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11 février 2008 1 11 /02 /février /2008 07:44

Carla-Bley.jpg 

 

 

La très bonne idée de ce dernier album de The lost chords est d’être allé chercher le trompettiste sarde Paolu Fresu pour accompagner le quartet de la plus suédoise des compositrices américaines, Carla Bley. Une quête contée comme une bande dessinée et avec beaucoup d’humour dans les « liner notes » qui accompagnent l’album. Une rencontre en apparence contre nature tant la pianiste s’est ses dernières années appliquée à l’understatement dans ses compositions, un certain minimalisme froid alors que Paolo Fresu transmet beaucoup d’émotion par  la sincérité et le naturel de son phrasé. Et pourtant le résultat est exceptionnel. La suite The Banana Quintet est une pièce majeure où chaque note semble absolument nécessaire, indispensable. Une harmonie élégante, majestueuse, vibrante, porteuse de lendemains lumineux, sans aucun pathos. Le timbre charnu et rond de Fresu se marrie parfaitement à l’élégance effacée de Drummond à la batterie, au swing de Steve Swallow, toujours parfait à la basse électro-acoustique et au son pur d’Andy Sheppard aux saxophones soprano et tenor.  Quel bonheur ces compositions que nous offre Lady Bley, de la très belle ouvrage, montant en intensité avec subtilité et nous tenant en haleine jusqu’à l’accord final. En apparence d’une grande facilité, la suite est d’une construction très complexe, avec des ruptures harmoniques très brutales, des chorus de cinq mesures et de nombreuses quintes. Et surtout ensemble, les cinq musiciens ont un son d’une homogénéité parfaite, un peu comme si cela faisait vingt ans qu’ils traînaient ensemble dans tous les rades de la planète. Des vieux de la vieille à qui on ne la raconte pas. Ils se sont vraiment trouvés (« find »), au sens fort du terme, trouvés dans le souffle qui les traverse, trouvés dans la pâte sonore, trouvés dans le même amour de la musique. Leur art explose sur le sublime Death of Superman – Dream sequence 1 Flying , une pièce très intime, très lyrique, très dépouillée où Fresu se découvre être le jumeau poète de Sheppard. Absolument bouleversant. A la fin de l’album, ils reprennent une vieille composition de Carla Bley, Ad libitum, qui semble avoir été écrite pour conclure cet album choral. Régine Coqueran


Watt Works 2007
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11 février 2008 1 11 /02 /février /2008 07:41
dbinney2006.jpg 

Mythology 2007

David Binney (as), Bill Frisell (g), Craig Taborn (p, org, synth), Eivind Opsik ( ac & elec b) Kenny Wollesen (dm, perc), Adam Rogers (g)

 

 

 

 

 

Nous avions été emballés il y a un an à l’écoute de « Welcome to life ». Aujourd’hui nous sommes juste un peu plus réservés à l’écoute de « Out Of Airplanes » même si c’est vrai il ne manque pas d’atouts. La conception de la musique telle que la développe ici David Binney est véritablement celle d’une œuvre collective dans laquelle le tramage des voix (Contributors) qui s’emmêlent, se confondent et contre chantent les unes avec les autres, cette conception est celle d’une histoire racontée. Une histoire dans laquelle le rôle du soliste compte beaucoup moins que l’univers dans lequel il semble plonger. Ainsi par exemple les chorus de David Binney s’entendent plus comme la narration d’une histoire que la force évocatrice permet à chacun de s’inventer. Les voicing et les backgrounds  sonores contribuent à tisser l’espace musical sur lequel les voix émergent. Celle de Bill Frisell qui ne fait pas partie de la bande mais est invité pour l’occasion, donne à la force presque romantique de David Binney un contre éclairage plus ténébreux de rock un peu plus trash (Out of Airplanes). Les univers sont complexes mais poétiques. On relève un gros travail de composition jouant sur une réelle complexité harmonique cependant jamais fastidieuse à l’écoute. On est au contraire plus intéressé par la lente organisation des morceaux. Chaque soliste ici reste très respectueux du cadre pas seulement défini par la rythmique mais par chacun d’entre eux. Dans Bring your dream, les acteurs de cette pièce poétique semblent improviser une déambulation dans une sorte de ville fantôme où les éléments traversent l’espace sonore furtivement, craquent et couinent avant de disparaître. Les morceaux sont parfois entrecoupés de petits interludes comme des petites escales qui emmènent ailleurs, changent le décor tout en conservant une certaine continuité. Mais l’essentiel de l’album est conçu comme de lentes progressions de thèmes fondés sur des ostinato dont l’intensité progresse peu à peu et sur lesquels le soliste s’exprime jusqu’à toujours la porter à son paroxysme final (Out of  Airplanes, Home). C’est très beau même si, utilisé plusieurs fois il donne un caractère un peu répétitif. En fin d’album il est encore utilisé sur Instant Distance pour laisser place au batteur qui aura été de bout en bout assez impressionnant et qui conclut un album qui s’étend entre fascination des paysages et émotions vives. En dehors de l’avion s’étend ce paysage cotonneux et inaccessible que nous observons derrière le hublot. En spectateurs, parfois étrangers. Jean-Marc Gelin

 

 

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9 février 2008 6 09 /02 /février /2008 06:44
PORTRAIT-GIOVANNI-MIRABASSI_-Cr-dit-Photo-Gildas-Bocl-.jpg
Ó Gildas Boclé



Propos recueillis par Bruno Pfeiffer

 

Le pianiste de Pérouse enchante la France depuis son arrivée, il y a quinze ans. Les projets du compositeur l'ont mené à  tous les couronnements : Victoires du Jazz; Prix Django Reinhardt; Prix de l'Académie du Jazz. Son dernier trio, qui s'appuie sur le batteur phénoménal Leon Parker, nous plie à nouveau les genoux, admiratifs. Rencontre avec un rebelle impénitent dans son quartier, les Abbesses.

 

DNJ De quand date ton rapprochement avec le jazz ?

GM J'ai commencé enfant. Notre argent de poche, avec mon frère, filait dans les disques. Tous les Blacks arrivaient sur nos étagères : Miles, Mingus, Monk, Blakey. Le festival de Pérouse se passait à une vingtaine de kilomètres de mon village. On est allé les voir tous. Je me suis mis naturellement au piano. Ma réputation a rapidement dépassé le village...

DNJ Quand as-tu décidé de devenir pianiste professionnel ?

GM En 1996, arrivé en France, j'avais 27 ans. Je sortais d'un problème personnel. Je vivais comme un SDF. Je me suis levé un matin en me posant la question de mon avenir. Que voulais-je faire? Je voulais jouer la musique que j'aime, sur un piano accordé, avec mes musiciens, et en vivre dignement. Pour cela il fallait que le public l'apprécie. J'avais remporté quelques concours. J'ai mis cette réputation à  profit pour enregistrer "Architectures" au studio de la Buissonne, le top. J'ai eu la chance de tomber sur le batteur Louis Moutin.

DNJ Quelles sont tes influences majeures ?

GM Le swing que dégagent les collectifs de Mingus me transporte. C'était un "talent scout", comme Blakey, du reste. Les sidemen sortaient le meilleur d'eux-mêmes sous sa baguette. Une musique "on the edge", en recherche permanente, mais qui ne perd jamais de vue la tradition. Certains esprits grincheux avancent que le jazz est mort depuis, comme s'il ne fallait pas comme eux recréer les lois du genre à  chaque prestation. Sans se reposer sur leurs lauriers, ces gars régneraient le genre. Chercher me semble un devoir.
Enfin, à la source de mon jeu : deux pianistes gigantesques. Bill Evans, que j'ai raté, enfant, au festival annuel de ma ville natale. J'avais dix ans. Mon père ne pouvait pas m'emmener : il était malade. "Portraits in Jazz" sur Riverside, d'Evans m'a fait tomber amoureux du son de l'instrument. Enfin Enrico Pieranunzi : j'ai craqué pour le sens esthétique. Pour son art de mettre l'harmonie au service de la mélodie. Je me suis reconnu dans sa connaissance des marches harmoniques, rare en jazz. J'ai opéré une plongée dans sa maîtrise des styles comme s'il s'agissait d'une descente en moi-même. Il m'époustoufle encore.

DNJ Le son te paraît essentiel ?

GM Oui. Le nerf de la guerre du piano, c'est avant tout du son. Nous n'avons qu'un contact du bout des doigts avec cet instrument complexe. Sans maîtrise du toucher, à  mon sens : pas de piano. Ceci dit, le phrasé garde son importance. Coréa, à  ce titre, a influencé toute l'école européenne. Ma main droite lui doit beaucoup.

DNJ Keith Jarrett ?

GM Qui contesterait qu'il s'agisse de l'un des plus grands pianistes qui soit passé de toute éternité sur cette planète. Sa maîtrise de l'instrument sort de la logique. Il possède la faculté de jouer à  genoux, rien qu'en faisant confiance aux muscles de ses doigts. Il a des mains de crabe! C'est un extra-terrestre! J'éprouve toutefois des difficultés à  acheter son dernier album. Il a insulté le public à  Pérouse, simplement parce qu'il entendait du bruit dans la salle. Il faut qu'il change de métier. Un artiste qui en arrive à  insulter le public n'en est plus un.

DNJ Ton meilleur souvenir?

GM A 19 ans, le saxophoniste Steve Grossman m'a invité sur scène. Je remplaçais un pianiste qu'il avait viré on ne sait pas trop pourquoi. Mal luné, sans doute... J'ai encore le souvenir du trac... et cette sensation de me voir enfin dans le coup, au milieu du truc. Parachuté en conservant la sensation d'observer le frisson de l'extérieur. Comme si jétais passé à  travers le miroir d'Alice aux Pays des Merveilles. J'avais appris à  l'ancienne, en écoutant les vinyles. Imagine : tu écoutes "Kind of Blue", et d'un coup, c'est toi qui es assis au piano : une folie! J'ai suivi Grossman dans la tournée italienne. La réalité prend une autre dimension. Je ressens la même émotion depuis. De me retrouver sur scène change la perception : une seconde devient une éternité.

DNJ  Pourquoi t'être exilé à  Paris ?
  

GM Avant tout parce que j'ai fui Berlusconi. J'ai lié mon avenir à  cette ville. Ici, nous nous sommes retrouvés avec des artistes comme Paolo Fresu, Flavio Boltro, Rosario Giuliani, Stefano Di Battista. Aldo Romano nous a bien aidés. Nous nous sommes serrés les coudes mais chacun a fait son chemin de son côté. Maintenant, avec Sarkozy, j'éprouve de grandes craintes. A vrai dire mon avenir est lié à  l'avenir du monde, et je ne vois pas très clair dans l'avenir du monde. Les manipulations du grand capital font sur le monde la pluie et le beau temps. On vit dans une perte totale du sens commun. Les gens sont emportés par cette spirale. Forcément, ils ont peur. Or la peur, c'est la base du fascisme.


DNJ Quel a été le tournant de ta carrière ?

GM Mon histoire a fait un bond avec l'enregistrement d'AVANTI! sur le label Sketch, en 2001, sur des moyens artisanaux. Le fondateur du label, Philippe Ghielmietti, a produit un bijou. Ce fut un rêve. Les Japonais en ont acheté dix mille sur le coup. Depuis ils m'invitent deux fois par an pour de grosses tournées. Je ne m'attendais pas à  devenir célèbre d'un coup. Le disque a marqué les esprits Je réponds encore à  plusieurs mail par semaine d'amateurs qui me demandent où¹ le trouver.

DNJ : Te définirais-tu comme un romantique ?

GM Chaque artiste ressent une fêlure personnelle. Je suis sensible au temps qui passe, à  la mélancolie. S'ajoute à  cela que les Italiens ressentent une certaine intimité avec la mélodie. J'ai beau avoir passé la moitié de ma vie à  Paris, j'ai conservé cette esthétique dans mon identité. Par bonheur, s'il n'y pas de culture généralisée du jazz en France, ce pays peut se targuer d'une vraie culture de la mélodie, grâce à  la chanson. Enfin, je dois avouer que j'ai répété les gammes en bossant Chopin comme un acharné. Il n'y a pas plus romantique que lui! Ceci posé, je me perçois plutôt comme un anti-romantique. J'essaie de ne pas insérer mes petits bobos personnels dans la musique : j'aurais l'impression d'arnaquer le public. Méditons cette sentence du grand concertiste Alfred Cortot : "la musique n'est pas une poubelle où¹ l'on jette ses échecs personnels".

DNJ Quelle est pour toi la section rythmique idéale?

GM Je suis très sensible aux batteurs. J'aime beaucoup Dave Holland et Paul Motian. Je trouve que Marc Johnson déploie des lignes extraordinaires. Il figure sur plein d'albums de Pierannunzi. Un de mes rêves s'est réalisé avec Leon Parker. Maintenant je jouerais volontiers avec Brian Blade.
  

DNJ Es-tu heureux dans ton métier ?
  

GM La vie d'artiste est un choix. Sans la musique je ne pourrai pas vivre. Je suis accroc et instant miraculeux où des ténèbres de l'arrière-scène, tu passes à  la lumière : une vraie drogue! Je reconnais toutefois qu'il y a plus confortable que le métier de concertiste : je ne saurais blâmer une personne qui hésite à  se lancer. Mais quand on se retrouve au milieu de la danse : on danse! Après, certaines règles simples s'appliquent. Notamment ce don que tu fais de toi-même au public.

  

Giovanni Mirabassi
"Terra Furiosa" (DISCOGRAPH) 2007
VOIR CRITIQUE DANS LES DNJ DE JANVIER

 

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8 février 2008 5 08 /02 /février /2008 21:02

grapelli.jpg

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8 février 2008 5 08 /02 /février /2008 06:52

thieblemont.jpgAphrodite 2007




Bruno Thieblemont, compositeur, arrangeur et vibraphoniste signe son premier opus chez Aphrodite. De formation classique, il a étudié dix ans le hautbois et les percussions classiques. On le retrouve dans l'orchestre philarmonique de Radio France. Pour autant, il est aussi musicien de jazz et s’impose sans ambiguïté comme tel sur « Septième Couleur ».

Et là encore, le jazz français crée!

Les mélodies, toutes du vibraphoniste, sont simples et variées. Les structures sont modernes et très efficaces tout en restant positionnés sur un jazz finalement mainstream plutôt grounded qu’abstrait. Les thèmes de Thieblemont, lorsqu’ils sont joués au vibraphone, nous semblent naïfs, poétiques, enchanteurs même (« Septième Couleur »). Pourtant très touffus, l'oreille ingurgite les morceaux avec une facilité déconcertante sans qu'on perçoive quelconque sensation de succession de morceaux. Probablement que Thieblemont l’arrangeur a parlé et bien parlé.

Surtout, on sent que le compositeur a le sens naturel de la nuance et de l'intégration transparente dans un contexte jazz d'un style musical dont on veut exploiter les atouts tout en échappant à ces stigmates. Sans s'en rendre compte, l'oreille est baladé du funky « Time For You »  à «  P'tit déjeuner » qui fait irrésistiblement pensé à un morceau d'Horace Silver bien trempé et de bonne cuvée. Remarquable de finesse. Le jeu du vibraphoniste est duveteux, sans impétuosité et ces chorus respirent, particulièrement quand ils sont associés à la section rythmique (Martin Guimbellot, Laurent Palangié) qui livre une bonne motricité générale pour le groupe.

Didier Forget et Baptiste Herbin forment une combinaison de vents aux saxophones très soudés et toujours en tension, même sur une ‘presque-ballade’ qu’est « 16=12 » où le soprano bluesy de Didier Forget est en flux continu relayé par le vibraphone, bluesy aussi, de Thieblemont. Leur expression est douce et reposée sur l'étrange « 5 sur 5 ». La combinaison Saxes et vibraphone est particulièrement homogène, entre sons tranchés et ronds.

A l'alto, Herbin étonne sur «  P'tit déjeuner ». Avec un imaginaire riche et une improvisation fluide et rugueuse, Herbin semble s'en donne à coeur joue dans un registre à la Kenny Garrett, avec les sonorités et les accents qu'il s'est appropriés. La sensation reste la même sur « Septième couleur ».

Sous couvert d'un certain classicisme apparent, « Septième Couleur » s'avère plein de vigueur, d'originalité, de richesses insoupçonnées comme on dit à propos de la nature et de subtilité dans les compositions. Maintenant qu'on a la musique dans la tête, on n'a qu'une hâte: les concerts.

Messieurs les programmateurs, si vous lisez les DNJs... Jérôme Gransac

 

 

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8 février 2008 5 08 /02 /février /2008 06:49

Volcanic records 2007


Tchangodei.jpg

 

Franchement on y croirait. A entendre Tchangodeï, on pourrait effectivement croire à un genre de bluesman venu direct du Delta dans la pure tradition du blues bien gras, celui qui vous colle aux basques. Une voix rocailleuse, un brin facétieuse. Une voix fatiguée de celui qui a trop fumé (on ne sait pas trop de quoi d’ailleurs), de celui qui a peut être trop bu aussi et beaucoup bourlingué. Traîné ses guêtres au bar des comptoirs dans les clubs de jazz à la nuit tombée.

Il faut dire que Tchangodeï n’est pas un inconnu dans le milieu du jazz. Songez que la garçon a tout de même tenu le clavier aux cotés Steve Lacy, Archie Shepp, Georges Lewis, Mal Waldron, Sunny Murray, Sonny Simmons, Louis Sclavis … Avouez que l’on aurait pu trouver pire comme référence….

Tchangodeï surprend à plus d’un titre. D’abord par ce qu’il allie le piano stride et boogie avec le blues chanté le plus caverneux. Un blues qui flirterait avec Waller, avec Earl Hines et Jerry Roll Morton. Mais Tchangodeï ne s’arrête pas là et évite les clichés pianistiques de manière étonnante. Il n’est que d’entendre un titre comme Electronic Blues spiritual pour se rendre compte que Tchangodeï entend bien moderniser le genre dans une forme assez inédite et bigrement séduisante. Une sorte de piano bastringue accompagne sa voix avec une rythmique en overdub. Mais Tchangodeï surprend aussi avec une voix paradoxalement très blanche qui évoque plus Jacques Higelin ou Tom Waits que James Blood Ulmer. Du coup il se joue des contrastes. Son côté activiste au piano, stride et nerveux vient en contrepoint d’une voix quelque peu « lazy », au chant traînant, dans une sorte de lascive posture. Contraste gagnant !

Tchangodeï joue des standards (Darn that dream), les chante aussi (très beau Memories of you), compose lui-même et écrit parfois les paroles. Son Europe promise derrière un magnétisme envoûtant sonne comme une cruelle et sombre mise en garde à tous les prétendants à l’exil. C’est simplement que Tchangodeï dit la même chose que les vieux bluesmen du Delta. Il dit une forme de désespoir traînant, brut, Terriblement brut. Son piano le rend optimiste et incroyablement vivant.                     Jean-Marc Gelin

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21 janvier 2008 1 21 /01 /janvier /2008 07:43

Yvinec.jpg
Bee Jazz 2007



Daniel Yvinec, on le sait adore jouer les grands standards américain. Il en fait habituellement un champ de partage très intime, un terrain propice à l’échange feutré et tout en nuance pour ceux avec qui il joue. On se souvient de son travail avec Guillaume de Chassy en duo sur Wonderful World où ils démontraient alors l’universalité de ce patrimoine commun. Ces thèmes que chacun a dans la tête et dont Daniel Yvinec n’a de cesse de magnifier le chant.

Il faut dire que le futur Directeur Artistique de l’ONJ, collectionneur compulsif de tout se qui se grave en matière de jazz possède une connaissance quasi encyclopédique de cette musique là.

Dans « The Lost Crooners », Yvinec se joue des formats et passe du duo, au trio ou au quartet avec la mise en évidence des contre chant et des complémentarités. Toujours avec le même souci de la mise en valeur de la mélodie sur le terrain de l’improvisation. Car elle est toujours au centre, qu’il s’agisse bien sûr des solistes remarquables ( Nelson Veras, Benoît Delbecq ou Méderic Collignon) ou de l’association de Yvinec et de Stéphane Galland  qui, à la batterie ne se contente pas d’assurer un drive exceptionnel mais assure même un contre chant mélodique comme dans ce Once in a while en trio avec le guitariste où chaque personnalité impose son évidence sans jamais nuire à la mise en lumière de ces thèmes magnifiques. Magnifiés ! Quelques moments forts émergent comme ce I Fall in love too easily, très bref où par la richesse de son jeu, Nelson Veras ouvres des voies harmoniques à la fois loin et toujours si près du thème. Idem avec Benoît Delbecq qui sur ce sublime Smile  donne une vraie leçon de détours et contours harmoniques, capable de nous perdre, de se perdre lui-même, crooner perdu mais jamais égaré tout à fait. Méderic Collignon transperce ou plutôt traverse cet album tel un rêveur déambulant avec langueur dans ce chant aux espaces bien délimités par une rythmique pourtant très libre. Ce côté languide ne nous quitte pas. Nelson Veras vient conclure l’album par un merveilleux Goodbye. Le guitariste ne joue pas à l’économie mais joue comme si chaque note, chacune d’entre elles, chacune de celles qu’il joue à cet instant précis, chacune de ces notes prenait une signification essentielle. Rien n’est vraiment dit. Tout est suggéré et donc tout est dit. L’album est censé se terminer à cet instant mais la rêverie se poursuivait. La session était terminée mais Yvinec s’était mis au piano, en régie on laissa tourner la bande. Méderic improvisa sur I’ll be seeing you. Il était encore question de cette belle intimité partagée entre les musiciens, de ce moment de grâce volé. Les crooners perdus dans leur rêve, rêvaient encore. Et nous, nous emportons un bout de ce rêve longtemps après la longue dernière note, perdue……. Jean-Marc Gelin

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21 janvier 2008 1 21 /01 /janvier /2008 07:38

 Golden Beams 2007


ripple.jpg


Le légendaire batteur Jack De Johnette poursuit sous le label qu’il a créé il y a deux ans (Golden Beams), sa quête  musicale d’une musique transfrontalière aux confins du jazz de l’Electro et du World Beat. On se souvient combien la presse avait été unanimement impressionnée il y a un an après l’album qu’il avait réalisé en duo avec le joueur de Kora, Foday Musa Suso ( Music From the heart of the masters). Sa démarche était déjà celle d’une rencontre aux confins du jazz et de l’Afrique avec pour point commun le beat et la pulsation rythmique à laquelle s’accorde si bien la Kora.

La démarche qu’il entreprend aujourd’hui va un peu au-delà même si une grande partie de ce qu’il joue ici est tiré de ces sessions. On y retrouve quelques titres comme Wordlwide funk, Rose garden, Ancient techno. Mais, est c’est là l’intérêt, De Johnette ne cherche pas à dupliquer mais à dépasser le propos et à s’inscrire au-delà. En mariant à partir de tourneries par définition répétitives, les effets électroniques, les overdub et les filets de voix, il abolit un grand nombre de frontières pas seulement musicales  mais aussi culturelles et générationnelles. Le saxophoniste John Surman vient apporter sur deux titres une voix à la fois contrastée et fusionnelle. Il faut en rendre hommage en grande partie à son fils, Ben Surman qui réalise aux manettes un travail énorme de remix laissant ressortir les variétés des instruments et l’homogénéité du son.

On est alors entraîné dans une sorte de danse (transe) aussi ancestrale que moderne qui par ses tourneries incessantes offre un terrain sur lequel peuvent s’exercer alternativement ou simultanément les improvisations instrumentales, vocales ou rythmiques. La fond des compositions qui peuvent apparaître parfois comme un peu répétitives, est moins important que cette forme nouvelle dans laquelle on pourrait tout aussi bien s’imaginer que s’exprime un Bugge Wesseltoft ou un Daher Youssef.

Ce terrain de grande liberté qui se déploie sous l’assise de la pulse ouvre toutes les portes imaginables et c’est bien cela qui rend l’aventure passionnante. Jack De Johnette passe aux claviers et même à la voix sur deux titres. Avec les interventions de John Surman, ces incursions apportent chaque fois un prisme différent qui relance l’intérêt de l’écoute. Sans quoi la forme tournerait en rond. Certains regretteront peut être que les solistes se fondent dans la musicalité d’ensemble mais puisqu’il s’agit d’un véritable creuset musical il ne pouvait en être autrement.

Le résultat est alors captivant et réinvente avec beaucoup d’intelligence musicale le concept de « fusion ». Il est souvent une invitation irrésistible à la danse. Mais il est surtout et avant tout  l’expression d’un langage universel.                                                                                                   Jean-Marc Gelin

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21 janvier 2008 1 21 /01 /janvier /2008 07:34

Yolk 2007

therain.jpg

 L’aventure solo, offrant une grande part de liberté, n’est jamais évidente pour un musicien. Pour un guitariste, elle l’est encore moins, tant l’instrument est déchiré entre deux rôles : celui d’accompagnateur et celui de soliste. Par-delà ses recherches sur le contrepoint et la superposition de voix simultanées, Alexis Thérain relève ce pari un peu fou d’enregistrer sans « re-recording ». Cet album intitulé « Temps Mosaïque », paru sur le label Yolk Records, offre un sentiment d’équilibre sonore à l’auditeur, distinguant malgré tout difficilement les parties écrites des parties improvisées. L’absence de préméditation ne s’oppose pas forcément à la construction. Au lieu d’évoquer l’improvisation, il faudrait peut-être parler de création spontanée. L’auditeur peut y reconnaître une certaine influence avec des guitaristes comme Ralph Towner, ou bien encore Egberto Gismonti. Sur la recherche du son, ce projet d’album solo est un exemple de réussite. Tout d’abord à la guitare acoustique, cordes métalliques, Alexis Thérain donne sa vision personnelle du monde où il évolue au cours des 5 premières compositions. C’est ensuite avec la guitare électrique que les idées prennent une forme différente, avec ce regard particulier sur les bizarreries du son que peut offrir cet instrument, lorsqu’il est manié dans une optique novatrice, avec parfois l’utilisation d’effets simples comme « l’auto-wah » ou bien encore le « phaser ». Il n’y a jamais un seul instant de repos, cette Musique est résolument en mouvement, à jamais dansante, apparaissant toujours sous un jour nouveau, là où on l’attend le moins. Cela est certainement le nerf de l’improvisation, une surprise permanente destinée à l’étonnement perpétuel. Toujours au manche de sa guitare, parfois électrique, parfois acoustique, Alexis Thérain parie autant sur la fraîcheur de ses idées que sur sa capacité à les distiller tout au long de ce merveilleux disque. Il faut noter aussi un travail de fond, sur le mixage et le mastering, réalisés successivement par Norbert Lucarain et Gérard De Haro, deux grands spécialistes dans ce domaine. La Musique est embaumée de telle façon que toute la profondeur du son de l’instrument est transmise à l’écoute. On notera peut-être une certaine faiblesse dans la recherche d’une plus grande dynamique de l’instrument. Ce n’est d’ailleurs pas sans rappeler tout le travail accompli par un certain Sylvain Luc, sur un album intitulé « Ambre », paru en 2003 sur le label Dreyfus. Il est par contre indiscutable d’être conquis par une telle ingéniosité, au service de l’admirable virtuosité de ce guitariste. Un disque aux reflets mélancoliques parfois trompeurs lorsque reviennent aux galops les idées touffues et sautillantes. Un disque aux sonorités Folk et boisées, toujours en hommage à l’improvisation. Ne pas omettre d’écouter la dernière piste de cet album, « Limousine », qui associe acoustique et électrique par le biais de l’overdub, uniquement sur ce morceau, divinement accompli par un musicien de grand talent. Tristan Loriaut

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21 janvier 2008 1 21 /01 /janvier /2008 07:30
paindestre.jpg

www.jazzseb.com

 




Parcours est le nom de cet album et l’on n’aurait pas pu trouver meilleur titre tant c’est bien de cela dont il s’agit. Le parcours, c’est tout d’abord celui de Sébastien Paindestre lui même dont nous avions chroniqué il y a deux ans son premier album. Nous étions alors bien réservés sur ce qui nous avait paru comme un hommage à Bill Evans dans laquelle on ne voyait pas réellement poindre sa personnalité. C’est tout autre chose ici et s’il y a un parcours qui se révèle de manière éclatante c’est bien celui qu’il vient de franchir en acquerrant dans cette album une réelle maturité et une vraie profondeur personnelle. J’entend par maturité cette façon d’évoquer un univers plus personnel, de dire les choses de manières à la fois explicite mais sans urgence de les dire, des les suggérer autant que les exprimer franchement et le tout avec cette façon légère de caresser le swing. Sébastien Paindestre a grandi. Il ne cherche plus à faire « comme » mais à faire « avec ». Michel Petruciani disait que ce qui l’intéressait chez un musicien c’était moins la façon dont il jouait que ce qu’il savait du jazz.  Paindestre montre ici combien il fait sienne cette histoire du jazz de la seconde partie du XX° siècle qui s’étend de Herbie Hancock (référence explicite du jeune pianiste qui reprend en fin d’album le Tell me a bed time story) jusqu’à Brad Medhau qui, qu’on le veuille ou non s’impose comme une réelle référence. Alors non, Paindestre ne joue pas «  comme » mais aborde le piano sans complexe. Son parcours c’est celui de cet univers pianistique où il pioche ici et là quelques inspirations derrière lesquelles jamais ne s’efface pas sa personnalité, bien au contraire. Derrière, la rythmique repose en grande partie sur le drumming de Antoine Paganotti lui aussi totalement libéré dans cette entreprise. On n’atteint pas forcément à la quintessence du trio dont l’entente n’est pas absolument flagrante mais on a affaire néanmoins à un beau moment de jazz pur ménageant ses crescendos (un Bess you is my women now thème trop peu joué de Gershwin) et ses beaux moments d’improvisation sur les propres thèmes de Paindestre (comme ce beau Java de la luna déjà présent dans son précédent album, « Écoutez moi »). Car ce qu’il sait, Paindestre ne le dit pas uniquement en jouant mais en livrant des compositions très riches, des compostions qui laissent leur place au swing et racontent à leur manière une belle histoire du piano jazz.                                                                                                      Jean-Marc Gelin

 

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