Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
10 novembre 2021 3 10 /11 /novembre /2021 06:47
Djazz Nevers : entrons dans la danse...

DJAZZ NEVERS : entrons dans la danse

Lundi 8 novembre, une folle journée

 

Les choses sérieuses commencent : trois concerts aujourd’hui, soit le rythme habituel du festival qui dure une semaine du 6 au 13 novembre. Le public est présent, répondant à l’appel, heureux de cette reprise après l’année blanche de la pandémie.

Commencer un concert à midi un lundi, ça il ne l’avait jamais fait, nous confie le vibraphoniste Franck Tortiller en présentant son duo avec le guitariste Misja Fitzgerald MichelLes Heures propices  est un titre tout à fait indiqué, référence à Lamartine qu’il cite en Bourguignon chauvin et ...sudiste, lui qui vient de Saône et Loire, titillant volontiers les Nivernais ou Neversois.

C’est en effet l’heure exquise pour nous griser de mélodies folk et pop des seventies, période qu’affectionne l’ ancien directeur de l’ONJ 2005, au programme provocateur : rien moins qu’ un hommage au flamboyant Led Zep, l’apocalypse en neuf disques qui avait fait bondir les puristes, mais aussi les adorateurs du culte qui voyaient d’un oeil noir les jazzmen venir troubler leur grand messe, oubliant que la musique du Zeppelin est un alliage absolu de blues irrigué de sauvages envolées free sonnantes. On rappellera une fois encore que le jazz n’est pas lié à un matériau spécifique, mais qu’il réside surtout dans la manière de jouer. Démonstration réussie avec le duo, un “sans faute” avec un son naturel, qui plus est.

 

 

Misja Fitzgerald Michel tourne dans des contextes différents, des formations qui lui permettent de pratiquer avec aisance une gymnastique totalement acrobatique, un grand écart des formes. Tout réside souvent dans des changements d’accords, de tons, avec des phrases complexes, de longs développements quand il choruse. Ce qui n’enlève rien à la finesse de l’ensemble. Misja célèbre la guitare plurielle sur sa guitare folk. Avec Franck Tortiller, il connaissent les chansons, les reprennent parce qu’ils les aiment tous deux et nous les font découvrir autrement. C’est en entendant son album Time of no reply, une reprise du chanteur poète Nick Drake, troubadour disparu trop tôt en 1974 que Franck Tortiller eut l’idée d’un projet commun. Le vibraphoniste a fait un travail remarquablement affûté sur les arrangements de “standards”. On ne dira jamais assez à quel point il est intéressant d’exercer son talent sur des mélodies qui ont fait leur preuve. Il privilégie une recherche constante de dynamiques, adaptant les couleurs et timbres de la guitare et du vibraphone, un alliage inusité, fusion des cordes et du métal teintée d’un éclat particulier.

 

Le duo donne ainsi des versions inattendues de thèmes venus d’univers musicaux pour le moins séparés, les chevaux de bataille de “Bemsha Swing” (T.S Monk) et “Segment” (Charlie Parker), “Redemption Song” de Marley, “Little Wing” d’Hendrix, ou le délicat “Guinnevere” du trio aux harmonies vocales cristallines, Crosby Stills Nash (sans Young ) à Woodstock. Il ajoute “Air Love and Vitamins” d’ Harry Pepl, devenu un hymne pour les musiciens autrichiens, se souvenant de son passage au sein du Vienna Art Orchestra, exhume Jim Pepper, pionnier du jazz fusion, saxophoniste “native” de la tribu des Kaw dans l’Oregon avec sa composition “Witchi Tai”, maintes fois reprise.

Comment rendre le ballet des mailloches sur les lames, la fluidité virtuose, la vitalité bluffante de  Tortiller? Son enthousiasme à jouer n’a d’égal que son expertise sur le vin et les cépages bourguignons du chardonnay et de l’aligoté qu’il aime à célébrer alors que nous sommes ici en terre de sauvignon! D’ailleurs, le duo termine sur une composition de son cru, “le Clos des Corvées” élevé à Couches, à la maison! A ses côtés, flegmatique, ce grand escogriffe de guitariste joue rythmique avec le plus grand sérieux quand il faut soutenir les envolées rebondissantes de son partenaire mais sait aussi changer de rôle et mener la danse dans de longues échappées.

L’esprit de ses musiques est conservé, mais transposé et le duo parvient à unifier l’ensemble et à le jazzifier quelque peu. Un répertoire rendu original en quelque sorte et qui pourtant réveille une nostalgie bienheureuse. C’est toute la grâce de ce festival pointu du réseau AJC, que de faire découvrir des choses rares, de programmer des concerts que l’on n’ entendra plus dans les grosses machines estivales.

 

Changement de décor et de style avec le deuxième concert à 18h30, au Café Charbon, salle de musiques actuelles qui fête son inauguration après de grandes transformations, en accueillant le quartet du tromboniste Daniel Zimmermann dans Dichotomie’s. J’ai toujours suivi ce musicien dans ses aventures, ne pouvant oublier que j’ai assisté à l’émergence du jeune tromboniste, dès son premier album plutôt déjanté des Spicebones, il y a vingt ans.

Ce concert est absolument stupéfiant dans l’instrumentation mais aussi dans le choix de chacun des musiciens de cette bande. Ils ne sont que quatre mais ils déménagent comme un grand orchestre. Le batteur Franck Vaillant au look improbable est un bâton de dynamite allumé quelques secondes avant explosion, imprévisible et étonnamment fiable, toujours juste dans sa recherche de sons et textures. Démentiel dans sa découpe rythmique, il allume la mèche  (Benzin était son nom), totalement réglé dans son dérèglement, droit sur son tabouret, aux commandes d’un set de batterie monstrueux qu’il doit démonter en un temps aussi long que le concert. Une folie certaine en un sens, une force comique irrésistible, cartoonesque, quand il est lancé à un train d’enfer. Personne ne se regarde dans ce groupe  mais chacun sait ce qu’il a à faire.

Le saxophoniste basse, en charge d’un engin impressionnant, Gérard Chevillon qui remplace magnifiquement Rémi Sciutto, fait entendre son chant obstiné, ostinato qui enclenche à lui seul une transe. Daniel Zimmermann eut d’abord l’idée de remplacer la basse par un tuba puis se ravisant, pensa au saxophone basse. L’effet est plus que concluant: soutien du groupe, il est sa colonne vertébrale, mais reste très musical quand il prend un solo.

Le pianiste Benoît Delbecq vit sa vie de son côté, sound designer sur tous ses dispositifs, ses pads de batterie ne marchant pas toujours au démarrage, un dérèglement toujours possible dans l’horlogerie de ses machines.

Ce serait Daniel Zimmermann qui jouerait de la façon la plus sobre, si ce qualificatif ne paraissait déplacé pour ce groupe, avec les sourdines habituelles, la plunger et la mute qu’il colle au micro pour absorber au mieux le son et une pédale wah wah du meilleur effet. Quand on aime le trombone souple, gouleyant, moelleux même, si proche de la voix, aux graves profonds, on apprécie son jeu mélodique.

Comment comprendre le titre du programme ? Désir de laisser affleurer les champs du possible, de réunir les contraires, de se déplacer dans l’hyper texte de la musique en traversant les strates de sens, dérégler quand cela sonne trop juste, détourner, faire exploser les idées reçues. Mettre un peu de trouble…

Le leader présente chaque compo, annonçant avec un humour ravageur la fin du monde, de notre monde, et son ironie fustige les méfaits de notre société, cherchant à réveiller notre culpabilité. Le jour d’après” est un titre trouvé avant le confinement, “My Sweet New Zealand Bunker” ou l’évasion des plus riches, “Toad Buffalo Courtship Dance”, la danse grotesque du crapaud buffle amoureux, “Vieux Robot” ou comment on finit totalement déglingué. Et dans ce monde qui a perdu la raison, un miracle se produit, une chanson d’amour, "Little Sun”, le groupe se calme à notre plus grande surprise et cela sonne drôlement beau, juste et doux. Delbecq joue seulement du piano, Zimmermann veille sur son équipage et nous berce voluptueusement, le sax basse  ronronne d’aise et Vaillant se cale et ralentit le tempo.

Pour le dernier spectacle de la soirée, on revient au Théâtre avec la troupe de la pianiste Eve Risser qui présente son projet Eurytmia. Ce soir l’africanité a débarqué dans les ors et les rouges du théâtre classique à l’italienne. Le jazz venu d’Amérique, s’il revendiquait ses racines africaines, n’a pas grand chose à voir avec la musique malienne. Mais la compositrice chef de troupe endosse la responsabilité et tente la rencontre musicale, en une fusion fertile.

Eve Risser que l’on a découvert avec l’ONJ de Daniel Yvinec (2009-2013) a multiplié les projets les plus innovants depuis cette rampe de lancement. Des projets mixtes à tous les sens, dans la composition des formations et dans l’exploration de terres à défricher. Le choc sismique, elle l’ a ressenti en voyageant en Afrique de l’ouest et en découvrant des musiques, une manière d'être et de jouer, un autre temps et tempo.

Après le White Desert Orchestra qui entraînait vers les déserts blancs, les étendues de neige, de glace et de roches du Grand Nord, souvenir de la Norvège où elle a vécu, avec des paysages qui continuent à la poursuivre, puisqu’elle s’est installée dans les Vosges dans un coin qui les lui rappelle, nous confiera t-elle. Une abstraction blanche, une exploration géomorphologique où le jazz, le contemporain, le classique se glissaient dans les failles et autres anfractuosités de la roche. Une partition exigeante pour des musiciens aguerris qui peuvent aller du swing au hip hop sans crainte de l’écart.

Le deuxième volet, en miroir, Red Desert Orchestra, voit défiler d’autres déserts, les rouges étendues de latérite de l’Afrique de l’Ouest, du pays mandingue. Une introspection au coeur de ces terres qu’Eve Risser entend explorer, ces strates qu’elle dégage et fait surgir, obsédée par le “creusement”. 

Le Red Desert Orchestra a deux programmes: Kogoba Basigui, grand format de seize musiciens et musiciennes, neuf instrumentistes européens et les sept musiciennes très engagées du Kaladjula Band de la griotte Naïny Diabaté, militante de la cause des femmes au coeur de la musique malienne, traditionnellement aux mains des hommes. Pour aller à leur rencontre, Eve Risser a décidé de monter son propre groupe de douze musiciens en parfaite parité homme-femme, à l’instrumentation mixte: diverses percussions (deux balafons, deux djembes, un dun, un ngoni ) des cuivres ( un trombone, une trompette, trois saxophones), un piano, une guitare et basse. Une belle énergie pour cet ensemble faisant front, tous serrés sur la scène, les soufflants vent debout. Un effet de tribu pour jouer un spectacle à partir d’une écriture travaillée, irriguée d’improvisations.

Ce répertoire qui semble plus simple, basé sur la puissance des rythmes, enchaîne une suite en quatre parties, une composition qui s’achève sur un solo du sax baryton Benjamin Dousteyssier qui a une façon très expressive de souffler en gonflant les joues avec une force et une amplitude, qui évoquent Dizzy et sa manière si peu orthodoxe de jouer. Avec Antonin Tri Hoang, le saxophoniste baryton fait partie du remarquable projet de l’Umlaut Big Band, Mary Lou’s Ideas, preuve de l’ éclectisme du meilleur goût de ces musiciens, des jeunes qui aiment se frotter à tous les univers, se fichent bien des frontières stylistiques et semblent parfaitement à l’aise dans cette musique festive qui sonne bien. On est passé du swing le plus jubilatoire au groove euphorisant, musique pacifiée qui emplit d’aise.

Cela débute par des effets de souffle, de frottements bizarres qui envahissent l’espace. Avant que ne démarre le chant des tambours, progressif et bientôt continu, de doux unissons des cuivres qui ne sont jamais déchaînés quand ils font corps sauf dans les solos qu’ils prendront par la suite. Puis les rythmes africains en 6/8 des balafons s’en mêlent et c’est parti pour une tournerie qui semble ne jamais vouloir finir. Un équilibre fragile s’établit entre les riches harmoniques de la pianiste et la mélopée cyclique des tambours, mais l’échange fonctionne, ça circule entre les masses orchestrales qui se fertilisent.

Eve Risser fera une pause pour commenter son travail laissant ainsi le groupe et la musique respirer avant d’attaquer le final. Le public s’est chauffé et en redemande. Que faire comme rappel? D’habitude, dira la guitariste Tatiana Paris, toute petite, cachée derrière les soufflants, alors que sa collègue bassiste Fanny Lasfargues ( trio Q) qui manie une énorme guitare basse électro acoustique s’est hissée sur un praticable, on rejouerait des segments de la suite. Mais là ce sera une composition du percussionniste Oumarou Bambara qui fait se dresser le public, tout à fait volontaire pour entrer dans la danse, pris dans une douce transe, une euphorie contagieuse. Spectacle pour le moins insolite, une standing ovation du parterre et des balcons, tout finit dans la liesse et la danse.

 Le succès est total, la chef aux anges. Le groupe n’a pas encore enregistré, mais cela ne saurait tarder, Eve Risser qui ne manque pas de projets est confiante, ravie d’avoir pu jouer deux jours d’affilée ce programme, ce qui a permis à la musique d’avancer, de se développer. Elle pense même à créer sa propre structure pour aider à la diffusion, imaginant des salles, de lieux gérés par les musiciens qui pourraient accueillir les groupes plusieurs jours d’affilée.  Qu'il est doux de rêver dans la nuit nivernaise.

MERCI à MAXIM FRANCOIS une fois encore pour les photos!

Sophie Chambon

 

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
8 novembre 2021 1 08 /11 /novembre /2021 16:34
D’Jazz Nevers : Oakland au Théâtre municipal

D’Jazz Nevers : Oakland au Théâtre municipal

 

Arrivée précipitée juste avant le concert de 17 heures, ce dimanche 7 novembre, deuxième jour de l’édition 2021 de ce festival bourguignon inscrit dans le paysage du jazz et des musiques actuelles depuis 35 ans.  Au programme, Oakland, un spectacle du violoncelliste Vincent Courtois et de l’acteur Pierre Baux, inspiré de Martin Eden de Jack London. Un portrait textuel, musical, sous-tendu de réminiscences, de vibrations croisées à partir de l’oeuvre de Jack London.

Mais revenons au début de l’histoire:

Jack, c’est ainsi que s’appelait le tout premier projet du violoncelliste Vincent Courtois en décembre 2018, découvert à l’AJMI d'Avignon, la musique n’étant pas encore enregistrée à la Buissonne voisine. Il allait s’étoffer et donner Love of life, réalisé avec le trio Medium, les saxophonistes Robin Fincker et Daniel ErdmannAvec Oakland à Nevers, j’ai la sensation d’assister à un aboutissement, à la création en perpétuel devenir, la fameuse “work in progress”, et de comprendre un peu comment  fonctionne le violoncelliste, qui, parti de sa découverte tardive et éblouie de Jack London en 2016, a vécu une nouvelle aventure jusqu’à ce  concert spectacle. Certes, le trio a une part plus réduite  que dans Love of Life, où l’engagement était total, les deux saxophonistes partageant les choix et aspirations du violoncelliste, chacun écrivant des compositions selon son ressenti à la lecture de certains livres et nouvelles de London. Dans Oakland, le trio souligne le texte, scénarisé et lu par Pierre Baux, chanté et parlé par John Greaves, sans surligner, en parfaite complicité.

 

Martin Eden

Je dois écrire parce que c’est moi, et je sais ce qui est en moi.

 

En 1907, Jack London s’embarque avec Charmian sa femme pour les mers du Sud sur son bateau, la Snark, pour écrire son roman le plus intime, une autobiographie (à peine) romancée, Martin Eden. A bord, il fait bien plus que mille lignes par jour comme il se l’était promis. Ecrivain et personnage se confondent alors.

 

Oakland : un engagement fort

Ils sont cinq pour un spectacle-concert, qui n'est pas une illustration façon ciné-concert ou théâtre musical. Les musiciens ont préféré se concentrer sur les images musicales qui allaient naître, en véritables compositeurs et traducteurs de cette matière vivante. Mots, images, sons fusionnent lors de leurs improvisations. L'axe narratif tourne autour de scènes décisives : le musicien Vincent Courtois et le comédien Pierre Baux ont découpé à vif dans l’oeuvre, choisi leurs morceaux emblématiques qu'ils ont mis ensuite en musique et en chants. Le récitant, c’est Pierre Baux, miroir de John Greaves. Les deux langues alternent, se chevauchent, le français dans sa traduction, plus châtié que l’anglais rude du Gallois qui évoque le langage direct et cru du prolétaire Martin Eden alias Jack London. Le texte est ainsi travaillé à deux voix qui se répondent et se complètent. Pierre Baux fait ressortir le travail du texte à partir d’un ressassement des versions possibles, jamais totalement satisfaisantes. John Greaves anime cette langue crue et en fait sonner la syntaxe maladroite.

La force de ce spectacle est d’être complet : de la mise en lumière avec goût par Thomas Costberg ( j’ai encore dans l’oeil un soleil flamboyant, cercle rouge orangé sur le bleu de l’écran en fin de pièce) à la scénographie qui joue habilement de la disposition des musiciens.

Le violoncelliste assis au centre est entouré de Daniel Erdmann au ténor à sa gauche, de Robin Fincker à la clarinette à sa droite; si Erdmann se balance d’avant en arrière, Fincker tourne volontiers de droite à gauche, réglant ainsi toute une chorégraphie entre eux, Courtois regardant alternativement l’un et l’autre. A un moment, Robin Fincker qui s’est saisi du saxophone est rejoint sur la scène par Daniel Erdmann et tous deux ne font plus qu’un, entourant le violoncelliste qui joue en pizz ou à grands traits d’archet. La musique accessible en dépit d’une réelle exigence, est composée de fragments obsédants qui deviennent vite tournerie. Le son du trio conjugue élégance et rudesse, dépouillement et éclats de violence, le registre grave unifiant l’ensemble, ouvrant des passages entre les genres, d'une musique de chambre à la pop, au folk.

Chacun a sa porte d’entrée pour évoquer l’oeuvre de “celui qui a mené sa vie comme un galop furieux de quarante chevaux de front” ( Michel Le Bris). London écrivait en résonance avec ce qu’il avait vécu : marin, chasseur de phoques, boxeur, mineur, correspondant de guerre en Corée, blanchisseur, vagabond et “brûleur de dur”. Autodidacte génial, il fit son apprentissage d'écrivain en réunissant ses expériences. Ce “travailleur de la plume”, ouvrier dans l’âme a vécu le rêve américain et son envers. Une mise en abyme qui ne peut que troubler à la lecture de Martin Eden. Défaite de l’individualisme? Désenchantement romantique d’un écrivain réaliste? Deux univers irréconciliables, voilà le drame de cet écrivain sorti des bas fonds. Il ne pouvait choisir entre ses appétits, ses révoltes, ses ambitions et désirs.

Comme il faut avoir un angle d’attaque, c’est ce cri de révolte du prolétaire contre l’esclavage qu’imposent le travail avec les machines dans des conditions surhumaines que cette histoire nous conte. Plus que l’intrigue sentimentale, l’attraction irrésistible, poétique, sensuelle et charnelle pour une jeune fille de la hauteune fleur d’or pâle sur une tige fragile” que Martin Eden veut conquérir. Pour y réussir, il décide de s’instruire et plonger dans la culture avec l'avidité et la rage qu'il met dans tout ce qu'il entreprend.

 

Vincent Courtois expliquera, lors des Rencontres animées par Xavier Prévost après le spectacle, au foyer du théâtre que le fil rouge de cette écriture est la référence au poète décadent anglais du XIXème, pour le moins obscur aujourd’hui, Algernon Swinburne : dès le premier chapitre, avant même de rencontrer Ruth, Martin Eden découvre un livre de Swinburne qui déclenche en lui le désir passionné de s'instruire et de lire. Bien plus tard, alors qu’il est devenu célèbre, ses manuscrits ayant enfin été acceptés, lors d’une traversée sur la Mariposa, où il est invité d’honneur, désabusé, il songe encore à Swinburne. La réussite a mis en péril son identité même. Comment survivre à la gloire sans se perdre soi même? En se remémorant le poème de Swinburne qui mit fin à ses jours, il décide de ne plus résister à l’appel de la mer.

La mort ne faisait pas souffrir. C’était la vie cette atroce sensation d’étouffement: c’était le dernier coup que devait lui porter la vie….Et tout au fond, il sombra dans la nuit. Ça il le sut encore. Et au moment même où il le sut, il cessa de le savoir.

Lors de cette rencontre où intervint finement Noël Mauberret, président de l’association des amis de Jack London, Roger Fontanel, le directeur du festival Djazz Nevers justifie la raison d'être d'un tel moment : le spectacle doit être total, les festivals ne plus rester cloisonnés à la seule musique. Quoi de plus merveilleux en effet que cette transversalité artistique qui donne envie de se replonger dans un livre après un concert enthousiasmant ? Il est aussi question de fidélité dans l’engagement et le travail de Vincent Courtois avec son trio depuis douze ans, avec Pierre Baux (ils ont déjà mis leurs forces en commun pour Tosca, adapté à leur manière Raymond Carver). Mais aussi de la fidélité de Nevers et de son festival aux projets que Vincent Courtois nomme “répertoire”. Quand on aime un artiste, on le suit. 

Oakland enfin est bien plus qu’un décor, car si London y revient toujours, Vincent Courtois, dès l’émergence de l’idée à Avignon eut envie de pousser plus loin, de partir sur les traces californiennes de l'écrivain, d’explorer son port d'ancrage et de jouer un spectacle complet avec des textes lus et interprétés par des comédiens amis, et pourquoi pas, des inserts de photos et de montages de films de London lui même. Il a réalisé son envie et vécu son rêve…

Merci à MAXIM FRANCOIS pour les photos!

Sophie Chambon

 

 

 

Partager cet article
Repost0
2 novembre 2021 2 02 /11 /novembre /2021 17:48


Studio de Meudon, avril 2021.

Camille Productions/Socadisc.
Sortie le 5 novembre.

===================================

Ce duo entre un pianiste et un guitariste mérite une attention particulière. Le premier, Pierre Christophe, a écrit pour cette rencontre avec le second, Hugo Lippi. Ils se connaissent depuis quelque 25 ans et partagent entre autres d’avoir décroché le prix Django Reinhardt de l’Académie du Jazz (Pierre en 2007, Hugo en 2019). Pierre Christophe « apporte un soin infini au choix des tonalités et aux tessitures… Il faudra considérer ce duo comme un tout, un orchestre de chambre », relève dans le livret Daniel Yvinec.

 

Ici point d’effets mais une écoute réciproque sur des compositions originales sollicitant le monde du jazz (Duke Ellington), du classique (Ravel), de la bossa nova (Carlos Jobim), de la pop (Paul McCartney).

En disciple de Jaki Byard, dont il suivit l’enseignement particulier à New-York et qu’il honora dans deux albums (Byard by Us , Black & Blue et Live at Smalls, Camille Productions), Pierre Christophe nous offre une palette encyclopédique du piano (jeu et composition).

 

Quant à Hugo Lippi, aux guitares (acoustique et électrique), il nous suffit de rappeler le jugement que portait à son égard son confrère (aujourd’hui disparu) Marc Fosset : « Le guitariste René Thomas, aurait particulièrement apprécié la finesse, l’humour et le feeling d’Hugo ».

 Un album à écouter (et réécouter) pour en saisir toutes les subtilités.

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

Pierre Christophe et Hugo Lippi seront en showcase le  21 novembre à 15 heures à la Seine Musicale (au Club Jazz) à Boulogne-Billancourt (92) pour le salon Musicora  et en concert le 1er décembre au Duc des Lombards (75001).

 

©photo Zoé Forget.

 

Partager cet article
Repost0
31 octobre 2021 7 31 /10 /octobre /2021 21:31

Craig Taborn (piano)

Vienne (Autriche), 2 mars 2020

ECM 2693 / Universal

 

Dix ans après le disque «Avenging Angel», enregistré en studio pour le même label, le pianiste revient avec un enregistrement de concert dans la prestigieuse Konzerthaus de Vienne. Je l'avais plusieurs fois écouté sur scène en sideman, mais je garde un souvenir ému de deux prestations solistes : en 2017 au festival Sons d'Hiver, en première partie d'Amina Claudine Myers, et en 2019 pour Jazz à Vienne (France cette fois.....) où, dans une soiré pilotée par John Zorn, il avait durant quinze minutes atomisé en solo un thème du saxophoniste-compositeur, qui était aussi le Monsieur Loyal de cet hommage... à la musique de Zorn. Et ce disque ravive les émerveillements passés : cette faculté de partir d'un élément que l'on jurerait peu orienté, presque indécis, et de nous embarquer par son imagination de l'instant dans son imaginaire le plus profond, le plus inattendu, et le plus constamment renouvelé. La musique suit son cours, introspective, mais aussi souvent folle (en apparence), et se construit ainsi, au fil du disque (et du concert, s'il nous est restitué dans sa chronologie), une forme mouvante qui semble inexorablement se diriger vers un point de cohérence qui ne serait pas un point de clôture (car il s'agirait d'une forme ouverte). Fascinant, jouissif, d'un niveau musical et pianistique hallucinant. Bref formidable, et même plus que cela !

Xavier Prévost

.

Craig Taborn est en tournée européenne, en trio. Il sera le 4 novembre à Genève (AMR), le 7 à Brest (Plages Magnétiques), le 12 à Strasbourg (festival Jazzdor), et le 13 à Bruxelles (Flagey)

Partager cet article
Repost0
26 octobre 2021 2 26 /10 /octobre /2021 17:05

Jon Irabagon (saxophones ténor & piccolo, clarinette alto), Joe Fonda (contrebasse), Barry Altschul (batterie)

tournée européenne, printemps 2019

Not Two Records MW 1012 / https://www.nottwo.com/mw1012

 

Des retrouvailles (très attendues) avec un trio d'une vivacité presque effervescente. Un trio qui nous avait déjà tourneboulé avec un disque enregistré cinq ans plus tôt (chronique en suivant ce lien). La pulsation, irrépressible, ne produit nulle frénésie ostentatoire, aucun effet surjoué, aucune expressivité feinte : rien qu'un engagement musical, de corps et d'esprit, qui nous entraîne vers une folle énergie, une créativité débridée qui s'insère dans les lois de cette musique pour mieux les déjouer. Et ce mode de fonctionnement, musical et esthétique, vaut pour chacun des trois membres du trio. On part d'un thème de jazz, cursif comme un chorus sur un standard up tempo. Puis, d'une plage à l'autre, la transgression s'installe, la liberté tend à prévaloir sans qu'il s'agisse d'un déni de l'idiome originel, mais plutôt de la sublimation d'un langage. C'est chaud comme un concert de Sonny Rollins, libre comme une aventure de free jazz. Vient une ballade, à la clarinette alto, lyrique en diable, puis la liberté gagne à nouveau, jusqu'au solo de batterie conclusif. Un pur régal.

Xavier Prévost

Partager cet article
Repost0
23 octobre 2021 6 23 /10 /octobre /2021 14:24

Samuel Blaser (trombone), Marc Ducret (guitare)

Loguivy-Plougras (Côtes-d'Armor), 11 mars 2019

Jazzdor Series 11 / l'autre distribution

 

Retour au disque d'un duo qui se pratique de longtemps (un premier disque, enregistré en 2013, a paru en 2020 : chronique en suivant ce lien). Le répertoire est différent de ce précédent CD, mais on y retrouve des bribes de thèmes joués dans de récents concerts. Et toujours cette sensation d'évidence, de spontanéité, de connivence immédiate ; c'est un concentré d'intelligence musicale, indissociable d'un engagement de tout le corps dans la musique pour l'un comme pour l'autre. Parfois le thème surgit d'un unisson très précis, trace d'une composition soigneusement élaborée. Parfois au contraire c'est un son, un timbre, une impulsion, un accord, un trait ou un phrase chargée d'expressivité qui vont donner le signal d'une déambulation si fluide qu'elle paraît totalement concertée, alors qu'elle résulte d'une invention immédiate par une communication quasi télépathique entre les deux musiciens. Les lignes, qu'elles soient écrites ou improvisées, sont d'une liberté fascinante, échappant quand ça leur chante à l'univers tonal, et se promenant aussi parfois dans ces évidences mélodiques familières des musiques les plus populaires. Ce paysage sonore, qui est en même temps une œuvre musicale à part entière, semble surgir par magie. C'est frappant dès le premier thème, The Beekeeper, de la plume du tromboniste, amené en introduction par une escapade assez vertigineuse du guitariste. Le titre suivant, Des états lumineux, signé Marc Ducret, paraît procéder d'une autre démarche. En fait c'est le même processus qui est en jeu : écoute, action, interaction. Et ce jeu se poursuit, évolue, de plage en plage, procédant toujours, semble-t-il, de son alchimie fondatrice. Fascinant, de bout en bout.

Xavier Prévost 

Partager cet article
Repost0
18 octobre 2021 1 18 /10 /octobre /2021 08:26
​​​​​​​BACK TO BASICS 2     THOMAS CLAUSEN TRIO

BACK TO BASICS 2 THOMAS CLAUSEN TRIO

Label STUNT RECORDS/UVM

 

On retrouve le contrebassiste Thomas FONNESBAEK cette fois en trio, celui du pianiste danois THOMAS CLAUSEN, un des musiciens les plus reconnus dans son pays; s’il n’est plus à présenter dans le royaume nordique, précisons pour le public français que ce pianiste qui a expérimenté tous les genres, vécu toutes les formules, du big band à la musique de chambre, sans oublier les choeurs et la comédie musicale, aime passionnément les trios (un premier remarquable avec Henning Orsted Petersen et Aage Tangaard dans les années 80). Il en est à son quatrième et ce, depuis 2006, quand il fit appel à Thomas Fonnesbaek et au batteur Karsten Bagge pour un premier album consacré aux standards, dont le titre suffisamment explicite est Back to BasisIl revient à ce répertoire de valeurs sûres en 2021 avec Back to Basis 2, enregistré pendant le confinement, sans public dans les studios MillFactory, à Copenhagen, dans les conditions d’un concert sans public mais avec un soin particulier apporté au son. Si ce très bel album n’est en aucun cas révolutionnaire, le jazz “classique” que l’on entend est de la plus belle facture. Du jazz dont la spontanéité (chaque piste est une première prise ) est captée sur un grand piano Steinway D et l’on entend chaque note chanter. 

Le résultat est éblouissant : plus d’une heure de musique élégante, qui revisite avec intelligence ces standards. Rien de plus difficile que de reprendre ces thèmes éternels, constitutifs de cette musique, avec humilité, en oubliant les versions majeures déjà enregistrées qui ont sculpté notre oreille et fait notre apprentissage?. Non seulement ça sonne avec ce trio mais ça swingue, les trois complices réalisant la synthèse de diverses influences. Le pianiste aime chanter et cela se sent : il a les paroles dans l’oreille et se sert de cette connaissance pour donner du sens à son interprétation. On entend aussi bien Debussy qu’Ellington sous ses doigts et bien évidemment Bill Evans. Quand on aime ce pianiste, comment ne pa être sensible aux versions délicates de Thomas Clausen qui a retenu la leçon du maître et sait en un ressassement travaillé et spontané, diriger l’improvisation du trio. Il laisse d’ailleurs à son contrebassiste toute liberté. Et si on avait apprécié les qualités de ses arrangements avec la chanteuse Sinne EEG dans Staying in touch, toujours sur le label classieux Stunt Records, on écoutera avec intérêt sa façon de faire sonner sa contrebasse.

Un trio équilibré et subtil qui laisse de l’espace dans l’interprétation de ces thèmes chéris qui débutent par l’impeccable “Just one of these things” du grand Irving Berlin. Comment ne pas être sensible aux notes de pochette qui détaillent les commentaires précis et inspirants du pianiste? Sa version de base est celle de Sinatra, la voix toujours en majesté, la façon de sculpter les mots et d’étirer le temps. Il semble que Thomas Clausen ait tout compris de l’art du trio en piano jazz et des standards. Et si on apprécie sa version “latine” de “Nature Boy”, on est attaché au merveilleux thème mélancolique de Bronislaw Kaper, grand compositeur de musiques de films hollywoodiens, créé pour ce mélo de George Cukor assez méconnu A life of her own, de 1950 avec Lana Turner et Ray Milland. Il en fait un blues, joue beaucoup de la main gauche et change les couleurs de la partie de contrebasse. Ou comment s’adapter merveilleusement à une musique quand on en a saisi le sens.

 

Sophie Chambon

 

Partager cet article
Repost0
17 octobre 2021 7 17 /10 /octobre /2021 18:01
STAYING IN TOUCH  SINNE EEG & THOMAS FONNESBAEK

STAYING IN TOUCH SINNE EEG & THOMAS FONNESBAEK

STUNT RECORDS/UVM

Take Five - YouTube

Just One of Those Things - YouTube

 

On retrouve avec plaisir le couple formé par la chanteuse danoise Sinne EEG et le contrebassiste Thomas FONNESBAEK depuis leur premier album en 2015 : cette configuration piano/contrebasse, plus originale que celle formée par piano/voix, réduite à l’essentiel, fonctionne très bien. On pense au duo italien de Musica Nuda (Petra Magoni et Ferruccio Spinetti) qui opérait plus dans le registre de la pop et de la variété, mais le répertoire des Danois est éclectique : ils reprennent avec goût des standards éternels de Cole Porter et Irving Berlin, le “Take Five” de Brubeck, “Round Midnight”, ils n’hésitent pas donner leur version épurée de “The long and Winding road” des Beatles ni “The Dry cleaner from Des Moines de Joni Mitchell et Mingus, sans oublier leurs propres compositions, des originaux du contrebassiste ou de la chanteuse “Spring Waltz” et “Streets of Berlin”. On sent bien que le plaisir de chanter de belles mélodies les anime tous deux; ils ne rechignent pas un certain luxe, en faisant appel à un quatuor à cordes pour étoffer trois des onze titres de l’album.

Leur entente est plus que cordiale, ce format exigeant un accord parfait, le résultat produit une grande liberté. La chanteuse danoise est devenue une star: la “sirène” de Copenhagen met dans son interprétation un naturel assez remarquable : elle chante sans forcer sa voix de velours, avec un bel ambitus, une aisance certaine pour distiller des effluves pop ou rester dans un jazz intimiste : un timbre chaud et rond, une énonciation parfaite, un swing qui ne trompe pas, une aisance dans le scat et un certain goût pour oser reprendre à sa façon sans imiter, même si elle a écouté les divas du jazz vocal, notamment Sarah Vaughan (“How deep is the ocean?”). Ainsi Just one of these things” de Cole Porter est pris à un tempo ultra-rapide, s’écartant des versions sculptées, étirées de Sinatra ou Billie Holiday. Son complice, des plus fiables, lui sert un accompagnement précis et précieux, il est pour beaucoup dans le charme de cet album aux nuances délicates. Staying in touch leur a réussi, qu’ils continuent leur collaboration est tout ce qu’on leur souhaite.

 

Sophie Chambon

 

 

Partager cet article
Repost0
15 octobre 2021 5 15 /10 /octobre /2021 15:21

Rogue Art est décidément un label irremplaçable, en cela qu'il ouvre son catalogue à des propositions artistiques d'une radicale singularité, à l'écart des courants dominants, mais aussi de chapelles parfois recluses dans une exclusive un brin sectaire.

STÉPHANE PAYEN, INGRID LAUBROCK, CHRIS TORDINI, TOM RAINEY «All Set»

Stéphane Payen (saxophone alto droit), Ingrid Laubrock (saxophone ténor), Chris Tordini (contrebasse), Tom Rainey (batterie)

Pernes-les Fontaines, 12-13 mai 2019

RogueArt ROG-0105 / https://roguart.com/product/all-set/174

 

La publication de ce disque marque l'aboutissement d'une œuvre qui avait vu le jour en 2019, avec une série de concerts (Paris, Lille, Strasbourg, Avignon....), et fut enregistrée en fin de tournée. Une œuvre inspirée par All Set, composition de Milton Babbitt créée en 1957 au très innovant festival de Brandeis University (festival fondé par Leonard Bernstein en 1952) sous la houlette de George Russell et Günther Schuller, avec notamment Bill evans au piano. L'instrumentation est différente, ce n'est pas un arrangement de la musique de Milton Babbitt mais une interprétation de sa démarche, laquelle était empreinte d'une liberté tonale qui, en 1957, n'était pas encore le quotidien du jazz. Des compositions alternées de Stéphane Payen et Ingrid Laubrock, et une formidable liberté musicale dans un cadre balisé par un puissant désir d'ailleurs musical, font de cette œuvre, et de ce disque, une proposition esthétique tournée vers le futur, déjà advenu.

.

un avant-ouïr sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?v=Y5YDmiZqaiI&t=1s

WILLIAM PARKER-MATTHEW SHIPP «Re-Union»

William Parker (contrebasse), Matthew Shipp (piano)

Malakoff, 3 février 2019

RogueArt ROG-0111 / https://roguart.com/product/re-union/179

 

Plus de vingt après leur rencontre en trio avec Rob Brown («Magnetism», 1999), William Parker et Matthew Shipp se réunissent pour ce duo qui parcourt toutes les facettes du jazz, dans ses sources les plus ardentes, comme dans ses aventures les plus folles. Le décollage se fait en douceur, mais déjà dans des lignes tendues, mélodiquement comme rythmiquement se font jour. Le couleur est clairement annoncée, celle de l'aventure et de la liberté. La musique coule de source, comme un chemin qui serait à notre oreille presque naturel, cohérent jusque dans ses surprises et se détours. Plus que vivant, vital, animé de cette énergie qui serait le sel de notre humanité.

.

un avant-ouïr verbal sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?v=nAm5RYTkivY&t=2s

JUDSON TRIO : JOËLLE LÉANDRE, MAT MANERI, GERALD CLEAVER «Light and Dance»

Joëlle Léandre (contrebasse), Mat Maneri (violon alto), Gerald Cleaver (batterie, percussions)

Montreuil, 22 janvier ; Paris, 25 janvier ; Malakoff 27 janvier 2020

double CD RogueArt ROG-0112 / https://roguart.com/product/light-and-dance/180

 

Cinq ans après un concert à la Judson Church de New York pour le Vision Festival, et le 33 tours «An Air of Unreality» (RogueArt-0073), le trio s'était retrouvé avant le premier confinement pour des concerts, à Montreuil aux Instants Chavirés, puis à Paris au 19 rue Paul Fort, et enfin pour une séance d'enregistrement au Studio Sextan. La musique est tendue par l'urgence, et progresse par élans successifs, jusqu'à ce que l'un ou l'une des protagonistes lance un trait, un son, presque un souffle bien qu'il n'y ait pas d'instrument à vent. C'est un peu comme Le jardin aux sentiers qui bifurquent de Borges, un labyrinthe infini où l'on se perd avec délices, mais en prenant chaque fois un nouveau cap aussi mystérieux qu'hypothétique. Tout le contraire d'une œuvre close : une œuvre ouverte sur l'infini de ses métamorphoses. Le miracle permanent de l'improvisation, quand elle est pratiquée par des orfèvres.

Xavier Prévost

.

un avant-ouïr sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?v=vsYI3gUdovE&t=8s

https://www.youtube.com/watch?v=vsYI3gUdovE&t=3s

Partager cet article
Repost0
14 octobre 2021 4 14 /10 /octobre /2021 09:31

Thomas Curbillon (chant et guitare), Eric Legnini (piano, Fender Rhodes), Thomas Bramerie (contrebasse), Antoine Paganotti (batterie), Stéphane Belmondo (trompette, bugle), Pierre Bertrand (arrangements, saxophones, flûte), Stéphane Chausse (saxophone alto, clarinette), Michel Feugère (trompette), Philippe Georges (trombone), Daniel Yvinec (réalisation). Studios Libretto et Durango.

Jazz & People / Pias.
Paru le 24 septembre.

 

Le milieu de la musique -et tout spécialement du jazz- n’a guère de secrets pour Thomas Curbillon que ce soit les maisons de disques, la radio (programmateur à FIP), ou la scène. Mais le guitariste et chanteur ne s’était pas encore aventuré dans la création d’un album. Les choix opérés pour ce premier disque se révèlent audacieux, la langue française comme véhicule et pour la plupart des morceaux retenus des compositions personnelles.

La barre est mise à bonne hauteur. Pour cette ascension, Thomas Curbillon a mobilisé une équipe d’excellence chez les interprètes (Eric Legnini, Thomas Bramerie, Stéphane Belmondo entre autres) sous la houlette d’un maître de l’arrangement, Pierre Bertrand et d’un expert en réalisation, Daniel Yvinec. Du travail soigné, élégant, gorgé de swing et de sensibilité, propre à séduire fans de jazz et amoureux de la chanson française. Certains, parmi les « anciens », y trouveront une filiation avec deux « vedettes » qui mariaient avec bonheur jazz et chanson, Sacha Distel (pour la partie instrumentale) et Henri Salvador (pour l’exercice vocal), notamment dans une reprise de Petite Fleur, énorme tube de Sidney Bechet qui bénéficia des textes d’un orfèvre, Fernand Bonifay (1920-1993).

 

Teaser

 

Pas question de regarder seulement dans le rétroviseur. On apprécie la petite musique personnelle signée par Thomas Curbillon et sa parolière Gaëlle Renard. Avec « Place Ste Opportune », référence au lieu central de la scène jazzistique des Halles, le guitariste-chanteur(de charme) nous offre un album des plus plaisants.

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

Thomas Curbillon sera en concert de présentation de l’album le 28 octobre au Bal Blomet (75015).et le 8 décembre à Cenon (33) au Rocher de Palmer.

 

©photo Anabelle Tiaffay.

 

Partager cet article
Repost0

  • : les dernières nouvelles du jazz
  • : actualité du jazz, chroniques des sorties du mois, interviews, portraits, livres, dvds, cds... L'essentiel du jazz actuel est sur les DNJ.
  • Contact

Les Dernières Nouvelles du Jazz

Chercher Dans Les Dnj

Recevoir les dnj