Yohimbe Brothers
Sylvie Courvoisier trio ABATON
Freedom Now Collection
LA HUIT - 2008

“Listen to the film and watch the music”, voilà le pari que s’est fixé La Huit Edition avec cette série de films musicaux captés à Banlieues Bleues. La série s’intitule « Free Form Now » et chaque réalisateur a l’entière liberté de filmer la musique à sa guise.
La dernière livraison donne de la production actuelle, un échantillon fort intéressant et contrasté dans les approches .Chaque film est confié à des cinéastes pour qui la musique est choisie comme un authentique sujet de travail. La carte blanche qui leur est confiée permet de dépoussiérer les codes plus ou moins figés de la représentation de la musique filmée, problème qui se pose également au théâtre. L’image est souvent privée de sens quand on regarde de la musique enregistrée en concert.
Jacques Goldstein s‘est attaché à suivre le Golden quartet de Wadada Leo Smith en 2005.
Filmé dans un beau noir et blanc, avec une grande précision et au plus près de chacun des musiciens qu’il met ainsi en valeur, le réalisateur ne donne pas souvent une image d’ensemble du quartet mais s’attache plutôt aux différentes phases de jeu.
Par contre, une expérience radicalement opposée a été tentée avec le spectacle des Yohimbe Brothers où des effets graphiques et visuels incessants viennent se superposer à la représentation du concert, masquant le caractère réel de la performance. C‘est un vrai film d’animation qui nous est montré autour de la musique du groupe.
Le VJ’ing de Mathieu Foldes impose par ses coups de palette, des kaleidoscopes chamarrés et psychédéliques. Ce travail audacieux, proprement vertigineux occupe en premier toute notre attention. La musique souligne les effets visuels du guitariste Vernon Reid, formidablement présent, affublé d’un drôle de chapeau péruvien.
Enregistré à Bobigny en 2005, ce concert avec la chanteuse Latasha Diggs, le turntablist DJ Logic nous entraîne dans ce qui est supposé être une vision moderne d’un spectacle musical. Chaque titre se transforme en un tableau vivant : l’effet est frappant mais quelque peu intoxicant. On en arrive à être parasité par ce déluge de couleurs et de formes. Cette réflexion autour des rapports entre l’image et la musique est néanmoins passionnante. Car que privilégie-t-on au juste ? Ne s’efforce-t-on pas de rendre la musique visuelle et de traiter à part égale les différentes disciplines artistiques ? C’est le par(t)i pris ici par Jérôme de Missolz et avouons-le cela correspond bien visuellement à l’engagement des Yohimbe brothers dans leur musique fusion, à la croisée du rap et du funk.
Le dernier DVD proposé d’Anais Prozaic serait la synthèse parfaite entre la représentation attendue d’un trio « classique » ( violon, violoncelle et piano ) filmé souvent au moyen de zooms qui nous mettent tout près des musiciens. On ressent ainsi le premier titre de la même façon qu’au concert quand on est bien assis dans les premiers rangs, visualisant les gestes tout en tensions et ruptures, le frémissement de la musique de Sylvie Courvoisier.
Puis, c’est la surprise : intervient une rupture brutale avec un duo de danse contemporaine dans un montage qui fait se correspondre les pieds et jambes des danseurs, les mains des instrumentistes. Juxtaposition rapide saccadée, haletante qui colle à la musique et à la danse. Voilà une tentative d’accompagnement plutôt réussi, symbiose de deux formes artistiques performantes. On est évidemment un peu fasciné par les mouvements des danseurs et sans oublier la musique, la concentration est ainsi divisée. Risque de dilution ? En tous les cas, l’expérience est intéressante dans le rapprochement de diverses disciplines qui se marient bien.
A suivre. Sophie Chambon