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15 janvier 2025 3 15 /01 /janvier /2025 15:49

 

Emily Remler (guitare), Cocho Arbe (piano), Carson Smith (contrebasse), Tom Montgomery & John Pisci (batterie)

Las Vegas, 1984 &1988

Resonance Records (2 CD ou 3 LP)

https://resonancerecords.org/product/emily-remlercookin-at-the-queens-live-in-las-vegas-1984-1988-2cd/

 

Dans un hôtel de Las Vegas, où Shirley Horn avait aussi joué, NPR, la radio publique états-unienne, avait enregistré ces concerts d’une guitariste disparue très prématurément en 1990 à l’âge de 32 ans. Sept disques de son vivant, mais il fallut attendre 34 ans pour que Zev Feldman, grand exhumateur de trésors enfouis, publie ces beaux moments de jazz moderne dans la plus pure tradition surgie des années 50-60. Des standards (de Broadway, mais pas que : Autumn Leaves, alias Les feuilles mortes….), des classiques du jazz des années 50 (Moanin’ -celui de Bobby Timmons et des Jazz Messengers-, Tenor Madness , All Blues), des monuments du bop (Hot House) et du Brésil (How Insensitive, Manha de Carnaval) et les indispensables évocations de Wes Montgomery, dont Emily Remler était une admiratrice (West Coast Blues, D Natural Blues). Beaucoup de vigueur et d’énergie, mais aussi d’infinies délicatesses (You Don’t Know What Love Is). Avec de surcroît un copieux livret plein de souvenirs de musiciens et musiciennes. Indispensable à qui n’a pas oublié Emily Remler (comme votre serviteur), et à ceux qui auront la chance de la découvrir.

Xavier Prévost

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8 janvier 2025 3 08 /01 /janvier /2025 15:41

 

Bill Evans (piano), Eddie Gomez (contrebasse), Marty Morell (batterie)

Kongsberg (Norvège), 26 juin 1970

Elemental Music 5990547 / Distrijazz. Existe en CD et vinyle)


 

Enregistré une semaine exactement après le concert de Montreux 1970 («Montreux II», CD Columbia COL 481264 2, origine CTI), et avec un programme différent (un seul doublon, 34 Skidoo, et dans une version très sensiblement différente : plus sereine, peut-être). Le festival de Kongsberg, créé en 1964, célébrait en 2024 ses 60 ans, et ce fut l’occasion d’exhumer cet enregistrement réalisé par un ingénieur du son de la NRK, la radio publique norvégienne. On a publié ‘à tour de bras’, ces dernières années, beaucoup d’inédits du pianiste en concert. Intérêt variable souvent, sauf pour les evansolâtres, mais cette fois la pêche est bonne. Moins de pression qu’à Montreux, comme le révèlent les entretiens publiés dans le livret, dont une conversation avec Bill Evans pour la radio au lendemain du concert. Beaucoup de liberté dans les intros et les impros, une interaction palpable entre les trois, bref un très beau concert (et le plaisir de retrouver Gloria’s Step, divine composition de Scott LaFaro). Belle restitution du son, avec une petite table de mixage mise au point depuis peu par le directeur du festival et l’ingénieur du son, tous deux enseignants à cette époque dans une école d’ingénieurs, l’enregistrement se faisant en ‘direct 2 pistes’ sur un Revox A 77. Ici ou là peut-être un coup de potentiomètre un peu vif qui éloigne légèrement, pour quelques secondes, la présence du piano. Beau document, très beau concert, avec en plus un livret très fourni de documents, témoignages et analyses. On se précipite !

Xavier Prévost

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7 janvier 2025 2 07 /01 /janvier /2025 22:05

Zool Fleischer (piano, piano électrique, synthétiseur), Franck Agulhon (batterie), Marc Bertaux (contrebasse)

Villetaneuse 8-9 mai 2023

Zoolman Prod / Inouïe distribution


 

F comme Fleischer, A comme Agulhon, B comme Bertaux : un trio de FAB qui fait un clin d’œil (affectueux ? Ironique ? Nostalgique?) à certains ‘Fab 4’ de Liverpool. Manière aussi d’affirmer que ce trio est à nul autre pareil. Parce que, depuis 4 décennies, Zool le trop rare affiche un singularité jamais démentie. Singularité du compositeur (l’immense majorité des thèmes du disque, avec seulement un Goodbye de Gordons Jenkins, très copieusement zoolifié, et une citation d’Ornette, voire de Monk). Singularité du pianiste improvisateur, qui navigue en funambule entre les influences du jazz funky des années 50 (il y a d’ailleurs un thème pour Horace Silver –mais aussi un autre pour Billy Strayhorn, et Burt Bacharach, et Scarlatti, le fils, Domenico- ….), et entre les gammes par tons, les pirouettes harmoniques, et un groove d’enfer ! Avec de multiples jeux de langage (musical, phonétique, allusif….) ; et des respirations mélancoliques. Le désormais vieil amateur que je suis se délecte de cette navigation en eaux turbulentes. Quand j’écoute ce pianiste, ce trio, ce disque, je me dis : le jazz (les jazz.s), c’est ça !!! Jouissif au degré suprême. Pourquoi donc Zool, Prix Django Reinhartd de l’Académie du Jazz en décembre 1985, est-il si rare, sur disque ou sur scène ? Grand disque, tout simplement….

Xavier Prévost

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Le trio sera en concert le 6 février à Paris au Sunside

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Un avant-ouïr sur Youtube

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5 janvier 2025 7 05 /01 /janvier /2025 18:57
BAPTISTE CASTETS                      Patience

Baptiste Castets                    Patience

 

Fresh Sound New Talent

 

Cet album serait-il passé sous les radars de la critique en cette fin d’année? Ce serait vraiment regrettable tant il nous semble avoir des qualités. Tâchons de rattraper l’affaire...

Point de fougue et d’énergie survoltées mais un sens du rythme qui fait dresser l’oreille. Normal, c’est Patience le premier album en leader du batteur percussionniste Baptiste Castets (sorti chez Fresh Sound New Talent) qui eut le temps ou le prit du moins pendant la pandémie pour composer une partition à la mesure des musiciens qu’il avait réunis autour de lui. Il entraîne son groupe avec un sens réel de la cohésion dans dix titres qui prennent le temps de se déplier, enchaînant sans effort des compositions ouvertes, libres. Une “musique de chambre” d’une grande clarté dans l’articulation que peaufinent des perfectionnistes du trait, habiles à rester dans ces paysages introspectifs en variant dans un même morceau dynamiques et couleurs.

La séduction est immédiate avec une attention constante à la qualité des timbres qui jouent entre eux avec élégance. Une musique plus complexe qu’il n’y paraît au premier abord tant l’une des qualités de cet album est de se laisser prendre  par la mélodie. On découvre ensuite les harmonies subtiles, combinaisons raffinées, délicats contrepoints entre sax ténor et trombone, échappées libres du contrebassiste sur Histoire de mélancolie avant que le trombone ne prenne la main.

Une légereté soutenue et insistante, une respiration continue dans l’espace de jeu : sur l’assise installée par une rythmique discrète mais solide, les soufflants qu’ils soient à l’unisson, solistes ou qu’ils alternent les rôles, s’épaulant l’un l’autre font assurément pencher l’équilibre de l’ensemble en leur faveur. On aime retrouver le timbre au ténor et au soprano de Frédéric Borey, la découpe élaborée de son phrasé. Patience exactement au mitan de l’album est peut être l’acme du disque. Quant au tromboniste Sebastien Llado, il se refuse à sonner trop cuivré, ce qu’il sait faire par ailleurs. Il y a quelque chose de retenu, de ténébreux, de velouté dans ce Mille Nuits lascif et chaloupé qui nous raconte une histoire, le piano en osmose avec la batterie avec les soufflants qui viennent se lover dans la chair musicale de la pièce. Offensifs sans être jamais  agressifs, ils se livrent avec une intensité délicieusement tempérée, en frémissements contrôlés, comme en liberté surveillée.

Ce jazz sans aucun esbroufe sait être tendre et fort, mélodique et incisif, chantant et désirant. Le compositeur laisse ses partenaires suffisamment libres jusque dans la fragilité même assumée comme une délicatesse. Baptiste Castets sait jouer des combinaisons qui se dégagent de la formule du sextet. Quand sax et trombone se taisent, le piano reprend ses droits et s’écoute alors un “classique” trio jazz, ce qui n’est pas non plus pour nous déplaire.

On remarque des ruptures de rythme, césures, reprises de thème souvent élégiaque au sein d’une même composition qui flotte alors fantasque ou entraîne dans une transe hypnotique. Une dramaturgie dénuée de pathos mais non d’émotion soulignant l‘ambiguité de ces heures alors indécises. Une singulière façon de raconter la fugacité de l’instant, la précarité de la période où exaltation et mélancolie s’imbriquèrent profondément. Une rêverie épurée, en apesanteur jusque dans le dernier Adios qui appelle le silence et pourtant semble se complaire dans l’inachèvement.

 

Sophie Chambon

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4 janvier 2025 6 04 /01 /janvier /2025 16:40

Jean-Charles Richard / saxophones soprano & baryton

Éric Löhrer / guitare électrique

Layrac (Lot-et-Garonne), 8-9 septembre 2023

Subsequence - L’heure du loup SBS 240901 / Inouïe Distribution


 

Plaisir de voir venir un nouveau disque du trop rare Éric Löhrer, guitariste tout terrain mais, surtout, jazzman de (très) grand talent. Plaisir redoublé de le trouver en une compagnie d’excellence, avec Jean-Charles Richard, Maître-musicien, et improvisateur de haut vol. Et pour faire de cette rencontre une fête pour l’ouïe, le choix d’un répertoire évoquant Steve Lacy : les thèmes qu’il a composés, joués avec ses partenaires, les repères de ses admirations ; et aussi des compositions d’Éric Löhrer suscitées par son goût pour ce considérable musicien.

On trouve là un thème de Cecil Taylor, Louise, enregistré par le pianiste en 1959 sous le titre de Little Lees. Lacy avait enregistré dès 1955 avec Taylor : les aventuriers de la musique savaient se reconnaître…. Et Lacy avait gravé ce thème, sous le titre de Louise, en1960 («The Straight Horn Of Steve Lacy»). Des thèmes de Monk aussi (Lacy en était un fan absolu, et il a joué ses compositions toute sa vie durant) : Evidence & Bright Mississippi. Et bien sûr quatre thèmes signé Lacy, issus de ses dernières périodes. Sans oublier les compositions du guitariste, inspirées par ce projet.

Les deux musiciens ont une relation privilégiée avec la musique de Lacy : pour le guitariste, le premier concert de jazz, quand il avait 16 ans, ce fut le duo Lacy – Mal Waldron, qui le marqua pour toujours. Quant au saxophoniste, il a étudié avec Steve cet art du soprano, et plus largement d’une musique qui fuit les sentiers rebattus pour prendre le chemin du Grand Art. Pour les thèmes de Monk, il passe au baryton, mais sans se départir de ce sens du dialogue qui fait la valeur de tout ce qui se joue dans ce disque.

Leur musique respire ce mélange de maîtrise et de liberté qui prévalait dans l’univers de Lacy, avec une qualité d’expression remarquable. Au soprano Jean-Charles Richard ne joue pas l’épigone, mais il fait fructifier une certaine idée de cet art singulier. Et la guitare d’Éric Löhrer est sans cesse en dialogue avec l’intimité de la musique. Une totale réussite !

Xavier Prévost

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Le duo sera en concert le 23 janvier à 19h30 au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris dans le cadre de l’exposition consacrée au sculpteur suisse Hans Josephsohn ; et aussi le 12 avril à La Fraternelle de Saint-Claude (Jura)

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Un avant ouïr sur Youtube

 

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3 janvier 2025 5 03 /01 /janvier /2025 17:45

Jazz family 2025

Jérôme Masco (ts), Kira Linn (bs), Nolwenn Leizour (cb), Nicolas Girardi (dms)

Si vous aimez les albums pianoless de Gerry Mulligan et notamment le fameux album avec Stan Getz, cet album-ci, le premier du saxophoniste Jérôme Masco devrait assurément vous plaire.

Au départ il s’agit d’une rencontre entre le jeune ténor Jérôme Masco et la saxophoniste baryton venue d’outre-rhin, Kira Linn. Tiens, un ténor et un baryton, cela ne vous rappelle rien ? Bien sûr la fameuse rencontre Stan Getz et Gerry Mulligan !

Et c’est sur cette affinité commune que les deux saxophonistes ont conçu leur collaboration. Non pas pour en faire une pâle copie mais plutôt dans l’idée d’amener ces deux jeunes musiciens bourrés de talent, sur leur propre terrain au travers de compositions riches, avec un sérieux sens du dialogue et surtout du contrepoint. Sans instrument harmonique, cette rencontre est délicate à souhait. Raffinée dans le cool ! Elégante dans son expression. Où l’on découvre ce beau quartet et ce son si particulier qui associe le ténor et le baryton dans un entremêlement des lignes mélodiques qui contre-chantent et s’envolent solitairement pour se rejoindre en totale fusion, telle une danse aérienne.

Jérôme Masco outre sa magnifique écriture imprime un lyrisme tout droit venu du bop. Le saxophoniste bordelais y imprime à la fois un sens mélodique tout en son feutré mais aussi un swing au balancement suave. C’est une belle révélation. Quant à la saxophoniste baryton Kira Linn, c’est un véritable coup de coeur pour nous avec là aussi un sens du groove et un force tranquille que ne renierait pas un Pepper Adams.

On est là au cœur de l’acoustique avec une chaleur du timbre soutenue par une rythmique (sans piano on l’a dit) impeccable dans son rôle de maître des horloges avec Nolween Leizour à la contrebasse ( dont on aime le son boisé) et Nicolas Girardi aux peaux frémissantes et subtiles.

On dit que pour savoir où l’on va il faut savoir d’où l’on vient. C’est exactement ce qu’exprime cette musique. Elle possède à la fois, des racines bien ancrées dans cette histoire du jazz mais aussi des ailes qui emportent ses protagonistes ailleurs, sur leur propre terrain de jeu.

On est totalement sous le charme.

Jean-marc Gelin

 

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31 décembre 2024 2 31 /12 /décembre /2024 09:29

SEBASTIEN JOULIE Group :  «  Loaded »

Fresh Sound new talent 2024

Sébastien Joulie (g), Stefan Moutot (ts), Benoît Thevenot (p ; kybds), Michel Molines (cb), Chalres Clayette (dms)

Et voilà bien le plus New-yorkais des guitaristes français qui nous arrive avec son nouvel album sous le label Fresh Sound New talent. S’il y a bien quelque chose que l’on peut reconnaître à Jordi Pujol , le patron du label catalan, c’est bien d’avoir de très grandes oreilles et d’aimer la musique que l’on aime. Celle qui fait du bien quand elle passe entre les nôtres. Et quand il mise sur le 4eme album du Sébastien Joulie Group on peut lui faire confiance, les yeux fermés et les oreilles grandes ouvertes.

Sébastien Joulie et sa bande de fidèles compagnons nous embarque en plein cœur de la cool attitude avec des composition à l’élégance d’un dandy. Tout en velours et en détachement tranquille. Mais c’est d’un dandy New-yorkais qu’ il s’agit ici. Qui ressemble à d’autres figures de grande classe comme celle de Grant Green pour l’agilité féline du hard bopper à celle de Kurt Rosenwinkel dont les harmonies teintent tout de ce d’un bleu vaporeux et sensuel.

C’est un vrai collectif qui est à l’œuvre ici. Qui tente des choses. Qui travaille sur le son, sur les structures musicales, sur la trame et sur les contrepoints ou sur les relances subtiles de la rythmique, qui varie les claviers entre acoustique et électrique et qui laisse la place à de superbes solistes dont l’avancée met en lumière les chaleurs harmoniques.

On parlait du dandisme new-yorkais, on pourrait aussi parler d’un raffinement japonisant.  Dans un geste presque zen.

Si l’ écriture est complexe, tout leur art est de la rendre fluide et agile. D’une agilité féline et souple. Et lorsque les compositions sont ici aussi riches que limpides et qu’elles sont jouées avec autant de talent par des solistes impliqués et maîtres d’un lyrisme tout en contrôle, il n’y a aucun risque que tout cela parte du mauvais côté. C’est 100% de plaisir garanti.

Réussi de bout en bout, cet album s’écoute comme on se délecte, confortablement installé au creux du moelleux d’un fauteuil club, le cigare dans une main et le whisky dans l’autre.

Un charme absolument irrésistible.

Jean-Marc Gelin

 

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30 décembre 2024 1 30 /12 /décembre /2024 09:28

Olivier Robin : «  Take it like it is »

Olivier Robon (dms, compos), Josiah Woodson (tp), Alex Terrier (as), Albert Bover (p), Fabricio Nicolas (bs)

     

         


Pourquoi faudrait-il toujours révolutionner le genre pour que cela donne du plaisir ?
Et si finalement c'était les bonnes vieilles recettes qui nous émoustillaient toujours autant les papilles auditives.
Avec un sens bien solide de la tradition du hard bop, le batteur Olivier Robin nous livre un nouvel album avec une bande de gerilleros du jazz, venus de tous les pays et rompus à celle du hard-bop. En toute universalité.
Alors, ça joue sans compter. Les compos sont limpides et ça sent la moiteur des clubs de Jazz et les verres de whisky qui s'entrechoquent. Les solistes élèvent le niveau dans ce qui fait la magie de cette musique : l'engagement individuel et le sens du collectif dans une atmosphère spontanée.
Les cuivres sont sur le ring avec un Josiah Woodson étincelant à la trompette et Alex Terrier en sax fougueux au lyrisme indomptable. Mention particulière pour le groove du catalan de l’équipe, Albert Bover au piano.
Ça bouillonne et c'est nerveux tout comme il faut, cool tout comme il faut, ténébreux tout comme il faut, avec des étincelles tout comme il faut et des mèches porteuses de dynamite tout comme il faut.

Un album à faire battre le tempo du pied et dodeliner de la tête. L’énergie est communicative.


On aime et on en prend sans modération. D'ailleurs c'est bien simple, cela devrait être remboursé par la sécu.
Jean-Marc GELIN

 

https://youtu.be/DCs-e1KkUC0?si=UEOcnM8GR03DLHr1

 

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25 décembre 2024 3 25 /12 /décembre /2024 18:48
CHRISTIAN  LAURELLA          Détours

CHRISTIAN L AURELLA        Détours

 

 

Sur les routes d’Europe

avec Chet Baker, Art Blakey, Dizzy Gillespie, Archie Shepp, McCoy Tyner, Ahmad Jamal, Jaco Pastorius, Tony Williams, James Carter...
 

Lenka Lente
Décembre 2024

Détours de Christian Laurella / Editions Lenka lente

 

Après le tendu Jusqu' à la corde de Marc Ribot, dans un tout autre genre, un livre plus divertissant, voilà le bien nommé Détours, toujours chez Lenka Lente de Christian Laurella, musicien qui troqua un temps cymbales et batterie contre la casquette de tour manager et accompagna ainsi en tournées nombre de jazzmen américains parmi les plus célèbres de Chet Baker à James Carter, sans oublier Jaco Pastorius (pas les plus faciles). On retrouve très souvent Ahmad Jamal pour lequel il éprouve une affection particulière que lui rendait d'ailleurs le pianiste en le qualifiant de "chef d'orchestre" du tour.

On suit Christian Laurella sur les routes d’Europe dans le dur métier d’accompagnateur-superviseur, un rôle plutôt ingrat qui consiste à s’occuper de tout et de tous en voyage, de régler les innombrables problèmes logistiques d’hébergement, de transport, de bagages. Avoir une vie de super roadie, incroyablement excitante mais pas de tout repos, à bride abattue.

Premier levé, dernier couché, toujours en piste, véritable tampon entre organisateurs de concerts, musiciens et agents, le travail exige de materner les musiciens pour qu’ils arrivent en forme au concert. Mais les tracas ne font souvent que commencer car il faudra veiller à l’après-concert et au départ du lendemain, donc s’assurer que tout soit en place à l’heure prévue, les taxis ou les bus pour les transferts et bien entendu  s'assurer que les musiciens soient réveillés et d’attaque pour un nouveau départ. Ce qui est loin d’être évident. Faire preuve d’une patience infinie, de diplomatie et de psychologie et d’ une adaptabilité à tout épreuve. Car ce qui peut arriver en route est souvent inimaginable : hôtels éloignés, surbookés ou ne répondant pas aux exigences du manager, vols retardés voire annulés, enregistrements perturbés, bagages égarés, caprices des musiciens... Pour qui a accompagné des groupes de touristes français ou étrangers en voyage organisé, cela rappellera le quotidien du tour leader…

Avec humour et au fond beaucoup de tendresse pour tous ces musiciens souvent géniaux mais aussi fantasques, Christian Laurella nous livre avec un sens inné du rebond-il a écrit des polars et il s’y connaît en suspense, de formidables portraits backstage où les anecdotes aussi savoureuses qu’insolites créent un vrai plaisir de lecture. On partage son stress, on admire sa débrouillardise et on comprend sa jubilation quand tout s’est bien terminé. On connaît aussi les manies des musiciens, espèce très particulière, qu'ils soient "second couteaux" ou stars ( Ceux qui dorment debout, Sportifs et grands hôtels...). 

Ces Détours se lisent d’un trait ou se picorent au hasard de titres qui savent "teaser"... Une lecture hautement recommandable et complémentaire de celle de Marc Ribot. 

 

Sophie Chambon

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25 décembre 2024 3 25 /12 /décembre /2024 18:18
MARC RIBOT            Jusqu’à la corde

MARC RIBOT Jusqu’à la corde

 

Editions Lenka Lente

Home / Editions Lenka lente

 

Jusqu'à la corde de Marc Ribot / Editions Lenka lente

 

 

On connaissait le guitariste atypique de l'avant-garde new yorkaise, flamboyant accompagnateur des Lounge Lizards de John Lurie, de chanteurs Tom Waits, Susanna Baca et surtout compagnon indéfectible des projets excentriques autant que prolifiques de John Zorn. Mais pouvait-on imaginer qu’il ajoutait une corde supplémentaire à son art en écrivant et drôlement bien, d’un style alerte et imagé des nouvelles sèches, épurées, des réflexions sur la musique et les musiciens, sa vraie passion et des souvenirs toujours passionnants qui éclairent une personnalité pour le moins complexe? Sauf que jamais complaisantes, ses confessions ne sont peut-être pas aussi exactes que sa franchise nous le laisserait penser. Néanmoins quand il évoque certains musiciens qu’il admirait et avec lesquels il a joué, qu’il a connus de près comme le contrebassiste Henri Grimes, les guitaristes Robert Quine et Frantz Casseus, son modèle, le ton est particulièrement juste. Perdants plus ou moins magnifiques que l’Amérique laisse de côté, sur le carreau.

On peut commencer par une préface édifiante Marc Ribot écrivain de Lynne Tillman, romancière qui suit le travail de Ribot depuis longtemps que complète la postface de sa traductrice Isabelle Blandin (Jusqu’à la corde,  jolie trouvaille pour rendre le titre original Unstrung) s’entretenant librement avec le musicien Bruno Meillier. Une chambre d’écho en somme qui éclaire cet auto-portrait en creux, cette drôle d’autobiographie qui révèle un musicien attachant, profondément engagé dans l’existence. On retrouve une indéniable volonté militante dans le texte du livret de son album Song of Resistance 1942-2018 (Anti-records), chansons des luttes sociales américaines, des grèves du début du XXème siècle que reprenait Joan Baez par exemple dans la chanson Bread and Roses.

La lecture de ces divers textes complète le puzzle Ribot, le mystère de ce musicien peu loquace qui s’immerge complètement en concert, penché sur sa guitare. Il compose ses histoires comme ses musiques, au plus près des mots comme des sons. Des récits qui montrent une face sombre, plus désespérée encore que mélancolique, sensible à l’absurdité du réel, témoin d’une civilisation en crise. Cette noirceur est estompée quelque peu par un humour qui contamine jusqu’à son usage du son où il “abuse” souvent du tremolo et du vibrato, le décalage (sa signature) dans ses groupes depuis Cubanos postizos ou Ceramic Dogs, une pratique qui lui sied comme celle du collage pour Zorn. Il privilégie le déroulement de la ligne mélodique sur l'enchaînement des formules et autres gimmicks chers aux guitaristes les plus renommés.

On retiendra peut être de ce feuilleté de Jusqu’à la corde la partie consacrée à la musique, aux musiciens, aux guitares avec Mensonges & Distorsion, Y’a peut-être un truc à explorer là (Trois courts riffs sur Derek Bailey ) qui évoque le solo absolu, l’improvisation libre jusqu’au point de non-retour. Sans doute la plus instructive pour tout amateur de musique un peu pointu ou simplement fan de ce guitariste culte. Mais on peut aussi être séduit par une série de textes On est tous gagnants, plus ou moins fictionnels, récits de diverses longueurs,  les souvenirs ( La tournée qui dura vingt trois jours, Prendre un souvenir dans ses bras) et découvrir avec intérêt ses observations et réflexions sur son pays (Hymne à l’Amérique), sur la judéité (Kadish pour Joan) et la notion d’apatride à New York. Un blues de l’homme blanc américain. Dans l’avant-dernière rubrique assez stupéfiante, Ribot a l’oeil caméra avec ses Notes de mauvaises intentions cinématographiques, des scénarii non filmés, films infilmables comme il les appelle et que l’on aimerait pourtant voir… Le livre s’achève sur des textes en roue libre Veuillez nous excuser nous rencontrons quelques problèmes techniques. Toujours cet humour féroce pour un amour vache de l’existence.

Loin d’un certain effet disparate, ce patchwork de textes dont certains furent déjà publiés dans des revues, forme un ensemble qui se tient alors que l’on peut attraper et tirer la corde par n’importe quel bout. Ses textes le racontent dans tous ses états, entre observation et méditation, doute et émotion, colère froide souvent. Ah! Ribot! Cavalier seul terriblement attachant.

 

Sophie Chambon

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