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29 mars 2025 6 29 /03 /mars /2025 09:41

Editions Grasset. Mars 2025.
Roman. 206 pages.


     Cent ans après son décès (le 1er juillet 2025), Erik Satie n’a pas fini de séduire et intriguer ne serait-ce que dans la jazzosphère.  


     Ces derniers mois, sont ainsi sortis dans les bacs des disquaires GYMNOSTROPHY, rencontre de Satie et Monk, signée du Possible(s) quartet (IMR/Inouïe Distribution), chroniquée dans ces colonnes par Sophie Chambon, La MARCHE du CHIEN NOIR (Label Bleu) version big band donnée par le Red Star Orchestra, sans oublier publié en 2023 IKIRU PLAYS SATIE (Collectif Surnatiral/L’autre distribution) où Fabrice THEUILLON (saxophone ténor) échange avec Yvan ROBILLIARD (piano) sur une douzaine de compositions, y compris les célébrissimes Gnossiennes et Gymnopédies.

 

     L’écrivain belge Patrick ROEGIERS (‘Le cousin de Fragonard’, ‘l’autre Simenon’, ‘Eloge du génie’…) livre une explication : « Satie était de son temps, en avance sur son temps et hors du temps. Sa musique était intemporelle, atemporelle ».


      De son vivant, Erik Satie (qui avait troqué le c de son prénom de naissance pour un k rappelant l’origine anglaise de sa mère) connut le succès assez jeune (22 ans) avec les 'Gymnopédies' en 1888 et le scandale à 51 ans avec 'Parade' (18 mai 1917), spectacle-ballet donné au Châtelet par les ballets russes de DIAGHILEV, sur un livret de Jean COCTEAU et des costumes et décors de PICASSO. « Musicien bruitiste », lança un critique.  

 

      Économe de ses notes, « Satie composait la musique du silence, la musique sortait du silence et retournait dans le silence » résume Patrick Roegiers.
 

     Cette sobriété assurée irritait Pierre BOULEZ (allergique par ailleurs au jazz) qui qualifiait le compositeur de ‘Trois morceaux en forme de poire de « talent mineur, indigent techniquement ».  
 

     Tel n’était pas l’avis de compositeurs majeurs du XX ème siècle, qui voyaient en Satie un précurseur de la musique répétitive, minimaliste. A commencer par John CAGE qui interpréta en première mondiale en 1963 ‘Vexations’, partition inédite de 1893 conçue pour la peintre montmartroise Suzanne VALADON, compagne fugace de l’excentrique Satie.
 

 

     Vêtu en toute saison d’un pantalon noir trop court, d’un paletot élimé, coiffé d’un melon, muni d’un parapluie, le normand d’Honfleur (né le 16 mai 1866 à 9 heures du matin) arborant barbichette et lorgnons parcourait tout Paris à pied avant de rejoindre son « placard » d’Arcueil, en banlieue sud, où personne n’avait droit d’entrée. Etre sensible, non dépourvu d’humour, peu sujet aux compromis mondains, Satie confia à Darius MILHAUD : « j’ai eu une belle vie, solitaire et triste, vraiment triste ». Mais, c’est un trait peu connu de sa personnalité, l’ermite d’Arcueil adorait les enfants de la commune banlieusarde auxquels il donnait des cours de solfège quand il n’organisait pas des goûters.

 

     Admiratif de son héros, Patrick Roegiers, nous accompagne (brillamment) auprès d’un Erik Satie intime dans une biographie sans ordre chronologique, romancée et imaginée.
 

     Au fil des pages, se retrouvent ainsi côte à côte des artistes (terme qu’exécrait Satie : « nous n’avons pas besoin de nous dire artistes laissant cette dénomination reluisante aux coiffeurs et aux pédicures ») ne s’étant jamais rencontrés, les amis de Satie (Ravel, Cendrars,  Picabia, Brancusi…) et ses fans futurs (Cage, Bob Wilson, David Hockney, Pina Bausch) ... Tous unis dans une affection pour un compositeur refusant tout carcan et définissant la musique comme « un silence qui parle ».

 

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

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27 mars 2025 4 27 /03 /mars /2025 18:09
Matteo  Pastorino     Lightside

MATTEO PASTORINO LIGHTSIDE

 

Matteo Pastorino - Jazz Clarinet - Official Web Site

 

Matteo Pastorino (clarinette basse & compositions) 

Domenico Sanna (piano)

Dario Deidda (contrebasse) 

Armando Luongo (batterie)

 

Label A. MA Records / Distribution I RD

Sortie le 21 mars 2025 

Concerts : 17 avril au Sunside, 

                  18 avril 2025 à la Jazz Station (Bruxelles).

  

Teaser : Matteo Pastorino - Lightside

 

Bien qu’il vive à Paris depuis 2008, qu’il y ait étudié, qu’il ait aussi fait ses classes à New York, le Sarde Matteo Pastorini n’a jamais pu oublier d’où il vient. Adoubé par son compaesano le trompettiste bugliste Paolo Fresu qui lui a montré la voie, il revient souvent dans son île et y a fondé lui aussi un festival à San Teodoro en 2016. “Une île n’est une île que si elle devient le point de départ pour mieux y revenir” écrit Fresu dans un texte introductif.

Ce Lightside dont le clarinettiste signe les neuf compositions est son troisième album en leader avec son quartet italien. Du jazz instrumental à fleur de vent, un rêve éveillé que poursuit le soliste en se laissant dériver au fil des mélodies. C’est en somme un concept album autour du thème de l’exil, empreint de nostalgie, du besoin impérieux de retrouver ses racines après les remous de la vie. Un sentiment que connaissent nombre d’Italiens du Sud mais aussi les migrants de toutes origines. Aussi loin d’un revival folklorique sarde, le quartet explore les liens entre tous les immigrés méditerranéens par le jazz. Mais ce sujet des plus actuels est abordé ici avec sérénité, voire un groove certain dans ce Coming back enlevé, thème de (l’éternel) retour où brille la section rythmique.

S’il commence à Gorée, lieu éminemment symbolique de toutes les servitudes et départs obligés, Matteo Pastorino  a choisi de ne jouer que de la clarinette basse qui sait être une basse discrète, d’une extrême douceur dans les nuances. Il recherche la lumière, celle de la Méditerranée, évoque le cycle de la vie avec un titre tendre dédié à sa fille Elvira et finit sur une ballade sensuelle plutôt élégiaque au printemps (Marzo) après une pirouette, esquisse malicieuse d’auto-portrait (Scarabucchio qui peut signifier “gribouillage” mais aussi “barbu”). Les titres et la musique s’offrent comme la matière même de cette réflexion que le texte  de Fresu encourage. Pour sortir Lightside, commande de 2021 du Festival Time in Jazz du trompettiste, Matteo Pastorino a pris du temps, attendu le moment propice. Une énergie positive se dégage du travail collectif où tous dans cette osmose au long cours semblent plus libres de laisser aller les compositions à leur rythme, donnant chair et vie au projet.

La musique du clarinettiste suit unchant intérieur quasi ininterrompu, nourri de toutes les influences puisées au coeur de ses voyages, dilatant le temps et l’espace. Plongeant dans de sobres vertiges de mélodies limpides et accrocheuses, le quartet tisse une toile intimiste, souvent mélancolique, aux textures douces mais insistantes. Entre rêveries liquides et réminiscences douces, le jazz demeure, fidèle : ce Lightside où tout est léger et grave mérite qu’on s’ y attarde.

 

Sophie Chambon

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24 mars 2025 1 24 /03 /mars /2025 10:50

Claudia Solal (voix, textes & composition), Benjamin Moussay (piano, piano électrique, synthétiseur & composition)

Malakoff, 19 novembre - 1er décembre 2023

Jazzdor Series 22 / l‘autre distribution


 

Retour d’un duo qui nous enchante depuis plus de deux décennies. Duo très singulier, qui rassemble un pianiste de jazz (mais pas que….) et une chanteuse de jazz…. et d’ailleurs. L’anglais pour les textes, comme toujours, car Claudia entretient une relation privilégiée avec cette langue, émaillant ses disques précédents de poésies britanniques et anglo-américaines. Un goût et une connaissance de cette langue qui lui viennent de sa grand-mère maternelle, qui était écossaise. En parfaite complicité musicale, le pianiste et la chanteuse ont conçu un objet musical tissé d’étrangeté foncière & de liberté fantasque. Les textes, d’une très forte charge émotionnelle, sont à savourer (le livret nous les délivre intégralement), non seulement pour leur qualité d’écriture mais aussi pour leur absolue adéquation à la musique. Très belle production sonore exploitant toutes les ressources du studio pour construire une esthétique imparable. On pourrait parler à ce propos d’une sorte de pop très sophistiquée, mais ce serait décidément réducteur. De la musique avec voix, liée à la voix d’une manière fusionnelle : de la grande musique ; bref de l’Art musical.

Xavier Prévost

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Le duo sera en concert le mercredi 26 mars à Budapest, et à Paris le jeudi 27 mars, à l’Atelier du Plateau

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Un avant-ouïr sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?v=I1EqwUkeTYY

https://www.youtube.com/watch?v=-N-2lV9PhOc

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19 mars 2025 3 19 /03 /mars /2025 16:39

 

Géraldine Laurent (saxophone alto), Jean-Marc Larché (saxophones soprano & sopranino), Jean-Charles Richard (saxophones baryton & soprano), Clément Janinet (violon), Christophe Marguet (batterie), Yves Rousseau (contrebasse, composition)

Coutances, 24-26 septembre 2024

Alla Luna AL300725 / l’autre distribution

 

L’enregistrement d’un programme donné plusieurs fois en concert depuis sa création en 2022. Dix ans après la parution du CD «Akasha», en quartette, qui s’articulait sur les quatre éléments augmenté de l’éther, le contrebassiste-compositeur revient avec ce disque à l’inspiration ayurvédique, tournée cette fois vers le son. Mais au-delà de l’intention programmatique et des références à l’Inde antique et au sanskrit, nous plongeons avec délices dans une sorte de suite, finement orchestrée, composée de thèmes déjà joués ou conçus pour cette circonstance. Car l’auditeur que je suis perçoit l’ensemble comme une grande forme, très orchestrée (on jurerait souvent qu’ils sont plus de six à jouer), qui se déploie avec évidence de l’ouverture introductive jusqu’au titre conclusif. Des envolées lyriques pleines de souvenances, qui se jouent en écriture autant qu’en improvisation : c’est un orchestre de solistes où tous les protagonistes trouvent leur espace d’expression, conduisant par là à une forme d’élaboration collective. Très très belle réussite, à la hauteur d’ambitions artistiques et musicales pleinement accomplies, et qui nous rappelle que le ‘jazz augmenté’ est un terrain de jeu formidable pour les artistes qui connaissent les règles, autant que les espaces de liberté transgressive. Chapeau bas !

Xavier Prévost

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https://vimeo.com/1046341664

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https://www.youtube.com/watch?v=fBEvg5JuRw0

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18 mars 2025 2 18 /03 /mars /2025 18:42

John Taylor (piano), Palle Danielsson (contrebasse), Martin France (batterie)

Ludwigsburg, octobre 2006

CAM Jazz / l’autre distribution

 

Beaucoup (dont je fais partie) se souviennent de John Taylor : sous son nom, et dans le trio ‘Azimuth’ (avec Norma Winstone & Kenny Wheeler) ; avec Charlie Haden (mais aussi avec Stéphane Kerecki), et même en trio de pianos avec Martial Solal et Franco D’Andrea, au Festival de Jazz de Paris en 1983…. Pris d’un malaise sur la scène d’un festival français en 2015, il mourut dans les heures qui suivirent.. Des inédits ont déjà paru (notamment un concert avec Norma Winstone en 1988, publié voici 3 ou 4 ans). Nous le retrouvons en trio avec des partenaires qui lui étaient familiers, dans cet enregistrement exhumé par CAM Jazz, label qui l’a publié durant les dix dernières années de sa vie.

Des compositions du pianiste, sauf une empruntée à Kenny Wheeler. Et une musique d’une belle intensité, d’une plage à l’autre, entre nuance, sophistication harmonique et liberté d’improvisation, le tout avec de soudains éclats d’expressivité. Et une interaction avec ses partenaires qui fait de cette musique, que l’on croirait paisible, un bouillonnement de passion(s) musicale(s). Palle Danielsson et Martin France sont morts l’un et l’autre en 2024, et cette très belle publication nous rappelle un trio que l’on peut qualifier, sans exagération, d’exceptionnel.

Xavier Prévost

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16 mars 2025 7 16 /03 /mars /2025 14:32


Enregistré au domicile de Meredith d’Ambrosio, Duxbury (Massachusetts) les 9 et 10 avril 2024.
©peinture Meredith d’Ambrosio (couverture).
Sunnnyside Records – SSC 1721 / Socadisc.
Paru le 14 mars 2025.

       C’est l’histoire d’une rencontre transatlantique ayant débuté sur internet entre deux artistes de la note bleue ayant en commun une amitié avec un producteur de jazz et pianiste passionné de Duke Ellington, Claude CARRIÈRE.
 

      Le guitariste parisien Frédéric LOISEAU annonça à la chanteuse américaine la disparition (en 2021) de l’homme de radio qui l’avait conviée à jouer à Paris au milieu des années 80, notamment lors de son émission hebdomadaire avec Jean DELMAS, JAZZ CLUB (le concert donné au Petit Journal Montparnasse le 12 novembre 1987 est disponible sur le site de l’émission Les légendes du jazz de France Musique).


    S’ensuivirent des échanges par courriels qui allaient convaincre Meredith d’Ambrosio à sortir de sa retraite phonographique à plus de 80 printemps.


       Frédéric Loiseau contacte François ZALACAIN, le producteur français établi à New York depuis 1982, qui avait déjà publié 17 albums avec la chanteuse sous son label Sunnyside. L’affaire est bouclée. L’enregistrement se déroule au printemps 2024 dans la maison de la chanteuse proche de Boston et les dix titres mis en boîte en 48 heures.


       La spontanéité est au rendez-vous (uniquement des premières prises) pour ces séances entre trois interprètes, Meredith d’Ambrosio ayant choisi de céder sa place habituelle au piano à un ami, Paul McWilliams.

 

       « MIDNIGHT MOOD », titre de l’album, reprenant une composition de Joe Zawinul enrichi de paroles de Meredith d’Ambrosio, « raconte la beauté, la fragilité de la vie, de l’amour », confie Frédéric Loiseau. Le guitariste y déploie son sens de la nuance, sa délicatesse de jeu initiés lors d’un enseignement auprès de Joe Pass, sur la même longueur d’ondes que Meredith d’Ambrosio, « une musicienne qui chante » selon Fred HERSCH, qui eut l’occasion de l’accompagner au piano. « J’ai retenu des chansons que j’aime depuis des décennies », précise la chanteuse dans le texte de pochette.

 

        On y retrouve des airs du grand répertoire américain signés Irving Berlin, Richard Rodgers, Bill Evans… et bien entendu une composition de Duke Ellington (« Prelude to a Kiss »). On prêtera l’oreille à une œuvre à quatre mains, « Beaucoup Kisses », morceau instrumental de Frédéric Loiseau (d'abord intitulé « Song For Meredith ») sur lequel Meredith a posé des paroles romantiques à souhait.

 

       « Le charme latent de Meredith d’Ambrosio provient de ce qu’elle diffuse constamment une musicalité que l’on pouvait croire perdue depuis Anita O’Day et Helen Merrill, en la suggérant sous la pudeur de la nonchalance et l’élégance de la litote, ayant compris comme peu d’autres, que seul le moins peut dire le plus », écrivait Jean-Pierre MOUSSARON dans le Dictionnaire du Jazz (Robert Laffont, 3ème édition 2011).
 


       Une bonne dizaine d’années plus tard, « Midnight Mood » vient illustrer cette élégance dans la sobriété et la fluidité qui place Meredith d’Ambrosio dans ce petit cercle des voix intimes (sans pathos) de la jazzosphère. Une quarantaine de minutes sous le charme qui nous laissent dans un état d’apesanteur. Un grand disque.

 

Jean-Louis Lemarchand.
 


Frédéric Loiseau sera au Sunset (75001) le 13 avril lors d’une soirée-hommage à la chanteuse Laura Littardi, le 10 mai au Baiser Salé.

 

On peut retrouver Claude Carrière au piano avec Frédéric Loiseau (guitare) dans « LOOKING BACK » (Black & Blue 2011) aux côtés de Rebecca Cavanaugh (voix) et Marie-Christine Dacqui (contrebasse).


 

 

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13 mars 2025 4 13 /03 /mars /2025 18:34


Robinson KHOURY

Prix Django REINHARDT


       La plus prestigieuse récompense de l’Académie du Jazz, le prix Django Reinhardt, décerné à l’artiste de l’année, a été remise lundi 10 mars pour l’édition 2024 au tromboniste Robinson Khoury, lors d’une cérémonie-concert qui s’est déroulée au Beffroi de Montrouge (92).
       Recevant son trophée (doté d’une allocation par la Fondation BNP-Paribas) des mains du président de l’association d’érudits indépendants, Jean-Michel Proust, le jeune jazzman s’est déclaré honoré de devenir ainsi le second tromboniste –après François Guin en 1969- de l’histoire de l’Académie, fondée en 1955, à décrocher ce prix.
       Natif de Vienne (Isère), Robinson, qui fêtera ses 30 ans en avril, doit sa « passion de la musique » à ses parents, tous deux enseignants au conservatoire (piano pour le père et chant pour la mère).
       Le collège des académiciens a tenu à saluer la personnalité d’un jazzman qui s’est affirmée en 2024 en faisant « chanter son instrument » : sortie d’un album (le troisième sous son nom) MŸA (Komos Records/Big Wax-Believe) dans lequel se retrouvent la musique de ses origines libanaises, Jean-Sébastien Bach et l’électronique ; résidence (2024-2026) au festival Jazz sous les Pommiers à Coutances (Manche).


 


       La soirée, dédiée à la mémoire de Martial SOLAL, président d’honneur de l’Académie disparu en décembre dernier (et … compositeur par ailleurs de « Balade du 10 mars ». Soul Note 1999), a mis en lumière deux pianistes venus jouer quelques minutes après la réception de leur trophée : le norvégien Tord GUSTAVSEN (un « contemplatif » selon le producteur de France Musique Arnaud Merlin), Prix du Musicien Européen et l’américain Sullivan FORTNER (déroutant), Grand Prix de l’Académie du Jazz pour ‘Solo Game’ chez Artwork Records, co-lauréat avec la chanteuse Meshell NDEGEOCELLO (‘No more water’ : the gospel of James Baldwin, publié par Blue Note).

 


       Le jazz français d’aujourd’hui a vu sa diversité récompensée par deux autres prix majeurs. Pour le Prix Vocal, le chanteur André MINVIELLE, le béarnais de Nay, « concasseur de mots », a coiffé d’une courte encolure, selon le vocabulaire des champs de courses, la populaire chanteuse Youn Sun Nah, au troisième tour de scrutin pour un album consacré à Charles Trenet (‘Trenet en passant’ avec Guillaume de Chassy, piano, et Géraldine Laurent, saxophone alto) co-produit par sa propre maison au vocable surprenant, 'La complexe articole de déterritorialisation'.  

 


        Quant au trophée récompensant le Disque du Jazz Français, il a été attribué à la dernière production d’un quartet évoluant depuis une quinzaine d’années, FLASH PIG, formé des frères SANCHEZ, Maxime (piano) et Adrien (saxophone ténor), Florent NISSE (contrebasse) et Gautier GARRIGUE (batterie) pour leur arrangement de la bande originale du chef d’œuvre du cinéaste de Hong-Kong Wong Kar Wai, sorti en 2000, ‘In the Mood for Love’ (The Mood for Love. Astérie/L’Autre Distribution).

 


       La mission de l’Académie et de ses quelque 71 membres est également (et essentiellement) de couvrir l’ensemble du spectre du jazz de ses origines à nos jours. Le palmarès 2024 l’illustre à merveille dans des choix qui font fi des frontières, nationalités et toute autre critère discriminant. Le Prix Héritage, destiné à récompenser une approche actuelle de l’expression classique du jazz (l’avant be-bop), a été accordé au batteur norvégien vivant au Danemark Snorre KIRK (‘What A Day’. Stunt Records) ; le Prix duPatrimoine au site internet (https://www.nicole-eddie-barclay.com/) consacré à Nicole et Eddie BARCLAY (couple majeur dans la diffusion du jazz, spécialement américain, en France au lendemain de la Libération) par Daniel RICHARD, infatigable historien du jazz et ancien patron d’Universal Jazz.

 

 

       Le Prix Blues, Soul & Gospel au chanteur américain Marcus KING (‘Mood Swings’ - Republic).

 

       Dernier prix en date dans l’histoire de l’Académie, le Prix Evidence devant distinguer un enregistrement d’un jeune talent, est venu couronner la chanteuse française Charlotte PLANCHOU (‘Le carillon’ -Quais Son Records) devançant au tour final deux espoirs tricolores (la chanteuse Sophye Soliveau et le vibraphoniste Alexis Valet) et le fougueux saxophoniste US de Chicago Imanuel Wilkins.


       En résumé, neuf prix qui révèlent l’œcuménisme de l’Académie du Jazz, par des résultats obtenus à l’issue de débats souvent épiques et parfois de faibles différences de voix. On est loin cependant, relevaient certains anciens lundi soir à Montrouge, de la profusion dominante lors de la présidence de Maurice Cullaz, une générosité qui avait porté le palmarès en 1985 au chiffre de 20 prix !

 


Jean-Louis Lemarchand (membre de l’Académie du Jazz).

 


Le palmarès complet avec les sélectionnés dans chacune des catégories est consultable sur le site de l’Académie du Jazz

 

 

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13 mars 2025 4 13 /03 /mars /2025 09:03

Anzic 2025

Anat Cohen (cl), Avishai Cohen (tp), Yuval Cohen (saxs) + WDR big band

Une réunion de famille heureuse et joyeuse !

Voilà bien un album qui devrait inspirer tous les programmateurs de festival !

Cette réunion de famille qui permettait de retrouver la fratrie des Cohen sous l’égide du célèbre big band allemand le WDR, outre qu’elle procède d’une idée géniale, est en effet absolument émoustillante d’un bout à l’autre de ce concert donné en 2022 à Cologne.

Les trois frères et sœurs qui avaient déjà enregistré plusieurs albums ensemble, se sont ainsi retrouvés invité par le WDR dirigé par Bob Mintzer pour ce concert donné autour de leurs compostions originales et de quelques reprises, arrangés notamment par Oded Lev-Arvi.

On connait bien désormais Anat Cohen, dont nous parlions dans ces colonnes il y a quelques mois ( Anat Cohen quartetinho : «  Bloom » - les dernières nouvelles du jazz) et qui fait la une ce mois-ci du journal Downbeat. A bientôt 50 ans elle s’impose sur la scène internationale comme la fille spirituelle d’un Buddy de Franco et par sa capacité à imprimer de la joie à, a peu près tout ce qu’elle entreprend.

Avishai Cohen (le trompettiste) est lui aussi un habitué des podiums. Depuis quelques années il imprime sa marque sur le label ECM et l’on a encore en tête l’incroyable moment de musique qu’il donnait il n’y a pas si longtemps en duo avec Fred Hersh.

Quand au dernier, le saxophoniste Yuval Cohen, c’est peut-être le moins connu du trio (en tout cas sous nos contrées) mais une figure respectée de l’enseignement à Jérusalem.

 

Dire que la rencontre des trois est un summum d’interplay serait bien peu dire. Ça joue à haut, très haut niveau mais toujours dans une forme d’intensité libérée. On sent qu’il y a toujours dans cette fratrie le plaisir de se retrouver pour faire de la musique ensemble. Anat Cohen le dit elle-même : « Nous pouvons parler sans parler », a déclaré Anat à propos de la relation fraternelle du trio. « Souvent, nous n'avons même pas besoin de nous regarder sur scène. Nous avons une telle histoire ensemble que nous ressentons chacun other through the music. »

Et cela donne au final une musique éblouissante et étincelante qui respire le jazz de partout avec l’immense talent d’une fratrie décidément hors du commun.

Jean-marc Gelin

 

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11 mars 2025 2 11 /03 /mars /2025 18:21

 

Joachim Kühn (piano solo)

Ibiza, 17 mars, 18 & 22 avril 2023 ; 13-14 décembre 2023

Intakt CD 431 / Orkhêstra International

https://intaktrec.bandcamp.com/album/chapp-e-24bit-hi-res-96khz

 

Autant le dire d’entrée de jeu : c’est un très très beau disque ; de piano, solo ; de jazz bien sûr, mais pas que….  de musique, tout simplement. Quelques mois avant son quatre-vingtième anniversaire, et avant ses adieux à la scène, Joachim Kühn s’est offert, sur l’île d’Ibiza où il réside depuis plusieurs décennies, un condensé de son art d’improvisateur-compositeur. Sur un instrument d’une très belle qualité, il nous délivre la quintessence de ce qui nous a réjouis depuis la fin années 60 : pas en tant que style pratiqué, ou d’adhésion esthétique aux courants successifs. Nous sommes ici au cœur de la musique, sans distinction d’école, d’obédience, que sais-je…. Des escapades fougueuses bien évidemment, mais aussi des trésors de nuances, d’expressivité, de lyrisme et d’audace. Des aventures sur le clavier qui se tiennent toujours au plus près de l’exigence musicale. Avec aussi un très bel hommage à son frère, le clarinettiste Rolf Kühn, mort l’année qui précéda ces enregistrements. Pas d’ostentation, rien que la profonde sincérité d’un Maître de musique. Chef d’œuvre, tout simplement !

Xavier Prévost

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7 mars 2025 5 07 /03 /mars /2025 10:59
HAÏM ISAACS          JONI MITCHELL IN JERUSALEM

HAÏM ISAACS    JONI MITCHELL IN JERUSALEM

 

Sortie le 7 mars Studio de l’Ermitage

Haïm Isaacs/ L’Autre Distribution

 

 

Joni Mitchell in Jerusalem – haimisaacs.com

 

Haïm Isaacs (voc) Frédéric Reynier (p, percussions), Jules Lefrançois (dms, tuba, backup vocals) Yann-LouBertrand (cb,trumpet, backupvocals), Matthieu Beaudin (electric accordion) et Michelle Pierre (cello)

 

Dans la longue série des hommages voilà un album vraiment original qui a attiré notre attention que l’on soit connaisseur ou non de l’oeuvre écrite de Joni Mitchell, l’une des grandes songwriters anglosaxonnes qui est remontée sur scène à près de 80 ans pour un concert exceptionnel le 24 juillet 2023 au Newport Folk Festival.

A l’heure où les projecteurs sont braqués sur le prix Nobel de 83 ans, le barde Bob Dylan dont le film A Perfect Unknown, au succès mérité, revient sur les premières années folk de 1961 à 1965. On le voit accompagner et inspirer l’autre grande égérie de l’époque, Joan Baez, ce qui rend d’autant plus intéressant le parallèle avec Joni Mitchell si on considère que la plus grande rivale de Baez à l’époque était la guitariste, autrice et compositrice canadienne. D'où l'intérêt avivé de la sortie de cet album longuement maturé sur le propre label de Haïm Isaacs, né à New York, grandi à Jérusalem, à Paris désormais, au parcours plus qu’original. Après une formation musicale classique, il vit en France depuis l’aventure initiatique du Roy Hart Theatre:

"J’ai découvert Joni Mitchell chez ma voisine de palier à 15 ans. Mon frère dit que je suis né ce jour là... arpentant les collines de Jérusalem, de Jéricho et de Bethlehem, j’ai chanté ses chansons comme des songlines aborigènes”.

La chanteuse canadienne fascina nombre d’artistes et de musiciens de style divers : elle démarra elle aussi d’une voix haut placée qui pouvait enjamber trois octaves chez les folk singers, connut d'ailleurs intimement certains des grands “protest songwriters” de Laurel Canyon (David Crosby, Graham Nash) mais elle prit un virage dès la fin des années soixante, se tournant alors vers le jazz avec Mingus, entre autre, qui lui écrivit quatre chansons pour “Mingus” (1979), l’un de ses albums studio les plus célèbres dont une version de Goodbye Pork Pie Hat, un hommage dans l’hommage au saxophoniste Lester Young. Dans le livret de l’album, Joni Mitchell avait expliqué ce tournant décisif : “J’avais l’impression de me trouver au bord d’une rivière, un doigt de pied dans l’eau, pour tester la température – puis Charlie est arrivé et m’a poussée –Coule ou mets-toi à nager’…”

Mingus certes mais la liste des très grands jazzmen qui l’accompagnèrent ou firent des "covers" est impressionnante, les guitaristes Larry Carlton et Pat Metheny, les saxophonistes Michael Brecker, Wayne Shorter, Herbie Hancock sans oublier Jaco Pastorius ni bien sûr  nombre chanteurs et chanteuses.

Si l’album “Mingus”est parmi les plus connus avec l’incontournable Both Sides Now que les jazzeux n’arrêtent pas de revisiter avec d' autres tubes…fort astucieusement Haïm Isaacs ne reprend pas, sur le CD du moins, les chansons les plus connues. Il se penche sur le répertoire aimé avec soin, choisissant finement ses “emprunts” pour la faire mieux (re)découvrir dès les premiers albums "Clouds" (1969) ou encore "Blue" (1971) avec par exemple  A case of Blue et All I want.

Ce qui est original est sa volonté de faire entrer la diva dans son univers très particulier, de la chanter au coeur de Jerusalem (aujourd’hui transplanté sur Seine) avec son quartet jazz et autres invités, où abondent les polyphonies vocales soulignées, des grondements des basses et de l’énergie des cuivres, chants appuyés par des rythmiques organiques. On se sent bien dès le premier titre Chelsea Morning de l’album "Clouds" de 1969 ou Blonde in the Bleachers dans “For the roses” en 1972 qui fait écho aux premiers émois et à nos souvenirs des irréelles harmonies vocales caractéristiques de cette époque à la CSN&Y.

Le CD propose une version “straight” émouvante et déjà impressionnante avec un livret épais dont les textes poétiques donnent une idée de la version performante que le concert intelligemment propose. Entre chaque titre, le chanteur raconte sa jeunesse à Jérusalem dans les années soixante-dix, proprement “envoûté” par Joni qui continue à l’inspirer. Car l’album créatif ne sonne jamais comme une redite et nous immerge dans une sensation quasi mystique, celle d’assister à un concert éminemment spirituel. Des reprises nuancées, enjouées, mélancoliques aussi selon les textes plus ou moins introspectifs ; des paysages sonores jamais arides se forment, s’enchaînent sous nos yeux à l’image des peintures de Joni.

Une véritable petite entreprise qui a pris deux jours pour enregistrer les instrumentistes, deux autres pour les back up vocaux et enfin les prises de sa voix dans ses différents états sur un intervalle plus large de deux mois. Au final onze titres et un final du chanteur qui ne dépare pas dans l’ensemble monté avec pertinence.

Une voix chaude, profonde et grave qui elle aussi connaît un bel ambitus, une élocution parfaite où chaque mot de Joni résonne sculpté comme dans le fascinant Little Green. Les chansons de Joni Mitchel ont trouvé un écrin à leur hauteur, une dramaturgie dans ce Marcie presque susurré, où Haïm Isaacs en véritable directeur artistique conduit sa réinterprétation avec des cordes ombrageuses, voire déchirantes mêlées au sifflement du vent.

On peut se laisser aller à en rester à la seule “présence” réincarnée aujourd’hui de ce Black Crow ou Cherokee Louise du  “Night Ride Home” de 1991. Si Haïm Isaacs et ses musiciens tout aussi inspirés nous invitent à une expérience hautement recommandable, on se laissera  peut être aller à la tentation de retourner à la source. Un grand moment assuré.

 

Sophie Chambon

 

Pour aller plus loin :

JONI MITCHELL, POUR L’AMOUR DU JAZZ - Jazz Magazine

Joni Mitchell, le tournant jazz (1975-1979) | France Inter

 

 

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