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7 juillet 2008 1 07 /07 /juillet /2008 22:57

Sans Bruit (*) www.sansbruit.com

 

 Cette rencontre inédite eut lieu un soir d’été au Châtelet au cours d’une saison estivale qui vit passer dans les murs de ce théâtre au cours de ce mois de juillet John Zorn, Ran Blake et bien d’autres encore. Une bien belle programmation que ce jeune label, qui se propose d’éditer son catalogue exclusivement par téléchargement sur le net, a réussi  capter par deux fois. Une première lors du concert mémorable de Ran Blake et une autre fois lors de cette belle rencontre entre deux génies, Benoît Delbecq et Marc Ducret. Les deux hommes sont restés ce soir là dans le domaine qu’ils affectionnent chacun à leur manière, celui des défricheurs. Des dénicheurs de « son ». Benoît Delbecq y était alors beaucoup plus acoustique qu’à l’accoutumée laissant à Marc Ducret des espaces à explorer, à titiller, à chercher. Ceux qui s’attendaient à entendre le guitariste dans un registre volubile n’y trouveront pas leur compte. Car avec les deux hommes, ce soir là il s’agissait d’autre chose. D’une rencontre plus intime entre deux chercheurs fous qui parfois trouvent leur terrain d’entente et parfois passent à côté l’un de l’autre. Parfois même leur rencontre relève du dialogue entre deux autistes chacun perdu dans son propre univers musical. Sans que cela pour autant n’en fasse perdre la force certaine. Dans ces univers parallèles qui parfois ont des frontières communes et parfois semblent bien éloignés, on ne sait que vaguement d’où ils partent et surtout pas quelle direction ils vont prendre. Car entre écriture et improvisation c’est toujours l’exploration d’espaces très ouverts qui s’offrent aux deux musiciens. Marc Ducret toujours sur la réserve, reste constamment à l’affût comme isolé dans sa bulle, maniant une foule de petits détails toujours subtils. Jouant sur les contrastes ces univers marient l’acoustique du piano aux grésillements électriques de la guitare. Delbecq y est au contraire furtif et pose les bases du discours. Mais surtout, chacun se donne le temps de construire et d’échafauder les points de rencontre comme dans l’Enquête où lorsqu’ils jouent vraiment ensemble ils parviennent à densifier et à créer l’association des contraires.

Chez les deux hommes, la même passion pour la création artistique, pour le façonnage musical dans l‘instant. Avec eux la musique se construit dans l’échange autant que dans la distance, dans le silence autant que dans la tension sous jacente.Et toujours avec eux, dans le laboratoire qu’ils improvisent sur place une forme d’expérience musicale se révèle faite d’assemblages intelligents parfois complexes mais toujours passionnants. Comme des chercheurs qui parfois trouvent et parfois continuent à explorer encore.

Jean-Marc Gelin

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7 juillet 2008 1 07 /07 /juillet /2008 22:52

Cristal records




 
Cet enregistrement pris sur le vif le 3 novembre 2007, lors de la célébration de l’anniversaire du célèbre club de la rue des Lombards, sonne comme le rappel d’une évidence.  Celle selon laquelle le jazz perd une partie de son âme toutes les fois où il franchit les portes d’un studio d’enregistrement, dès lors qu’il se transforme en exercice de raison pure ou cherche, au nom de la nouveauté, à épater le bourgeois. Rien de tel ici, que l’on se rassure. Rien d’autre que la captation d’une soirée en club, dans sa continuité, dans sa progression, dans ses temps forts et ses (rares) temps morts, dans son jus. Une soirée juste un peu plus réussie que la moyenne, dans laquelle le quartet d’André Ceccarelli, reformé spécialement pour l’occasion, se fait plaisir et en donne sans compter à la poignée de spectateurs présents ce soir là et dont on peut suivre,  grâce à la qualité superlative de l’enregistrement, les réactions et les émois en écho aux propositions des musiciens. Le plaisir vient ici aussi de la durée. Au premier abord, l’idée de restituer le concert dans un double album peut rebuter : trop ambitieux, trop lourd, trop indigeste. A-t-on tant de temps à consacrer  à cette musique ? Pourquoi de surcroît s’être permis de faire figurer deux reprises de Giant steps, en ouverture et en fin de concert ? A l’écoute, miracle du live, le temps se raccourcit, la longueur des morceaux (entre 9’ et 14’ pour la plupart d’entre eux) se justifie, les soli s’enchaînent sans que la tension se relâche et l’on se dit que c’est précisément parce que chacun des musiciens dispose du temps nécessaire pour déployer ses idées, pour écouter ses partenaires, pour se répéter et se fourvoyer aussi parfois, que le résultat est aussi réussi et jouissif. Car il s’est joué de la très bonne musique ce soir là au Sunside. Une dizaine de morceaux tout au plus, dont une moitié de reprises de haute lignée (Giant Steps donc, Juju, Seven Steps to Heaven, Take the Coltrane) et une moitié d’originaux (signés notamment Sylvain Beuf et Antonio Farao) parfois superbes (Sensible, Vera). Si le saxophone de Sylvain Beuf (soprano et ténor) est égal à sa réputation,  souvent brillant, parfois attendu, toujours intéressant, le trop sous-estimé pianiste italien Antonio Farao constitue la véritable révélation de cet album. Depuis quand a-t-on entendu un pianiste aussi fin, inventif et véloce ? D’une incroyable facilité dans certaines de ses envolées (Giant Steps version 2.), qui fait penser parfois à cet autre grand méconnu de Phineas Newborn, il parvient aussi à émouvoir, lorsqu’il tâtonne et dissonne, semblant presque hésitant parfois (Giant Steps, version 1.) L’ensemble est soutenu à un train d’enfer par une section rythmique toujours attentive et remarquable (Thomas Bramerie et André Ceccarelli). Rien de tout cela n’a vocation, on l’aura compris, à révolutionner l’histoire de la musique, mais depuis quand doit-on bouder son plaisir, surtout lorsque, comme la plupart des individus habitant cette planète, nous ne faisions pas partie de la quelque dizaines de privilégiés qui avaient eu le bon goût d’être au Sunside ce soir là… Loic Blondiaux

 

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7 juillet 2008 1 07 /07 /juillet /2008 22:50

Nocturne 2008

Andy Bey (vc, p), Peter Washington (cb) Kenny Washington (dm),  Live at Birdland mai 1997



 

 On a déjà à peu près tout écrit sur Andy Bey et sur sa voix exceptionnelle aux quelques quatre octaves (oui vous avez bien entendu, pas deux, pas trois mais bien 4 octaves….). On a déjà tout dit sur ses manières d’en faire, sur ses façons de façonner. Et c’est vrai que Andy, à presque 70 ans en fait toujours et encore des tonnes dans le genre plus crooner que moi tu meures. Et ce n’est pas cette version « live » d’un concert au Birdland capté il y a 11 ans qui nous fera dire le contraire. N’empêche ! Combien sont ils à chanter comme lui, à placer leur voix ainsi au fond du fonds du temps avec cet art de vous enrouler, de vous envelopper dans sa voix comme d’autres vous déshabillerait d’un regard ? Pas le genre à se compliquer la tâche Andy : son univers à lui c’est celui de standards qu’il croone comme pas deux. Toujours too much, Andy. Toujours trop Andy à faire sa mijaurée, sa chanteuse de club avec ses allures de vamp. Andy c’est pas Johny Hartman. Autre chose. Le genre à laisser tourner sur la platine lorsque l’on ramène sa belle après un dîner en tête à tête, à l’heure du dernier verre, pose alanguie sur le canapé, lumière tamisée, corps rapprochés ! Andy est tout en sensualité voire même d’un érotisme brûlant. C’est qu’il prend du plaisir à déshabiller le thème, à l’effleurer, à le caresser longtemps et tout autour. Écoutez ce All the things you are réinventé ou ce Ain’t necessarily so chaud comme la braise. Et puis comme si ce n’était pas suffisant pour nous achever d’extase, Andy lorsqu’il ne dit plus rien, pose ses doigts sur le clavier et se révèle aussi un superbe pianiste aussi inventif dans les phrases jouées que dans celles chantées (comme dans cette version de If I should lose you). Et l’on pense alors à Michel Contat qui disait un jour que les meilleures chanteuses étaient celles qui étaient aussi pianistes. A ce petit jeu à, Andy Bey est une formidable chanteuse de jazz qui avec ses manières exaspérantes d’en faire trop nous procure ce petit plaisir masochiste. Le charme totalement exaspérant et irrésistible des frimeurs magnifiques.

Jean-Marc Gelin

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2 juillet 2008 3 02 /07 /juillet /2008 07:59

Allgorythm  2008




 
On reconnaît le (bon) goût indéniable du guitariste Jean Philippe Muvien, qui en plus de sa propre activité discographique, a choisi de lancer son propre label et de distribuer sur sa marque ALLGORYTHM  les « indés » qui lui plaisent . Ainsi en est il de ce label sicilien  Jazzeyes qui met aujourd’hui en valeur le batteur Al Foster.
Deuxième disque en leader d’un magnifique quartet  depuis dix ans, cet album porte un titre sans véritable équivoque : quarante ans après le joli mois de Mai 68, ce Love, Peace and Jazz fait retour sur ce qui prolongeait le « summer of love » de 67, mais également rappelle que Wayne Shorter, plus encore peut-être que Miles Davis, (le  patron de Foster pendant très longtemps) est l’une des inspirations de l’album . Ce qui se vérifie avec le saxophoniste Eli Degibri, Israélien d’origine, , qui, au soprano, sait faire monter la pression, installant une tension créative,  tout en découpant aussi  ses solos de façon aérée au ténor. Créateur de climats, il est soutenu par le « drive » voluptueusement efficace  de Foster, le chant puissant et profond de Douglas Weiss.  Ce dernier est le  contrebassiste du groupe, complice habituel du pianiste  Kevin Hays, dernier élément fondamental du quartet au jeu à la fois effervescent,  délicat, toujours vibrant.

Belle cohérence aussi dans la choix des titres, parce que les 3 longues compositions d’ Al Foster se marient  thématiquement avec les titres repris à Miles Davis « Blue in green » , Wayne Shorter « ESP » ou Blue Mitchell « Fungii Mama » . Les arrangements qui en découlent se déploient selon une  palette de couleurs variées, toujours en recherche d'harmonie, du sombre à l'éclatant, du concentré au diaphane.

Profondément réjouissant et tonique ! Sophie Chambon

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2 juillet 2008 3 02 /07 /juillet /2008 07:51

JJJ Mélanie Dahan : « La Princesse et les croque-notes »

Cristal Records 2008



 
Très belle surprise que cet album de la jeune et talentueuse vocaliste, Mélanie Dahan. Un album de chansons françaises transformées par la grâce des arrangements exquis du pianiste transalpin, Giovanni Mirabassi, en standards de jazz. Mélanie Dahan, la Princesse, affiche une élégante distance par rapport au texte, la poésie au cœur de ces chansons ne s’en révélant que plus pleinement. Elle choisit des textes connus ou peu visités de poètes-compositeurs, Dimey, Brassens ou Ferré et interprète de sa voix grave et calme ses histoires intimes qu’elle excelle à raconter. Des textes sublimement ciselés, des haikus intemporels arrangés avec intelligence. Le trio de croque-notes qui l’accompagne est efficace et inspiré, Mirabassi nous livrant quelques improvisations à sa manière, bavarde et lyrique. La langue française est dit-on difficilement chantable en jazz. Les double-six et Mimi Perrin nous avaient prouvé que c’était une langue qui pouvait swinguer si on s’y essayait avec sérieux et humour ; l’air de ne pas y toucher, Mélanie Dahan utilise avec délicatesse et douceur, son phrasé jazz pour exprimer toute la quintessence de ses mélodies d’antan. Quelle belle idée de nous permettre de renouer ainsi avec les textes et les mélodies qui ont bercé notre histoire. Une mention spéciale pour « Si tu me payes un verre ». A consommer sans modération.

Régine Coqueran

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2 juillet 2008 3 02 /07 /juillet /2008 07:49

Enja Records / Harmonia Mundi

 



 
Rabih Abou-Khalil est un homme épris de métissage, ayant enregistré avec des grands noms du Jazz, avec des musiciens arabes traditionnels, des quatuors classiques jusqu’aux orchestres symphoniques en passant par des musiciens arméniens. Ce nouvel album au doux nom de « Em Portuguès » est une mise en Musique par le compositeur libanais de morceaux choisis de la Poésie portugaise, issus de la plume de Mario Rainho, José Luis Gordo, Rui Manuel, Silva Tavares, Tiago Torres da Silva, Antonio Rocha. Touchant au plus profond de l’âme de chacun, certains de ces textes (traduits en plusieurs langues dans le livret) communiquent un lyrisme à la fois spirituel et charnel : « C’est dans la mer de tes jambes, que se loge la mélancolie… ». Agé de 26 ans et originaire de Lisbonne, Ricardo Ribeiro est un chanteur virtuose à l’esprit libre transcendant sa propre culture, réunissant par ailleurs les qualités techniques nécessaires à l’interprétation des mélodies caractéristiques de la Musique du joueur d’oud Rabih Abou-Khalil. Offrant une identité à ce brassage culturel, l’instrumentation de ce projet prend forme en la personne de Luciano Biondini à l’accordéon, Michel Godard à la basse électro-acoustique, parfois utilisant le tuba comme second instrument, et de Jarrod Cagwin à la batterie et aux percussions. A signaler aussi le remarquable travail de l’ingénieur du son Walter Quintus pour le compte du précieux label Enja. « Quando te vejo sorrir » est un des poèmes introduit par un duo unissant le chant et l’oud, reflétant alors l’intime corrélation entre Liban et Portugal. Ce couple instrumental est quasi-permanent dans chacune des compositions et représente le fil conducteur de ce point de rencontre des cultures, sorte de folklore imaginaire alliant l’orient à l’occident, teintée d’improvisation aux reflets Jazz et Musique du Monde. Cette collaboration entre un compositeur libanais et un chanteur portugais est une idée amusante à l’origine de Ricardo Pais, directeur du Théâtre National de Porto. Ce disque est habité à la fois d’une fascinante douceur et d’une puissance rapsodique, alternant entre complaintes prosaïquement mélancolique et danses de légèreté sautillante (« Jogo de la vida »). La science des mots en devient presque inutile pour décrire ce que l’esprit reçoit en émotion à l’écoute d’un tel charme musical. Un véritable hommage à ce qu’il y a de meilleur dans le mélange des civilisations. Il faut aussi souligner l’immense talent des improvisateurs qui mettent tout en œuvre pour retranscrire toute la passion qui émane de leur cœur. Un disque dédié à la paradoxale fraicheur d’une nuit d’été. Tristan Loriaut

 

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2 juillet 2008 3 02 /07 /juillet /2008 07:46

Peter Erskine (drums), Nguyen Lê (electric guitar), Michel Benita (bass) + Stéphane Guillaume (ténor et soprano saxophones). Act – 2008.




 

Cela fait déjà sept ans que ce trio (crée sous l’impulsion du batteur Peter Erskine) a enregistré son premier album, qui nous avait fait une très forte impression. Pour ce deuxième opus (toujours publié chez ACT, le label des albums de Nguyen Lê), ce groupe occasionnel à configuration triangulaire, a décidé de ne pas se répéter et d’apporter des couleurs nouvelles à leur riche et spécifique palette musicale. Le trio va donc se métamorphoser en quartet en intégrant l’inventif saxophoniste Stéphane Guillaume. Ce ne peut être un hasard que Peter Erskine (ex-batteur de Weather Report) soit tombé amoureux de la sonorité du plus « Shorterien » des saxophonistes français (qu’il joue du soprano ou du ténor). L’alchimie fonctionne à merveille, la musique est fluide, elle laisse beaucoup d’espace et de liberté aux solistes, tout en maintenant une discipline rythmique à la fois implacable et souple. A l’image de son titre, ce disque fait la part belle à la liberté de s’envoler en rêvant, un programme des plus planants qui n’exclut pas des moments rock, dûs à l’énergie déployée et aux furieux sons de guitare de Lê (Rotha et Priska, Kokopanista). Les morceaux ont tous été conçus pour ce quartet inédit où les sonorités du saxophone et de la guitare fusionnent à merveille (les thèmes sont souvent joués à l’unisson). Les trois membres originels continuent de se partager équitablement les compositions, mais confient tout de même un titre à l’ingénieuse écriture de Stéphane Guillaume (Hanging Out of the Roots, qui s’intègre très bien à l’univers du trio). Avec Plan 9, Peter Erskine compose le morceau le plus jazz du disque, on apprécie son swing espiègle et son élégance décontractée. Le très émouvant Song for Jaco, lui permet de célébrer les vingt ans de la disparition de Pastorius, son incomparable compagnon des grandes années Weather Report et offre l’occasion à Michel Benita d’effectuer un très beau solo mélodique de contrebasse acoustique. Enfin Nguyen Lê nous impressionne toujours autant par ses fulgurantes interventions électriques extrême-orientales, notamment sur deux de ses compositions (Jive Five et Kokopanista). En terminant l’album avec A Demain, seul titre joué en trio, on sait que l’aventure de ce groupe exceptionnel n’est pas terminée et nous nous en réjouissons d’avance. Lionel Eskenazi
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2 juillet 2008 3 02 /07 /juillet /2008 07:44

Effendi 2008

François Bourassa (p), André Leroux (ts,ss, f), Guy Boisvert (cb), Greg Ritchie (dm), Philippe Melanson  (dm), Aboulaye Koné (perc)


 
Il serait peut être temps que le public parisien commence à se familiariser avec le nom de François Bourassa. Car à 49 ans, ce pianiste canadien habitué aux prix et aux récompenses, ne cesse de marquer le paysage du jazz par la qualité de son travail et de ses créations. Dernière récompense en date et non des moindres, celle du prix Oscar Peterson reçu en 2007 et qui, à entendre le présent album est très largement justifié. Car disons le tout net, il y a dans le travail de François Bourassa la quintessence de ce qui nous fait vibrer dans le jazz actuel. L’énergie et l’engagement bien sûr mais aussi des compositions brillantes, jazzy en diable qui associent autant l’émotion pure à un groove terrible, quelques idées géniales de compositions, un amusement rythmique qui passe des métriques impaires à des passages en binaires où le jazz peut parfois se teinter de pop et de world sans jamais y perdre son identité fondamentale et sa capacité à créer des espaces d’improvisations brûlantes. C’est qu’il y a dans cet album autant de force que de puissance dynamique. Avec l’aide d’un saxophoniste qui a tout compris, Bourassa passe d’un jazz-pop comme III Wooster Street, à un jazz world où les percus explosent ( Aboubou), pour glisser ensuite une belle ballade au jazz plus bleuté ( Nationz) sans jamais donner une once de sentiment de « décousu ». C’est que cet album est au contraire intelligemment conçu dans son ensemble et dans son agencement. De quoi nous mettre constamment les sens en éveil. Le saxophoniste André Leroux, incandescent au ténor comme au soprano y affûte les thèmes avec une lame aussi brûlante qu’acérée et se révèle un très grand saxophoniste. Il s’appuie sur une rythmique dans laquelle le jeu de François Bourassa, est un joyau d’intelligence dans l’utilisation de la grille, dans l’accompagnement du soliste et surtout dans la puissance et la dynamique de groupe. Le pianiste qui signe cet album sous son nom ne se surexpose jamais et joue la carte du collectif. Toute l’intelligence de Bourassa consiste alors à rendre à cet opus une grande cohérence dans la diversité du discours. C’est ce que ce groupe a véritablement « un truc ». Lorsque l’on ne sait pas quoi dire sur un album ou sur un groupe, on dit «  il a le son ! » pour se débarrasser du sujet. Mais ce que nous entendons surtout ici, c‘est un vrai plaisir à ne jamais se répéter, à sortir des formats sans jamais nous perdre. Loin de tout académisme, ce quartet nous donne une nouvelle preuve de la formidable vitalité du jazz en s’appuyant sur un  discours stimulant et vivifiant en phase avec les canons du jazz d’aujourd’hui. Jean-Marc Gelin

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2 juillet 2008 3 02 /07 /juillet /2008 07:40

Parco della Musica Records 2008



Attention chef d’œuvre ! Le saxophoniste et clarinettiste, Francesco Bearzatti, bien que vivant la plupart de l’année en France, reste un musicien méconnu dans notre pays et pourtant quel talent de compositeur et quel son ! Ici il rend hommage ou plus précisément il écrit une biographie musicale de Tina Modotti. Cette femme sublime née en 1896 et morte au Mexique en 1940 fut comédienne de cinéma et de théâtre, photographe et militante politique révolutionnaire; une femme fatale aventurière, femme-monument au sang chaud, pasionaria et muse. Sa vie foisonnante a inspiré le quartet dont le son est excessivement cohérent, brut et riche avec des accents rock (grâce à Zeno de Rossi à la batterie et Danilo Gallo à la guitare basse). Le son du saxophoniste est sale, « crad », fougueux, brûlant. Les improvisations de Bearzatti au saxophone ténor ou à la clarinette sont époustouflantes sans parler de celles de Giovanni Falzone à la trompette, débridées et totalement jubilatoires. Un plaisir à jouer communicatif et une soif de vie. Aucune uniformité ou moment ennuyeux. Au contraire, ici la variété des climats est de mise. Cette suite est résolument chronologique et chaque morceau est en écho à une période-phare de la vie de l’artiste. Du Frioul au Mexique en passant par les États-Unis et la Russie. De l’enfance pauvre à la guerre civile. Du bonheur béat à la révolution politique. Sans être illustratives, les compositions de Bearzatti évoquent les rythmes et les sons d’époque (comme la musique mariachi). Nous ne sommes bien sûr pas dans le folklore mais plus dans l’aspiration/respiration du temps et de l’espace dans lesquels ont vécu Tina Modotti. C’est un projet grandiose qui emballe dès la première écoute par un quartet qui porte bien son non « Tinissima ». Sublissima !

Régine Coqueran

 

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2 juillet 2008 3 02 /07 /juillet /2008 07:38

Tzadik 2008





 
«  Lucifer » est le premier album studio du Bar Kokhba sextet, probablement le groupe préféré des fans de John Zorn, depuis dix ans. Ce dernier a composé une série de pièces, réunis sous le nom de « Book of Angels » qui fait référence aux noms des anges cités dans la Torah. Chaque volume de la série, parue chez Tzadik le label de Zorn, est signé par un groupe différent (Masada, Cracow Klezmer Band ...). « Lucifer » de Bar Kokhba en est le dixième volume.

Zorn, saxophoniste moins en colère ici, nous propose ici une musique qui puise sa source dans la tradition hébraïque et qui, par ce biais, permet à son auteur de progresser dans sa quête de créer la « nouvelle musique juive ». Musicien qui se challenge en permanence, le saxophoniste surprend encore avec « Lucifer ». Et une fois n'est pas coutume, la musique y est tout à fait accessible et subtile. Enfin les mélodies sont cousues dans la dentelle et puisent leur source aussi dans les traditions latines, arabo-andalouse et le rock. Cet album donne la part belle aux instruments à cordes avec Marc Ribot à la guitare et Erik Friedlander au violoncelle et Mark Feldman au violon particulièrement lyriques. La rythmique n'est pas en reste puisqu'il s'agit du duo contrebasse/batterie préféré de Zorn (Greg Cohen, Joey Baron) assisté de Cyro Baptista aux percussions. Le groupe ainsi réuni fait preuve d'une cohésion osmotique et d'une motricité fantastique tout au long de l'album.

L'esthétique de l'album est totalement homogène et continue grâce à l'extraordinaire niveau du sextet.

Habituellement répétitif lorsqu'il garde le cap sur une approche musicale bien précise (« Party Intellectual », « Asmodeus »), Ribot est particulièrement brillant dans « Lucifer ». D'ailleurs sont apport artistique est essentiel à l'album et ses interventions lumineuses. Ses coutumières imprécisions stylistiques, qui font partie intégrante de son formidable talent, enrichissent la musique impeccablement exécutée par le groupe en lui donnant un petit côté wild. Ses improvisations inspirées mettent en exergue l'exceptionnelle richesse des compositions de Zorn. On l'appellera comme on le voudra: jazz de chambre, jazz lyrique, la musique de « Lucifer » fait aussi bien dans la beauté et la retenue que dans l'énergie et le joyeux. On pourrait la qualifier de musique d'orfèvre.  Jérôme Gransac

 

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