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15 décembre 2015 2 15 /12 /décembre /2015 22:41
ANDRÉ VILLÉGER – PHILIPPE MILANTA « For Duke and Paul »

André Villéger (saxophones ténor, soprano et alto), Philippe Milanta (piano)

Meudon, 29-30 juin 2015

Camille Prod MS062015CD / Socadisc

Ces deux-là sont, dans leurs générations respectives, des maîtres en jazz de stricte obédience : jazz classique, mais pas que ; jazz moderne, là aussi ils en connaissent un fameux rayon. André Villéger, c'est le saxophoniste qui peut tout aborder, avec le même naturel, la même authenticité, la même pertinence, parce qu'il s'immerge chaque fois dans l'amour du jazz. Et dans ce domaine, Philippe Milanta n'a rien à prouver : adolescent, il hantait les coulisses de concerts, traquant les musiciens de Basie pour satisfaire sa curiosité musicale si bien que, des années plus tard, il eut le plaisir d'entendre le Count Basie Orchestra jouer un de ses arrangements. Il joue du piano comme un orchestre, et ça tombe bien, car le duo rend hommage à un homme orchestre, Duke Ellington, et à un musicien qui fut un pilier de l'orchestre du Duke : le ténor Paul Gonsalves. André Villéger connaît ce répertoire, cette esthétique, cette école, mais il se garde bien de mimer le grand Gonsalves : il joue simplement avec le même engagement, qui donne cette faculté de capter l'écoute. Au ténor, velouté, mais aussi acuité, quand il le faut ; au soprano, un brin de vibrato surexpressif à la Bechet, ce qu'il fait magnifiquement, et sans emphase ; à l'alto pour une seule plage, le doux rappel que l'histoire de l'instrument dans le jazz n'a pas commencé avec Charlie Parker. Côté piano, Philippe Milanta déploie tantôt les fastes d'accords larges, tantôt des traits incisifs, percussifs, avec un à propos qui force l'admiration. Le répertoire est magnifiquement choisi, des tubes de l'orchestre jusqu'à ses thèmes les plus secrets, avec une place de choix pour Billy Strayhorn, l'homme sans qui le Duke n'aurait pas été tout à fait Ellington. Et en plus, le texte du livret est signé Claude Carrière, connaisseur mondialement reconnu de la musique du Duke. Alors, ellingtoniens néophytes ou fans de père en fils, on se rue sur la précieuse galette !

Xavier Prévost

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14 décembre 2015 1 14 /12 /décembre /2015 19:39
Jazz From America on disques Vogue : Entretien avec Daniel Richard

Coup de projecteur sur la production 1951-56

Les lecteurs des DNJ ont déjà pris connaissance de la sortie du coffret Jazz from America on Disques Vogue (chez Sony Music) qui présente en 20 CD 41 albums originaux diffusés par le mythique label français entre 1951 et 1956. « Un panorama qui impressionne par sa qualité », écrivait Jean-Marc Gélin.

Co-réalisateur du coffret avec François Lê Xuân, Daniel Richard nous en dit plus sur la genèse de cette œuvre patrimoniale qui doit figurer dans la discothèque de tout amateur de jazz digne de ce nom.

Les DNJ : Pourquoi avoir retenu cette courte période ?

Daniel Richard : Nous avons souhaité démontrer la diversité de la production de Vogue dans cette période de six ans. Les trois patrons de Vogue, label fondé en 1947, Léon Cabat, Charles Delaunay et Albert Ferreri sont des collectionneurs qui adorent tous les jazz et le démontrent en « passant à l’acte ».On retrouve aussi bien du blues, du gospel, du be-bop, du boogie-woogie, du New Orleans revival, du cool et même l’avant-garde avec ce trio de Red Norvo où figurent Charles Mingus et Tal Farlow.

-En quoi cette période est déterminante dans l’histoire du jazz enregistré ?

-On se trouve à une époque où apparaît un nouveau support, le microsillon- le premier 25 cm date de 1948- et où les 78 tours sont toujours disponibles, ils disparaîtront en 1958. Vogue va sortir en France des albums publiés aux Etats-Unis en piochant dans les labels indépendants (Aladdin, Commodore, Dial, Fantasy, Blue Note….) et en apportant sa propre touche graphique avec des pochettes dessinées signées Pierre Merlin, surtout, mais aussi Michel David, Pierre Noury ou même Charles Delaunay pour un album de Sidney Bechet. Les albums qui sortent en France chez Vogue sont aussi bien des disques d’actualité chaude tout juste sortis aux Etats-Unis –un Chet Baker dans les bacs à New York en juillet 1953 disponible en septembre à Paris chez Vogue- que des 78 tours repris sous microsillon comme des Jelly Roll Morton ou des Tatum.

-Quels furent les grands succès parmi ces disques ?

-Le premier album publié par Vogue et consacré à Sidney Bechet a été bien accueilli. Le disque de Mahalia Jackson, des sessions de 1947 à 1950 publiées originellement sous le label américain Apollo, a fait un tabac. Vogue a aussi été le premier label à publier en France le bluesman John Lee Hooker. Mais l’objectif des patrons de Vogue n’était pas du tout commercial, même si leurs disques étaient aussi distribués au Royaume-Uni et en Scandinavie.

Propos recueillis par Jean-Louis Lemarchand

41 albums originaux en 20 CD

Noël ! Noël ! C’est encore Noël avant l’heure qu’on vous dit !

Le label Legacy a eu en effet cette merveilleuse idée d’éditer dans un coffret de 20 CD, quelques-uns des enregistrements originaux du très célèbre label Vogue. Avec Charles Delaunay aux commandes les éditions Jazz-Disques (Vogue, Jazz-Selection et Swing) avaient en effet, dans les années 50 un directeur artistique de luxe dont l’éclectisme gourmand le disputait à sa connaissance encyclopédique du jazz. Qui d’autre mieux que lui pour éditer dans la même foulée des albums de Duke Ellington, Mahalia Jackson, Wynonie Harris, Stan Getz, Red Norvo, The Spirit of Memphis quartet, Artt Tatum, Charlie Christian, Dixiland Jubilee, Charlie Parker, Originators of Modern Jazz, Erroll Garner, Kings of Boogie Woogie, Jerry Roll Morton, Dave Brubeck, Miles Davis, Red Norvo, Gerry Mulligan, Chet Baker, Syndey Bechet et enfin Lester Young.

Grâcve aux accords que delaunay avaits pu nouer avec des labels étrangers Vogue pu ainsi constituer un ilpressionant catalogue où les productions maisons côtoyaient les éditions d’Outre Atlantique. C’est ainsi que les Français purent profiter des accords passés avec Blue Norte, Dial, Aladdin ou encore Pacific Jazz

Legacy, sous la direction de Daniel Richard et François Lê Xuan a la bonne idée de rééditer ces albums avec la pochette originale dont les fameux dessins étaient notamment signés Pierre Merlin qui marquait de sa superbe signature des couvertures pleines d’à-propos et d’humour à l’image de cette couverture très drôle et un poil irrespectueuse de Jerry Roll Morton.

Ce panorama du jazz impressionne encore par la qualité de ce qui compose ce coffret.

Un cadeau essentiel à mettre au pied du sapin et à mettre absolument entre toutes les mains.

Jean-Marc Gelin

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13 décembre 2015 7 13 /12 /décembre /2015 20:23
JOHN TAYLOR-KENNY WHEELER « On The Way to Two »

Kenny Wheeler (trompette, bugle), John Taylor (piano)

Ludwigsburg (Allemagne), 21-22 mars 2005

Cam Jazz CAMJ 7892-2 / Harmonia Mundi

C'étaient deux compagnons de route, infatigables, depuis le début des années 70, et notamment à partir de 1977 et du premier disque du groupe Azimuth, qui les associait à la chanteuse Norma Winstone ; ils se retrouvaient régulièrement pour ce trio, mais aussi en d'autres contextes. Kenny Wheeler nous a quittés en septembre 2014, et John Taylor en juillet 2015. Le pianiste avait préparé l'édition de ce duo inédit, enregistré en 2005, et il avait aussi écrit pour le livret du CD un petit texte (comme l'on fait également Norma Winstone et Evan Parker) à la mémoire de son vieil ami, le trompettiste canadien devenu londonien, soulignant son jeu éminemment vivant et brillamment créatif, et insistant sur le fait que ce fut pour lui-même une source d'inspiration. L'exhumation tardive de ce disque, et le fait qu'il paraisse finalement après la disparition des deux protagonistes, tout cela augmente assurément la charge émotionnelle qu'il porte, pour les amateurs que nous sommes. La musique est à leur image, qu'il s'agisse des compositions du trompettiste, de celle du pianiste, de leur trois improvisations, ou du choix d'un des grands thèmes de Billy Strayhorn, A Flower Is A Lovesome Thing. Chaque plage révèle leur goût commun pour le lyrisme, l'introspection liée à l'expressivité, une forme d'abstraction douce, et une certaine mélancolie. Il est urgent de succomber au charme et au recueillement de cet inédit, pour ce qu'il résume des qualités des deux musiciens, pour les souvenirs qu'il ravive, et pour la promesse qu'il nous fait de nous aider à les garder vivants en nos mémoires.

Xavier Prévost

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11 décembre 2015 5 11 /12 /décembre /2015 07:53
Das Kapital  : " Kind of Red"

Das Kapital Kind of Red

Hasse Poulsen/ Edward Perraud /Daniel Erdmann

Label bleu/ L’Autre distribution www.label-bleu.com www.das-kapital.com

www.youtube.com/watch?v=uMSXqxrtx20

Quatrième album de ce trio européen atypique créé en 2002, formé d’un guitariste danois, d’un batteur nantais et d’un saxophoniste allemand. Si leurs deux premiers albums étaient consacrés aux compositions de ce musicien au parcours extraordinaire et pourtant peu connu, Hans Eisler, exilé à Hollywood avant de revenir à l’Est (créateur de l’hymne national), ils s’abandonnent à présent à leur propre partition, des chansons sans parole d’une grande beauté. Une musique toujours toujours aussi énergique grâce à la batterie de Perraud, à la gestuelle si visuelle, donc photogénique, lyrique en diable avec les saxophones ténor et soprano de Daniel Erdmann, et la guitare maîtresse de Hasse Poulsen. La lutte n’est donc pas finie et cette fois, elle se pare de compositions originales d’un triangle plutôt équilatéral, un « power trio » qui ne respecte pas l’arrangement habituel de guitare/basse/batterie. Le choc n’en est pas moins fort ! Ça commence directement par un rock amplement électrifié, ce « Webstern » de Perraud, figure d’un ouest parodique et actualisé? Poulsen est loin des gratouillis de ce Sound Kitchen dans lequel je l’avais découvert ... Ça continue aussi prestement sur «Iris » le deuxième titre du batteur qui est le troisième en fait, explosant en tempête de cordes, propulsé par une batterie d’une violence douce. Puis Erdmann prend la main, nous rassurant vaguement « au milieu il y a encore de la place », une ambiance différente...est-il plus en retrait sur cet album avec seulement deux compositions de son cru ? Ecoutez- le donc dans ce titre nitzschéen, «Jenseits von Gut und Böse» qui taraude l’esprit, tant la recherche est lancinante,progressive. Un accord en demi-teinte intimiste et quand même un peu rebelle avec l’arrière-pays brossé largement par un batteur qui ne tient pas en place. Cet album semble une parfaite illustration d’un cinéma virtuel qui se projette dans votre tête : trois voix, souvent irréelles, se répondent dans ce «How long, so low » aux sonorités travaillées ou dans «Just like that » par exemple. Un volet plus onirique incite les musiciens à une improvisation complice, où la guitare écraserait bien le ténor. Ce serait sans compter les effleurements, la construction ascendante de Poulsen, intégrant avec bonheur tous les imprévus d’une musique souple mais invasive, constamment sous tension jusqu’au final intense, déchirant.... On ne comprend pas toujours comment fonctionne ce mix de folk/jazz/ rock. Qu’importe ! L’album conserve une unité, une dimension originale et poétique, une inquiétude qui vous trouble et transporte dans cette sorte de rouge....qui imprime un certain bleu à l’âme.

Sophie Chambon

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10 décembre 2015 4 10 /12 /décembre /2015 16:35
MARC DUCRET  TRIO + 3 « Métatonal »

Marc Ducret (guitare), Bruno Chevillon (contrebasse), Éric Échampard (batterie), Christophe Monniot (saxophones alto & sopranino), Fabrice Martinez (trompette), Samuel Blaser (trombone)

Les Lilas, 2-6 décembre 2014

Ayler Records AYLCD-148 / www.ayler.com

Cela fait presque vingt ans que le fantastique trio qui associe Marc Ducret à Bruno Chevillon et Éric Échampard s'est constitué. Et depuis, sa vitalité créative et sa faculté de renouvellement n'ont jamais désemparé. Tandis que d'autres projets suivaient leur cours, le trio se produisait régulièrement en concert. Absents au disque depuis les enregistrements de 2004 & 2005 publiés confidentiellement par le guitariste, ils reviennent en force, avec renfort : deux compagnons de route déjà familiers (Christophe Monniot & Samuel Blaser) et un nouveau venu dans l'univers de Marc (Fabrice Martinez). La connivence est totale : la guitare mène la danse, la rythmique est au plus près, stimulant, anticipant ou redoublant les éclats comme les nuances ; puis les souffleurs trouvent leur exacte place dans cet ensemble de haute précision libertaire. Le répertoire conjugue hier et demain, avec évidence : Dialectes, enregistré naguère pour « L'Ombra di Verdi », puis sur l'un des « Trio Live » auto-produits, et aussi avec Big Satan ; deux reprises de Dylan (souvenir du groupe « Seven Songs From The Sixties » voici près de 20 ans) , reprises rassemblées et amoureusement corrigées, en un ensemble intitulé 64 ; Porteurs de lanternes, que le trio jouait régulièrement en concert depuis une dizaine d'années ; et deux nouveaux thèmes, Inflammable et Kumiho. C'est dans ce dernier morceau que les trois invités sont conviés à dialoguer en toute liberté avec le trio, avant que le thème fétiche des concerts du trio ne donne sa conclusion. Éclatant de bout en bout, ce disque nous rappelle, s'il en était besoin, que Marc Ducret pourrait à lui seul incarner la musique à venir, « The Shape of Jazz to Come », en quelque sorte.... Enregistré voici tout juste un an à la faveur d'une série de concerts au Triton, avec le trio dans l'ancien puis le nouveau répertoire, trio rejoint ensuite par les invités, ce disque est magistral, de bout en bout !

Xavier Prévost

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8 décembre 2015 2 08 /12 /décembre /2015 19:25
YVES ROUSSEAU « Wanderer Septet »

Xavier Desandre-Navarre (percussions), Édouard Ferlet (piano), Régis Huby (violon), Jean-Marc Larché (saxophone soprano), Thierry Péala (chant, diction), Pierre-François Roussillon (clarinette basse), Yves Rousseau (contrebasse, composition et adaptation)

Malakoff, juillet 2014

Abalone AB 020 / L'autre distribution

Yves Rousseau aime Schubert, passionnément. Et il a eu l'idée, ou plutôt le désir, d'élaborer une musique qui se nourrirait de ce grand compositeur, tirant vers le jazz certains fragments, restituant d'autres extraits dans leur caractère originel, et mêlant le tout dans une tissage savamment amoureux de thèmes originaux. Aventure risquée, et même osée, mais menée à bien d'éclatante manière. Par delà la passion, et la connaissance de cette œuvre, ce qui paraît déterminant, c'est le choix des partenaires, tous imprégnés de cette profonde musicalité sans quoi un tel projet ne serait que démonstration ou divertissement : Xavier Desandre-Navarre, qui joue batterie et percussions en rêveur impénitent ; Édouard Ferlet, coutumier des détournements de la musique classique par le jazz, ardemment musicien jusqu'au tréfonds de l'âme ; Régis Huby, passeur d'univers toujours aux aguets ; Jean-Marc Larché, virtuose de l'improvisation, résolument lyrique, et trop rare dans le jazz ; Thierry Péala, dont la voix et la sensibilité épousent exactement la beauté mélancolique de cet univers ; Pierre-François Roussillon, soliste classique qui a choisi de diriger de belles institutions culturelles, et renoue ici avec les musiques qu'il aime ; et Yves Rousseau, qui depuis quelques lustres trace entre les musiques une voie singulière, qui conjugue le goût et le talent. Lieder, musique de chambre et fragments symphoniques se télescopent avec bonheur. Ici l'on croirait entendre recycler un accord dissonant de l'Allegretto pour piano en do mineur. Ailleurs, explicitement ou allusivement, une bribe de quatuor ou de sonate. Quelques textes émaillent ce festin mélancolique : inventaire d'après décès, épitaphe rédigée par un ami, et courts récits du quotidien.... Le tout procède de ce mouvement irrépressible propre au jazz, où le rythme, les syncopes et l'improvisation aspirent à tutoyer la beauté. J'ai coutume, quand j'écoute du jazz contaminé par l'esprit de la musique de chambre, de dire à ceux qui l'écoutent avec moi « c'est beau comme du Schubert ». Eh bien, je persiste et signe : comme du Schubert, vous dis-je !

Xavier Prévost

Le groupe sera en tournée en janvier et février 2016 : Nancy, Lausanne, énart, Bagneux....

On peut également écouter Yves Rousseau dans la récente réédition du Mop Trio du batteur Bertrand Renaudin, avec le pianiste Hervé Sellin ( « New Acoustic » , www.opmusic.fr )

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8 décembre 2015 2 08 /12 /décembre /2015 18:44
Franck Tortiller/François Corneloup  :"Singingfellows"

www.labelmco.com

www.francktortiller.com

Franck Tortiller et le label indépendant MCO, émanation de l’association Musiques à ciel ouvert, se donnent «les moyens de création et de diffusion indispensables aujourd’hui pour assurer une certaine visibilité». En voici un exemple avec ce Singingfellows dont on aime la présentation sobre, les compositions complices à part égales, « le son acoustique, électrique, vivant, dynamique et brillant ». Les musiciens ? Un duo original d’experts du vibraphone-marimba (Franck Tortiller) et du saxophone baryton François Corneloup.

Deux musiciens qui savent animer, au sens premier, leurs échanges, avec un sens mélodique rare, exploitant la combinaison de deux instruments un peu particuliers, dépoussiérés de certaines images trop convenues. Le baryton ne sert pas seulement à assurer une rythmique, écoutez donc sa capacité de soliste dès le premier titre, ce solo moelleux et rond de « Walking fellows », hommage indirect au Walking Shoes du grand Mulligan qui a donné ses lettres de noblesse à l’instrument, même si on ne peut passer sous silence les noms d’Harry Carney, Serge Chaloff, ou Pepper Adams. La capacité exceptionnelle due à la respiration continue entraîne une progression dramatique, autorise souvent d’amples spirales mélodiques.

Les mélodies prenantes sont lyriques, tintinnabulantes comme dans la ballade «Aux charmes». Un rythme très vif contredit le titre « l’esprit d’escalier » où on verrait bien un Tomcat dévaler l’escalier tant l’agilité de Tortiller est confondante, ce qui se confirme sur le titre suivant où il s’appuie sur la basse pour nous livrer un « Presque rien » qui dit à peu près tout. Un mood chaleureux, irrésistiblement entraînant. C’est que cette musique sans prétention, coule sans le moindre effort apparent. On passe de climats feutrés à d’autres vraiment éclatants, dans un équilibre intelligent. Si un « Temps gris » vraiment très doux est un brin contemplatif, un lyrisme enivrant irrigue « la nuit est un son». La « valse à deux têtes » finit en beauté cet album tendre, souvent émouvant, virtuose toujours et en tous les cas, expressif d’un exemple réussi de dialogue et d’improvisation. Vivement conseillé.

Sophie Chambon

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7 décembre 2015 1 07 /12 /décembre /2015 22:41
ÉRIC LE LANN « Life on Mars »

Éric Le Lann (trompette), Paul Lay (piano), Sylvain Romano (contrebasse), Donald Kontomanou (batterie)

Vannes, avril 2015

Moods MA3729BR01 / L'autre distribution

Quel plaisir de retrouver Éric Le Lann avec un grand disque, et un groupe qui lui sied à merveille ! Le pianiste, Paul Lay, non content d'être l'un des musiciens les plus intéressants de sa génération, est aussi un sideman exceptionnel : il s'implique dans les groupes comme personne, apportant la subtilité de l'accompagnateur, la fièvre créative de l'improvisateur, et une science musicale sans ostentation, mais d'une évidence confondante. Le contrebassiste, Sylvain Romano, est un pilier du jazz de stricte obédience, et il sait faire avancer la musique, mine de rien, sans éclat apparent, mais avec une force irrésistible. Et Donald Kontomanou confirme sa grande classe ; lui aussi sait stimuler, et plus si nécessaire, pour faire vivre cette musique dont la vitalité est le credo. Et sur ce mouvement constant de balancement obstiné, quel que soit le tempo, Éric Le Lann nous foudroie de sa mélancolie. La trompette timbre parfois comme un bugle, avec cette rondeur de toutes les nostalgies. Les thèmes, pour la plupart du trompettiste, ont cette qualité d'être mélodiquement évidents, même quand ils évoluent sur des harmonies sinueuses. Et le pianiste s'en donne à cœur joie quand il faut conduire ces harmonies sur d'autres chemins. Un blues d'anthologie, d'une expressivité intense, précède une Danse profane, empruntée à Debussy (Deux Danses, pour harpe et cordes) et légèrement transposée. Douce mélancolie, toujours. Vient un standard (Everytime We Say Goodbye) de la même veine, et là encore Éric fait merveille dans cette douceur vénéneuse à quoi l'on ne résiste pas. Puis c'est une reprise, alanguie, de la composition qui ouvrait le disque, et l'on va s'abandonner encore à cette nostalgie dévorante, jusqu'à l'instant où la pulsation transporte le thème vers une autre sphère. Une valse jouée naguère en duo avec Michel Graillier (Twins Valse), et qui évoquait les jumelles dont il est le père, nous conduira à la plage conclusive : Life on Mars, de David Bowie. L'ensemble est prenant, délicieusement sombre ; c'est un peu le règne du clair-obscur, où l'ombre fait surgir des luminosités inouïes : grand disque, vraiment. Merci Éric !

Xavier Prévost

Le groupe jouera le jeudi 10 décembre à Paris, au Petit Journal Montparnasse

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7 décembre 2015 1 07 /12 /décembre /2015 20:15
Stacey Kent-Tenderly

Stacey Kent-Tenderly

Avec Roberto Menescal (guitare), Jerry Brown (basse), Jim Tomlinson (saxophone ténor et flute alto).

Okeh/Sony.

C’est un retour aux sources du Great American Songbook pour Stacey Kent. Rien que de classique me direz-vous pour la chanteuse américaine. Que non. Elle a choisi d’effectuer le voyage en compagnie d’un artiste n’appartenant pas à la jazzosphère, le guitariste brésilien vétéran (78 ans) Roberto Menescal. Le choix n’a rien pourtant d’incongru. « Roberto est le compositeur brésilien le plus jazzistique, Stacey la chanteuse américaine la plus bossa noviste » explique en français le saxophoniste britannique Jim Tomlinson, complice musical et intime de Stacey (son mari depuis 1991).

Leur rencontre était donc prévisible. Stacey fit la connaissance de Roberto au Brésil lors d’un concert en 2011. Elle était fan de bossa nova comme elle devait le démontrer dans son précédent album (The Changing Lights.Parlophone.2013. ). Il adorait les standards américains. « Nous partageons la même sensibilité », confie Stacey Kent. « Tenderly » reflète cette proximité avec un répertoire de titres classiques de la chanson américaine à commencer par le titre qui donne son nom à l’album ou encore Embraceable You, The Very Thought of You ou encore In the Wee Small Hours of the Morning, un des succès de Frank Sinatra.

On n’a plus besoin de vanter la suavité de la voix de Stacey Kent et son phrasé qui rend toutes les nuances des textes. Roberto Menescal apporte une touche délicate avec des accents de Barney Kessel. Jim Tomlinson, au saxophone ténor et à la flute, se met au diapason du duo qui bénéficie du soutien du bassiste Jeremy Brown. Sans batterie ni piano, cette formation évolue avec aisance et décontraction. Un vrai bonheur.

Jean-Louis Lemarchand

Stacey Kent sera en concert le 12 décembre au Théâtre des Champs-Elysées et effectuera une tournée en France au printemps (Limoges, Le Mans, Carcassonne, Perpignan, Bordeaux, Paris (La Cigale), St Priest…)

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7 décembre 2015 1 07 /12 /décembre /2015 09:05
HANS LÜDEMANN « Das reale Klavier, ein Kölner Konzert »

Hans Lüdemann (piano acoustique & piano numérique, en solo)

Cologne, 16 mai 2013 & Düsseldorf, 26 octobre 2013

Budapest Music Center BMC 219 / UVM distribution

J'ai abordé ce CD avec un vif intérêt, car depuis trois décennies je m'intéresse au traitement électronique et numérique du son des instruments, et en particulier du piano. À l'écoute de ce disque, dont le discours d'escorte déploie de copieuses réflexions sur le « vrai piano » et le « piano virtuel » (échantillonné numériquement), j'avais donc de fortes attentes, d'autant que le propos s'étendait à la perception que l'on peut avoir d'un piano acoustique par le truchement de l'enregistrement numérique. Le CD se conclut par une plage purement acoustique, réalisée au centre Steinway de Düsseldorf, pour une courte pièce lyrique commandée par la célèbre marque de pianos. Tout ce qui précède est la captation d'un concert au Loft, salle de concert (également studio d'enregistrement) de Cologne, et le pianiste utilise un piano de concert et un piano « virtuel » (à échantillonnage numérique). Acoustique d'abord, pour la première pièce, le disque évolue à la seconde plage vers le piano virtuel, avec des inflexions micro-tonales qui paraissent bien pauvres et convenues eu égard aux promesses du discours d'accompagnement. Vient ensuite un moment de piano préparé par les moyens classiques de contacts directs de la main ou d'objets sur les cordes, et là encore on reste sur sa faim si l'on a en mémoire ce que font bien des pianistes-improvisateurs (de jazz ou pas) depuis pas mal d'années. Et après avoir entendu des choses qui rappellent un certain concert à Cologne d'un autre pianiste, on glisse vers une plage, acoustique, où rôde un peu du souvenir d'Abdullah Ibrahim, quand il s'appelait encore Dollar Brand. Vient ensuite Ankunft (l'arrivée), où le piano virtuel produit des effets moins rudimentaires qu'auparavant. Ma mémoire me dit cependant que le piano de Joachim Kühn, traité en temps réel par l'ingénieur du son Walter Quintus en 1988 (CD « Dark », Ambiance AMB 1, musique conçue pour un ballet de Carolyn Carlson), offrait plus de surprises, et ouvrait plus d'espace vers la création d'inouï. Une rapide vérification par l'écoute de ce disque un peu ancien confirma mon impression. Reste qu'il y a dans le disque de Hans Lüdemann de belles plages de piano solo, où l'aisance inspirée de l'improvisateur convainc plus que l'ambition du compositeur, même si le projet explicite est d'abolir la frontière entre le prémédité et le spontané. La dernière pièce du concert (et la pénultième du disque) nous réconcilie cependant avec l'improvisateur et le jazzman. Cela dit Hans Lüdemann demeure un pianiste de premier plan : à ce disque, on pourra préférer, parmi d'autres « Die Kunst des Trios 1-5 » (BMC Records).

Xavier Prévost

Vidéo de studio piano acoustique/piano numérique

https://www.youtube.com/watch?v=IhjnsDzDab8

Texte d'accompagnement en Anglais sur le site de BMC Records

http://bmcrecords.hu/pages/frameset/langchange_en.php?kod=219

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