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1 juin 2021 2 01 /06 /juin /2021 18:46

Dave Holland (contrebasse, guitare basse), Kevin Eubanks (guitare), Obed Calvaire (batterie)

New York, 10-11 septembre 2020

Editions Records EDN 1172 / UVM Distribution

 

Un autre pays ? Un autre territoire ? Ou un retour aux multiples sources ? Probablement tout à la fois. Le bassiste britannique né dans les Midlands, et immortalisé par le jazz U.S., a parcouru tous les territoires, d'Evan Parker à Miles Davis et Stan Getz en passant par Anthony Braxton, Sam Rivers et Steve Coleman. Il n'a pas oublié son goût pour le trio, dans cette instrumentation. Ce fut naguère avec John Abercrombie et Jack DeJohnette, puis avec Pat Metheny et Roy Haynes, et c'est aujourd'hui un nouveau groupe du même format. Kevin Eubanks était déjà son compagnon de route en quartette, à la fin des années 80, et Obed Calavaire a rejoint ce trio voici 4 ou 5 ans. La musique est d'une diversité confondante : blues, ballades aux mélodies subtiles, funk, improvisations débridées : tous trois sont parfaits, de bout en bout, avec une joie de jouer perceptible, et de très beaux dialogues entre le bassiste et ses deux partenaires (Passing Time, la plage 7....). Une totale réussite, et pour nous un absolu bonheur d'écoute.

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur Youtube 

Bonne nouvelle : Dave Holland jouera en duo avec John Scofield le 6 novembre prochain à Paris, Maison de la Radio, pour un concert 'Jazz sur leVif'

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31 mai 2021 1 31 /05 /mai /2021 10:35
DMITRY BAEVSKY  SOUNDTRACK

DMITRY BAEVSKY

SOUNDTRACK

Jeb Patton( p) David Wong (cb)Pete Van Nostrand (dms),

Fresh Sound New Talent

Dmitry Baevsky

Dmitry Baevsky SOUNDTRACK (album trailer) - YouTube

 

SOUNDTRACK 

Dernier projet du saxophoniste russe Dmitry Baevsky, son neuvième album est une confession qui décline 13 titres enregistrés dans le New Jersey fin 2019, avec des musiciens du sérail. Seulement deux originaux se glissent  au sein d’une sélection de standards, des valeurs sûres. La musique s’écoute sans mots mais notre altiste se livre avec pudeur dans le livret et c’est bien. Car cette lecture est absolument indispensable pour comprendre le parcours compliqué, la drôle de vie d’un jeune musicien de 19 ans, obligé d’abandonner son saxophone à l’aéroport de sa ville natale, Leningrad, alors qu’il s’envolait pour deux semaines de stage aux Etats Unis. Il y restera plus de vingt ans pour apprendre le jazz, en assimiler les codes et en faire sa langue. Il quittera cependant ce pays où il s’était fait un nom sur la scène new yorkaise, pour Paris, repartant une fois encore à zéro : une nouvelle terre d’accueil, une plongée dans une culture et une langue différentes. Courageux sans doute mais cela en valait la peine, puisqu’ il y a enfin trouvé son point d’ancrage, il y a cinq ans, en fondant une famille….

Avec cet arrière-plan, on suit le montage de l’album selon une liste de titres, qui ne sont pas dus au hasard, qui nous baladent à travers des formes musicales, volontairement ouvertes: après une chanson populaire russe de son enfance, en ouverture et l'une de ses compositions, “Baltiskaya” du nom de la station de métro proche de chez lui, on suit ses petits cailloux qui ont pour nom “Invisible”, “Autumn in New York”, “Stranger in Paradise”, “Tranquility”, “Afternoon in Paris”. Ce sont de petites pièces, choisies et assemblées pour composer un portrait fragmenté, en puzzle. Pas de faux-pas, avec même quelques titres étonnants, des standards qui n’en sont pas vraiment, puisque peu joués, comme “Le coiffeur” de Dexter Gordon. Faisant remonter une vague de souvenirs qui aurait aussi bien pu le submerger, il essaie de leur donner forme dans une déclaration d’amour au jazz américain, à New York, à Paris. Son style est affirmé, solidement ancré dans le mainstream, son timbre d’alto, chaud, profond. Attaché à la clarté des lignes qui peuvent masquer une complexité formelle, Il se sert de la musique comme d’un langage accessible à tous, soutenu par une grande complicité avec les membres de son quartet, une rythmique impeccable qui swingue avec finesse. L’accord est parfait avec son alter ego au piano, Jeb Patton : avec lui, la compréhension est immédiate, ils attaquent sur n’importe quel tempo, à l’aise dans un bop techniquement vif “Over and Out”, ralentissent voluptueusement dans les ballades (“Autumn in New York”), sont délicieusement funky dans “The Jody Grind” du grand Horace Silver. Dmitry Baevsky a le chic de conclure sur "Afternoon in Paris" en trio sans piano, par amour de la formule. Un sans faute!

 

Sophie Chambon

 

 

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28 mai 2021 5 28 /05 /mai /2021 21:28

Bernard Lubat (piano, voix), Gérard Assayag (ordinateur, logiciel Omax & Smax), Marc Chemillier (ordinateur, logiciel Djazz)

Textes de Bernard Lubat, George Lewis, Marc Chemiilier & Gérard Assayag

New York, Strasbourg, Uzeste, Lille, Philadelphie, 2005-2020)

Livre-CD Phonofaune, édition bilingue français-anglais

 

Un CD avec des sessions de Bernard Lubat travaillées en direct ou a posteriori par les logiciels de Gérard Assayag (IRCAM -Institut de recherche et coordination acoustique/musique) et Marc Chemillier (EHESS-École des hautes études en sciences sociales). Et des textes des trois, ainsi que de George Lewis, pionnier du traitement en temps réel de l'improvisation au tout début des années 80. Les amateurs de jazz se souviennent des performances de George Lewis au premier Dunois, l'historique, celui de la rue Dunois. Des camarades formés au GRM (le Groupe de Recherche Musicale de la RTF, puis de l'ORTF, puis de l'INA....), et qui taquinaient la synthèse numérique à coup de DX 7 naissant et d'Apple II C archaïque, trouvaient à l'époque son approche balbutiante, sans prendre peut-être la mesure des perspectives qui s'ouvriraient dans le traitement informatique de l'improvisation.

La musique procède de toutes les métamorphoses de l'improvisation selon Bernard Lubat (et en matière de métamorphose, il en connaît un sacré rayon....). On y trouve des miniatures issues des solos en concert, ou sur le disque «Improvision», retravaillées ensuite par les deux sorciers du logiciel, et des performances de concert avec traitement en direct.

Le livre-disque est sous-titré 'cyber improvisations'. Les textes parlent de cocréation, d'intelligence artificielle, et ceux de Bernard Lubat font jaillir cette créativité lexicale qui n'appartient qu'à lui.... On y trouve aussi le verbatim d'un séminaire de 2006. Bref, c'est d'une richesse de musique et de pensée qui ne laissera pas indifférent.e.s 'celles et ceux' (comme disent les politiciens en surchauffe démagogique) pour qui la musique et l'improvisation sont une préoccupation prioritaire.

Xavier Prévost

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25 mai 2021 2 25 /05 /mai /2021 18:24

La pandémie a empêché cette année la tenue d'une cérémonie publique pour la remise des tous les Grands Prix de l'Académie. Le 5 février dernier, les Coups de cœur Jazz, Blues & Soul, et les Prix in honorem, avaient été annoncés sur France Musique dans l'émission 'Open Jazz' d'Alex Dutilh.

http://www.charlescros.org/Selection-Jazz-Blues-Soul-2020

Et comme chaque année les Grands Prix ont été choisis parmi ces Coups de cœur. Ils ont été proclamé ce mardi 25 mai 2021 dans l'émissions 'Open Jazz' d'Alex Dutilh

https://www.francemusique.fr/jazz/jazz-culture-palmares-de-l-academie-charles-cros-jazz-blues-soul-2020-95999

 

Le Grand Prix Jazz 2020 a été décerné au disque

«Abrazo» (ACT / PIAS)

de VINCENT PEIRANI & ÉMILE PARISIEN

ont participé au vote Jazz

Philippe Carles, Alex Dutilh, Arnaud Merlin, Nathalie Piolé, Xavier Prévost, Jean-Michel Proust, Daniel Yvinek

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Le Grand Prix Blues & Soul a été décerné au disque

«Have You Lost Your Mind Yet ?» (Cooking Vinyl)

de FANTASTIC NEGRITO

Ont participé au vote Blues & Soul

Joe Farmer, Stéphane Koechlin, Jacques Périn, Jean-Michel Proust et Nicolas Teurnier.

 

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23 mai 2021 7 23 /05 /mai /2021 16:35

Masabumi Kikuchi (piano)

New York, décembre 2013

Red Hook Records 1001/ https://www.redhookrecords.com

 

Mon premier souvenir de ce pianiste, c'est un disque du flûtiste traditionnel (merveilleux musicien, joueur de shakuachi) Hozan Yamamoto ; lequel avait enregistré en 1970 pour Nippon Phonogram un disque en quartette avec Gary Peacock à la basse. Le disque avait été publié en France par Polygram, à un petit tirage. Je l'avais découvert par une chronique enthousiaste de Jean Delmas dans le Jazzophone (magazine publié par le CIM d'Alain Guerrini), et un ami m'en avait fait une copie sur K7. Bien des années après, le cherchant sur CD, je dus constater qu'il n'existait qu'au Japon, et pas d'import ici. Une amie qui a vécu et travaillé là-bas m'en procura un exemplaire. J'avais été frappé par le talent singulier du pianiste de ce groupe, son sens de l'espace, et une certaine idée de la liberté. J'ai écouté par la suite bien des disques sous son nom (dont des trios avec Peacock), mais le retrouver aujourd'hui, avec cet enregistrement réalisé quelque temps avant sa mort, et publié en 2021 par un label irlandais de Cork, ravive la belle impression de naguère. Il y a d'abord ce sentiment de mise en suspens, cette lenteur dont on ne sait si elle a pour origine l'hésitation ou le doute métaphysique. Mais c'est comme un supplément d'expression, une intensité retenue qui fait mouche. Hormis une improvisation et une composition personnelle, le répertoire se compose de standards d'origines diverses. Le premier, Ramona, est -après une intro totalement excentrée- traité dans une lenteur presque déconstructrice. Et le familier devient ainsi d'une totale étrangeté. Puis c'est Summertime, abordé depuis un horizon lointain avant de se livrer sur un soubassement harmonique tendu à l'extrême. My Favorite Things subit le même traitement analytique qui va nous entraîner encore plus loin de nos souvenirs thématiques. La plage improvisée sera plus prolixe que les précédentes. Quant à la composition personnelle et conclusive, elle nous promène d'expansion en rétraction, et finit de nous plonger dans cet état second qu'il serait agréable de ne plus quitter. C'est dense, assez fascinant, et ça mérite le détour.

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur Youtube 

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22 mai 2021 6 22 /05 /mai /2021 16:20

Deux disques : un duo avec invité, et un duo stricto sensu

DANIEL ERDMANN & STÉPHANE PAYEN «Bricabracomaniacs»

Daniel Erdmann (saxophone ténor), Stéphane Payen (saxophone alto)

invité sur deux plages : Paul Erdmann (violon alto)

Reims, printemps 2018

Yolk Records J2084 / l'autre distribution

 

Ce n'est probablement pas un hasard si la première plage installe une atmosphère proche des inventions de Bach (d'ailleurs le livret nous dit que c'est conçu, comme une autre plage du CD, d'après le Cantor de Leipzig). Tout le disque paraît élaboré selon un sorte de science de la combinatoire, un jeu de constructions mélodiques, rythmiques et harmoniques qui s'offrent à nous comme un exquis labyrinthe où l'on a plaisir à se perdre. Outre les deux saxophonistes, les autres pourvoyeurs de thèmes sont Doug Hammond, Steve Argüelles et le saxophoniste néerlandais Jorrit Dijkstra. Et tout le répertoire semble procéder de cette démarche en spirales vertigineuses. Cet enregistrement, réalisé au Centre National de Création Musicale Césaré à Reims, nous ouvre les portes d'un univers plein de surprises, de jaillissements, d'harmonie et de tensions, mais abondamment pourvu aussi d'une sensualité musicale palpable. Comme chez Bach, ou pour le jazz chez les héritiers de Tristano (Lee Konitz en duo avec Warne Marsh, parmi d'autres), ce que l'on croirait à tort une pure construction de l'esprit se révèle constamment à l'immédiateté de nos sens. Bref c'est de la vraie Grande Musique.

AKI TAKASE & DANIEL ERDMANN «Isn't It Romantic»

Aki Takase (piano), Daniel Erdmann (saxophones ténor & soprano)

Budapest, 3-4 août 2020

Budapest Music Center BMCCD 301 / Socadisc

 

La formule piano-saxophone, comme le titre de l'album (celui du standard qui conclut les 13 plages) pourrait nous laisser penser qu'il s'agit d'un disque 'à l'ancienne'. Il n'en est évidemment rien, même si l'engagement total dans la musique, dans la substance mélodique comme dans la sensualité du timbre, peut nous rappeler des émois du passé. C'est comme une joute, un dialogue qui tourne au défi, mais se résout dans la convergence musicale, dans la subtilité des nuances et dans une forme de sensualité suscitée par le timbre du saxophone, et sublimée par la palette harmonique du piano. Daniel Erdmann est, comme sa partenaire Aki Takase, rompu à tous les langages.Tout le vingtième siècle constitue le spectre de cet univers, du jazz presque classique aux improvisations les plus libres, avec aussi à quelques rythmes qui rappellent Stravinski, quelques lignes mélodiques sinueuses qui nous entraînent du côté de Bartók, sans parler d'instants lyriques qui feraient revivre Berg, et d'un dépouillement qui ferait rêver à Satie. Vous penserez que je fantasme, et vous aurez sans doute raison. Comme (presque) tout le monde, j'écoute la musique avec ma mémoire, même quand elle m'entraîne sur un sentier inconnu. Bref cette musique m'a emporté loin de mes bases. C'est signe sans doute que c'est de la très très bonne musique.

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr du duo Aki Takase – Daniel Erdmann sur Youtube

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21 mai 2021 5 21 /05 /mai /2021 20:08

Esaie Cid (saxophone alto, clarinette), Jerry Edwards (trombone), Gilles Réa (guitare), Samuel Hubert  (contrebasse) et Mourad Benhamou (batterie).
Studio Piccolo, Paris, 15 octobre 2020.

Swing Alley, Fresh Sound/Socadisc


Grâce au saxophoniste Esaie Cid, la compositrice Katherine Faulkner Swift (1897-1993), plus connue sous son nom d’artiste Kay Swift, gagne une reconnaissance posthume et amplement justifiée.

Si l’histoire du spectacle a retenu sa romance avec George Gershwin (qui fit scandale pour une femme mariée à un banquier et mère de trois enfants), elle aura été la première femme à composer pour Broadway avec le show ''Fine and Dandy'', présenté en 1930. Après le décès de George Gershwin, son contemporain (1898-1937), Kay Swift continua à composer notamment en compagnie du frère de George, Ira Gershwin.

La première période de la carrière de la songwriter avait été proposée par Esaïe Cid, saxophoniste alto et clarinettiste, dans un album sorti en 2019*.

Le jazzman barcelonais installé à Paris depuis deux décennies nous présente aujourd’hui une suite avec une sélection d’œuvres inédites écrites par Kay entre 1930 et 1970 pour ses proches ou pour des shows qui eurent peu de succès ou restèrent simplement à l’état de projet. On y retrouve ainsi ‘’A Moonlight Memory’’ écrit en 1933 avec Edward Heyman, l’auteur de Body & Soul.  


Esaie Cid a réalisé des arrangements sur ces œuvres et les interprète avec son quintet de cœur (Jerry Edwards, Gilles Réa, Samuel Hubert et Mourad Benhamou). Cette formation sans piano évolue avec élégance et déploie une couleur sonore très West Coast des années 50. Un charme indéniable allié à une sensibilité authentique qui séduit tout au long des 45 minutes de cet album tout à fait recommandable.

A relever un livret signé de la petite fille de Kay Swift, Katharine Weber qui maintient sa mémoire, (KaySwift).

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

SBVOL.2


* Esaie Cid, ‘’The Kay Swift songbook’’. 2019
Swing Alley, Fresh Sound/Socadisc.

 

©photo Patrick Martineau, Dominique Rimbault et X. (D.R.)

 

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17 mai 2021 1 17 /05 /mai /2021 23:04

Dominique Sampiero (poèmes), Sylvie Serprix (dessins), Sébastien Texier (saxophone alto, clarinette, composition), Manu Codjia (guitare électrique), François Thuillier (tuba), Christophe Marguet (batterie, composition)

Livre-disque Phonofaune, 2021

 

Sous-titré We Celebrate Freedom Fighters, c'est un manifeste en forme d'hommage à des combattant.e.s de la liberté : les Indiens Yanomami d'Amazonie et Claudia Andujar, Aimé Césaire, l'inconnu de la Place Tian'anmen, James Baldwin, Louis Coquillet, Gisèle Halimi, Rosa Parks, Sitting Bull, Olympe de Gouges, Simone Weil (la philosophe) et Simone Veil (la rescapée des camps et femme politique). L'écrivain et poète Dominique Sampiero, convié par Sébastien Texier à se joindre à cette aventure, pose sur ces figures exemplaires des poémaroïdes aussi lyriques que combatifs. Les dessins de Sylvie Serprix mêlent à ce combat une pointe de poésie graphique où affleure parfois l'humour, et la musique, alternativement composée par Christophe Marguet et Sébastien Texier, porte la marque de ces mélodies lyriques qui gardent le poing levé (comme le fait de longtemps Henri Texier, avec qui l'un et l'autre ont abondamment partagé la scène). Sans détailler (ce serait stérile) les convergences entre les figures évoquées (invoquées ?) et les musiques qui soulignent chaque séquence, toujours la pertinence saute à l'oreille. Plaisir du texte, des yeux et des oreilles, plaisir souvent grave mais non exempt de jubilation ; et incantation finale du poète « Liberté, liberté chérie, je suis sur des braises en attendant ton retour ». Et pour conclure je m'en remettrai à un extrait de la postface signée Dominique Sampiero : « Le jazz existe pour ne plus s'appeler jazz mais juste vision du monde. Sensation, intuition, amour sans objet. Quête absolue de l'absolu. On parle sans mot. On est avec ». Musique de combat et de résistance. Le jazz en somme.

Xavier Prévost

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15 mai 2021 6 15 /05 /mai /2021 21:36

Franck Assemat (saxophone baryton), Christiane Bopp (trombone, saqueboute), Xavier Bornens (trompette & bugle), Morgane Carnet (saxophone ténor), Sophia Domancich (pianos, piano électrique), Michel Edelin (flûtes), Jean-Marc Foussat (synthétiseur, voix), Dominique Lemerle (contrebasse), Christian Lété (batterie), Rasul Siddik (trompette, percussions, voix), Sylvain Kassap (clarinettes), Jean-François Pauvros (guitare, voix) & Gérard Terronès (présence)

Paris, sans date

Le Générateur LG451 / l'autre distribution

 

Ce disque est le témoignage et l'aboutissement d'une folle aventure qui vit le jour voici une dizaine d'années, par la grâce d'une conversation entre Jean-François Pauvros et Gérard Terronès. Ainsi naquit l'idée d'un grand orchestre rassemblant des improvisateurs et improvisatrices des générations qui se sont succédées depuis le début des années 70 jusqu'aux années 2000. Gérard Terronès, activiste de la scène et du disque (avec notamment les labels Futura, Marge, puis Futura Marge) fut un acteur majeur des années free. Et Jean-François Pauvros fut l'un des musiciens les plus engagés dans les musiques de l'extrême. C'est dire que, de ce projet commun, ne pouvait surgir que des musiques fécondes et des émois d'une belle intensité. J'ai le souvenir d'avoir assisté à plusieurs des concerts du cycle 'Jazz à La Java', rue du Faubourg du Temple, entre 2012 et 2016. Et sous l'œil bienveillant et l'oreille attentive de Gérard Terronès, c'est un 'Jazz en liberté' qui pouvait chaque fois éclore, comme un écho au titre de l'émission qu'il a longtemps proposée sur Radio Libertaire. Au fil des rencontres, entre les débuts de l'orchestre et ce disque, Futura Expérience a vu passer, en plus des personnes citées plus haut, Leïla Martial, Pierrick Pédron, Claude Barthélémy, Ramón López, Bobby Few, Alexandra Grimal, et beaucoup d'autres qu'il serait vain de vouloir citer de manière exhaustive (d'ailleurs, j'en suis bien incapable....).

Puis est venu le temps d'enregistrer pour aboutir au disque. Gérard Terronès n'a pas vu la fin de cette aventure, mais la liste des membres du groupe se termine ainsi : Gérard Terronès, présence. Plus qu'un symbole, un manifeste.

Mais parlons du disque. Il commence par une étonnante version de Lonely Woman avec, sur une rythmique binaire appuyée, un exposé du thème, lent et majestueux comme une prière, ou un chant rituel, dans un tutti d'où émergent les singularités instrumentales. C'est fort et beau, le décor est dressé. Puis c'est une composition de Jean-François Pauvros, Opale, ressurgie du passé («Hamster Attack», Londres,1988), évocation mélancolique du rivage pas-de-calaisien de la Mer du Nord, rivage cher à son cœur. Retour à Ornette ensuite, avec Sadness. Éclats de liberté sur un canevas qui, décidément, reste sombre. Puis Retrospect de Sun Râ commence par une digression très libre, et très intense, de Sophia Domancich, digression attisée par Sylvain Kassap, Xavier Bornens, Michel Edelin et les autres, sur fond de tambours éloquents. Et le thème s'épanouit, prend ses aises, et s'ouvre aux multiples improvisations ; c'est la plus longue plage du disque, et l'on est embarqué. Fables of Faubus commence sur un monologue rythmé par un piano manifestement choisi pour son désaccord profond. Puis le lancinement historique de ce célèbre thème de combat emporte tout sur son passage. Maintenant c'est Machine Gun (pas celui de Peter Brötzmann, celui de Jimi Hendrix), et ça barde, mais avec une verve lyrique. Puis c'est Totem, signé Michel Edelin, emprunté au répertoire du groupe 'Flûtes rencontre', mais aussi pour nous tous (eux les artistes, nous les amateurs), le souvenir d'un club du treizième arrondissement de Paris, le Totem, où Gérard Terronès fit entendre de très belles musiques, dont certaines immortalisées au disque (Archie Shepp avec Siggy Kessler, Raymond Boni / Gérard Marais Duo, le groupe Perception autour de Didier Levallet.....). Et pour conclure retour à un thème (et à la voix) de Jean-François Pauvros pour Memorias del Olvido, issu du disque «Buenaventura Durruti» (nato, 1996). Un disque fort comme l'amitié et le goût de l'aventure. Bravo les gars et les filles, Gérard aurait aimé ce disque. Je crois même qu'il aurait aimé le produire.

Xavier Prévost

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Un extrait sur le site du Festival Sons d'Hiver 

La bande annonce du documentaire Futura Expérience de Rémi Vinet 

Concert au Théâtre Berthelot de Montreuil-sous-Bois le 20 octobre 2017, 7 mois après la disparition de Gérard Terronès 

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13 mai 2021 4 13 /05 /mai /2021 19:19
Mauro GARGANO Alessandro SGOBBIO Christophe MARGUET  FEED

Mauro GARGANO Alessandro SGOBBIO Christophe MARGUET

FEED

DIGGIN MUSIC PROD /ABSILONE SOCADISC

SORTIE 7 MAI 2021


Au vu de sa discographie, on connaît surtout Mauro GARGANO comme l’indispensable accompagnateur de musiciens avec lesquels il a su tisser des liens indéfectibles. Il a néanmoins créé en 2009 son premier groupe Mo’Avast ( “ça suffit” dans le dialecte des Pouilles), ce qui n’est pas un détail.

Il revient avec une nouvelle formation et un album, simplement intitulé FEED, conçu en plein Covid, entre avril et septembre 20. Alors que beaucoup d’artistes confinés se réservaient en solo, le contrebassiste est la pierre angulaire d’un trio inspiré qui se réinvente au fil des morceaux, huit pièces vibrantes qui donnent à ces “nourritures” une cohérence rare. S’il rend justice à certaines influences (dans “Feed”, il suit Craig Taborn qui privilégie la basse comme ligne principale de la mélodie), le contrebassiste donne une interprétation libre et rigoureuse qui doit beaucoup à la performance collective, à l’alliage efficace des timbres, à une fusion dans le flow de l’improvisation, à une vision d’ensemble clairement exposée. La musique suit une ligne imaginaire reliant rock prog, fragments de folk (“Lost wishes”), chanson italienne, harmonies municipales pendant les processions de Pâques (“Ilva’s Dilemma”) mais aussi le contemporain et le jazz qui s'exprime parfois en "petits motifs rythmiques, répétés avec de petites variations", sorte de haïkus musicaux.

Communiant fiévreusement avec les rythmes jamais ralentis d’un Christophe Marguet qui s’épanouit dans les crescendos, la pulsation demeure l’élément dominant du trio, avec du tranchant et une détermination que l’on peut après coup, associer au danger de l’orange de la pochette, couleur radioactive”, criminelle et polluante. Pas de sentimentalisme ni d’autofiction dans cette musique qui chante par ailleurs l’amour des Pouilles natales, l’attachement à une certaine culture.

Son “message” fait remonter une émotion vive, une rage devant l’injustice que font endurer aux plus faibles les puissants. Par deux fois, Arcelor Mittal est désigné comme le responsable hautement criminel dans Ilva’s dilemma” et “The red road”, une histoire dramatiquement actuelle qui nous est racontée par la musique. Le contrebassiste réfléchit encore à cette période étrange du confinement (“Keep Distance”) où il fallut recoller les morceaux d’un moi brisé, rassembler les fragments épars, regarder au delà, pour ne pas perdre pied, comme dans ce “Look Beyond The Window” dans une spirale qui aspire jusqu’au vertige, avec un batteur lui aussi imprégné de cet esprit de Résistance .

Feed alterne aussi des moments élégants, de répit, teintés de mélancolie, frémissements où le pianiste Alessandro Sgobbio détache les notes du silence. La musique composée par Mauro Gargano a la juste gravité pour exalter ce “soulèvement” émotionnel. Tout ce qui lui importe est d’aller au bout de son idée. Et il atteint son but puisqu’elle résonne encore fort dans notre conscience, longtemps après l’avoir écoutée.

 

Sophie Chambon


 

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