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21 février 2025 5 21 /02 /février /2025 19:53

ECM 2025

Billy hart (dms), Ethan Iverson (p), Mark Turner (ts), Ben Street (cb)

Les équilibristes.

Bien sûr les grincheux vous diront que c’est une production ECM fidèle à sa ligne éditoriale et que rien de neuf sous le soleil. Et bien sûr on ne pourra pas qu’acquiescer : rien de neuf sous le soleil effectivement.

Et pourtant, quelle tuerie une nouvelle fois ! Car il faut bien se le dire, le batteur légendaire Billy Hart âgé de 85 ans a un don : celui de transformer la musique en or.  Et aussi,  et ce n’est pas le moindre des talents de l’ancien batteur de Miles Davis, de s’entourer d’une équipe de très haute volée. Une équipe soudée depuis près de 20 ans.

Dans cet album où chaque membre (à l’exception de Ben Street) a apporté ses propres compositions, on sent un collectif à l’œuvre, à la fois dans la concentration de la musique qui se joue mais aussi dans une mise au service des autres. Et dans cet exercice toute la lumière tombe sur un Mark Turner absolument exceptionnel de lyrisme tout en contrôle de la ligne mélodique. D’album en album le saxophoniste de l’Ohio prend une dimension qui le propulse au rang des géants du saxophone ténor. Tout avec lui est douceur et velouté. Comme une évidence fluide et une agilité féline.

La ligne mélodique tout au long de l’album creuse le sillon sur lequel s’organise la musique avec limpidité. Et c’est la rencontre de 4 personnalités musicales a priori bien différentes qui se retrouvent en osmose. Ils se connaissent bien, fusionnent dans l’écoute et le partage, cherhchent de nouvelles portes à ouvrir sans jamais les forcer, laissent la musique se porter elle-même. Evan Itherson chatoie les couleurs harmoniques comme autant de lucioles autour du soliste alors que l’association de ben Street et du maître des lieux, Billy Hart sonne comme une évidence rythmique tout en subtilité et en frémissement. Une rythmique de velours.

Comme souvent sur le label de Manfreid Eicher, l’album est nimbé de couleurs pastels et d’une atmosphère un peu nostalgique où le poétique n’est jamais très loin.

Tout respire l’élégance et le charme dans cet album une nouvelle fois de haute volée sous l’égide de l’un des plus grands maîtres de la batterie. Un tendre sorcier.

Jean-Marc Gelin  

 

 

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21 février 2025 5 21 /02 /février /2025 15:13
Alain GERBER     Le destin inattendu de la tapette à mouche

 

 

Alain Gerber  Le destin inattendu de la tapette à mouches 

Célébration des balayeurs célestes du jazz avec Shelly Manne en point de comparaison.

 

Frémeaux & Associés

Le destin inattendu de la tapette à mouches - Alain Gerber

 

Le premier chapitre Comment la passion des brosses vint aux garçons trace une suite à son autobiographie Deux bouts de bois… Une autobiographie de la batterie de jazz où se dessinait un (auto)portrait singulier de l’écrivain en batteur de jazz, entre objectivité et sensibilité propre. On apprenait qu’Alain Gerber pratiquait l’instrument emblématique du jazz, la batterie, complexe dans son assemblage plus ou moins sophistiqué selon les batteurs (grosse caisse, caisses claires, cymbales, baguettes et ... balais). Il se disait alors plutôt un fervent partisan des baguettes et il décrivait sa caverne d’Ali Baba “La Baguetterie” rue Victor Massé à Paris.

Son fétichisme va plus loin, il s’attaque à présent à un autre accessoire indispensable, les balais ou brushes en anglais, et commence apparemment par un éloge des brosses qu’il a pu essayer, obtenant par son balayage plutôt mécanique des avancées «réelles mais infinitésimales». Sensible à la beauté du geste, il distingue cependant geste et toucher et nous fait bien comprendre que c’est l’impact du geste qui compte.

Puis très vite il se livre à une sélection pointue des grands batteurs qu’il a découvert tout jeune, remontant le cours de sa vie et s’adossant à sa pratique obstinée de l’instrument. C'est l'objet de ce Nils Bertil Dahlander (Bert Dale) et Sheldon (Shelly) Manne. Le premier est alors inconnu au bataillon-je revendique aussi cette expression dans mon cas, le second fait l’objet d’une passion, plus que d’un culte, car Alain Gerber ne se considère jamais comme groupie. Et nous aurons droit dans une troisième partie My Man Manne à un portrait aussi précis que touchant de ce musicien  extra-ordinaire, arrivé avant d’être parti, qu’il n’a hélas jamais rencontré. Découvert dans les disques Contemporary dont Shelly Manne était un peu le batteur maison-que Gerber collectionnait aussi pour la beauté de ces objets en carton, Shelly Manne, The Three & The Two est la première pièce de West Coast Jazz de sa discothèque, bientôt suivi d’Un Poco Loco et de bien d’autres titres scrupuleusement relevés avec des notes de bas de page exhaustives.

Cette étude affûtée-en fait il lui est impossible de résister à un enregistrement auquel Manne a participé, lui permet d’évoquer son art de l’accompagnement d’une sensuelle onctuosité, ses compagnonnages fructueux de Russ Freeman à André Previn, sa prestance, sa "pensée mélodique" y compris lors de ses impros en solitaire, "over the bar". Mais Alain Gerber en profite pour décrire d’autres figures des studios, des figures tutélaires Joe Jones, Kenny Clarke aux exhibitionnistes Gene Krupa, Buddy Rich.

Sans vouloir se presser, il poursuit son analyse  de l’art des batteurs qui comptent ou ont compté avec une certaine consistance dans Et pendant ce temps là… un véritable festival de brosses, pas un inventaire, plutôt un catalogue amoureux où les coups de balais sont des coups de génie avec Mel Lewis, Chico Hamilton, Max Roach, Vernell Fournier, Denzil Best … chacun et c’est l’intérêt, cité dans un de ses grands enregistrements.Il va plus loin encore en donnant une liste plus que copieuse de ces disques d’importance, une passionnante Anthologie sonore virtuelle en soixante titres Jazz Brushes 1933-1963.

Alain Gerber a mis de l’ordre dans l’écriture méticuleuse d’un écrivain spécialiste de l’art de la digression. S’il est sans illusions sur ses véritables capacités de batteur, il se "rattrape" par une réelle expertise du jazz et sa connaissance phénoménale de tous les musiciens jusqu’aux plus méconnus ainsi que des seconds couteaux .

Son livre s’adresse à tous ceux qui s’intéressent au jazz et en particulier aux batteurs. Il rend hommage à Daniel Humair qui lui montra dans les années soixante-dix comment faire des "ronds" intelligents et surtout des huit écrasés, étirés d’un bord à l'autre sur léquateur de la caisse claire. Il s’enquiert toujours auprès de spécialistes de l'instrument, son ami George Paczynski, auteur d’une monumentale histoire de la batterie de jazz en trois tomes chez Outre Mesure sans oublier le jeune batteur Guillaume Nouaux auteur d’une récente histoire de la batterie chez Frémeaux & Associés. Et en ce qui concerne cette formidable période, il nous rappelle l'importance d'Alain Tercinet qui fit découvrir le jazz cool, partuclièrement celui de la West Coast. 

Lire Alain Gerber réveille pour tout amateur des émotions que l’on croyait enfouies, passées à l‘état de souvenirs. Il suggère en véritable mentor des pistes à suivre pour continuer à se forger des mémorables expériences. On retrouve avec bonheur son éloquence parfois emphatique, un sens imparable du tempo (normal pour un batteur), ce goût réel des mots et des phrases qui sonnent, sa recherche du mot perdu et des phrases paradoxales qui restent longtemps à l’oreille. Grâce à ses conseils discographiques, on sera peut être à même d'entendre plus de choses qu'un live ne nous en ferait voir.

 

Sophie Chambon

 

 

 

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14 février 2025 5 14 /02 /février /2025 19:41

BONBON FLAMME : «  Calaveras y boom boom chupitos »

BMC 024

Valentin Ceccaldi (cello), Fulco Otterwanger (p, kybds, vc), Luis Lopes (g), Etinne Ziemnak (dms)

Créateurs de sensations fortes !

Mes amis si vous vouliez sortir un peu de votre zone de confort et vous laisser surprendre par une expérience musicale inattendue, cet album est pour vous. De ce genre d’album qui ne peut pas laisser indifférent puisqu’il convoque toutes les émotions fortes ou douces, positives ou négatives.

Valentin Ceccaldi l’explique dans les liner note : cet album lui a été inspiré par un voyage au Mexique où les contrastes se rejoignent entre l’acidité du citron, la douceur de l’avocat et le feu du piment, avec pour point central une certaine violence et l’omniprésence de la mort, qu’elle soit célébrée, fêtée ou encore terrifiée. Et puis le rapport aussi aux ancêtres et à la religion.

Voilà un matériau qui donne une musique qui se promène parfois sur les terres d’un John Zorn par exemple.

Le trio, augmenté du guitariste Luis Lopès fabrique cet espace étrange dans lequel on entre comme on entrerait dans une installation artistique. Les espaces sont presque mystiques sur snowing pirogue dont le son s’étire. Il y est aussi question d’une tournerie presque rituelle sur Chupito One qui donnerait presque la chair de poule. Et tout l'album se lit comme une longue dérive dans ce pays où la mort et la violence rôde toujours.

La dimension onirique de ce Mexique fantasmé ne cesse de vous embarquer dans un voyage hypnotique où les guitares métalliques trainent des sons sales et distordus.

Au final un résultat hors norme, hors cadre qui va vous bousculer dans toutes vos habitudes et faire bouger vos sens et vos neurones.

On adore ces sensations très fortes d’une musique totalement surprenante.

Coup de cœur !

Jean-Marc Gelin

 

https://youtu.be/UbJefEe2I1Y?si=0DPOgWLF_F6wpbeD

https://youtu.be/a5KP1dK1TYY?si=9omgUbsQX33NddFB

 

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9 février 2025 7 09 /02 /février /2025 18:29

Louis Beaudoin- de la Sablonnière (guitare)

Éric Normand (guitare basse)

Ingrid Laubrock (saxophone ténor)

Jonathan Huard (vibraphone)

Marianne Trudel (piano)
Rimouski (Québec), 5 Septembre 2023

Circum-Disc microcidi 036

https://circum-disc.bandcamp.com/album/folio-5

Un groupe québécois formé par le guitariste et le bassiste, rejoints cette fois par la pianiste. S’associent également le vibraphoniste, lui-aussi du Québec, et la saxophoniste Ingrid Laubrock, venue d’Allemagne vers Londres avant de s’installer aux USA (et de passer par la France pour participer au collectif Muzzix de Lille, dont elle a dirigé le Grand Orchestre en janvier). C’est le label lillois Circum-Disc qui publie ce disque.

Une musique très ouverte, autour des compositions des deux fondateurs et de la pianiste. Mélodies sinueuses et harmonies denses sont le terrain de jeu de l’ensemble du groupe. Les solistes dialoguent avec ce matériau mélodico-harmonique, tout en s’offrant des éclats d’improvisation virulente (l’intro du deuxième titre, par Ingrid Laubrock, entre autres). Un très bel exemple de ce que peut le jazz en termes de liberté, de la composition jusqu’à l’expression instantanée. Il faut cheminer de plage en plage pour savourer la belle palette offerte par ce groupe, et se dire que, décidément, Circum Disc accueille des musiques d’une très très grande qualité !

Xavier Prévost

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7 février 2025 5 07 /02 /février /2025 18:25

Alexandra Grimal (saxophones ténor & soprano), Giovanni di Domenico (piano, orgue, célesta)

Gand, 14 avril 2023

Relative Pitch Records RPR 1216

https://relativepitchrecords.bandcamp.com/album/shakkei

 

Une sorte d’idéal du déroulement de la musique improvisée : d’abord le piano développe un long prélude, dans lequel le sax soprano va s’insérer en douceur et en dialogue. À la plage suivante le célesta esquisse, et le soprano réagit, questionne, avant d’embarquer le partenaire dans un récit presque onirique, une main sur le piano, l’autre sur le célesta. On respire la spontanéité du geste, l’intuition de l’instant décisif…. C’est assez fascinant de se sentir ainsi entraîner dans un imaginaire qui n’est pas le nôtre, et dont pourtant la porte s’entrouvre pour nous. Plus loin l’orgue et le saxophone s’aventurent dans une sorte de repons tellurique d’où surgissent des accords mystiques. Au travers des titres s’exprime une relation sensible à la culture japonaise, ce qui fait écho à ce que cette musique peut avoir pour nous d’un peu mystérieux. En plus de dix années, c’est la quatrième rencontre phonographique de la saxophoniste avec ce pianiste. Écouter le saxophone d’Alexandra Grimal dans un nouveau contexte, c’est toujours le bonheur d’une découverte. Et ce le sera encore quand on découvrira, en avril, sa présence dans le prochain disque de Yaron Herman au côté de la saxophoniste Maria Grand. Pour l’heure, ce duo est une très belle expérience de musique, à vivre intensément.

Xavier Prévost

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6 février 2025 4 06 /02 /février /2025 09:58
TRIO TASIS      ...   PORQUE SÍ

 

TRIO TASIS

 

Label Triton 

Sortie le 7 février 2025

Les concerts | Le Triton

 

Carmela Delgado bandonéon
Emilie Aridon-Kociołek piano
Mathias Naon violon

 

Trio Tasis | FONICA
 

Ce premier album du trio Tasis ne manque pas d’atouts et cela n’a pas échappé au directeur du Triton, le club de jazz des Lilas qui a accueilli le groupe. JP Vivante s’attache à faire connaître en effet des oeuvres originales qui pourraient demeurer méconnues, voire inouïes.

PORQUE SÍ ou la vision personnelle du tango, musique d'ancrage des trois virtuoses de ce trio chambriste à l’instrumentation atypique (bandonéon, piano, violon). Ils agrémentent leur musique d’emprunts ( leur formidable culture musicale le leur permet) de la musique classique du début du XXème ( Bartok, Stravinsky…) à la chanson avec ce Parce que d’Aznavour qui prend de nouvelles couleurs sous leurs doigts.

 

Radical, le trio l’est tout de même dans ce désir de trancher dans le vif, de ne pas séduire les seuls tangueros, amateurs de tangos de toutes sortes à condition qu’ils puissent danser sur ces airs.  Ce qui s'avère difficile sur Porque sí,  car la montée en puissance seulement instrumentale, parfois bruitiste, imprime une tension permanente à l’ensemble dont même les accalmies sont intenses.

On est quand même sur les terres du tango avec ce qu’il faut de mélancolie mais aussi de fureur. Des assauts aussi flamboyants, on en redemande sans être forcément un passionné du genre. D’où l’invitation à une écoute continue des onze titres jamais trop longs ni pesants d'un album conçu avec soin de l’initial El Andariego d’Alfredo Gobbi, l’un des maîtres argentins de ce style jusqu’au Revirado final de l’immense Piazzola qu’on ne présente plus, avec ces attaques caractéristiques du bandonéon.

Un hommage actualisé aux grands argentins du tango Osvaldo Fresedo, Anselmo Aieta, Virgilio Exposito  et une chanson Lucia du seul Espagnol-en fait Catalan (nuance), surnommé la gauche divine où Carmela Delgado  exprime la quintessence du bandonéon, bruit des soufflets compris.

Un petit accroc au contrat avec l’emprunt à Schönberg de son Farben (mélodies de timbres et accords sur cinq sons) pas vraiment écrit pour évoquer un tango, les autorise à arpenter avec brio d’autres terres avec un malin plaisir.

Toutes ces incartades, ces passages de frontières stylistiques ne rompent en rien la cohésion  de la musique de nos trois amis qui se connaissent depuis longtemps. Fougueux, fort expérimentés, ces jeunes musiciens peuvent virevolter d’un style à l’autre sans vraiment laisser place à des sonorités planantes : grondements sourds du piano, vibrations des pédales qui rythment un ensemble ombrageux comme à l’approche de l’orage et encore un solo empruntant à Chopin sur la valse Palomita Bianca, jouée en son temps par un autre trio, celui de Mosalini/ Betelman/Caratini qui reprenait aussi la scie tanguera de la Comparsita.

"Facilité" que ne s’autorise pas notre trio dont on raffole des surgissements et jaillissements d'un bando qui tangue, de l’éclat lunaire et souvent déchirant du violon (l’archet étire certaines notes aigues) prenant parfois ses distances avec le continuo piano-bando.

Des solistes raffinés qui se  risquent à corps perdu dans ces vibrations de tonalités, rythmes et tessitures. Leur musique dessine des contrées sauvages. Cette sombre beauté, raffinée dans l’écriture, si elle impressionne n’empêche jamais de plonger dans ce lyrisme à fleur de peau.

 

Et le jazz dans tout ça? Cette musique, lumineuse semble très écrite (trois compositions du violoniste) pour un collectif voué aux puissances féminines du piano-bandonéon orchestrées par un arrangeur aussi subtil que créatif.

Mathias Naon révèle en effet des dispositions d’arrangeur talentueux avec par exemple cette amusante mécanique du réveil (piano et bandoneon) sur Mi Viejo Reloj & Variaciones. Une adaptation de la musique si codée du tango où chacun utilise ce qui se joue et se crée dans l’instant dans un échange souvent fusionnel jusqu’aux silences et brusques ruptures qui cassent l’ondulation de la danse.

 Cette entente plus que parfaite irrigue ces pièces purement instrumentales, un comble pour le tango qui a su utiliser les voix. Cela ne manque en aucun cas au trio Tasis d’une vitalité ébouriffante qui apporte de la sève à un genre dont la mécanique inusable pourrait parfois lasser. Purement réjouissant.

 

NB Le trio Tasis sera  entre autre en concert au Festival de Radio France Montpellier du 15 au 18 juillet 2025…. et pour la sortie du disque le 12 Juin 2025  dans la salle 2 du Triton.

TRIO TASIS | Tango | Le Triton

 

Sophie Chambon

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6 février 2025 4 06 /02 /février /2025 06:13
BEAUTIFUL LOVE      BRIGITTE BÜHLMANN

Beautiful Love

 

Sortie le 7 février 2025

Autoproduit

 

Beautiful Love | Brigitte Buhlmann

 

My Funny Valentine

 

Accueillons comme il se doit le premier album Beautiful Love de la Suissesse Brigitte Bühlmann ( une B.B qui aurait un petit air de Sylvia Montfort) accompagnée par un trio de formule classique piano-basse-batterie.

Reprendre dix standards parmi les plus connus dont ce Beautiful love marqué par  la version d’Anita O’Day ou le mythique God Bless the Child de Billie Holiday relève d’un pari insensé. Mais c’est la règle du jazz et la jeune chanteuse a quelques atouts dans sa manche : une voix originale d’un beau grave voilé qu’elle ne force jamais, au grain particulier, rauque, animal, “comme si je chantais près de l’oreille de l’auditeur” nous dit elle.

Puis force est de constater sa diction parfaite en anglais dans ses bibelots sonores dont elle sculpte et “sublime” chaque mot. Ce sont des petites histoires d’amour évidemment, éternelles et pourtant modernisées. Gérard de Haro ne s’y est pas trompé puisque l’album a été enregistré en sessions live à la Buissonne.

Last but not least, le trio qui sert d’écrin à la voix de Brigitte Bühlmann transforme les mélodies originales et parfois conventionnelles par la science des arrangements, véritables passages créatifs  (climat original et mystérieux de Night and Day, délicatesse de I love You Porgy’s, tropisme pop sur My funny Valentine).

Notre chanteuse est guidée par Noé Macary, pianiste et formidable arrangeur, Sylvain Pourrat à la contrebasse et Thomas Chignier à la batterie, une section rythmique effficace imprimant sa marque sur des tempos lents, étirés même. Brigitte Bühlmann interprète alors à sa façon sauvage et cool chaque chanson d’une durée idéale d’environ 3 minutes. Si elle se laissse prendre par ce qu’elle chante, elle sait nous guider dans son univers musical, avec l’intrication d'intonations troublantes et d’un piano complice.
Beautiful Love se veut minimaliste et organique, loin du bruit et de la fureur de bien des albums de chansons actuelles sans l’obligation de scat effréné ou de vocalises ahurissantes.

Un groupe convaincant à écouter aussi en live. Un premier album qui en a le charme et les promesses.

 

Sophie Chambon

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4 février 2025 2 04 /02 /février /2025 15:51

 

 

Nicolas Fargeix, Élodie Pasquier (clarinettes Sib), Emmanuelle Brunat, Florent Pujuila, Louis Sclavis (clarinettes Sib, clarinettes basses), Catherine Delaunay (clarinette Sib, cor de basset), Thomas Savy (clarinette basse), Laurent Dehors (clarinette Sib, clarinette basse, clarinette contrebasse), Éric Echampard (batterie), Claude Tchamitchian (contrebasse), Andy Emler (piano, compositions)

Malakoff, 22-25 avril 2024

Peewee! PW 1016 / Socadisc & Believe


 

Une fois encore, Andy Emler fait un pas de côté, là où on ne l’attendait pas forcément. Parallèlement au déjà historique Megaoctet (35 ans d’âge), qui comme son nom ne l’indique pas vraiment, est un nonette, il rassemble un endekaband (onze membres, comme le suggère cet emprunt que je fais au grec ancien). Autour du tout aussi historique trio qui l’associe depuis plus de 20 ans à Claude Tchamitchian & Éric Échampard, il a rassemblé huit clarinettistes virtuoses, venus du jazz et de la musique improvisée, parfois aussi de la musique classique ou contemporaine, pour une véritable aventure musicale, esthétique et artistique qui, comme toujours avec Andy, bouleverse nos repères. Une écriture survoltée et subtile, souci permanent de la surprise, de l’audace, bref du plaisir de la musique, accueille ces solistes à qui s’offre un terrain de jeu, et de liberté. Le trio produit sa force propulsive, mais aussi son authentique sens des nuances, et les clarinettistes donnent leur meilleur, en termes de libre imagination, ce que permet leur impeccable maîtrise instrumentale et musicale. C’est un pur régal, et je dirais même que l’écoute est intensément jouissive.

Xavier Prévost

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Des avant-ouïr sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?v=DI3I0wRy2a8

https://www.youtube.com/watch?v=YrAC_rlCreY

https://www.youtube.com/watch?v=e2PHrJUFL1

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Le groupe est en concert à Paris, au Studio de l’Ermitage, les 5 & 6 février 2025

 

ANDY EMLER «Le Temps est parti pour rester»
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27 janvier 2025 1 27 /01 /janvier /2025 10:35

Alex KOO : « Blame it on my chromosome »

Werf records

Alex Koo (p), Dré Pallemaerts (dms), Lennart Heyndels (cb) + Ambrose Akinmusire (tp sur plusieurs titres)

 

Derrière ce titre un peu énigmatique ( qui fait référence au célèbre standard « Blame it on my youth ») se cache un non moins énigmatique pianiste puisque Alex Koo, il faut bien le reconnaître est relativement peu connu sous nos contrées.

Atypique déjà dans son environnement familial puisque Alex Koo est le fils d’un missionnaire belge envoyé au Japon dans les années 70 et d’une mère militante activiste pour la Paix. En faire pour autant un artiste inclassable serait abuser du langage et des concepts puisque, lorsque l’on écoute cet album qui paraît ces jours-ci, c’est profondément un album de jazz, avec ses idiomes et son identité qui nous est révélé. Le jeune pianiste ne renie pas qu’il a été élevé dans un environnement très jazzy. Et d’ailleurs, de très grands noms de cette musique se sont déjà penchés sur lui comme Kenny Werner, Brad Meldhau ou Kurt Elling. Excusez du peu. A noter aussi que son album, Applebluesgreen  ( sous le nom d’Alex Koo Derudder) avec Mark Turner et Ralph Alessi avait été classé parmi les  meilleurs albums  de l’année par le magazine Downbeat. Re-excusez du peu !

« Blame it on my vhromosome » respire le jazz déjà par ses compositions à la fois brillantes d’intelligence et emballantes par la fluidité des harmonies et de leurs progressions. L’album c’est aussi une réussite d’un magnifique trio à la rythmique de haut vol. Dré Palleamaerts, on le connaît très bien sous nos contrées et son drive est irrésistible. On connaît moins le contrebassiste Lennart Heyndels qui nous a franchement bluffé sur cet album par la force tranquille qu’il dégage. Mais, à tout seigneur tout honneur, toute la lumière revient sur le pianiste Alex Koo qui est ici une véritable découverte. L’école Brad Meldhau n’est pas loin. Ca sent le jazz à plein nez.  Les harmonies sonnent en clair-osbcur avec quelques rappels à une pop façon Radiohead. Ca va chercher dans des formes un peu labyrinthiques mais toujours avec la grâce de l’élégance.

Et lorsqu’un invité de la dimension du trompettiste d’Oakland, Ambrose Akinmusire vient apporter sa pierre à l’édifice, cela touche au grand art. La force qu’apporte Ambrose Akinmusire et l’expressivité qui va avec, confirme si besoin en était qu’il est bien l’un des plus grand trompettiste actuel. 

Au final un album totalement séduisant qui permet d’entrer dans l’univers d’un pianiste prometteur. A suivre….

Jean-Marc Gelin

Alex Koo Trio | live @ Flagey | feat. Jean-Paul Estiévenart

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27 janvier 2025 1 27 /01 /janvier /2025 09:35

Enregistré aux Studios de la Buissonne, (84210) en novembre et décembre 2023.
La Buissonne/ L’autre distribution.
Paru le 24 janvier.  

       Entrant dans sa vingtième année, le grand orchestre Danzas, animé par Jean- Marie Machado, trace sa voie avec une juvénilité créatrice doublée d’une ouverture sur le monde qui forcent toujours l’admiration et enchantent. Son patron, compositeur et instrumentiste (piano), tire son inspiration de ses différents territoires (la Méditerranée de sa naissance, la Bretagne, sa résidence partagée avec le Val de Marne) sans oublier le jazz « canal historique » et les musiques européennes sans frontières. Ensemble mixte dans tous les sens du terme, Danzas regroupe interprètes de jazz et musiciens de formation classique.


       « Collecteur éternellement fasciné par les pépites de son patrimoine, explorateur de mélodies et de rythmes différents » selon Alain Surrans, directeur général d’Angers-Nantes Opéra (extrait du livret), Jean-Marie Machado poursuit cette quête dans « SINFONIA ». Donnée sur scène ces dernières années, cette œuvre signée du chef d’orchestre nous est proposée ici en version studio, qui met en relief l’ampleur des mouvements d’ensemble et la dentelle des solos.

       A la direction d’orchestre, Jean-Charles Richard (délaissant pour l’occasion ses saxophones) réussit ces alliances (alliages) sonores improbables où l’accordéon converse avec le tuba, le (trop rare) saxhorn, un quintette à cordes (trois altos, deux violoncelles), dans cet ensemble sans batterie mais avec deux percussionnistes (marimba, vibraphone, glockenspiel). « L’ouverture d’esprit n’est pas une fracture du crâne », assurait Pierre Desproges. Jean-Marie Machado illustre avec Sinfonia que garder les oreilles et les yeux ouverts permet de sortir des sentiers battus et d’arpenter des contrées de rêve. Un album chaleureusement recommandable aux amateurs d’envolées lyriques et de liberté (à tous pour résumer).

 

        DANZAS : Jean-Marie Machado (piano et compositions), Jean-Charles Richard (direction), Cécile Grassi, Cécile Grenier, Gwenola Morin (alto), Guillaume Martigné et Clara Zaoui (violoncelle), Marc Buronfosse (contrebasse), Elodie Pasquier (clarinettes), Stéphane Guillaume (saxophone ténor, flutes), Renan Richard (saxophone baryton et soprano), Tom Caudelle (saxhorn), François Thuillier (tuba), Didier Ithursarry (accordéon), Joachim Machado (guitare), Marion Frétigny et Aubérie Dimpre (percussions, marimba, glockenspiel).

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

       Jean-Marie Machado présente ces temps-ci avec le groupe Danzas son premier opéra « La falaise des lendemains » dans une mise en scène de Jean Lacornerie et avec une direction musicale de Jean-Charles Richard. Proposé en trois langues (français, anglais et breton) il évoque le destin tragique de huit personnages lors de la première guerre mondiale ayant pour décor le port de Roscoff.
       Nantes, théâtre Graslin du 26 février au 1er mars, Angers, opéra, le 24 avril.

 

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