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1 juin 2008 7 01 /06 /juin /2008 07:44
de Pierre Briançon

Ed Grasset
366 p. ; 19,50 €

 

 




Aurait-on pu imaginer avant de lire ce livre de Pierre Briançon que la prison, en l’occurrence celle de Saint Quentin en Californie, l’une des plus dures des États-unis, ait pu dans les années 60 être un véritable lieu de jazz ? Et pas de n’importe quel jazz puisque dans ce pénitencier se sont côtoyés à la même période, des jazzmen de la west coast de la dimension de Art Pepper, de Franck Morgan de Dupree Bolton, Franck Butler ou Jimmy Bunn (le pianiste du fameux Lover man de Parker) pour ne citer qu’eux. Ces musiciens exceptionnels ( et détenus en l’occurrence) se sont en effet produits à partir de 1962 dans l’orchestre de jazz « maison », le Saint Quentin Jazz Band promu par le directeur de l’établissement pénitentiaire de l’époque qui leur donna l’occasion inespérée d’y donner pendant quelques années des concerts tous les samedis soirs.

Pour le journaliste Pierre Briançon, ancien Directeur du journal l’Expansion, le point de départ de cette enquête incroyablement documentée, est la découverte à la sauvette chez un disquaire d’un enregistrement vynil de Earl Anderza (« Outa Sight » – Pacific Jazz 1962), saxophoniste alto totalement inconnu, qui n’apparaît dans aucune encyclopédie de jazz, qui n’a rien enregistré d’autres et dont le disque, véritable objet pour collectionneur ne laisse de sidérer notre auteur. Pierre Briançon est tellement impressionné par ce saxophoniste «  fantôme » qu’il se met rapidement en quête retrouver sa trace. Avec une pugnacité sans faille de grand journaliste enquêteur, Pierre Briançon enquête sur ce saxophoniste et en trouve finalement la trace dans les archives de la prison de Saint Quentin où le jeune homme a passé le plus sombre de son temps. Découvrant l’existence de ce Jazz Band improbable, Briançon épluche alors avec minutie les archives de la prison et relate l’histoire dans et hors les murs, de ces musiciens qui se sont côtoyés dans cet orchestre. Et découvre qu’en prison ils jouaient, présentaient parfois leur travail et leurs compostions devant des jurys extérieurs, donnaient régulièrement des concerts dans les murs de St Quentin.

Les tranches de vie de ces musiciens célèbres ou anonymes sont ainsi replacées avec beaucoup de subtilité dans le contexte social et jazzistique de cette époque où le jazz de l’après bop connu, après Charlie Parker les dérives les plus tragiques des héroïnomanes irrémédiablement conduits et ramenés sans cesse dans les griffes d’un système terriblement répressif. A partir de là et de cet angle de vue inédit, c’est une véritable approche originale de cette petite histoire du jazz que l’on suit telle une enquête captivante au gré des séjours passés en prison et des sorties sous conditionnelle. Avec Pierre Briançon on rentre au cœur d’un système rarement (voire jamais) exploré. Face à cet engrenage infernal apparaît un système répressif californien qui ne laisse que peu de chances de rédemption à ceux qui immanquablement se font prendre. Il faudra attendre longtemps avant que la machine judiciaire ne comprenne la dimension du mal et l’absurdité de la réponse répressive au détriment de toute démarche thérapeutique.

Dans cette prison extrêmement dure qui accueille des délinquants condamnés parfois pour des peines au terme non fixé (un condamné léger peu se voir infliger une peine allant de 6 mois à 10 ans sans qu’il ne sache précisément le terme de sa peine), les détenus côtoient les condamnés à la chambre à gaz. Et dans cet îlot de violence, le jazz parvient à naître à survivre. Certains même deviennent musiciens de jazz en découvrant les instruments à l’atelier. Le jazz alors devient une un lien symbolique et vital avec le monde extérieur.

Et si nous savions que le jazz était une musique libre, la lecture de cet ouvrage passionnant nous ramène à une autre évidence, celle que le jazz pouvait être aussi dans cet univers impitoyable, une musique de la liberté.               Jean-Marc Gelin

 

 

 

 

 

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31 mai 2008 6 31 /05 /mai /2008 07:56
Vidéo prise par Lionel Eskenazi

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29 mai 2008 4 29 /05 /mai /2008 07:41

Un film de Fabrice Ardenac et Alexandre Gonin

Artofilms 2008




 

 

Il ne faut pas grand-chose. Juste trois morceaux, trois thèmes du dernier album du Strada sextet de Henri Texier ( Alerte à l’eau paru chez Label Bleu), pour faire un grand film. Tout dépend de l’angle que l’on choisit. Tout dépend de l’approche.

Car le travail que propose ici Artofilms et de ses deux réalisateurs Fabrice Radenac et Alexandre Gonin repose sur l’approche au plus intime des musiciens à savoir leur travail de création collective au cours des répétitions et des ultimes réglages, propositions des uns et des autres avant la présentation en concert. Agrémenté d’interviews des musiciens prises – pour le coup - en dehors du contexte de la répétition, ceux ci s’expliquent sur l’apport de chacun et sur le tramage de ces voix qui donne à ce Strada sextet cette texture unique, cette couleur revendiquée et totalement travaillée. En nous permettant ainsi de voir hors scène le travail de ces musiciens on perçoit mieux l’alchimie que Texier est parvenu à créer avec ces instrumentistes de haut niveau, tous éléments indissociables d’un puzzle si cohérent dans l’approche et dans la compréhension de ce que veux Texier. Trois morceaux travaillés ici : Afrique à l’eau, Valse à l’eau et enfin Reggae d’eau font ressortir la personnalité de chacun et la fusion de tous. Toujours la pâte du maître qui, sans exigence et toujours en connivence avec ses musiciens les emmène exactement au point précis qu’il a en tête. Parce que Texier connaît l’apport de chacun. De Corneloup dont il dit qu’il est la continuation de cette école du post free jazz qui va de Portal à Sclavis et sur qui il se repose pour apporter un zeste de déstructuration. Ou Christophe Marguet, le complice en rythmique. Christophe Marget, le seul à qui Texier n’apporte pas de partition mais dont il peut compter sur sa compréhension des atmosphères rythmiques. Manu Codjia dont Texier dit qu’il est une palette incroyable à lui tout seul apportant autant l’assise d’une basse que celle, mélodique d’un violon. Gueorgi Kornazov, le tromboniste dont la science du contrepoint l’amène à toujours proposer de nouvelles directions au cours des répétitions. Sébastien Texier enfin dont Henri utilise aussi bien sa patte plus légère et lyrique au saxophone qu’à la clarinette.

Les deux réalisateurs ne se contentent pas de s’immiscer dans ce travail mais poursuivent en montrant l’application sur scène et filment alors avec une réelle compréhension du travail demandé, un peu comme s’ils étaient eux aussi partie intégrante du travail préalable, mettant en valeur les parties de solistes en soulignant leur intensité. Le filmage de ce concert n’est jamais fainéant et jamais avare sur la qualité des plans qu’il propose.

Ce travail parle alors à l’intelligence de l’auditeur. Lui offre une clef de lecture inédite. La musique est alors révélée autrement. Quand tout, encore une fois est question d’angle. Jean-Marc Gelin

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29 mai 2008 4 29 /05 /mai /2008 07:39

DUKE ELLINGTON

At The Côte d’Azur  with Ella Fitzgerald and Joan Miro

The Last Jam Session

2 DVD Eagle Vision –

DVD 1 : JJJJJ

DVD 2 : JJ





Attention, ce double DVD consacré à Duke Ellington présente deux films fort différents, que ce soit du point de vue du fond (l’intérêt musical) que de la forme (l’intérêt cinématographique). Le premier DVD est un véritable chef d’œuvre qui mérite de figurer en bonne place sur les étagères de tous les passionnés de jazz. L’action se déroule d’abord au festival d’Antibes–Juan Les Pins en juillet 1966, où l’orchestre de Duke Ellington va jouer quatre soirs de suite. On connaissait les enregistrements audio de ces concerts parus chez Verve et c’est avec un grand plaisir que nous découvrons les images, remarquablement filmées en vidéo noir et blanc par de talentueux techniciens de l’ORTF. Des belles et pertinentes prises de vues, d’élégants mouvements de caméras sur grue qui balayent l’orchestre et un montage efficace, qui colle à la musique et qui n’oublie personne pendant l’exécution des chorus. L’orchestre d’Ellington en 1966 est composé de musiciens exceptionnels, rien que la section de saxophones peut rendre fou de jalousie tous les big bands du monde (Johnny Hodges, Paul Gonzalves, Harry Carney, Jimmy Hamilton, Russell Procope). Le répertoire va intégrer des classiques de l’orchestre mais aussi des titres plus rarement joués comme Such sweet Thunder. On assiste aussi à la création d’un nouveau morceau : « The Old Circus Train Turn-Around Blues » où un montage habile nous fait passer des répétitions sous le soleil de l’après-midi à la finalisation du morceau lors du concert du soir. Puis changement de décor, nous sommes à St Paul de Vence à la fondation Maeght et Duke Ellington va jouer en trio au milieu des statues de Giacometti et en présence du peintre et sculpteur Joan Miro. C’est une excellente idée de confronter l’art musical d’Ellington à l’art pictural moderne du XX ème siècle, surtout lorsque la réalisation est à la hauteur de l’évènement par son originalité et son audace. Enfin retour à Antibes avec la grande Ella Fitzgerald qui va interpréter trois titres (dont un très émouvant Something To Live For), intégrant son trio à l’orchestre de Duke. On regrette juste que les caméras n’aient pas captés les remarquables I Don’t Mean A Thing, Mac the Knife et Cotton Tail dont le témoignage discographique nous reste encore en mémoire. Après ce sommet, la vision du deuxième DVD nous paraît bien fade et ennuyeuse. Il s’agit des séances studio de l’enregistrement de Duke Big 4 en 1973, où Duke est en compagnie de Joe Pass, Ray Brown et Louie Bellson. Le problème, c’est qu’il ne s’agit pas d’un véritable film finalisé, mais d’une longue série de rushes, en temps réel (une heure trente), filmés par une caméra de reportage qui cherche ses cadrages et effectue la mise au point pendant qu’elle filme. Ce document « brut de décoffrage » arrive très vite au bout de ses limites et l’absence de montage se fait cruellement sentir. En montant ces images, On aurait pu réaliser un intéressant document de 15 ou 20 minutes sur le travail en studio de ces quatre monstres sacrés. C’est dommage et pas très professionnel de la part d’Eagle Vision de nous présenter ce document tel quel, malgré l’évident et poignant témoignage musical qu’il nous restitue.
Lionel Eskenazi

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29 mai 2008 4 29 /05 /mai /2008 07:37

LE NOIR ET LE BLANC

Photos de Eddy Wiggins

Préface de Gilles Leroy

Naïve 2008

 

 

 

Contrairement aux apparences, les Éditions Naïve ne proposent pas avec ce livre de photos de Eddy Wiggins un nième livre de photos noir et blanc sur le jazz. C’est de tout autre chose dont il s’agit ici.

Eddy Wiggins est un noir américain assez éclectique qui naviguait entre le dessin, le billard, le cyclisme, le violon ou la boxe. Immigré en France, il va bourlinguer après guerre entre des articles pour le journal Jazz Hot et des piges comme correspondant pour le Chicago Defender. On le surnommait après guerre «  the street wolf of Paris », la ville où il traquait avec son appareil de photos les célèbres et les anonymes. Plus tard Wiggins devenu rabatteur, sera chargé à la sortie des grands théâtres et cabarets de ramener de la clientèle chic dans les restaurants et bars des quartiers environnants. Belle matière à photographier. Fin de concerts où les artistes sont libérés et où les spectateurs chantent et dansent encore. Et dans ces moments réellement joyeux de l’après guerre Paris prend, sous son regard l’air d’une ville de la Nouvelle Orléans. Une ville totalement insouciante où le jazz se mêle à la variété. Où l’on passe allègrement de l’Olympia au tabou. Une ville qui chante et qui boit jusqu’au bout de la nuit.

Mais Wiggins, trouve surtout dans ce Paris là une matière vive qui brise tous les tabous qu’il connaît Outre Atlantique. Le blanc et le noir se mélange devant son objectif. Les couples sont ici incroyablement mixtes, les anonymes côtoient les célébrités des années 50/60 (Armstrong, Count Basie, Gilbert Becaud, Cocteau, Renoir, Joséphine Baker etc…..). Deux clichés se suivent, celui sublime de Louis Armstrong dans sa loge de l’Olympia (p.73), et page suivante celui de Joséphine Baker vieillie et belle prenant dans sa main celle d’un membre des Platters dans un restaurant chic. Deux visions décalées. Mais au gré des pages les célébrités se mêlent aux amoureux inconnus qui s’embrassent ou prennent la pose, aux ouvreuses et danseuses de Cabaret.

Les hommes et les femmes sont noirs ou blancs.

Noir et blanc, blanc ou noir, deux mots clefs de ce livre qui paradoxalement s’affranchit de cette contrainte dualiste ou manichéenne. Sous la bichromie apparente, Wiggins utilise ce prisme pour nous livrer sa vision du monde. Elle était alors aussi joyeuse et insouciante que symboliquement multicolore.                                                                         Jean-Marc Gelin

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29 mai 2008 4 29 /05 /mai /2008 07:36

JJJ PING MACHINE : «  Club 189 »

www.ping-machine.com

 

 

 

 

 

 

Cela faisait quelques temps que l’on voyait le groupe du guitariste Fred Maurin à l‘affût des premières places dans les divers festivals et tremplins de jazz. Et alors que d’autres s’alignent invariablement en quartet ou quintet, c’est avec un sacré culot que le jeune Fred prend les rênes d’un vrai big band comme on les aime avec 12 bonhommes dont certains vieux briscards rompus à l’exercice comme le merveilleux Jean-Michel Couchet au ténor ou Tom Mc Clung, le pianiste de Archie venu ici prêter main forte sur 3 titres. Et c’est avec la science toute nouvelle de celui qui voue une sorte de vénération aux grands formats de la trempe de ceux de Claude Tornhill, de Thad Jones aussi mais encore de manière plus hexagonale, du jeune émule des Bernard Strubber ( autre compagnon artisan de la guitare pour bandes d’allumés du jazz), autres Barthlemy ou plus près de nous du Scare du Tympan, que le jeune Fred Maurin se livre dans la bataille du big band avec une foi à déplacer les montagnes. Et la confiance en soi, mâtiné d’un sérieux talent d’écriture est un atout sérieux pour entraîner dans l’affaire 12 musiciens totalement acquis à la cause avec le même engagement partagé que s’il s’agissait de gravir l’Everest en cordée. Alors sans complexe, Ping se transforme en remarquable « machine », diablement efficace où tous les ingrédients sont réunis : sections de cuivres assez classique côtoyant les aspérités rock d’une guitare nerveuse, mise en valeur des solistes tous de haut niveau s’appuyant sur une rythmique remarquable d’efficacité quand il s’agit d’assurer le versant groove de cette montagne là. Alternance des solis, des contre chants de cuivres, jeux de couleurs et de lumières fonctionnant à l’énergie farouche voire féroce (Rage etc….), au mystère et à la profondeur des tramages sur des rythmiques apaisées (le superbe Mutatis Mutandis où l’on entend ici la quintessence de ce que doit être un big band dans l’écriture dont la complexité se boit pourtant comme du petit lait) ou au contraire emballés comme sur ce Club 189 toujours sous contrôle mais terriblement stimulant. Et ce gros travail d’écriture ne donne jamais l’impression que l’ascension est difficile. Elle semble au contraire d’une déconcertante facilité tant il y a du collectif dans cette aventure là. Au final c‘est plus d’une heure que l’on passe avec une grande formation qui navigue entre le classicisme d’une leçon bien comprise des big band mais avec une modernité jamais forcée mais toujours apparente. Ses géométries variables ingénieusement agencées l’empêchent de tomber dans les clichés du format. Les solistes se succèdent avec un sacré talent derrière une rythmique assurance tous risques et un contrebassiste omniprésent dans son jeu de walkin bass très supportif. On exulte dans des morceaux comme Mutatis ou Club 189 où tous les potentiels de la machine sont explorés mais on regrette parfois que la belle mécanique soit parfois sous exploitée. Mais à la question : pourquoi faire sonner un big band comme un  sextet lorsque l’on a la chance de bénéficier de ce magnifique instrument, la réponse est certainement dans le souci de ne pas se laisser enfermer dans un format unique. Qui peut le plus peut le moins en quelque sorte.

Avec son sens du swing bien modernisé, Fred Maurin fait un pied de nez aux trublions ou aux chefs d’orchestre plutôt conceptuels et, gravissant les dernières étapes, remet les choses à leur place , le jazz s’écoute comme il se joue, avec jubilation. C’est peut être ce que l’on appelle l’ivresse des sommets.     Jean-Marc Gelin

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29 mai 2008 4 29 /05 /mai /2008 07:34

Refined Records 2008

 


Ah le manouche ! La Musique manouche est à l’honneur au sein de ce trio méconnu de jeunes musiciens. Autour du guitariste leader et soliste originaire de Mallorca Biel Ballester, ce groupe de fidèles amoureux de la bohème rassemble des musiciens d’origines espagnoles avec Graci Pedro à la guitare « pompe » ainsi que Leandro Hipaucha à la contrebasse. Nous avons aussi le plaisir d’y entendre sur quelques morceaux le percussionniste Carlos Romo au cajon. Ce malicieux voyage au pays tzigane nous est offert sous forme de menu de bistro populaire, avec dans l’ordre « Aperitivos », « Platos Principales » et « Postres ». Alléché par ce mélange de saveurs gitanes ibériques, la dégustation commence par surprise avec l’évocation d’un certain exotisme brésilien désireux de rendre hommage à la féminité, en témoigne son titre « Ah les femmes ». De quoi entamer un repas prometteur en rebondissements ! Compositions après compositions du soliste, la route de l’auditeur croise ces incontournables standards que sont « Love For Sale », « Conception » ou bien « All Blues », avec des arrangements aussi saugrenus qu’originaux. A noter aussi une composition intitulée « Fiso Place » écrite par Bireli Lagrène, ainsi que la transcription de trois improvisations solos du non moins célèbre Django Reinhardt. C’est à travers tous ces vestiges du Jazz du siècle passé que le jeu incisif de Biel Ballester séduit les oreilles par ses envolées virevoltantes. Ne manquant jamais de toupet, ce trio de joyeux farceurs nous entraine jusqu’à leur céder notre sympathie pour le régal de les entendre. Avec cette habitude d’enregistrer des versions relativement courtes de chaque morceau, comme pour rappeler que cette tradition vient du format radiophonique que Django et ses contemporains eut si bien maitrisé. Justement, c’est dans cette urgence que le lyrisme de ce style musical est à trois cent pour cent. Dans le temps qui lui est imparti, l’authenticité de la Musique manouche prend sa valeur dans la démesure, dans l’amour invincible, indémodable et inoxydable des campagnes, des guinguettes, de la liberté qu’offrait l’ancien temps et qui demeure naturellement dans un coin du cœur. Avec un tel disque resurgissent les nostalgiques et infinis besoins de tendresse.
Tristan Loriaut

 

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24 mai 2008 6 24 /05 /mai /2008 09:53

Comme tous les ans c’est à un grand pianiste que revient l’honneur de clôturer lors d’un concert en solo à L’Église de Saint Germain des Près, le Festival Esprit jazz. Après Jacky Terrasson, Brad Meldhau ou encore Martial Solal, c’était cette année au jeune prodige, Yaron Herman de mettre un terme à cette superbe édition lors d’une soirée qui restera imprimée au plus profond des mémoires. Tel un cavalier chevauchant son piano et faisant corps littéralement avec lui, Yaron Herman fit hier soir un concert bouleversant. Sa version de Sumertime, du Hallelhuya  de Cohen/Buckley du Libera me de Fauré  ou encore du Yerushalaim qui prenait dans ce lieu une résonance profonde, resteront gravé au cœur des pierres de cette église comme des moments bouleversant d’intensité et d’émotion. Entraîné par les digressions de Yaron, perdu par ses introductions captivantes et par l’imaginaire de son jeu, le public s‘est laissé embarqué dans le monde de cet immense pianiste lors de ce concert en tous points exceptionnel.

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22 mai 2008 4 22 /05 /mai /2008 22:55

Rééd. 1965 – Blue Note 2008
 

Curieusement dans son livre référence, Stéphane Carini ne mentionne pas cette session dans sa discographie sélective de Wayne Shorter (1). Il est vrai qu’entre 64 et 65 ces sessions se sont succédées chez Blue Note à une période où Wayne Shorter, alors engagé dans le fameux quintet de Miles, fait un break de courte durée entre l’enregistrement de « ESP » et le « Live at The Plugged Nickel ». Parmi ces 8 enregistrements chez Blue note entre 64 et 65 (dont les fameux Juju, Speak no Evil, The All Seeing eyes ou encore Adam’s apple), the Soothsayer est rarement mentionné. Outre la qualité évidente de l’album c’est pourtant la première fois que Tony Williams, lui aussi membre du quintet, se joint à la formation. Et il est assez intéressant d’entendre le jeune batteur de génie aux côtés de Mc Coy Tyner qui de son côté jouait avec Elvin dans la quartet de Coltrane. Et réciproquement….

Ces sessions dans la pure tradition hard bop témoignaient alors du besoin de Shorter de graver son propre matériau et d’exister sous son propre nom. Une sorte de pause par rapport à sa collaboration avec Miles. Mais si, du coup, ces sessions en 1965 peuvent paraître déjà décalées par rapport à la nouvelle musique alors en vigueur chez Miles et Coltrane ce serait portant avoir l’oreille un peu limitée que de ne pas voir dans ce travail là ce qui va poindre par la suite. Entre le hard bop et le free radical, Wayne Shorter va en effet livrer l’issue salutaire qui débloquera le jazz pendant de longues années à venir. Et indubitablement, ce travail est déjà en gestation dans les compositions de Shorter. Ces sessions qui feraient pâlir d’envie n’importe quel producteur, conservent aujourd’hui l’incroyable fraîcheur de ces maîtres du hard bop totalement engagés dans la musique de Shorter. James Spaulding qui le double au ténor est ici en compagnie de Freddie Hubbard, tous deux en très grande forme. La mayonnaise prend dans ce quintet de luxe hélas éphémère où chaque composition se révèle pour ce qu’elle est, un bijou (même si parfois, quelque soit le regard exigeant de A. Lion et de Rudy Van Gelder on note quelques morceaux qui n’auraient pas forcément mérité d’être gravés). On notera pourtant l’intensité du bien nommé The Soothsayer ou encore cette Valse Triste qui avait inspiré auparavant Shorter dans l’écriture de Dance on Cadaverous dans le « Speak no Evil ». Ne pas penser que ces sessions ont été écrites et jouées à la chaîne dans un esprit très commercial par des pros rompus à l’exercice. Y voir au contraire la marque de cette esthétique qui, finalement n’est jamais si complaisante et qui porte en elle la trace indispensable de ces moments héroïque que ces génies, stakhanovistes jubilatoires, ont gravés et sans laquelle le jazz assurément ne se serait pas écrit de la même manière.                         Jean-Marc Gelin

 

(1) « Les singularités flottantes de Wayne Shorter » – Stéphane Carini – 2005 . Ed. « Rouge profond 
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22 mai 2008 4 22 /05 /mai /2008 22:48

 Olivier Robin / Sébastien Jarrousse Quintet : « Dream time »

Aphrodite Record 2008.



 

Globalement on prend les mêmes et on refait (presque) la même chose avec (presque) le même bonheur. Alors que « Tribulation », le précédent album de ce formidable quintet est encore tout chaud sur nos platines, Aphrodite Record nous propose une suite heureuse avec ce « Dream time » qui sort aujourd’hui.  A l’entame de l’album on est immédiatement séduit par la cohérence et l’énergie de ce groupe qui porte la marque des grandes formations. Celles dans laquelle chacun trouve sa place en fusion avec tous les autres. Pourtant, dès le premier morceau installé, la séduction de ce quintet opère moins. On attend des compositions qu’elles nous embarquent, qu’elles sortent du format, on attend le jaillissement pas sage, le grain de folie, l’audace qui n’arrive pas. Ce que nous ne remarquions pas dans le premier album se révèle plus ici et l’on croit avoir affaire à ces grosses écuries américaines qui alignent les pointures aux thèmes post coltraniens et aux compositions riches mais dans lesquelles le plaisir de jouer semble se perdre un peu.

Et pourtant cela vient ! Car dès le 4éme morceau (Le Pèlerin de Cadaquès), il se passe quelque chose. Les interventions de Olivier Bogé se font lumineuses. Le garçon réédite d’ailleurs sur Dream Time. Emil Spanyi, le véritable ressors de cet album prend sa part sur Calame. Emil Spanyi, ce véritable prodige du piano jazz qui semble toujours s’amuser avec son clavier, ne pas prendre les choses trop gravement et qui vous balance un swing terrible avec un sens inné du blues, une sorte de Mc Coy Tyner absolument irrésistible. Puis la rythmique sous ses appels se met en branle et Jarrousse hisse son jeu au plus haut dans la mouvance des plus grands. Lorsque l’on entend Jarrousse sur Widow’s bar on sait qu’il a beaucoup écouté Coltrane, Michael Brecker ou Lovano. Dans cette mouvance exactement. On sait aussi combien Robin et Botta maîtrisent aussi leurs classiques. En fin d’album quelques thèmes plus hard bop comme Duel (on croit entendre un public applaudir ?) donne à cette belle formation le moyen de sortir de ses gonds et de se dépenailler un peu, de sortir la chemise du pantalon, de se mettre en peu en vrac histoire de remettre les choses à leur place. Puis tout se termine avec des volutes plus shorteriennes, ultime apaisement comme un murmure, histoire de finir le coup en douceur.

Jean-Jacques Grabowski, le patron du label a bien raison de nous alerter sur son groupe fétiche : d’album en album le quintet Jarrousse-Bogé-Spanyi-Robin-Botta s’impose sur la scène du jazz comme une référence, comme une valeur sûre. Une sorte de Dream team !  De la trempe de ces groupes rares qui existent collectivement et font vivre au jazz français de bien belles heures. Il serait bon que les oreilles de nos académiciens se penchent un peu sur leur berceau. Car ces garçons là sont porteurs d’une très bonne nouvelle : qu’on se le dise le jazz vit encore !  Jean-marc Gelin

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