter, pour rejoindre Avignon. Le leader, un brin exalté, souffle le chaud et le froid, dans une scénographie travaillée. Quand il ne mord pas ou mange sa guitare, volubile, il explique son projet assurément éclectique, qui court de Stravinsky aux Pink Floyd (avec rafale de fumigènes).

Avec une suite inspirée du Jardin des Délices de Bosch (au Prado à Madrid) où les trois registres, céleste, terrestre et infernal sont très longuement développés. Rythmiquement très lourd. Reste l'énergie et un évident plaisir à être là, sur scène, dans la fournaise avignonnaise. Un peu de la folie des orchestres cuivrés de Goran Bregovic, avec ces résonances balkaniques, qui se justifient pleinement, pour une fois. Mais, comme le fera remarquer un des membres du jury, pourquoi s'appeler du nom de cette île japonaise, désolée et dévastée, quand le passé récent est aussi lourd? Une des compositions décrit en effet la vie des enfants à Belgrade sous les bombardements, en représailles des forces alliées de l' OTAN, en 1999.

Epilogue bizarre au concours 2018. Mais le Tremplin répond à cet objectif initial qui est de donner sa chance à des groupes aux projets très différents. Cette année encore, on peut repérer un engagement très sérieux de certains qui s'inspirent fort de la tradition, qu'ils maîtrisent tout en la faisant vivre intelligemment, alors que d'autres manifestent plus de fantaisie, tentent autre chose, quitte à se perdre et à sortir du cadre?

Le jury n'aura pas trop de difficulté à choisir cette année. Deux groupes se détachaient assez nettement du reste des participants. Décidément le jazz souffle fort de Septentrion. Et à l'unanimité, pour le Grand Prix, ce sera le Simon Below trio. Le Prix de l'instrumentiste est décerné au duo inséparable des frères Torunski. Le Prix de la composition ira à Shift  (Arthur Guyard, p et compo). Le public, lui, a tranché très vite, en votant en faveur de Der Weise Panda. Cette année, son choix ne correspond pas avec celui du jury. Qu'à cela ne tienne, c'était encore une belle édition que ce tremplin jazz 2018. Mais la suite vaut le détour….l'AVIGNON JAZZ FESTIVAL se poursuit!  

 

NB : un grand merci aux photographes du Tremplin sont  Marianne MAYEN, Claude DINHUT et J-H BERTRAND.

Sophie Chambon

Prix de la composition  SHIFT Sextet  Nicolas Algan (tp), William Guyard (sax), Arthur Guyard (p, clavier), Dorian Dutech(g), Louis Nicolas Gubert (b), Guillaume Prévost (dm).

Prix de la composition SHIFT Sextet Nicolas Algan (tp), William Guyard (sax), Arthur Guyard (p, clavier), Dorian Dutech(g), Louis Nicolas Gubert (b), Guillaume Prévost (dm).

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