Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
29 octobre 2024 2 29 /10 /octobre /2024 10:21

Blue Note 2024

Walter Smith III ( ts), Jason Moran (p), Reuben Rogers (cb), Eric Harland (dms)

Allo Houston : Walter Smith sur orbite ! 

 

«  Trois d’entre nous sommes de Houston mais Reuben ne l’est pas ». Drôle de titre pour cet album !  Car s’il y a bien quelque chose qui émerge de ce nouvel opus c’est bien justement la cohésion de cette formidable formation que Reuben Rogers soit de Houston ou qu’il ne le soit pas.

On voudrait éviter les superlatifs s’agissant de ce nouvel opus que l’on aurait bien du mal puisque ce nouvel album du saxophoniste est peut être le meilleur depuis « Return to casual ».

Avec « Three of us…. » Walter Smith III s’inscrit en effet dans la lignée des très grands ténors américains et perpétue une tradition qui vient de loin et dont il partage les secrets avec Joshua Redman. Avec cet album, en effet le saxophoniste apporte une nouvelle preuve de ce que ce jazz-là est bien vivant et qu’il se porte bien.

Et c’est, à tout seigneur tout honneur Walter Smith III au premier chef, avec ses compos mais aussi avec son agilité de chat en éveil, capable de faire surgir un lyrisme aussi souple que velouté que revient tout le mérite. Le saxophoniste y déploie une sorte d’élasticité toute sensuelle, servie par une rythmique assez exceptionnelle, il faut bien le dire ( un peu la Rolls des rythmiques aujourd’hui).

Et puis il y a le feu « Jason Moran ». Celui qui est capable d’allumer des petites étincelles là où on ne les attend pas. Celui qui sort toujours des sentiers battus pour éveiller l’oreille dans une sorte de contrepied émoustillant.

Qu’on se le dise, ce nouvel album de Water Smith est un masterpiece.

A faire écouter dans toutes les écoles de jazz .

Jean-Marc Gelin

Partager cet article
Repost0
28 octobre 2024 1 28 /10 /octobre /2024 16:53

 

Visiblement dans le jazz, à force de vouloir inventer des modèles économiques qui tiennent la route, il semble que la presse en oublie le sens de certains mots qui, s’agissant du 4eme pouvoir devraient tomber sous le sens : déontologie ? indépendance ? liberté de la presse ? Conflit d’intérêt ?

C’est le triste constat que l’on peut faire lorsque le rédacteur en chef d’un journal se retrouve nommé à la tête d’un nouveau label lié par son actionnariat à ce même journal. Déjà là on sent que ça ne va pas bien tourner cette histoire et que le mélange des genres n’annonce pas grand-chose de bon au niveau des grands principes que l’on s’obstine pourtant à défendre.

L’étape suivante est annoncée et logique : ce même journal chronique par le biais de ses pigistes l’album sorti de ses propres productions. Imaginer que ces journalistes écrivent en toute indépendance serait surréaliste. Il ne s’agit pas d’un procès d’intention mais d’une logique implacable auquel le modèle économique circulaire doit se soumettre.(Quelle crédibilité accorderiez vous à un journaliste du groupe Bolloré qui irait faire un reportage sur… Bolloré ?)

Dès lors c’est gênant et c’est gênant pour tout le monde (quelle que soit la qualité de la production musicale). C’est gênant parce que tout, dans cette histoire est entaché de soupçon et donc forcément totalement délégitimé.

C’est gênant pour l’artiste, c’est gênant pour le journaliste et c’est gênant pour les autres productions qui sont en concurrence sur le marché, c’est gênant pour toutes les instances qui gravitent autour du jazz et au final c’est gênant pour le sérieux de toute la profession.

Mais rassurez-vous il y a bien une solution toute simple pour sortir de cet environnement un peu nauséabond : se pincer le nez et regarder ailleurs.

Jean-marc Gelin

Partager cet article
Repost0
26 octobre 2024 6 26 /10 /octobre /2024 10:41

   Le photographe Guy Le Querrec, bien connu pour son travail sur le jazz (et pas seulement), membre de la prestigieuse agence Magnum depuis 1977, a reçu le 24 octobre à Redon (Ille et Vilaine) où il réside la croix d’Officier des Arts et des Lettres « pour la constance et la qualité de sa contribution au rayonnement de la création artistique française ».  

 

     François Lacharme, président honoraire de l’Académie du Jazz, qui lui a remis les insignes de l’ordre, a salué l’étonnante capacité de Guy Le Querrec à pratiquer « la culture de l’effacement » dans la pratique de son art, pour se trouver dans les meilleures conditions afin de « saisir l’instant solennel » chez les musicien(ne)s de jazz, par nature « rétifs et difficiles à capturer ». En réponse, le photographe a simplement indiqué qu’il souhaitait « se mettre au rythme » des autres et que dans son travail avec son fidèle Leica, il cherchait à « s’escamoter » pour « ajuster le déclic » au bon moment.  


     Présent à la cérémonie, le maire de Redon, Pascal Duchêne, professeur de philosophie, est resté dans le même registre en évoquant le concept grec du Kairos, l’art de « réaliser le bon acte au bon instant ».

    

      La vingtaine d’amis venus à Redon à cette occasion, représentant les mondes de la photographie, du jazz, de l’édition, a pu constater que le « héros du jour », parisien aux racines bretonnes, n’avait rien perdu de sa faconde ni de sa truculence.

 

     Lauréat du Grand prix de la ville de Paris (1998), Guy Le Querrec a traité au cours de sa carrière de différents sujets de société (la famille, les vacances…), couvert l’actualité politique (la Révolution des œillets au Portugal en 1974, la Chine, les Etats-Unis), illustré la vie quotidienne en Afrique, sans oublier la Bretagne de ses ancêtres et, ce qui lui apporta la notoriété, le monde du jazz. Son tout dernier ouvrage, paru en 2023, (« Michel Portal, au fur et à mesures ». Textes de Jean Rochard. Editions de Juillet) retrace un demi-siècle de compagnonnage avec le poly-instrumentiste. Un saxophoniste de ses proches a ainsi défini Guy Le Querrec : « il n’est pas un photographe de jazz, il est un photographe jazz ».

 

 

Jean-Louis Lemarchand, à Redon.

 

©photo Sergine Laloux et J.-L. Lemarchand

 

Partager cet article
Repost0
24 octobre 2024 4 24 /10 /octobre /2024 17:40

InnerCat music 2024

Chucho Valdes (p), Pacio el Negro Hernández (dms), José Antonio Gola (b, cb) et Roberto Junior Vizcaíno dit “Tato” (percus).

L’ode à la joie…cubaine !

Chucho Valdes est, c’est évident une des légendes du jazz. Cela ne fait aucun doute. Le pianiste cubain, fils du cultissime Bebo Valdes, signe album après album sa propre discographie, de celle que l’on retrouvera au panthéon des grands pianistes comme Gonzalo Rubalcaba entre autres.

Le nouvel album qui sort avec son quartet royal est un modèle du genre aux confins de la musique cubaine et du jazz avec, au-delà des idiomes habituels et bien connus de cette musique, un supplément de joie qui ne peut que vous transporter. Car Chucho valdes sur ses épaules de géant et au bout de ses mains immenses trimballe le soleil dans sa musique et l’héritage des grands maîtres. Chucho Valdes en ce sens est un passeur débordant de générosité. Et générosité parfois débordante aussi. A preuve ce Mozart à la Cubaine ( Mozart à la Cubana) vraiment casse-gueule mais que Chucho Valdes sort d’un prétexte pour en faire du texte à part entière avec une incroyable maestria. Ou encore cette Habanera comme une sorte d’hommage cubain à Ahmad Jamal.

Rien à jeter dans cet album de très très haute volée qui vous fera balabncer le corps, bouger les pieds et peut être même inviter un(e) joli(e) partenaire à vous rejoindre dans la danse.

Quand on vous dit que ce monde a besoin de musique ! C’est pas nous qui le disons, c’est Chucho !

Jean-Marc Gelinnh

 

Partager cet article
Repost0
22 octobre 2024 2 22 /10 /octobre /2024 21:40

 

Russ Lossing (piano solo)

Square Water Studios (Pennsylvanie), mai 2023 – janvier 2024

Songs 002CD - Blaser Music : l’autre distribution

 

J’avais écouté ce pianiste avec Paul Motian, puis je l’ai retrouvé en compagnie du tromboniste Samuel Blaser, sur disque et en concert. Cet album, sous titré ‘A suite of improvisations’,  m’a procuré un vibrant plaisir d’écoute. Pendant la première plage l’amateur de jazz que je suis (combiné à un mélomane de base friand des compositeurs du vingtième siècle) pense à la fois à Monk et à Bartók. Musique ouverte, imprévisible, qui chemine librement dans une constante musicalité, mélange de foucades virulentes et d’instants recueillis. Le pianiste a enregistré ce disque chez lui, la nuit, sur son Steinway B. La prise de son restitue formidablement toute la palette sonore, la richesse des timbres, une sorte de gourmandise sensuelle de l’instrument. Liberté tonale, insolence rythmique, et constant va-et-vient entre une fluidité virtuose et une provocation délibérée du heurt assumé : jouissif, d’un bout à l’autre !

Xavier Prévost

.

Une plage en suivant ce lien

https://russlossing.bandcamp.com/album/inventions-a-suite-of-improvisations

Partager cet article
Repost0
21 octobre 2024 1 21 /10 /octobre /2024 10:51

 

Serge Lazarevitch (guitare), Ben Sluijs (saxophone alto, flûte), Nicolas Thys (contrebasse), Teun Verbruggen (batterie)

Bruxelles, Werkplaats Walter, septembre 2022

RAT Records RAT 061

https://teunverbruggen.bandcamp.com/album/free-four

 

Un guitariste français, né en région parisienne, passé par le Berklee College de Boston, et qui a commencé sa carrière en Belgique (où il revient souvent), fut longtemps considéré, à tort évidemment, par la jazzosphère hexagonale, comme un citoyen du royaume d’Outre Quiévrain. Cet oiseau rare, c’est Serge Lazarevitch. Sa présence dans l’Orchestre National de Jazz sous deux mandats (Claude Barthélémy & Didier Levallet), et sa très importante contribution à l’enseignement du jazz dans les conservatoires de Perpignan et Montpellier, devraient pourtant certifier son appartenance à la scène d’ici, même s’il reste très actif au-delà de la Sambre, de la Meuse et de l’Escaut, comme pour ce disque.  Après ‘Free Three’ en 2016, avec Nicolas Thys & Teun Verbruggen, et ‘Still Three, Still Free’, en 2020, avec Ben Sluijs & Teun Verbruggen, le trio devient quartette pour ce nouvel opus. Ce groupe éminemment collectif nous offre un répertoire peu commun, où Federico Mompou côtoie Philip Glass, Lee Konitz, Ornette Coleman & Joni Mitchell. Avec aussi les compositions et improvisations des quatre compères. Le climat général est celui d’une sorte de cérémonie secrète où serait célébrée la musicalité. Derrière l’apparente retenue de la musique se dissimule tout un monde de tensions hardies et d’exubérance contrôlée (la relecture d’Ornette par exemple). Qu’il s’agisse de célébrer des guitaristes disparus (John Abercrombie, Pierre Van Dormael), de visiter des pépites du jazz (ou des autres musiques), ou encore d’évoquer dans des compositions personnelles les cheminement mélodiques du passé, ou des rythmes venus d’ailleurs, le quartette est toujours au maximum de sa créativité, soucieux de rappeler que le jazz est un Art Musical. Un art vivant, profondément vivant. Bref un disque totalement réussi, qui s’écoute (et se réécoute) avec bonheur.

Xavier Prévost

Partager cet article
Repost0
21 octobre 2024 1 21 /10 /octobre /2024 10:47

Blue Note 2024

Immanuel Wilkins. (as, compos), Sekai Edwards. (compos), Micah Thomas (p), Rick Rosato (cb), Kweku Sumbry (dms), June McDoom (vc), Ganavya (vc), Yaw Agyeman (vc)+ Cecil Mc Lorin Salvant (vc), Marvin Sewell (g)

Juste sublime !

 

Lorsque l'on commence à écouter "Blues Blood", quelque chose, un je-ne-sais-quoi nous renvoie immanquablement au dernier album de Meschell Ndegeocello. Serait-ce le côté oratorio ? Serait-ce la façon dont cet album est produit dans les usines de Blue Note ? Serait-ce cette obsession, pour ne pas dire « manie » des jazzmen de l'autre côté de l'atlantique de vouloir absolument signer un " manifeste" musical ? On ne sait.
En revanche, lorsque l’on regarde le communiqué de presse on voit qu'effectivement Meschell Nedegeocello est de la partie puisqu'elle a co-produit cet album. On trouve donc une forme de continuité entre son travail et celui du jeune prodige de l’alto, Immanuel Wilkins.
Mais bref, là n'est pas l'essentiel.

Car l’essentiel c’est que cet album porte fort et touche en plein. Et qu’il n’est nul besoin de sous-texte, de prétexte, de contexte ou que sais-je pour nous faire vivre cet opus et entrer dans ce qui est à ce jour l'album le plus puissant du saxophoniste.

On connaît le saxophoniste alto surdoué qui ne cesse de franchir des étapes avec, à ses côtés un autre prodige, Micah Thomas dont les schémas ascendants semblent suivre la même ligne parallèle.  Qu’une légende comme Kenny Barron décide dans son dernier album ( The Source) de s’adjoindre les services d’ Immanuel Wilkins est en soi une vraie reconnaissance, si ce n’est un sacre.

Immanuel Wilkins c’est la virtuosité alliée à la maitrise et à la douceur du dire. Jamais dans le trop et toujours dans le juste. Mais ici Immanuel Wilkins est dans une autre dimension  bien au-delà de son lyrisme. Ici c’est le compositeur et arrangeur qui nous bluffe par l’ampleur de son travail magistral et par la façon qu’il a de faire habiter sa musique. De l’habiter lui-même et de la faire incarner par d’autres. Dans cet album, il y a cet art de mettre de la densité dans sa musique qui devient à la fois très palpable et à la fois mystique.  Mais il y a aussi, comme avec Meshell, une dimension gospel qui lui vient de sa propre expérience au sein du groupe Black Monks.

Blues blood est aussi un travail sur la transmission et la réminiscence. Notamment au travers des souvenirs venus de l’enfance. Wilkins évoque des souvenirs culinaires comme une forme de transmission d’une tradition remontant au plus loin du plus loin, à l’Afrique. Sur scène, pour la représentation de Blue Blood, il est même prévu de préparer des repas en laissant les micros ouverts sur les bruits de la marmite mijotant et sur les couteaux qui coupent. Why not ? Après tout la musique est aussi une expérience sensorielle.

Mais, comme on le disait précédemment, pas besoin de se raccrocher au prétexte pour rentrer dans cette musique aussi fascinante que belle. Chargée d’émotions. Elle se suffit à elle-même dans un moment de parfaite plénitude.

Incroyablement peacefull .

Jean-Marc Gelin

 

 


 

Partager cet article
Repost0
21 octobre 2024 1 21 /10 /octobre /2024 06:28
LA PECHE         Dubrashishov 

La pêche      Dubrashishov 

 

 

Saxophone : Paul Bertin

Clarinet : Loïc Vergnaux

Guitar : François Gozlan Double Bass : Teddy Moire

Drums : Benoît Joblot
 

Home

Voilà un album que l’on laissera filer d’un bout à l’autre emporté par la formidable énergie de cette musique venue d’ailleurs. Onze titres d’un quintet balkanique de Bourgogne et alentours, découvert au dernier festival de Jazz Campus en Clunisois. A Cluny ces musiciens exceptionnels ont enflammé l’assistance lors du pique-nique traditionnel où le public apporte son repas, le festival offrant la musique. La pêche, titre de leur premier album enregistré à Tournus au Galpon est parfaitement justifié. Si vous n’êtes pas pris par les rythmes étourdissants, l’allégresse un peu folle de ce groupe, consultez!

Ces cinq potes voyageurs vous embarquent sur les rives de la Méditerranée dans une géographie de l’émotion, une sarabande étourdissante dès le premier thème Dubrashishov inspiré d’un voyage en Bulgarie qui a dû être formateur. Ils sont revenus avec des musiques plein leur musette, des mélodies qui sont exaltées par un guitariste (François Gozlan) et trois soufflants déchaînés aux sax alto et soprano, clarinette et clarinette basse, mais aussi aux divers types de flûte de la whistle (Balkan Whistle) au très particulier caval (Hora din caval) roumain, flûte à trous droite alors que le Kawal que l’on trouve sur les bords de la Méditerranée jusqu’en Egypte est oblique. Quant à la paire rythmique ( avec à la batterie l’enfant du pays Benoît Joblot) sur laquelle s’appuie les solistes, elle groove sans jamais faiblir dans une tournerie plus qu’hypnotique sur des rythmes hyper complexes. Toute une arithmétique des cadences exigeant une virtuosité soutenue qui n’exclut pas certains tours de passe-passe humoristiques à la Gérard Majax : nos gaillards escamotent les figures jouées dans des modes compliqués doriens, phrygiens, croisent les thèmes de leur musique qui ne laisse aucun répit et jamais ne s’arrête. Un folklore partisan, pas imaginaire, en contact avec les réalités des pays. Une musique qui fait penser au swing, au jazz quand il est “métaphysique de danse” disait Réda. Et on imagine bien qu’on ne peut que danser sur ces traditionnels arrangés par le collectif comme le roumain Quartet Hora ou le très court Doina des Steppes.

Les compositions proprement originales, quatre du saxophoniste flûtiste Paul Bertin, deux du contrebassiste Teddy Moire et une du clarinettiste Loïc Vergnaux ne déparent pas dans cet ensembleL’éclat et la fluidité du chant, la vitalité du cri, un souffle de liberté traversent tout l’album : les cinq jouent comme un big  band une musique mélodique et fervente pour un plaisir radical.

 

Sophie Chambon

Partager cet article
Repost0
20 octobre 2024 7 20 /10 /octobre /2024 08:48
ADELE VIRET QUARTET         CLOSE TO THE WATER

ADELE VIRET QUARTET

CLOSE TO THE WATER

 

Label LZI415/ L’Autre Distribution

www.adeleviret.com

 

Adele Viret, cello, composition

Wajdi Riahi, piano, Fender Rhodes, vocals (7)

Oscar Viret trumpet, vocals(5,7,9)

Pierre Hurty, drums

 

 

Le nom de Viret évoque sûrement quelque chose, n’est-ce pas? C’est que dans la famille Viret la musique est essentielle : avec son plus jeune frère Oscar, trompettiste, Adèle violoncelliste forme avec son père, Jean-Philippe, contrebassiste, un Triumviret savoureux et remarqué.

A vingt-cinq ans Adèle Viret a déjà une solide et belle expérience musicale ( ONJ des Jeunes Denis Badault, Sessions Medinea), des projets et de la musique plein la tête. Et ça s’entend dans ce groupe d’amis qui ont partagé de nombreuses aventures musicales depuis le conservatoire. Comment se joue cette partition très écrite, au piano pour commencer qui évolue et se fortifie en quartet? La trompette est indispensable à l’équilibre cello-piano-batterie. Oscar Viret semble à l’aise dans ce contexte : il est difficile de retrouver ses influences si ce n’est Ralph Alessi, Ron Miles? Quelque peu lunaire, voire élusif, le son droit flotte léger et fantasque.

Dans l’aventure émouvante d’un premier album, Adèle Viret, variant les nuances et climats, fait se croiser mystères, instantanés et révèle le tempérament d’une personnalité musicale à découvrir. La singulière cohérence de l’album découle de l’inspiration au plus près de l’élément liquide, sans terrain balisé pour autant : de nombreuses ruptures de rythme parfois inattendues, des dissonances à grands coups d’archet, un jazz de chambre volontiers bleuté, une musique énergique ourlée de lumières et vapeurs.

Close to the Water soit l’alternance de rivages Nord-Sud, de la Bretagne à la Méditerranée, la mer encore et toujours oriente les compositions d’Adèle, mélodies atmosphériques aussi lumineuses que mélancoliques. Le morceau-titre qui débute l’album favorise le duo batterie trompette avant que le violoncelle et le Fender n’interviennent. La mélodie peut alors se déployer.

Choral to the sea, une mélodie entêtante des Balkans dont le souffle dans le rythme ne retombe pas et Ceux qui sont loin sont deux pièces inspirées par la mer Méditerranée. La seconde, une élégiaque ritournelle, fut écrite dans le cadre enchanteur de la Fondation Camargo de Cassis, pendant une des sessions de Medinea, projet trop peu connu développé au cours du Festival d’Aix en Provence pour favoriser les échanges entre jeunes musiciens de toute la Méditerranée sous la direction du saxophoniste belge Fabrizio Cassol qu’elle reconnaît volontiers comme un mentor.

Suivent encore dans ce recueil d’impressions tournées avec élégance “Novembre” plus sombre et opaque parfois, “Made in” (Méditerranée bien sûr, le tropisme est connu à présent) où le duo fraternel se rapproche complice, mêlant heureusement leurs timbres singuliers en contraste avec l’autre duo impeccable piano et batterie. Une rythmique puissante et vigoureuse qui excelle par ailleurs dans ce singulier “The Watchmaker” qui se démarque dès le tic-tac initial : une précision toute mécanique comme il se doit dans cet exercice d’horlogerie fine.

Quant aux Courbes, comme celles de la pochette, elles s’apparentent aux vagues où se rejoignent trois voix complices au-dessus de la batterie qui concasse les sons comme des galets sur un sable rendu soyeux par le flux et reflux.

Dans ces divers tableaux, chanteurs à leur manière, les partenaires suivent une musique lyrique et retenue à la fois. Avec le quartet d’Adèle Viret, on aborde la fin de ce voyage maritime en résonance avec une prière qui s’éteint doucement.

 

Sophie Chambon

 

 

Partager cet article
Repost0
18 octobre 2024 5 18 /10 /octobre /2024 18:43

Sylvaine Hélary (flûtes,voix), Antonin Rayon (claviers, électronique), Élodie Pasquier (clarinette & clarinette basse), Christiane Bopp (trombone, saqueboute), Maëlle Desbrosses (violon alto, viole d’amour), Lynn Cassiers (voix, électronique, synthétiseur basse), Chloé Lucas (ténor de viole & basse de viole), Guillaume Magne (guitares, voix), Jim Hart (batterie), Alexis Persigan (trombone sur une plage)

Ouanne (Yonne), avril-mai 2024

Yolk Records J 2098

https://yolkrecords.bandcamp.com/album/rare-birds

 

En prélude à sa prise de fonction prochaine comme directrice musicale de l’Orchestre National de Jazz, où elle succédera à Frédéric Maurin, la flûtiste-compositrice publie un disque de l’ensemble qu’elle dirige depuis plusieurs années. La musique est inspirée par la poésie d’Emily Dickinson, à qui elle emprunte cette idée d’incandescence, celle de l’éclat de la lumière de l’après midi : «The largest Fire ever known Occurs each Afternoon», écrivait Emily Dickinson. Une musique profondément singulière, qui agrège des influences multiples, du jazz et de la musique improvisée au rock progressif en passant par les sources baroques. Un univers bâti sur un très grand sens de la forme, des couleurs, des combinaisons de timbres, et un talent particulier pour penser la musique autour des solistes choisis pour leurs qualités dans l’interprétation comme dans l’improvisation. Musique inclassable et magistralement élaborée, inspirée même. Un très subtil mélange de sons instrumentaux et d’électronique offre une palette sonore - et musicale – qui défie toute référence. La poésie d’Emily Dickinson (relayée pour une plage par un poème de P.J. Harvey) semble constituer à la fois la source et la matière de cette œuvre musicale. Ce pourrait donc être une sorte d’opéra ? Peut-être bien. En tout cas un objet artistique, une œuvre d’art même, qui tout en défiant les lois des genres nous saisit par son originale beauté. Totale réussite, qui laisse augurer un très bel avenir pour l’Orchestre National de Jazz

Xavier Prévost

.

Un aperçu de la création au Théâtre de Vanves en 2023

https://vimeo.com/846082068

Partager cet article
Repost0