Christophe Monniot (saxophones sopranino, alto & baryton), Marc Ducret (guitares)
Lanmeur (Finistère), avril 2022
Jazzdor Series 13 / l’autre distribution
Deux irréductibles de la liberté et de l’audace, et deux musiciens qui se sont croisés dans leurs projets respectifs (Monio Mania, Métatonal….). En choisissant de constituer ensemble ce duo, et d’en composer les contours comme ils écrivent, improvisent et arrangent la musique, il était prévisible qu’ils nous entraîneraient loin : loin de nos bases, loin de nos réflexes d’écoute, loin de cette faculté prospective que nous avons tous, et qui nous pousse à attendre au fond ce que nous avons déjà perçu, éprouvé, aimé en écoutant tel musicien, en lisant tel écrivain, en découvrant tel film d’un cinéaste que nous aimons. Dès la première plage, ils passent d’un unisson funambule à un éclat de rock saturé, puis reviennent à des sons plus soyeux, avant de replonger dans des rythmes fracturés. C’est comme un collage, mais très composé, plein de références, de surprises, de pirouettes et d’idées, jetées à la volée et rattrapées en virtuoses, jusqu’à une coda apaisée…. en attendantle prochain éclat ! Et l’on file ainsi, de titre en titre, d’un simulacre de relecture sauvagement cubiste du Dernier Tango à Paris à des nostalgies orientales totalement resongées, en passant par des contrepoints lunaires, ou des impromptus façon pop dynamitée. Avec aussi une pièce du compositeur Michel Petrossian écrite pour eux. C’est totalement jouissif, assez déjantée, très inspiré, mené de part et d’autre avec ce mélange de maîtrise et d’abandon qui fait le Grand Art. Et je ne suis pas certain d’avoir le talent qu’il faut pour rendre compte de la totalité de ces événements musicaux qui m’ont ravi. Alors faites comme moi, plongez-vous dans ce maelström…. que j’avais trouvé génial, en concert au début de l’été dernier aux Rencontres d’Archipel en Charente, et encore maintenant à l’écoute de ce disque !
Xavier Prévost
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Le duo est en concert le 19 octobre à 18h à la Bibliothèque Nationale Universitaire de Strasbourg, puis le 22 octobre en soirée au Comptoir de Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne)
En mars dernier Christophe Monniot et Marc Ducret se retrouvait en duo en Bretagne pour nous jouer dans le poste au moment où les portes, elles, étaient encore fermées. Joie de découvrir ces ...
Une aventure musicale, assurément. Une rencontre singulière entre deux musiciens qui se sont souvent côtoyés dans une foule de groupes. Et ici le désir, assumé, de faire un saut dans l’inconnu. Ce qu’ils connaissent l’un de l’autre se trouve remis en jeu, dans ce projet presque insensé. En rejouant des musiques de l’un ou de l’autre, transfigurées par le contexte de ce duo bercé d’électronique ; en construisant un mystère qui va se fondre dans un chœur de moines tibétains ; en effleurant quelques mesure d’un trio à cordes ; ou en insérant dans un hommage à Martin Luther King une berceuse ukrainienne, les deux solistes nous entraînent dans l’inouï, et parfois nous ressentons que notre surprise à l’écoute n’a d’égale que la surprise qu’ils ont ressentie en inventant, dans la magie de l’instant, cet objet musical fascinant. Le traitement électronique du sax baryton, par un dispositif dont je n’indique pas la nom commercial (pas plus que je n’indique la marque du piano électrique….), dans son dialogue avec les sons traités des claviers, nous transporte dans un ailleurs qui nous dépayse (et nous enchante). Parfois on tourne (mais de très loin!) autour d’un standard. Dans le livret un beau texte de Nicole Caligaris, sans livrer les clés du mystère, nous ouvre des portes d’écoute et d’émois. Cette musique gardera sa part de d’indicible, et c’est cela qui la rend fascinante. Et pourtant elle peut nous toucher dans l’immédiateté de sa sonorité, de ses constructions labyrinthiques, de ces moments d’équilibres vertigineux qui se résolvent chaque fois dans un nouvel étonnement. Du Grand Art.
Le premier volet sur disque d’un travail singulier déjà mené sur scène depuis plusieurs années avec ce groupe, accueillant en concert d’autres musiciens (Samuel Blaser, Gilles Coronado, Christophe Lavergne, Antoni-Tri Hoang….). C’est, selon l’artiste, «une fiction autour de la musique et du vivant sous toutes ses formes». Vaste perspective qui permet toutes les libertés créatives et nous dispense de la rituelle ‘musique à programme’, où chaque fragment est supposé évoquer un élément du projet. Si l’inspiration est bien l’ensemble des paysages et des êtres qui font notre environnement, c’est la musique qui mène la danse. Lyrique, raffinée, parfois presque sérielle, souvent aussi nourrie de cette irrépressible pulsation qui anime ce que nous continuons d’appeler le jazz. Jazz de chambre si l‘on veut, assurément contemporain, mais toujours au plus près de ce lyrisme qui forgea aussi bien la musique dite savante de la fin du 19ème siècle que la seconde école de Vienne, etque bien des musiques surgies de la naissance du vingtième siècle, en Europe et ailleurs. La clarinette, dans un accès de douce mélancolie, fait écho aux pizzicati du violoncelle, puis le piano entre dans la danse, soutenu par les éléments de la batterie. Un festival de timbres qui font symphonie. Et l’aventure se déploie, thème après thème, avec cette sonorité diaphane de saxophone ténor, entre mystère et soudains éclats de liberté, jusqu’au terme de l’aventure. Profond, ambitieux, mais aussi directement jouissif, car cette musique est d’une humanité palpable, d’une sensualité à fleur de peau. Magnifique !
Une aventure qui trouve sa source dans la fascination du tout jeune David Chevallier pour une compilation des guitaristes du catalogue ECM, et quelques années plus tard dans sa rencontre avec Kenny Wheeler, puis avec John Taylor, avec lequel il a joué dans divers contextes. C’est inspiré par ce trompettiste et ce pianiste qu’il s’engage dans l’élaboration de ce programme. Une rencontre lors dune tournée scandinave avec le trompettiste finlandais Tomi Nikku concrétisera ce projet, et le groupe donnera des concerts dans divers lieux, comme par exemple le festival D’Jazz de Nevers en novembre 2021. Finalement c’est Laurent Blondiau qui se joindra au trio avec lequel David Chevallier joue depuis dix ans et a déjà publié plusieurs disques.
Même si le disque est inspiré par les deux musiciens précités, toutes les compostions sont signées par David Chevallier, sauf un thème extrait de Music For A While de Purcell, joué dans une beau respect mélodique, avec de savants contrepoints, après une introduction très libre de Laurent Blondiau. Pour le reste, sous un caractère parfois éthéré (que d’autres diraient planant) se joue la formidable finesse du compositeur-guitariste et de son trio d’origine, sur quoi le jeu de Laurent Blondiau pose des phrases lyriques, expressives, parfois virulentes. C’est d’une profonde musicalité, et d’une grande beauté : chapeau bas !
Le groupe est en concert : le 15 octobre à Paris pour ‘Jazz sur le Vif’ à la Maison de la Radio, puis le 18 novembre au Petit Duc d’Aix-en-Provence, et le 14 décembre à Nantes, Salle Paul Fort
Eve Risser (composition, piano, piano préparé, voix), Antonin-Tri Hoang (saxophone alto, synthétiseur analogique), Sakina Abdou (saxophone ténor), Grégoire Tirtiaux (saxophone baryton, percussion), Nils Ostendorf (trompette, synthétiseur analogique, Matthias Müller (trombone), Tatiana Paris (guitare électrique, voix), Ophélia Hié (balafon, bara, voix), Mélissa Hié (balafon, djembé, voix), Fanny Lasfargues (basse électro-acoustique), Oumarou Bambara (djembé, bara), Emmanuel Scarpa (batterie, voix), Céline Grangey (prise de son) Rezé (Loire Atlantique), décembre 2021 Clean Feed Records CF 609 CD / Orkhêstra
Une rencontre. Pas une fusion, plutôt un dialogue, entre un groupe européen et des percussionnistes d’Afrique de l’Ouest. Le choix du titre, Eurythmia, fait référence à une heureuse configuration du rythme, mais aussi à une forme d’harmonie. Quand, dans La République de Platon (livres III & VII) la notion d’εὐρυθμία fait son apparition dans le dialogue entre Socrate et Glaucon, il s’agit des disciplines (danse, gymnastique, musique….) qui pourraient (ou pas) donner accès à la sagesse que recherche la philosophie. On est en plein dans le sujet dans les deux cas : harmonie et dialogue…. Dans la première plage, c’est l’euphonie, monde idéal de l’harmonie consonante. Puis le rythme fait son entrée, entre sonorités des percussions africaines et ingrédients européens, voire technologiques. On est de plain pied dans les univers que la pianiste-compositrice affectionne : musique plurielle, libre, où les accords tendus du piano font écho aux sons issus des instruments à vent ou des sources électroniques, sous l’impulsion des percussions. Une sorte de procession harmonique stimule les solistes, en pleine liberté, un peu comme le faisait Carla Bley quand elle composait pour de grandes formations.
À l’effervescence rythmique des ensembles de percussions fait écho une atmosphère mélancolique suscitée par certains arrangements et quelques solistes. Et le dialogue est éminemment collectif dans cette musique qui s’est élaborée, de l’aveu même de la pianiste-compositrice-cheffe d’orchestre «… à l’oral car tout le monde ne lit pas la musique, et surtout voulant éviter ‘l’efficacité’ de l’écriture, et rentrer dans un processus lent». Il en résulte une incontestable réussite, tant sur le plan du dialogue artistique que sur celui de l’expression individuelle. En grec ancien εὐ (eu) signifie l’adverbe bien, et sert de préfixe à tout ce qui est heureux. D’une certaine manière, ce disque est celui d’une musique heureuse.
Xavier Prévost
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Le Red Desert Orchestra sera en concert le 14 octobre à Rouen (Le 104), le 15 à Perpignan (festival Jazzèbre) et le 20 à Paris au Studio de l’Ermitage
Miguel Zenon (as), Luis Perdomo (p), Hans Glawischnig (cb), Henry Cole(dms).
MIEL 2022
Difficile de garder les semelles collées au sol lorsque l’on entend le dernier album du saxophoniste Miguel Zenon et tout son groove qui va avec. D’ailleurs avec le saxophoniste portoricain, ce n’est même plus de groove dont il s’agit mais de FLOW !
En soi cet album n’est pas surprenant dans la discographie du saxophoniste qui, album après album s’emploie à explorer la question des racines et de l’identité au travers des relations musicales des deux continents américain : celui du Sud et celui du Nord. C’est un travail qu’il explore depuis plus de 15 ans: Jibaro (2005), Esta Plena (2009), Tipico (2017). Toujours la question centrale des relations syncrétiques entre le jazz tel qu’il se pratique à New-york et ses propres racines sud-américaines.
Dans ce nouvel album le saxophoniste explore plusieurs traditions musicales caribéennes sous le prisme du jazz ( salsa, rumba, biguine etc…) allant même, dans un élan qui relève presque de l’ethno-musicologie, à sonder, comme il le déclare dans le dernier numéro de Downbeat les différence entre les cultures pacifiques ( Portorico p.ex) et celles plus guerrières ( Venezuela) dans un jeu de clair obscur.
Pour ce travail exploratoire, Miguel Zenon s’entoure de son fidèle quartet avec le pianiste Luis Perdomo, le contrebassiste autrichien Hans Glawischnig et le batteur portoricain Henry Cole. Et ces quatre-là inventent alors une sorte de langue nouvelle où les caraibes se marient à Charlie Parker et Steve Coleman. Cette langue est aussi foisonnante qu’une jungle luxuriante. Elle se parle avec de fines ciselures et le sang chaud. Emporté par son sujet, Miguel Zenon s’enflamme en maître d’une improvisation échevelée et finement dessinée.
Alors que beaucoup de musiciens français s’évertuent en ce moment à jouer dans la cour de la musique sud-américaine, la différence est criante. Il leur manque la joie. Il leur manque l’envie. Il leur manque l'histoire. En un mot il leur manque el fuego !
Horace Tapscott (piano, composition), Arthur Blythe (saxophone alto), David Bryant & Walter Savage Jr (contrebasses), Everett Scott Brown Jr (batterie)
Los Angeles, 1969
en CD et LP, Mr Bongo MRBDC 256, MRBLP 256
Horace Tapscott est mort en 1999, et pourtant beaucoup d’inédits voient encore le jour, et c’est tant mieux ! Récemment c’était «Legacies Four Our Grandchildren» (Dark Tree / Orkhêstra), enregistré en 1995. Et cette fois c’est une séance de ses débuts phonographiques pour le label Flying Dutchman («The Giant is Awakened»)
D’ailleurs l’un des titres (For Fats, composition d’Arthur Blythe) figurait sur ce disque dans une version beaucoup plus brève. On est en plein dans l’effervescence de l’époque, où les libertés cadrées/décadrées d’Eric Dolphy, et les aventures d’Ornette Coleman ou Cecil Taylor, traçaient à grands traits le devenir du jazz. Et Horace Tapscott traverse avec une verve incroyable tous les langages du jazz moderne et post-moderne. C’est un régal de fougue, de liberté, dans les codes des musique afro-américaines. Un régal, et pas seulement pour les nostalgiques des sixties !
Au cœur de l’automne, ‘JAZZ EN TÊTE’ s’est taillé une place de choix chez les fans de la note bleue, contre vents et marées, refusant d’aller musarder sur les terres musicales voisines (et commerciales). Pour sa 35 ème édition (du 18 au 22 octobre), le festival hébergé à Clermont-Ferrand entend bien, confie son fondateur et directeur artistique, Xavier Felgeyrolles, « rester fidèle au jazz canal historique, cette source inépuisable qui a toujours conflué avec « l’air du temps » d’une époque à l’autre ».
Les DNJ : Quelle est la particularité de Jazz en Tête au milieu des quelque 300 à 400 festivals de jazz de l’hexagone ?
Xavier Felgeyrolles : Nous avons la chance de ne pas être trop gros et de pouvoir ainsi mettre les petits plats dans les grands, pour le public (5000 spectateurs sur l'ensemble des concerts, workshops, jams, etc.) et pour les artistes. Je dirais que c’est un festival de copains avec de bons musiciens (sourires). Nous sommes une association d'une trentaine de bénévoles au moment du festival, et une poignée de personnes impliquées toute l’année, dont un président d'association et un bureau d'association et, bien sûr, les professionnels, comme ma pomme ou l'expert comptable, ou encore les fidèles directeur technique, graphiste, photographe, etc.
Les DNJ : Comment réussit-on à tenir la route financièrement dans la durée ?
XF : La première année, en 1988, le festival a débuté sans aucune subvention publique : on lançait une balle en l'air en espérant qu'elle tombe du bon côté ! Et nous avons réussi ... avec une sacrée affiche : Herbie Hancock, Ray Brown, Dee Dee Bridgewater, Ellingtomania ... Les aides sont arrivées ensuite très progressivement. Aujourd’hui, pour un budget fluctuant autour de 200.000 euros - sans compter les salles clermontoises mises à disposition, mais où nous apportons toute la technique - les concours officiels (collectivités territoriales et DRAC, direction régionale des affaires culturelles), comptent pour 45 %, le mécénat 15 % et la billetterie pour 40 %. Nous pratiquons une politique tarifaire ajustée : 34 euros pour une soirée de deux concerts, 29 euros pour les tarifs réduits et 10 euros à la dernière minute pour les étudiants. On arrive ainsi à moins de 30 € pour le tarif moyen et … deux concerts.
Les DNJ : Jazz en Tête a ses habitués parmi les têtes d’affiche, Par exemple cette année, Mino Cinelu se produit pour la troisième fois, Gonzalo Rubalcaba pour la quatrième … XF : (coupant) Herbie Hancock est venu trois fois, Gregory Porter, un chanteur que tout le monde s’arrache, a donné à Clermont son premier concert en France, capté alors en 2011 pour Mezzo. Quant à Biréli Lagrène, à l’affiche lors de cette 35 édition, il était déjà là en 1990, et déjà en solo. Je suis dans le milieu du jazz depuis quarante ans, ayant été par concours de circonstances, road manager à l'âge de 20 ans de Dizzy Gillespie, Jay McShann, Milt Jackson, Illinois Jacquet, et de tant d'autres anciens, puis producteur de disques (label Space Time Records depuis 1996, où apparaissent notamment les premiers albums de Lionel Loueke, d'Eric Harland, ou encore le seul album solo piano de Mulgrew Miller). Bref. Au départ, cela crée incontestablement des liens avec les musiciens, après cela les entérine.
Les DNJ : La 35 ème édition marque donc le grand retour des musiciens américains absents d’Europe pendant la crise sanitaire du Covid …
XF : Assurément avec notamment une des toutes nouvelles étoiles du jazz vocal, Samara Joy. Mais nous aurons également sur scène le pianiste brésilien Eduardo Farias que l’on a découvert en France auprès d’un de nos jazzmen français préférés ici, le saxophoniste Baptiste Herbin ou encore un trompettiste américain, Jim Rotondi … qui a choisi de s’installer à Clermont-Ferrand après s'y être produit au sein du Mingus Dynasty et y avoir rencontré une clermontoise. Et enfin, après une année où nous avions avancé l’heure des concerts pour respecter le couvre-feu (en 2020), pour la deuxième année consécutive c'est aussi le grand retour des « jam sessions » qui se prolongent jusqu’au bout de la nuit. Non décidément, à Clermont Ferrand le jazz « canal historique » n’a pas fini de vibrer.
Jazz en tête. 18-22 octobre. Clermont-Ferrand (63). Maison de la Culture. Début des concerts à 20 h.www.jazzentete.com
18 octobre : JET All Stars 2022 avec Steve Nelson (vibraphone), Kenny Davis (contrebasse) & Billy Kilson (batterie); Gonzalo Rubalcaba & Aymée Nuviola.
19 octobre : Jim Rotondi Quintet avec Jim Rotondi (trompette et bugle), Jon Boutellier (saxophone ténor), Danny Grissett (piano), Darryl Hall ( contrebasse), Jason Brown (batterie) ; Mark Guiliana Jazz Quartet avec Jason Rigby (saxophones), Jason Lindner (Piano), Jasper Høiby (Contrebasse), Mark Guiliana (batterie).
20 octobre : Mino Cinelu (percussions)-Tony Tixier (piano, claviers) duo avec Raynald Colom ; Samara Joy ( voix), Isaiah J. Thompson (piano), Matthias Allamane (contrebasse), Malte Arndal (batterie).
21 octobre : Bireli Lagrène (guitare) ; Eduardo Farias Brazilian Trio Eduardo Farias (piano); Hermeto Coridor (contrebasse); Antonio Carlos Harlando (batterie).
22 octobre : Gabriel Fernandez "Mundo Trio" avec Gabriel Fernandez (saxophones ), Jean-Marie Frédéric (guitare ), Jean-Luc Di Fraya (batterie & percussions ) ; "The Mountain Four" All Stars avec Lionel Loueke (guitare, voix), Walter Smith III (saxophone ténor), Joe Sanders ( contrebasse), Eric Harland ( batterie).
Posons les choses, tout d’abord : Sebastien Farge est avant tout un accordéoniste exceptionnel, reconnu par l’ensemble de la profession et auréolé en 2015 du grand prix du disque « Gus Viseur ». L’accordéoniste a cet art de nous toucher par la légèreté aérienne de son jeu et son sens aérien de l’improvisation.
Mais avec Sebastien Farge c’est surtout de souffle dont nous voudrions parler ici.
Car avec cet album (« origines ») c’est bien de souffle dont il s’agit. Du souffle d’une écriture grandiose. Du souffle du vent des émotions qu’elle procure. Du souffle des tempêtes maitrisées et des tendres baisers. Il y a du volume, de l’ampleur dans cet album qui s’expriment avec une grande et belle générosité du dire, du jouer, de mettre en mouvement. Pas d’effets ostentatoires dans cette musique mais, encore une fois du souffle. Parfois c’est une tendre mélancolie qui puise dans les classique (Bach avec Concerto indigo) ou qui s’inspire de mélodies simples auxquelles il apporte une forte densité émotionnelle (Boîte à musique). Toujours, la musique de Sébastien Farge s’interdit toute linéarité simpliste et ouvre des portes, sans cesse ( Insomnies). C’est un peu chez l’accordéoniste comme si l’on se trouvait dans une pièce inconnue et que l’on ouvrait des tiroirs tout aussi inconnus pour y découvrir des secrets enfermés. Et cette pièce devient alors une chambre, une chambre des rêves, des merveilles et des enchantements.
Mais il y a plus que cela encore. Il y a cette mise en mouvement d’un ensemble orchestral qui fonctionne à merveille. Son entente avec le pianiste Amaury Faye y apporte un jeu de contraste lumineux. Les cordes sont là parfois pour donner à cette musique, qui n’est jamais symphonique, un nouvel espace vibrant. Et les pièces de l’engrenage mettent le musique en mouvement. Harmonieusement.
On suit cet album en tentant de ne pas chavirer. La charge émotionnelle y est forte. Mais n’est-ce pas ce qui fait la grandeur de la musique ?
Dans sa séries des inédits ou des enregistrements pirates en voie de réappropriation, Sony explore le fonds de Columbia, qui détenait les droits de Miles Davis jusqu’à son exil chez Warner Bros en 1986 avec l’album «Tutu». Trois CD, également compilés en 2 vinyles, pour plonger dans les inédits des disques «Star People», «Decoy» et «You’re Under Arrest» (1982-85) ; et aussi un concert du festival de Montréal, en juillet 1983, sur le troisième CD.
Quelques pépites : Santana, un titre assez torride ; mais aussi Celestial Blues, en errance déstructurée, avec l’intervention de J.J. Johnson, que l’on retrouve sur Minor Ninths, où Miles au piano électrique dialogue avec cet historique tromboniste, son partenaire des fifties. Sans oublier le concert à Montréal du CD 3, qui pétille des étincelles prodiguées par John Scofield. Hautement recommandable donc, aux intégralistes, mais pas que….