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6 juillet 2006 4 06 /07 /juillet /2006 23:20

LL FANTOMES DU JAZZ – 22 histoires fantastiques présentées par Alain Puzzuoli

 Éditions Les Belles Lettres 2006 – France Inter

 303 p. – 21 €

  

 

Comment gagner de l’argent avec le jazz lorsque l’on a ni le talent des musiciens ni aucune idée originale à raconter et encore moins l’envie de construire quelque chose. Voilà ce que propose ce livre «concept marketing » dans lequel sont conviés 22 auteurs pour nous raconter, pêle mêle des histoires «fantastiques » autour du jazz. 

 Si la plus belle d’entre toutes est certainement la première qui nous est racontée autour de Louis Armstrong par Danny Walther en ouverture de ce livre, malheureusement tout le reste est terriblement décevant et relève d’un assemblage de clichés souvent mal écrits, collage des stéréotypes les plus conventionnels du jazz. Un alignement d’êtres à la dérive croisant sur leur chemin des fantômes du passé. Et comme il s’agit de jazz, forcément ces nouvelles sont écrites sur le mode polar black and White avec toutes les conventions du style. On voit alors passer des êtres dont le spleen, l’alcool et la dope charrient ces bons lieux communs du jazz, figé quelque part du côté de la 52° rue. Atmosphère glauque de ces fins d’êtres. Pourquoi pas mais dans le genre nous aurions préféré alors le talent d’un Marc Vuillard. Car le pompon est atteint avec l’instigateur de ce traquenard, Alain Puzzuoli qui fait apparaître le fantôme de Billie Holiday qui débarque dans les loges d’une chanteuse paumée au bord du suicide et lui dit tout de go « regarde moi bien. Tu ne me reconnais pas ? » Et l’autre forcément qui voit Lady Day avec son gardenia dans les cheveux, et qui se dit  bon sang mais c’est vrai elle me rappelle quelqu’un !

Passons sur ce pauvre Mezz Mezzrow qui ne digère pas le bop et a très mal au free, qui voudrait être noir et qui rencontre Miles et qui lui dis « Miles STP, tues moi  parce que (pour la faire courte) j’arriverai jamais à être noir».

Chet Baker forcément est dans l’histoire, forcément.

On peut en revanche se laisser séduire par « Nat King Cole » où, pour le coup, Robert de la Roche joue vraiment le jeu de l’histoire fantastique. Il y a dans cette histoire une vraie piste à explorer.

On peut aussi se laisser séduire par le petit texte assez court de Daniel Darc  (peut être le seul texte correctement écrit), sorte d’ode à « A Love Suprême »  mais dont on ne voit pas bien le rapport avec le fil conducteur de l’ouvrage.

Et ce qui est le plus gênant c’est que jamais les auteurs ne parviennent à créer l’osmose entre les jazzmen qu’ils évoquent et leur musique. Toujours un décalage venant d’un verbiage qui ne touche jamais à l’essentiel. A l’âme du lecteur. Trop de notes bleues tues la note blue. A vouloir faire «  genre » les auteurs ne parviennent qu’à la superficialité.

Amoureux des belles lettres si nous avons un conseil à vous donner fuyez, ce livre qui vraiment n’est pas pour vous. Un livre ectoplasmique et filandreux dont il ne vous restera assurément pas grand-chose une fois la dernière page tournée. Car dans ce livre on entre somme toute de la même manière que l’on en sort,  rapidement.

Jean marc Gelin

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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6 juillet 2006 4 06 /07 /juillet /2006 07:41

LE JAZZ A PARIS – Sandrine Fillipetti

Parigramme 2006, 107p. - 6€

 

 

Deuxième édition de ce guide parisien du jazz dont la précédente datait de 2002. On y trouve tout ce qui fait le jazz à Paris en passant par les clubs, les disquaires, les écoles, les radios et même la presse (nationale). Le fouineur y découvrira des lieux de culture jazz comme les bibliothèques, librairies ou autres lieux de recherche comme la médiathèque ou l’Irma. Les auteurs ont même pensé aux internautes frénétiques pour leurs proposer une sélection de sites allant des sites d’information sur les concerts à des sites plus généralistes.

On découvrira avec un peu de tristesse qu’entre les deux éditions certains lieux de jazz ont disparu (Le petit Op, le Dreher, le Montana, La Villa). Le Studio des Islettes y figure toujours mais c’est une erreur. En revanche on voit apparaître des lieux alternatifs comme La Fontaine ou l’Olympic Café. Certains découvriront qu’il se joue du jazz excellent au Paris Prague Jazz Club, au Centre Tchèque. On rectifiera sur l’ONJ (qui n’est plus dirigé par Barthélemy mais par Tortiller), on ajoutera dans la liste des festivals parisiens, l’ Enghien Jazz festival ou le tout nouveau Jazz à Maisons Laffitte. On pleurera sur la disparition de la Maison Du Jazz (qui figure encore dans cette édition) et à celle des ateliers amateurs de l’Ariam.

Mais on y trouvera en tous cas, en format poche ultra light et pour 6€ une mine d’informations très complète sur ce qui fait le jazz à Paris. Indispensable

Jean Marc Gelin

 

 

Collec. Paris est à nous

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6 juillet 2006 4 06 /07 /juillet /2006 07:39

LE DERNIER SOUFFLE DE CHET BAKER – Olivier Chaumelle

é/dite. 2006, 89p. 12€

 

Cette collection est l’adaptation de documentaires diffusé sur France Culture (le Vif du sujet) où comme son nom ne l’indique pas il s’agit en « 100 pages, de fragments épars de l’évocation d’une tragique disparition ». Après Jean Seberg, Albert Ayler, Jim Morrison, Boris Vian, les éditeurs ont choisi de raconter ici la disparition de Chet Baker au travers de témoignages et de courts récits.

Dans la nuit du vendredi 13 mai 1988 alors qu’il devait jouer près d’Amsterdam, Chet est retrouvé mort au pied de son hôtel, défenestré.  Suicide, accident, meurtre d’un dealer. Nul ne le saura jamais. Mort légendaire assurément. Baker disparu, sa part de mystère et de poésie reste intacte.

Ce petit ouvrage donne alors la parole à quelques témoins privilégiés de la vie de Chet comme Riccardo Del Fra, Jean Louis Chautemps, Micheline Pelzer (la femme de Michel Grailler), Daniel Humair, Bertrand Fève ou Alain Gerber pour de très courtes évocations. Quelques souvenirs du moment où ils apprirent la mort de Chet, si évidemment annoncée par la vie même du trompettiste, fantôme de sa propre histoire. Du coup ces témoignages ont un côté à la fois un peu glauque et poétique en même temps. Inutile aussi, certainement puisque tout ces témoignages concordent sur la mort annoncé de Chet arrivé au bout d’un processus d’autodestruction. Sauf Alain Gerber qui à la fin de cet ouvrage remet un peu d’intérêt à tout cela estimant que c’est justement dans ces derniers moments de sa vie que Chet atteignit enfin ce qu’il ne cessait de vouloir dire. Et de nous inviter à nous plonger dans son dernier grand enregistrement live le fameux last great concert en Allemagne enregistré 15 jours avant sa mort.

Des témoins indirects de sa mort sont aussi conviés comme ce commissaire de police ayant été appelé pour constater le décès de Chet et ce procès verbal qui déclare simplement :

« Nos fonctionnaires ne peuvent que constater le décès de cet homme âgé d’approximativement 30 ans (!!). Il a sur lui le passeport d’un citoyen américain nommé Chesney Henry Baker, né le 23 décembre 1929 à Yale, Oklahoma ».

Jean marc Gelin

 

 

Collec. Voyage au bout d’une vie. Vol.6

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28 juin 2006 3 28 /06 /juin /2006 23:16

HELENE COLLON : «  4 ans de concerts au Triton »

 Anthologie 2005

 C’est idiot mais il fallait être là. Fallait se fondre dans la foule. Fallait se faire oublier. Continuer à discuter avec les copains tout en gardant un œil sur la scène. Pas un œil, un regard. Une sorte d’art divinatoire de l’instant qui va suivre. Ceux qui sont des habitués du club de la Porte des Lilas n’auront pas pu louper Hélène et son Leica sur l’avant scène du Triton dont elle partage les aventures depuis l’origine. Pas la photographe officielle du lieu. Cela n’existe pas. Non, plutôt l’âme photographiée de l’endroit.

 

 

Ombres Portées est un livre de photos noir et blanc prises entre 2000 et 2004 et édité à l’occasion de 5 ans du club. Et il faut bien dire qu’en 5 ans il s’est passé beaucoup de chose sans jamais que ne soit altérée l’âme du lieu. C’est d’ailleurs toute la force de l’album de Hélène Collon, au travers de 77 clichés noir et blanc, tous du même format que de nous montrer les visages essentiels dont les regards habitent encore l’espace et dont les ombres restent à jamais imprimées sur les murs. En 4 ans le Triton a dépassé la simple dimension de club de jazz pour se muer en lieu d’altérité créative, lieu de festival (Bleu Triton), workshop ( ZAM) lieu de musique, de danse et surtout de création instantané. Le club de Jean Pierre Vivante aimante et attire les musiciens soucieux de trouver là un espace de création, d’expression de leurs projet ou même de son élaboration. Et ce sont tout ces visages, habitués des lieux (comme Christian Vander) ou éphémères  (comme Sapho) qu’Hélène Collon portraitise dans une capture du mouvement.

 Il fallait comprendre le regard d’Ellery Eskelin (p.52 , un des plus beau cliché dans un clair obscur dignes des maîtres de la peinture flamande), ne surtout pas manquer les billes hallucinées de l’artiste total qu’est Christian Vander (P. 68), voir l’inexorable solitude du contrebassiste lorsqu’il entame un solo de contrebasse (sublime cadrage de Claude Tchamitchian p.98), surprendre Thomas de Pourquery en flagrant délit de vol de cornet (p.112), attraper l’instant de grâce du visage qui se découpe sous l’étoffe (DJIZ p.136) et montrer au monde que Sclavis est un génial facétieux (p.146).

 Cet album est un beau travail pour ceux qui veulent comprendre le mystère du génie créateur. Par sa façon de capter le regard porté loin devant par ces musiciens qui regardent un infini qu’elle nous permet d’imaginer un instant, parce qu’elle capte ces moments de solitude en eux même, par sa façon d’accrocher leurs gestuelles paroxysmique, de restituer ces éclats de transe extrême, parce qu’elle les montre affranchis de toutes limites lorsque tout est possible du cri primal aux larmes, parce qu’elle parvient à voir ce qu’il y a de grande pudeur dans cette mise à nue d’eux même, Hélène Collon  s’approche de la vérité brute, la vérité brutale même de la création. S’en approche sans en livrer tout le mystère. Mais s’en approche néanmoins au plus intime.

 Jean Marc gelin

 

 

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2 juin 2006 5 02 /06 /juin /2006 10:04

MARTIAL SOLAL : entretien avec Xavier Prevost

 INA - Éditions Michel De Maule – 263p.

+ 1 DVD-CD Rom interactif

 

 

 

 

 

 

Ce livre d’entretien de Xavier Prévost avec le grand maître du piano jazz français qu’est Martial Solal est une oeuvre qui fera date.

 

 

 

 

 

 Outil pédagogique exceptionnel il se présente sous la double forme du livre et du DVD Rom. Ce dernier est la reprise filmée des entretiens publiés dans le livre avec une formule interactive qui permet à l’auditeur- lecteur de passer de l’un à l’autre tout en gardant la continuité du discours. Découpé en séquences et doté d’un moteur de recherche le DVD Rom permet de faire des recherches par mots clefs et d’accéder ainsi directement  à la séquence filmée où ces mots sont évoqués au cours de l’entretien. Il s’agit donc d’un outil de recherche indispensable qui devrait faire date dans ce genre d’édition.

 Sur le fond le format de ces 9 heures d’entretien (rien moins que 8’’54 pour être précis) permet une rencontre de grande tenue qui ne contente pas de mettre Solal en position de raconter sa carrière et son œuvre (ce qui est quand même le cas sur la première moitié passionnante du livre) mais aussi de la faire réagir sur des grands sujets transverses liés à la musique ( l’apprentissage, la composition, l’enseignement et la transmission, l’improvisation, le statut social de l’artiste). Ou encore de le regard Solal porte sur les grands pianistes de jazz d’hier et d’aujourd’hui.

 Ce qui frappe avant tout au cours de ces entretiens, c’est la très grande honnêteté intellectuelle avec laquelle Solal s’est livré à l’exercice. Radical refus de toute langue de bois. Homme sans concession aucune, Solal est un homme de jugements tranchés. Sévère sur bien des points. Il a par exemple des idées bien précises sur ce qui relève du jazz et ce qui n’en relève pas. Le jazz Rock ? « Ce sont des parenthèses, il faudra rejuger tout ça dans plusieurs dizaines d’années. Ces aventures là ne seront pas considérées comme des évolutions du jazz » (P.109). Le Free jazz ? « je n’étais pas favorable au côté bidon, je ne connais pas de mot plus élégant pour dire que n’importe qui pouvait faire n’importe quoi, y compris Ornette Coleman » (p.106)

Particulièrement sévère (ou exigeant) avec ses contemporains, certains en prennent pour leur grade. Et non des moindres : Keith Jarrett ? « J’aime tout ce qu’il fait lorsqu’il cesse de jouer en solo. Le solo n’est pas à la portée de toutes les bourses » (p.185). Même Portal avec qui il joue souvent a droit à une amicale vacherie «c’est extrêmement difficile à dire mais je pense que Michel aborde le jazz comme une passion, il brûle de passion pour le jazz, il est formidable pour ça mais j’ai du mal à admettre qu’il ait compris vraiment l’histoire du jazz » (p.155).

Mais sur son étagère on trouvera quand même beaucoup de monde depuis Art Tatum à Joachim Kuhn en passant par Mc Coy Tyner ou Manuel Rocheman (son ancien) élève ou Jean Michel Pilc. Parmi les personnes qui on beaucoup compté pour Solal et dont il est longuement question dans le livre on trouve aussi des personnalités immenses à la construction musicale et intellectuelle un peu similaire : son grand maître André Hodeir et dans une moindre mesure Lee Konitz avec qui il a joué souvent.

Solal ne renie aucune influence et même les revendique (« on naît forcement d’un père »). Il affirme simplement qu’aujourd’hui et depuis très peu de temps il  sait enfin jouer du piano. Son œuvre est réputée difficile et c’est sans concession qu’il juge le public qui ne le comprend pas : «  En général les gens qui vous disent – j’admire ce que vous faîtes mais cela me laisse indifférent, ça ne me touche pas-, je leur dis « mais c’est votre problème, c’est votre culture qui n’est pas suffisante, vous ne pouvez pas accéder à tel type de culture si vous n’avez pas franchi d’abord les étapes culturelles » (P.112). Jugement sévère et clairvoyant et qui a le mérite d’éviter le politiquement correct. C’est le moins que l’on puisse dire.

Solal avec son exigence absolue en matière musicale fait néanmoins un petit clin d’œil à ce  public ignorant lorsqu’on lui parle de son association avec les frères Moutin : « les frères Moutin sont merveilleux. Ils ont tout pour plaire. Je vais enfin devenir un pianiste commercial grâce à mes beaux accompagnateurs »

 Sur la place du jazz dans l’histoire de la musique, l’homme qui a créé le Dodécaband  et qui a composé des œuvres majeures comme Suite en Ré bémol pour quartette de jazz a une réflexion monumentale : « je pense que le jazz pour passer la rampe des siècles, devra posséder, de plus en plus, un répertoire d’œuvres importantes, et pas des petits thèmes prétexte à improvisation » (p.62). Puis plus loin «  le jazz pour durer devra laisser des traces qui ne sont pas des traces seulement de musique improvisée, mais de musique écrite, d’une certaine durée »

 Réalisés dans sa maison à Chatou par Xavier Prévost (Producteur et journaliste sur France Musique et grand connaisseur de l’œuvre Solalienne), ces entretiens permettent au Maître de prendre son temps et d’entrer en profondeur (mais pas toujours) dans les sujets abordés.  Si l’on peut être parfois dérangés par certaines redites (forcément en 9 heures on se répète fatalement) ou par le côté name dropping que lui impose Xavier Prévost à certains moments ( les continuels « et untel vous en pensez quoi ? » finissent par lasser), on est en revanche passionnés par le discours que l’intervieweur suscite chez Solal dès lors qu’il est question de choses comme la composition, l’improvisation, l’apprentissage de la musique, l’exigence par rapport à soi même, ou la maîtrise technique ( « la technique a pour avantage de vous laisse jouer ce que vous voulez, au moment où vous le voulez, sans brider votre imagination. La technique devient un gage de liberté, à condition d’être une liberté surveillée » p.200). Et c’est avec une infinie patience et un art consommé de la pédagogie, que Solal revient toujours à l’explication didactique. Avec la façon extrêmement posée de celui qui a acquis la certitude de l’expérience, il nous donne avec des mots très simples de lumineuses leçons de musique.

 Rares sont les ouvrages consacrés à des musiciens vivants qui permette une telle profondeur de champ, une telle place laissée au temps, une telle dynamique dans la conduite de l’entretien qui permet un tel éventail des thématiques et des sujets abordés. Cet ouvrage passionnant à plus d’un titre possède une admirable construction, un plan précis et une très grande cohérence d’ensemble.

 Et rares sont les artistes qui acceptent avec autant d’honnêteté intellectuelle de répondre ainsi sans aucun détour aux questions qui pourraient sembler anodines en apparence. Martial Solal n’enseigne plus. Ne donne plus de master class. Mais accepte gracieusement de recevoir chez lui quelques disciples pour leur prodiguer les conseils d’un sage. Car il fallait de la part de Solal une grande clairvoyance sur son propre statut pour se permettre une telle liberté de penser. La conscience pleinement assumée du vieux sage. De celui qui sait bien que ce statut est celui d’une véritable légende vivante du jazz.

 Jean-Marc Gelin

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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