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25 mai 2022 3 25 /05 /mai /2022 16:01

Ben Sidran (piano), Billy Peterson (contrebasse), Leo Sidran (batterie)

Madison (Wisconsin), 25-26 août 2021

Bonsaï / l’autre distribution

Le chanteur-pianiste (mais aussi chroniqueur, interviewer, analyste du jazz, producteur, auteur et compositeur) se fait ici, pour la première fois sur disque semble-t-il, pianiste en trio, délaissant sa voix et son phrasé si particulier pour se pencher, avec ce qu’il faut de nostalgie raisonnée, sur les pianistes (et les trios) qu’il aimait, dans sa jeunesse : Horace Silver, Bobby Timmons, Bud Powell, Sonny Clark…. «Aujourd’hui, dit-il, soixante ans plus tard, je voulais vivre ce que ces musiciens ressentaient à cette époque lorsqu’ils jouaient dans ce type de formation. Je sais que je ne peux pas jouer comme eux, mais je peux en revanche me sentir comme eux. C’est ce que j’appelle donc le ‘Swing State’ ». Et c’est exactement ce que nous livre, amoureusement, le musicien qui choisit ici de n’être ‘que’ pianiste, soutenu dans son entreprise, à la basse, par son fidèle compagnon de route Billy Peterson, et à la batterie par son fils Leo Sidran.

Le répertoire est celui transmis par son père, qui travaillait comme pianiste dans les années 30 : un recueil non-officiel des partitions de standards, recueil sur lequel Ben Sidran avait fait ses premières armes. Des thèmes qui ont traversé l’histoire, celle de la culture occidentale, et aussi celle du jazz. Et c’est ce jazz, dans toute la simplicité feinte de ses roueries, que nous offre le pianiste : swing implacable, tempo décontracté, liberté mélodique, c’est un régal de bout en bout. Déconstruction de Laura (2 prises) en doux déhanchement, un peu à la manière de Garner dans l’étirement des phrases ; traitement soul jazz from the fifties pour Lullaby of the Leaves ou Tuxedo Junction (qui pourtant datent de l’avant-guerre) ; le pont de Over the Rainbow, qui fait clignoter ses deux notes comme une sirène d’ambulance (vieille blague de musiciens) ; Ain’t Misbehavin’ et Stompin’ at the Savoy rajeunis tout en conservant le caractère de l’époque ; et un thème original, un peu ‘à la Bobby Timmons’, qui donne à l’album son titre.

Et peut-être pour rappeler l’époque où la qualité des instruments n’était pas toujours irréprochable pour le jazz, en studio comme un concert, un piano dont l’accord est loin d’être parfait ; mais cela contribue à l’indiscutable charme de l’ensemble….

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?v=kvu7a1v1AdI

https://www.youtube.com/watch?v=DHC2cBUw1lQ&t=10s

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Ben Sidran jouera, et chantera, 4 soirs consécutifs à Paris au Sunside, du 25 au 28 mai, en quartette, d’abord avec Rick Margitza (25-26) puis avec Stéphane Guillaume (27-28)

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23 mai 2022 1 23 /05 /mai /2022 21:44

Mark Turner (saxophone ténor), Jason Palmer (trompette), Joe Martin (contrebasse), Jonathan Pinson (batterie)

New York, novembre 2019

ECM 2684 / Universal

 

Des compositions extrêmement élaborées, sur le plan de la forme comme de l’harmonie, avec un espace de tensions qui magnifie les lignes mélodiques. Et par-dessus tout une extraordinaire interaction, dans l’écrit comme dans l’improvisé. L’effervescence rythmique, constante, jamais n’oblitère la richesse des lignes. Elle tend au contraire à la magnifier, par une sorte de parti pris de tension généralisée. Et la beauté des thèmes n’est pas un refuge mais au contraire une rampe de lancement pour ce fameux interplay, omniprésent : c’est entre les quatre membres du groupe que s’édifie ce mystère qui fonde toute musique digne de la plus grande attention. Il s’agit là de l’un de ces albums qui doivent s’écouter, et se réécouter, pour livrer tous leurs sortilèges. En cette matière Mark Turner est de longtemps passé Maître, Maître d’un grand Art qui force l’admiration. Les ingrédients d’un chef d’œuvre, en somme.

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur Youtube 

 

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21 mai 2022 6 21 /05 /mai /2022 15:57

Une escale de deux jours au Festival ‘Jazz in Arles’, après une édition annulée (2020) puis une autre décalée en juillet, et dans un autre lieu. Retour bienvenu dans la magnifique Chapelle du Méjan, son intimité, son acoustique et son très bon piano.

Le festival avait commencé par un prélude les 10 & 11 mai, et entreprenait cette fois son rush conclusif

 

Le 17 mai fut la soirée du grand retour de ‘Yes Is A Pleasant Country’, le trio qui associe depuis maintenant vingt années la chanteuse Jeanne Added, le saxophoniste Vincent Lê Quang et le pianiste Bruno Ruder.

Trois personnalités musicales fortes, tant par leur maîtrise que par leur liberté et leur créativité. On a peu entendu le trio en concert depuis que la chanteuse a entrepris sous son nom une autre carrière dans un univers musical différent, avec l’exigence artistique et le succès que l’on sait. Les écouter à nouveau était déjà une promesse, et l’attente fut comblée. Depuis le disque de 2008, le répertoire a évolué : de nouvelles compositions, et des standards différents de ceux adoptés antérieurement, mais toujours quelques-uns des poèmes de Yeats et Cummings qui constituaient le socle du répertoire originel. Le concert commence avec Goodbye, magnifique standard, un chef-d’œuvre du genre, qui sera traité avec ce niveau d’expressivité et d’inventivité qui est la marque de ce trio hors-norme. Fats Waller, et d’autres, seront remodelés avec la même insolente créativité. Et les thèmes originaux seront tous l’objet d’interprétations-improvisations qui chaque fois franchissent avec brio la balustrade des possibles. Vous l’aurez compris : ce fut un pur enchantement !

 

Le 18 mai le festival accueillait ‘Pronto !’, le groupe codirigé par le saxophoniste ténor Daniel Erdmann et le batteur Christophe Marguet, et qui les associe à la contrebassiste Hélène Labarrière et au pianiste Bruno Angelini.

Le groupe ‘Pronto !’ joue le répertoire du disque éponyme, paru récemment. La version de concert est sensiblement différente, plus sujette encore aux emportements, aux dialogues virulents, à la prise de risque et au vertige de contrastes dynamiques violents. Le saxophone part en douceur, dans une sonorité et un idiome qui nous rappelle la transition entre le jazz classique et le jazz moderne, et bien vite les dialogues croisés deviennent intenses, entre tous les membres du quartette. Le batteur joue à main nue, comme il aime à le faire (il y excelle !), la basse apporte un soutient tellurique qui n’empêche pas les escapades, le piano s’évade et s’enflamme volontiers, et le saxophone déploie de multiples palettes avec une maestria incroyable. L’idiome et le rythme sont en vue, mais les escapades sont nombreuses : ce sera le cas tout au long du concert, oscillation presque constante entre intensité extrême et infinies nuances, avec un sens remarquable du collectif. Nous sommes transportés par cette effervescence, jusqu’au rappel, qui évoluera d’un thème lent et lyrique jusqu’à un crescendo rythmique et dynamique qui confirmera, s’il en était besoin, la soif d’urgence de ce beau quartette.

Je quitte à regret les rives du Grand Rhône, mais d’autres concerts, d’autres chroniques, m’appellent ailleurs. Les jours suivants Jazz in Arles accueillera le pianiste Jeb Patton, Claude Tchamitchian en solo, Émile Parisien en sextette et Géraldine Laurent en quartette….

Xavier Prévost

 

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21 mai 2022 6 21 /05 /mai /2022 08:59
ENRICO PIERANUNZI QUINTET    THE EXTRA SOMETHING  LIVE AT THE VILLAGE VANGUARD

 

ENRICO PIERANUNZI QUINTET

THE EXTRA SOMETHING

LIVE AT THE VILLAGE VANGUARD

 

Un deuxième album toujours sur CAM JAZZ après le duo de Flavio BOLTRO et Fabio GIACHINO qui lui aussi ne manque pas de souffle avec ce live, le troisième du pianiste italien, icône du jazz transalpin, dans la Mecque du jazz, le Village Vanguard. Précisons que c’est à la demande de sa propriétaire, Lorraine Gordon, aujourd’hui disparue, qu’il put réaliser son rêve d’Européen, un Italien qui joue à New York.

Car ce nouvel enregistrement de 2016 souligne l’appétence du pianiste pour l’aventure américaine, sa soif de rencontre et de partage musical. Au sein de ce temple du jazz, il suit les traces du pianiste qu’il a révéré au point de lui dédier un livre en l’inoubliable Bill Evans. Nul doute que des frissons doivent le traverser à chaque fois dans ce lieu mythique mais Enrico Pieranunzi ne joue pas à l’exégèse, ne fait pas du Bill Evans en trio, il est le pianiste leader, volontiers accompagnateur, partie intégrante de la rythmique au sein d’un quintet survitaminé post bop, une jazz machine parfaitement huilée qui joue très librement les sept thèmes, tous de sa plume. S’il aime les ballades, il n’en abusera pas ici mais“The real you” a une élégance discrète.

The Extra something confirme la classe d’Enrico Pierannunzi qui se fond avec une aisance peu commune dans cet équipage cent pour cent ricain qui joue les codes du genre. Il a toujours cette obsession du plein sans saturation cependant, le sens de l’espace.

Un jazz accessible mais exigeant dont l’énergie suffirait à en garantir la cohérence. Si la tension ne baisse pas une seconde, la répétition des écoutes révèle plus qu’un hommage fougueux au jazz des années soixante. Enrico Pierannunzi poussant plus loin les transmutations, combinaisons de styles, variations et contrepoints classiques. Des motifs qui viennent rejoindre les partitions plus attendues d’un trompettiste éclatant qui manie aussi le trombone, l’Argentin Diego Urcola et d’un saxophoniste ténor, intense Seamus Blake. La rythmique composée du contrebassiste Ben Street et du batteur Adam Cruz n’est jamais en reste, solide et carrée, ardente dans ses emportements même. Comme la formation soudée, combative et habitée qui fait résonner de belle façon les murs du Vanguard qui pourtant en ont entendu d’autres.

 

Sophie Chambon

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13 mai 2022 5 13 /05 /mai /2022 19:59

   ‘CASSISTANBUL’* est le dernier en date des albums de Philippe GAILLOT (et Dieu sait qu’il ne nous les dispense qu’au compte-goutte !), guitariste, compositeur, improvisateur multi-instrumentiste installé à Pompignan (30170), à une portée de lance-pierre de Montpellier, dans un terroir dont on peut difficilement se passer, une fois que l’on y a goûté !

   C’est là que la fine fleur du jazz hexagonal et d’ailleurs se retrouve, s’installe (se vautre ?), tant il est agréable de vivre et de jouer dans ce délicieux endroit qu’est le Mas de Quintanel, où le maître des lieux a installé l’un des plus fameux studios d’enregistrement du pays** ! Hé oui, le bougre ne se contente pas de jouer sa propre musique, il est aussi un ingénieur du son hors pair.

 

    ‘CASSISTANBUL’, donc, est un album patchwork dont Philippe est le fil conducteur ; il s’y ballade en maître des lieux, avec des formations à géométrie variable, du duo (Soriba) au Septet (Lady Stroyed, African Trip), du quartet (Cassistanboul) au sextet (For Emma), en se jouant des atmosphères, pour la plupart d’allure festive, mais où l’affectif affleure, toujours présent (il s’en explique dans les notes de livret).
   On y côtoie beaucoup de noms connus, Jacky Terrasson, Mike Stern, Stéphane Belmondo, Pierre de Bethmann, Eric Serra ... Mais aussi des complices de longue date, les membres de son groupe EPICUREAN COLONY, dont Gérard Couderc (saxophones), Claude Bey (trompette & bugle), Emmanuel Beer (Orgue & Fender Rhodes), Philippe Panel (basse), Quentin Boursy (batterie, percussions) et nombre d’autres superbes musiciens, Jérome Dufour, Seda Seck, Roberto Valverde, Yoann Schmidt ... et c’est cette diversité qui fait l’unité de l’album !

   Alors, plutôt que d’essayer de coller une étiquette (Jazzfusion, électrique, world music ...) sur ce que vous entendez, ne vous fiez qu’à ce qui se passe entre vos deux feuilles et savourez-en donc les ambiances et les méandres, en même temps qu’un flacon de Pic Saint-Loup ... vous serez encore plus près de Pompignan !

 

Francis Capeau.

 

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*That Sound Records NRTSR202 1001 / Socadisc / Abilone
Parution le 13 mai.

 

**STUDIO RECALL, Mas de Quintanel, 30170-Pompignan.
Tél. : 06 11 15 87 58

 

©photo Vincent Bartoli

 

 

 

 

 

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9 mai 2022 1 09 /05 /mai /2022 22:05

Aurélie Tropez (saxophone alto, clarinette), Julie Saury (batterie), Didier Desbois (saxophone alto), Frédéric Couderc (saxophone ténor, flute), Olivier Defays ( saxophone ténor), Philippe Chagne ( saxophone baryton, clarinette basse), Claude Égéa, Malo Mazurié, Jérôme Etcheberry, Richard Blanchet (trompettes), Nicolas Grymonprez , Michaël Ballue, Jerry Edwards (trombones), Philippe Milanta (piano), Bruno Rousselet (basse), Laurent Mignard (direction)

Invité(e)s: Natalie Dessay, Roberta Gambarini, Nicolle Rochelle, Myra Maud, Sylvia Howard (voix), Rhoda Scott (orgue), Aurore Voilqué (violon), Sylvain Gontard (bugle)

Boulogne Billancourt, septembre 2020

Juste Une Trace AMOC 206470292758 / Socadisc

 

Après l'album «Duke Ladies, vol. 1»,

paru en septembre dernier et primé par l'Académie du Jazz, voici le volume 2 : même distribution ou presque : parmi les invités, exeunt Rachelle Plas & Carl Schlosser, intrat Sylvain Gontard.

Ce volume 2 poursuit l'exploration du répertoire ellingtonien, en conjuguant certains titres qui évoquent le féminin, et en choisissant de mettre en exergue des femmes musiciennes, membres de l'orchestre ou invitées. Mais sans ostracisme, car Sylvain Gontard est invité comme soliste pour le thème Lady Mac (Such Sweet Thunder Suite ). D'un disque à l'autre, le même parti pris de choisir les chanteuses pour leur adéquation à la composition choisie : Natalie Dessay comme voix céleste pour un extrait du Second concert sacré, Sylvia Howard pour l'expressivité soul-gospel dans The Lord's Prayer du Premier concert sacré , Nicolle Rochelle en voix lyrique pour On a Turquoise Cloud, Roberta Gambarini en diva de jazz pour Something To Live For ou Myra Maud en expressivité exacerbée pour un extrait de Black, Brown And Beige. La distribution des rôles est parfaite, au service exclusif de la musique et de l'univers d'Ellington (et Strayhorn !). Côté instrumentistes-solistes on n'est pas de reste, invités ou titulaires, filles ou garçons. C'est une vraie célébration du Duke, qui connaîtra son apothéose le 12 mai par un concert au Théâtre du Châtelet. Nous aurons tous une pensée pour l'Ami Claude Carrière, Ellingtonien majuscule : il aurait sûrement adoré être de la fête !

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?v=YHjdf2dfdVs&t=15s

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Au Châtelet le 12 mai

Conférence 'Duke Ellington et les femmes' à 18h30

https://www.maison-du-duke.com/event/conference-duke-ellington-et-les-femmes/2022-05-12/

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Concert 'Duke Ladies' à 20h

https://www.maison-du-duke.com/event/concert-duke-ladies-au-chatelet/2022-05-12/

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5 mai 2022 4 05 /05 /mai /2022 11:50

Biréli Lagrène (guitares, basse Fender), Chloé Lagrène, vocal (dans 'Angel From Montgomery'). Enregistré en 2020-2021. Studio Sextan A, Paris.
PeeWee! / Socadisc.
Parution le 6 mai 2022.
Concert le 7 mai à la Salle Gaveau (75008).

   Prodige hier, prodigue aujourd’hui. Entre deux, quarante bonnes années de pratique tous horizons et sur tous les sommets de la guitare.
   Révélé en 1980 par un premier album à l’âge de 14 ans (‘Routes to Django’), Biréli Lagrène s’est délibérément affranchi de l’ombre du génial gitan. Il a beau naître dans une famille manouche en Alsace (Soufflenheim), son univers s’est ouvert. Au contact des plus grands, tels John McLaughlin et Paco de Lucia à ses tout débuts.


   Ne négligeant aucun genre de l’instrument, n’hésitant pas à donner de la voix à la manière des crooners, Biréli Lagrène avait toujours considéré le jazz comme une affaire collective. (« Jouer c’était avec d’autres musiciens »). Là, le cap de la cinquantaine franchi, le voici qui se lance en solitaire. « J’avais envie, confie-t-il dans le livret, d’entrer en studio avec la stimulation d’enregistrer pour la première fois toutes les pièces en solo, complètement improvisées, et de me laisser surprendre moi-même ».

    Ici, point n’est question de virtuosité, notre artiste a passé l’âge de vouloir (ou de devoir) étonner. Tout au long de ces petites pièces (de 43 secondes à 6 minutes 13), la seule règle d’or c’est le plaisir. De l’interprète et de l’auditeur. Une pérégrination à la guitare (acoustique, électrique) qui emprunte le chemin de compositions personnelles et de quelques standards inoxydables du grand répertoire (‘Nature Boy’, ‘Caravan’, ‘My Foolish Heart’). Chacun pourra picorer à sa guise dans ces 17 titres et se laisser surprendre par tant de grâce et de rythme.

   Une des fortes surprises discographiques de l’année. A conseiller à tout amateur, de jazz, de guitare, de musique tout court.

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

©photo Andrea Rotili & X. (D.R.)

 

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4 mai 2022 3 04 /05 /mai /2022 18:55
 Jean Michel Bernard  The Singular World of Jerry Goldsmith

 

Jean Michel Bernard

The Singular World of Jerry Goldsmith

 

Label Cristal records/Distribution Quaartz

 

The Singular World of Jerry Goldsmith | Jean-Michel Bernard | Cristal Records

 

Thierry Jousse qui dirigea un temps les Cahiers du Cinéma ne perd jamais une occasion de parler de musique dans Ciné tempo, le samedi à 13h. C'est dans une autre de ses émissions de France Musique, disparue aujourd'hui, Cinéma Song que j'ai découvert Jean Michel Bernard. Talentueux pianiste, compositeur, orchestrateur, il a très vite été reconnu par Ray Charles avec lequel il a tourné en quintet de 2000 à 2003 et Lalo Schifrin  le considère comme un "soul brother", ce qui n'est pas rien. Car chez ces musiciens, il n'existe aucune ségrégation entre les styles de musiques mais une interpénétration savante et ludique. En France, c'est avec les films de Michel Gondry qu'il a commencé à se faire entendre (La Science des Rêves et le très réussi Soyez sympas, rembobinez).

Après sa relecture, toujours chez Cristal Records, en 2018 des succès de Lalo Schiffrin, JM Bernard s’attaque logiquement à un autre génie de la musique de films, moins connu sans doute du grand public, Jerry Goldsmith qui composa de très nombreuses B.O à caractère symphonique pour Hollywood. Suite à une commande de l’opéra de Bordeaux pour le festival Ciné notes dont c’était la troisième édition en mars dernier, Jean Michel Bernard au piano et à la direction, s’est entouré de la même fine équipe de solistes, des musiciens classiques d'orchestre (dont le corniste Jean Michel Tavernier) ou soliste comme le violoniste Laurent Korcia, un combo explosif de jazzmen dont le formidable Frederic Couderc à la flûte, aux sax alto et soprano, le trompettiste mentonnais Eric Giausserand et les maîtres de la rythmique  Pierre Boussaguet et François Laizeau, le percussionniste Jean François Durez. Sa femme Kimiko Ono chante sur plusieurs thèmes.

JM Bernard reprend en les réinterprétant 18 des plus belles partitions de Jerry Goldsmith dont beaucoup de films d’action et de S.F : Total Recall, Rambo ( First Blood), la Star Trek Suite, Gremlins, Poltergeist, The Omen (La malédiction), Papillon, Our Man Flint, The Wild Rovers. Jerry Goldsmith a également travaillé pour la télévision et on sera heureux de retrouver la pulsation dynamique de The Man from U.N.C.L.E, série-culte des années soixante où les agents très spéciaux Napoleon Solo et Ilya Kuryakin étaient joués respectivement par Robert Vaughan et David Mc Callum.

JM Bernard a quelques points communs avec son modèle, l’énergie rythmique, le sens de l’orchestration, la maîtrise des timbres et des couleurs, l’art de varier approches et styles sans chercher à illustrer ce qui se joue à l'écran, comme dans cette envoûtante ballade américaine que l’on n’attendrait pas dans le punchy Rambo. Chinatown est repris de façon tout à fait originale comme un vrai standard de jazz avec une trompette fragile et émouvante. Quant à Basic Instinct, un autre grand succès de Jerry Goldsmith, difficile d’oublier le thème principal du film de Paul Verhoeven, l’un des plus saisissants, le suspense étant rendu par des weird effects, comme un glockenspiel qui  minuterait le temps et l’angoisse.

Avec cet album qui ne manque ni de souffle ni de tranchant tout en déployant une riche palette musicale, on (re)découvrira le talent de Jerry Goldsmith tout en comprenant combien la formation réunie autour de JM Bernard a saisi la démarche de l'arrangeur et magnifié sa relecture. Le montage multiplie les approches, des solos classiques d’une intensité poignante de Laurent Korcia (The Russia House) à la trompette jazz agile dans Chinatown jusqu’à des effets jazz rock avec les guitares de Philippe Hervouët, ou de country  pour le western insolite de Blake Edwards The Wild Rovers sans oublier le parfum d’une ballade irlandaise dans Rudy avec la flûte de Frédéric Couderc.

Merci au label rochelais Cristal de faire preuve de cet éclectisme et de réunir nos deux passions jazz et cinéma dans le bel ouvrage de Jean Michel Bernard .

Sophie Chambon


 

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3 mai 2022 2 03 /05 /mai /2022 18:03

Claire Michael (saxophones alto, ténor, soprano, flute, voix), Jean-Michel Vallet (piano, claviers), Zaza Desiderio (batterie, percussions), Patrick Chartol (basse électrique, contrebasse), Hermon Mehari (trompette), David Olivier Paturel (violon) et Raul de Souza (trombone).
Blue Touch/UVM.
Parution le 6 mai.
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   Deux des passions musicales de Claire Michael -John Coltrane et les musiques brésiliennes- traversent son dernier album « Mystical Way ». Ce n’est guère une surprise donc, mais l’artiste nous ravit ici en utilisant toutes ses voies –les saxophones alto, ténor, soprano, la flute et sa propre voix- pour des envolées aériennes. Quand dans ses précédents disques et notamment ‘Trane Steps’ (2014), Claire Michael évoquait le Coltrane des années de jeunesse avec sa fougue, place aujourd’hui au jazzman de la spiritualité. Ce qui nous vaut une version tout en profondeur d’âme de ‘A Love Supreme’ et du titre qui donne son nom à l’album, ‘Mystical Way’.

 

   L’originalité de « Mystical Way » douzième opus de la jazzwoman, tient aussi à ses influences sud-américaines. La formation dont le noyau dur est constitué depuis une dizaine d’années de Jean-Michel Vallet (piano, claviers) et Patrick Chartol (basse) tourne régulièrement au Brésil. Sur cet album, figurent ainsi deux musiciens du « pays-continent », le batteur Zaza Desiderio et (surtout) le tromboniste Raul Souza (1934-2021), qui donne son ultime enregistrement avec « L’instant du bonheur » (grand moment d’émotion).

 

   Musicienne discrète, Claire Michael revient ainsi sur le devant de la scène du jazz après avoir revisité le répertoire de Claude Debussy et Erik Satie (albums sortis chez Budde Music en 2020 et 2021). Dans Mystical Way, l’auditeur attentif ne s’étonnera pas de retrouver ces qualités de cœur et d’étonnement, marqueurs de ces deux compositeurs majeurs du siècle passé ... Raison supplémentaire pour l’écouter !

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

   Concert de lancement le 7 mai au Sunset (75001) et les 17-18 mai au Théâtre Marius Bertou à Gif-sur-Yvette (91190);

 

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1 mai 2022 7 01 /05 /mai /2022 17:33
CHRISTIAN GAUBERT/ VINCENT BEER DEMANDER/JULIEN GAUBERT  SANS FRONTIERE

CHRISTIAN GAUBERT/ VINCENT BEER DEMANDER/JULIEN GAUBERT  SANS FRONTIERE

 

Label Maison Bleue

Distribution Socadisc et Absilone

Sortie le 29 avril 2022

Sortie d'album - Christian GAUBERT - Sans frontières - Compagnie Vincent Beer-Demander & Co (compagnievbd.org)

 

Il n’est sans doute pas inutile de rappeler le beau palmarès du pianiste Christian Gaubert : 50 années d’écriture dans la chanson ( Bécaud, Aznavour entre autres) et les musiques de films (plus de 150 partitions). Les arrangeurs donnent de nouvelles couleurs aux chansons qu’ils habillent, se mettant au service des mélodies en authentiques compositeurs.

Christian GAUBERT a toujours conjugué deux amours, celui du jazz et du cinéma. Ami et complice de Francis Lai, il devint son arrangeur attitré dès le tube planétaire de Love Story en 1971. C’est qu’il aime raconter des histoires, il l’a toujours fait en arrangeant les musiques de Francis Lai, le duo constituant un sommet dans le registre des musiques de films.

Je ne suis pas loin de penser avec Thierry Jousse qui anime sur France musique Ciné Tempo qu’Un homme, Une femme est l’un des meilleurs films de Lelouch, toutes époques confondues et que sa B.O est l’une des plus accomplies de Francis Lai, avec celle de l’Aventure c’est l’Aventure (1972), film devenu culte qui figure justement sur ce nouvel album Sans frontière sorti sur le label Maison Bleue.

Ce nouveau projet est né de la rencontre du pianiste marseillais avec le mandoliniste Vincent Beer Demander, enseignant au CNR de Marseille. Tous deux savent faire preuve d’une formidable ouverture  qui leur fait passer toutes les frontières musicales. Christian Gaubert, quand il écrit pour le mandoliniste, fait voyager de Marseille où tout commence avec “l’Alcazar” à l’Espagne, sans oublier l’Irlande, l’Italie (reprise bien venue du thème du Parrain de Nino Rota), Rio, le Nicaragua, puisant dans des influences et styles divers, jazz, chanson, samba… classique avecLa Habanera” construite sur une forme qui a fasciné les compositeurs classiques du siècle dernier.

Un cadeau pour Vincent Beer Demander qui n’est pas pour rien dans la formule gagnante du trio, dans une  instrumentation des plus originales, piano, guitare, mandoline. Le troisième homme n’est autre que le fils de Christian, Julien Gaubert, guitariste mais aussi assistant de production ( Monstros Studio) et régisseur de diverses réalisations à la Seine Musicale. Piano et guitare constituent un écrin idéal pour la mandoline et les mélodies écrites pour mettre en valeur l’instrument.  

Il s’agit de réflections en miroir, d’un

jeu souvent double entre mandoline

et piano : deux, trois voix, plusieurs

lignes mélodiques qui ne s’unissent

pas souvent mais révèlent la

mandoline, d’une grande palette

expressive.

L’instrument de quatre cordes

doubles se joue sur une corde ou sur

les doubles, avec des trémolos tenus

ou des notes poussées au plectre,

entre pouce et index, à la “plume”

comme on disait à l’époque baroque,

âge d’or de l’instrument. Le musicien

peut s’adonner à des effets de

percussion sur la table d’harmonie,

au dos de l’instrument. Tout

l’instrument entre alors en

résonance pour produire le son.

"La petite soeur de la guitare” qui a la tessiture du violon ( du sol grave au la suraigu) en met plein l’ouïe. Vincent Beer Demander parvient à s’imposer en acoustique autant que le pianiste, rien qu’en pinçant les cordes!

On entend dans ces treize petites pièces, une musique solaire, contrastée, subtile, dynamique aussi avec des accélérations brusques, pas nécessairement plus fortes en volume. Une grande fluidité est donnée par la profondeur et densité harmoniques du piano  ( écoutez ce «Bill Nostalgie» hypnotique créé pour le trio cent pour cent jazz Ligne sud du pianiste), son drive énergique et continu , le jaillissement improvisé de certains passages.

L’interprétation du trio a une qualité narrative qui nous saisit, témoignant d’une véritable science d’écriture et d’inspiration mélodique comme dans ces deux reprises de B.O pleines de reliefs et de surprises, celle de “L’aventure c’est l’aventure” à l'époque pop funk, adaptée pour la mandoline. On reconnaît le principe du jazz : le thème est rafraîchi, engendrant une variation swing et pourtant mélancolique.

"The little girl who lives down the lane”, du film éponyme de Nicolas Gessner , de 1976, jazz rock , époque oblige, charme par des accents nostalgiques, plus pop cette fois avec un sens du contrepoint et de belles interventions de guitare.

Il y a une réelle cohérence dans cet album qui s’écoute en tendant l’oreille, car, sous le chant souvent feutré et délicat, le style voluptueux de la mandoline, s’impose un parti pris simplement efficace, non dénué d’une certaine émotion :  un ancrage populaire avec des mélodies simples, conjugué à un art savant de réharmoniser en changeant les accords, en les enrichissant, jouant avec la matière musicale pour en faire des miniatures pour mandoline.

Sophie Chambon

 

Bon à savoir: MANDOLINE MARSEILLE FESTIVAL DU 7 AU 13 JUILLET 2022

Festival créé en 2021 par Vincent Beer Demander

Accueil - Compagnie Vincent Beer-Demander & Co (compagnievbd.org)

 

 

 

 

 

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