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9 novembre 2024 6 09 /11 /novembre /2024 18:44

Deux enregistrements inédits des années 90 voient le jour : un duo Annick Nozati – Daunik Lazro, et un quartette qui les associe à Paul Lovens & Fred Van Hove

 

ANNICK NOZATI – DAUNIK LAZRO «Sept fables sur l’invisible»

Annick Nozati (voix & textes), Daunik Lazro (saxophones alto & baryton)

Vandœuvre-lès-Nancy, 13 mai 1994

Mazeto Square 570 566-4

https://www.mazeto-square.com/product-page/sept-fables-sur-l-invisible-digital

 

C’est à l’édition1994 de l’historique festival de création musicale ‘Musique Action’ que ce concert a été saisi sur le vif. L’enregistrement est désormais publié, bonheur d’écoute pour ceux notamment qui se souviennent des mémorables prestations musicales de la très regrettée Annick Nozati, morte voici 24 ans, et qui m’avait dans les années 80 & 90 bouleversé l’oreille, en solo, en duo avec Joëlle Léandre, ou dans d’autres configurations. Dès la première plage, je suis saisi par ce mélange de maîtrise vocale et d’absolue liberté de création. Le sax et la voix paraissent surgir d’une même matière sonore et musicale, avant de se disjoindre dans une autonomie faite de convergences, de tensions et de sublimes conflits. Daunik Lazro dialogue avec la vocaliste en une sorte d’audace (très) attentive. Chant et autres langages sonores et musicaux : les deux partenaires sont en phase, et quand le texte conçu par la chanteuse s’en mêle, l’échange s’enflamme derechef. Bref, surprises, émotions et vertiges d’un bout à l’autre !

 

DAUNIK LAZRO, PAUL LOVENS, ANNICK NOZATI & FRED VAN HOVE «Résumé of a Century»

Daunik Lazro (saxophones alto & baryton), Paul Lovens (batterie, cymbales & gongs), Annick Nozati (voix), Fred Van Hove (piano & accordéon)

Vandœuvre-lès-Nancy, 21 avril 1999

Fou Records FR-CD 65

https://fourecords.com/FR-CD65.htm


 

À nouveau au festival ‘Musique Action’, cinq ans plus tard, Annick Nozati & Daunik Lazro dialoguent avec Fred Van Hove et Paul Lovens, compagnons de route des musiques, aussi improvisées qu’extrêmes, de cette grande époque. L’effervescence se fait folie, les balustrades du possible sont une fois encore franchies, et au-delà du dicible. La liberté franchit encore de nouveaux confins, pour le bonheur de l’auditeur imprudent que je suis. Ce concert édité sur disque est l’exact reflet d’une aventure musicale, surgie voici des décennies, et qui par bonheur ne s’est pas éteintes. Extraits en suivant le lien ci-dessus : bon voyage dans le Jardin des délices ! On dit souvent que ces musiques s’écoutent mieux in vivo et in situ : fermez les yeux, vous êtes au Centre Culturel André Malraux de Vandœuvre-lès-Nancy, dans les années 90….

Xavier Prévost

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5 novembre 2024 2 05 /11 /novembre /2024 08:08
Franck Bergerot    André HODEIR & James JOYCE      UN  ELOGE DE LA DERIVE

FRANCK BERGEROT

André HODEIR & James JOYCE

Un éloge de la dérive

 

 

 

accueil | ONJ

Disponible le 25 octobre

Ouvrage accompagné du lien de téléchargement du concert«Anna Livia Plurabelle • L’ONJ joue André Hodeir» donné le 6 mars 2021 à la Maison de la Radio et de la Musique

 

Finnegans Wake : Anna Livia Plurabelle - YouTube Music

 

Un travail d’une envergure impressionnante, exhaustif sans être fastidieux, facile à lire même sur un sujet pourtant intimidant André Hodeir et James Joyce, un éloge de la dérive. Soit une oeuvre Anna Livia Plurabelle à la réputation difficile, une “jazz cantata” tirée de Finnegans Wake que Joyce mit dix sept ans à écrire.

Je me souviens...C’était en 2 017 à Avignon quand Frank Bergerot évoqua devant nous la suite d’Hodeir Anna Livia Plurabelle qui le fascinait depuis sa jeunesse et dans laquelle il replongeait avec passion à la lecture d’ André Hodeir le jazz et son double, un pavé de 772 pages de Pierre Fargeton (préfacé par Martial Solal). Franck Bergerot prit alors conscience de ce qu'il y avait de visionnaire dans la volonté d’Hodeir d'écrire le jazz comme on improvise, sans le faire comme les musiciens free de l’époque qui imaginaient le futur du jazz autrement, sans partition. Hodeir introduisait cette drôle d’idée d'improvisation simulée, des solistes tout particulièrement. 

Je ne connaissais pas cette pièce musicale mais le rapprochement avec James Joyce retint mon attention. Auteur pour le moins difficile dont j’avais vainement tenté Ulysses sans grand succès ( parcourant le dernier chapitre jusqu’au “oui” final du monologue de Molly) mais eu plus de chance avec Dubliners/The Dead beaucoup plus accessible, surtout après avoir vu le film crépusculaire de John Huston,  d'une grande fidélité dans les dialogues, son dernier opus où sa fille Anjelica tenait le premier rôle.

 

 

Hodeir a écrit deux "jazz cantatas" à partir de Finnegans Wake   Bitter Ending (fin du dernier chapitre) et Anna Livia Plurabelle (huitième chapitre) qui met en scène deux lavandières et une femme-rivière Anna Liffey (qui traverse Dublin jusqu’à la mer). Cette rivière musicale connaît beaucoup de changements de tempos et d’orchestrations, sans marquer une fin précise entre les sections mais avec des enchaînements, soit une oeuvre véritablement ouverte, nourrie musicalement des textes de Joyce.

 

Recréée en 1966, cet extraordinaire flux, échange de deux lavandières de part et d’autre du fleuve dont les rives s’éloignent (voix de soprano et de contralto, respectivement Monique Aldebert et Nicole Croisille) dans la première version avec un livret bilingue. C’est à John Lewis que l’on doit l’édition vinyle US de 1970, rééditée chez Epic en 1971 pour CBS France par le pianiste Henri Renaud. En 1992 Patrice Caratini s’attaqua à l’oeuvre dans la seule version anglaise et tout naturellement quand l’ONJ de Fred Maurin décida en 2021 de reprendre la jazz cantata pour le centenaire de la naissance d’André Hodeir, au studio 104 de la maison de Radio France dans l’émission Jazz sur le vif du producteur Arnaud Merlin, il fit appel à Patrice Caratini, contrebassiste et chef d’orchestre (y compris de l’ONJ). Franck Bergerot était évidemment présent ce soir de mars 2021. Une raison de plus pour justifier l’existence de ce singulier orchestre national qui s’engagea vaillamment dans cette super production de 25 artistes dont deux vocalistes, reprenant le chantier de cette oeuvre maîtresse en pleine pandémie. Les éditions ONJ records prolongèrent le travail musical en publiant la somme de Frank Bergerot (ouvrage accompagné du lien de téléchargement de l’enregistrement du concert conçu comme un seul mouvement ininterrompu).

Le concert avec captation vidéo du samedi 6 mars 2021 fut donné devant une vingtaine de personnes, techniciens compris et... la Ministre de la Culture, mais fort heureusement on put le suivre plus tard grâce à la retransmission de Radio France dans le Jazz Club d’Yvan Amar en respectant sa durée,  d'environ une heure. L’enthousiasme partagé à l’écoute de cette “oeuvre avec voix en stéréophonie”, performance unique brillamment rendue malgré la difficulté de la partition par un orchestre inspiré et deux chanteuses qui ne l’étaient pas moins, Ellinoa (mezzo soprano) et Chloe Cailleton (contralto).

Alors commence un véritable “work in progress” et l’expression n’est pas galvaudée dans le cas de ce récit historique, essai musicologique, enquête journalistique, un défi pour son auteur qui accumula  analyses, lectures et traductions diverses, ayant aussi accès aux archives de la veuve d’André Hodeir. Bergerot a réuni ainsi André Hodeir qui réinventa le statut de compositeur de jazz avec l’Irlandais génial qui faisait du “jazz verbal”. Sensible à l’esthétique des blocs sonores de Monk qu’il rapproche des derniers essais de Joyce dans le glissement de la langue, Hodeir écrit une variation continue, sans retour possible, se débarrassant des mots, usant entre autre d’onomatopées. La musique pour être vraiment libre avait besoin d’une langue inventée que lui fournit le Finnegans Wake d’un écrivan, illisible auteur d’une oeuvre sonore et musicale, d’un roman musique.

C’est l’un des mérites de ce livre de proposer plusieurs angles d'attaque : on peut en faire une lecture décomplexée, attaquer par la musique (Jazz on Joyce d’Hodeir) ou la littérature (Jazz Verbal de Joyce) mais il n’est pas inintéressant de commencer par l’article rédigé sur jazzmagazine.com par F.Bergerot, le 20 Août 2017, trois ans avant qu’à l’annonce de la recréation d’Anna Livia Plurabelle par l’ONJ, il ne décide de se mettre au travail, attaquant un chantier pharaonique. Il n’en reste pas moins que le prologue/ avertissement de 25 pages constitue une synthèse fort pédagogique aux rubriques découpées et titrées avec pertinence.  On retrouvera enfin, détaillé très précisément le déroulement du concert, les 26 différentes parties réparties en 13 fichiers distincts, une partition à l’écoute du texte qui suit les interventions de chaque musicien dans un commentaire enthousiaste digne des reporters sportifs de la grande époque !

Comme André Hodeir et James Joyce, Franck Bergerot ne laisse rien au hasard et son travail fouillé, méticuleux consiste à montrer en quoi Hodeir tentait de décloisonner les champs harmoniques, mélodiques, rythmiques, formels, timbraux selon sa formule lumineuse “agrandir le jazz pour ne pas avoir à en sortir”. Soulignons encore l’excellence des annexes, livret et notes de pochette d’André Hodeir selon les éditions, sources bibliographiques, phonographiques et radiophoniques (sans oublier un spécial James Joyce en musique) jusqu’à l’illustration bienvenue de Michel Caron, des fragments de vitrail en dalles de verre qui reprennent justement le motif de dérive et de dislocation du titre. Voilà de quoi animer la vision métaphorique qui habita l’auteur pendant l'écriture de son éloge.

Tout amateur de jazz et de littérature trouvera assurément son compte dans cet ouvrage soigné, même sans être lecteur de musique. Le grand intérêt tient de la démarche de Franck Bergerot qui a cherché dans ce véritable “labour of love” à rendre tous les registres possibles, combinant analyse musicale (explicitant le processus d' harmoniques) et dimension littéraire, et encore histoire du jazz. Soit un tour de force que cette polyrythmie d’informations musicales, jazzistiques, phonétiques et linguistiques. Car si l’écriture de Joyce sonne, il n' aura fallu pas moins de trois traductions pour s’en approcher dont un collectif dirigé par Philippe Soupault sous le contrôle de Joyce, génial polyglotte en 1930; un exemple parmi tant d’autres Finnegans Wake (initialement titré Work in Progress eh oui!) ne compte pas moins de 17 langues. La vraie langue de Joyce serait donc la traduction et ses seuls lecteurs ses traducteurs!

Raison de plus pour plonger dans le cours tumultueux de cette "jazz cantata" recréée par Patrice Caratini et l’ONJ de Fred Maurin.

 

 

Sophie Chambon

 

 

Anna Livia Plurabelle 

L’ONJ joue André Hodeir

 

 

Maison de la Radio et de la Musique
Studio 104 – 6 mars 2021 – 
Jazz sur le Vif

Ellinoa mezzo-soprano  Chloé Cailleton contralto

 

Patrice Caratini direction

 

Orchestre National  de Jazz   Direction artistique Frédéric Maurin

 

Catherine Delaunay clarinette
Julien Soro sax alto et soprano
Rémi Sciuto sax alto et sopranino, clarinette, flûte
Clément Caratini sax alto et soprano, clarinette
Fabien Debellefontaine sax ténor, alto et soprano, clarinette
Matthieu Donarier sax ténor et soprano, clarinette
Christine Roch sax ténor, clarinette 
Sophie Alour sax ténor et soprano, clarinette
Thomas Savy sax baryton, clarinette
Frédéric Couderc sax basse et ténor, clarinette
Claude Egea trompette
Fabien Norbert trompette
Sylvain Bardiau trompette, bugle
Denis Leloup trombone
Bastien Ballaz trombone
Daniel Zimmermann trombone
Stéphan Caracci vibraphone
Aubérie Dimpre vibraphone
Julie Saury batterie
Benjamin Garson guitare électrique
Robin Antunes violon
Raphaël Schwab contrebasse


 

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4 novembre 2024 1 04 /11 /novembre /2024 18:06

Mack Avenues records 2024

Reid Anderson (cb, synthés), Dave King (dms, synthes), Ben Monder (g), Chris Speed (ts)

Les héros sont fatigués.

 

Si pendant près de 30 ans, le célèbre trio américain n’a cessé de bousculer les lignes du jazz, il faut bien dire qu’avec le départ en 2018 de l’un de ses fondateurs ( le pianiste Ethan Iverson), le groupe a perdu beaucoup plus qu’une simple partie de son ADN. Il a perdu son âme.

Certes il n’était pas question de reproduire durant 30 ans la même musique. Mais l’écoute de ce nouvel album conforte ce que nous pressentions : quelque chose s’est perdu. Dave King qui avait inversé le rôle de la batterie au point d’en faire un acteur «  du devant » reste désormais en retrait au profit d’une musique très harmonique et très « léchée » où des virtuoses comme Chris Speed et Ben Monder ( que l’on adore par ailleurs) peuvent s’en donner à cœur joie.

Mais le cœur, puisqu’il s’agit de lui, justement n’y est plus trop.

Au final c’est beau, certes mais qu’est ce que l’on s’emmerde.

Comme disait l’autre : c’était mieux avant !

Jean-Marc Gelin

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4 novembre 2024 1 04 /11 /novembre /2024 16:28


     Précoce, prolifique, protéiforme. Tel était Quincy Jones, compositeur - arrangeur - producteur - interprète, disparu le 3 novembre à Los Angeles à 91 ans.
      Son nom restera associé à des œuvres marquantes de l’histoire de la musique afro-américaine sans frontières, signées Ray Charles, Franck Sinatra, Michael Jackson, Miles Davis.

 


     Dès l’âge de 16 ans, Quincy Delight Jr Jones, né à Chicago le 14 mars 1932, livre ses premières compositions. Rejoignant en 1951, le grand orchestre de Lionel Hampton, le jeune trompettiste va découvrir l’Europe et spécialement la France où il revient en 1957 pour suivre l’enseignement de Nadia Boulanger, qui comptera également parmi ses élèves un autre polyvalent des notes, Michel Legrand. « J’ai toujours ressenti une connivence presque cosmique avec la France », confiait-il en 1990 à Télérama, peu après avoir reçu des mains de Jacques Chirac la cravate de commandeur de la Légion d’honneur.


     Directeur artistique du label Barclay dans les années 60, il allait œuvrer dans les studios parisiens avec notamment Jacques Brel ou Henri Salvador. A Paris, le musicien put mesurer sa popularité lors d’un concert-hommage organisé le 27 juin 2019 à l’Accor-Arena où Quincy (Mr Q pour les gens du spectacle) assis sur un canapé sur scène vit-et entendit-son œuvre titanesque interprétée par un grand orchestre dirigé par Jules Buckley et quelques stars (Selah Sue, Richard Bona, Marcus Miller…).

 

     Entre les cours de composition de Nadia Boulanger et l’hommage du public parisien, plus de 60 ans d’une carrière foisonnante. A ses débuts, « This is how I feel about jazz* » (ABC Paramount) enregistré en 1957 en big band (Art Farmer, Phil Woods, Clark Terry…), “The genius of Ray Charles**” (Atlantic) en 1959, toujours avec grand orchestre (y compris une section de cordes).

 

*https://www.youtube.com/watch?v=W9wiizRzyLk&list=PLBJenJIJrq0zehq8tKd8teZiOSjk2bBG2


**https://www.youtube.com/watch?v=wraJLUuaHG8


     Arrive alors sa période hollywoodienne, où Quincy va travailler pour les studios, et imprimer sa patte aux musiques pour la télévision et le cinéma (plus de 30 films dont « In The Heat of the Night » de Norman Jewison en 1967).

     Opéré du cerveau après une rupture d’anévrisme en août 1974, il ralentit à peine le rythme. Création de sa maison de disques, Qwest Records en 1975, et –ce qui allait lui donner une renommée planétaire- découverte d’un jeune chanteur-danseur Michael Jackson qui se traduira par trois albums, Off the Wall, Thriller (1982, 8 Grammy Awards) et Bad.

 

     Producteur à succès, chef d’entreprise -il accéda en 1964 à la vice-présidence du label Mercury, premier noir à détenir un poste à si haute responsabilité dans l’industrie du disque- Quincy Jones n’aura jamais oublié le jazz. En 1991, il devait réaliser un vieux rêve, rejouer la musique de Gil Evans avec Miles Davis (4 albums gravés à la fin des années 50, Miles Ahead, Porgy & Bess, Sketches of Spain, Quiet Nights). L’évènement se déroule sur la scène à Montreux le 8 juillet. Miles n’a plus que quelques semaines à vivre (il décède le 28 septembre à Los Angeles) mais, se souvenait Quincy Jones, « Miles fit le plus large sourire que j’ai jamais vu de ma vie ». Tel était aussi Quincy Jones, un virtuose au grand cœur.

 

Jean-Louis Lemarchand.
 

©Damon Winter /The New York Times & X. (R.D).

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4 novembre 2024 1 04 /11 /novembre /2024 10:50

 

Vision fugitive 2024

Stephan Oliva (p), Sébastien Boisseau (cb)

Ils se connaissent par cœur (notamment depuis le trio Orbit qu’ils ont co-fondé avec Tim Rainey il y a 8 ans). Ils se comprennent sur le bout de leur clavier ou sur le bout de leur archet. Et l'on comprend à entendre leur duo dans cet album qu’il y a cette forme de complicité musicale qui soude une entente presque télépathique. Aussi, pour des musiciens de cette trempe, entrer aux studios de la Buissonne pour plusieurs sessions d’improvisation leur était aussi facile que de reprendre une conversation récemment interrompue. Et même si Philippe Ghielmetti en grand ordonnateur et créateur de magie musicale y a introduit quelques thèmes écrits (There comes a time de Tony Williams, Where flamingos fly de Gil Evans ou Dead man de Neil Young), le résultat reste celui d’une onirique déambulation-dialogue entre deux immenses musiciens.

Stephan Oliva et Sébastien Boisseau sont en effet deux compagnons. Dans le sens d’une amitié musicale solide mais aussi et surtout dans le sens de leur amour partagé de l’art et du travail bien fait. Cela s’entend à leur façon de créer de l’espace et du son comme l’on pétrit la pâte ou que l’on façonne une voute.  Bien qu’habité par une forme de climax, la grande richesse de cet album est de ne jamais se laisser enfermer dans un format mais de toujours en redessiner les contours avec le même soin amoureux. C’est une de ses richesses.

Mais il vous reste à en découvrir beaucoup d’autres au cours de cet album juste….sublime.

Du (très) grand art.

Jean-Marc Gelin

Les deux seront en concert le 19 novembre au 19 Paul Fort qui, comme son nom l’indique se trouve 19 rue Paul Fort dans le 14eme arrondissement de Paris.

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3 novembre 2024 7 03 /11 /novembre /2024 17:51

Musina Ebobissé (saxophone ténor, composition), Olga Amelchenko (saxophone alto), Simon Chivallon (piano), Étienne Renard (contrebasse), Stéphane Adsuar (batterie)

Malakoff, 11-12 janvier 2024

Quai Son Records / PIAS

 

Troisième disque du saxophoniste, mais avec un nouveau groupe. La saxophoniste alto était déjà dans le groupe du disque précédent, «Engrams», publié par Jazzdor Series, et chroniqué ici-même : http://lesdnj.over-blog.com/2023/05/musina-ebobisse-quintet-engrams.html

Les thèmes font référence à des personnages de fiction, au théâtre militant ou à une peinture engagée, mais l’essentiel est ailleurs : ces récits abstraits sont d’abord le lieu d’une sorte d’abstraction musicale, tissée de contrepoints subtils, et rehaussée de belles interactions entre les solistes. Le contrepoint entre en majesté dès le début de la première plage, mais la conception ne se réfugie pas dans la complexité de l’arrangement et les méandres de la mise en forme. De cette apparente sinuosité jaillit une vraie force expressive, nourrie par les solistes. Le résultat, musicalement, est d’une richesse impressionnante. On se laisse porter par ces beautés furtives ou ces emportements collectifs qui tutoient la perfection. Une fois encore une belle réussite de ce saxophoniste

Xavier Prévost

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En concert à Paris au Sunside le 21 novembre 2024

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Un avant-ouïr sur Youtube

 

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29 octobre 2024 2 29 /10 /octobre /2024 17:41

Gautier Garrigue (batterie, guitare, composition), Federico Casagrande (guitare), Maxime Sanchez (piano), Florent Nisse (contrebasse)

invités : Henri Texier (contrebasse), Émile Parisien (saxophone soprano), Vincent Lê Quang (saxophone ténor)

Malakoff, 18-20 septembre 2023

Pee Wee PW 1015 / Socadisc & Believe

 

Depuis la première fois que j’ai écouté Gautier Garrigue dans un groupe, voici plus de dix ans, j‘ai eu cette sensation que c’était un batteur musicien. Je m’explique : au sein d’un groupe, il n’est pas seulement un pourvoyeur de rythmes, de sons et d’accents ; il joue une sorte de partition parallèle, ou plutôt croisée, qui dialogue avec le groupe. Et avec son propre groupe il en va de même : les musiques qu’il a composées sont autant de dialogues, avec les membres de son quartette et les invités. Dans beaucoup de disques de batteurs (pas tous heureusement !), souvent certaines plages commencent avec un passage de batterie très appuyé, comme pour marquer le territoire du leader. Ici, rien de tout cela. Gautier Garrigue se comporte en compositeur qui invite ses partenaires à le suivre dans une très belle suite de compositions. Une suite inspirée par une sorte de mythe : un cosmogonie issue de la culture fondatrice de l’île d’Hawaï, bien avant son annexion par les USA. La traversée, nocturne, qui nous est offerte, est celle d’un monde mythique, presque mystique, où les étoiles croisent les forêts, les lieux, les oiseaux et les plantes, et aussi la silhouette de Kenny Wheeler. Formidables (et Ô combien subtiles) compositions qui nous entraînent dans un univers à la tonalité souvent mélancolique. Et les solistes (ceux du groupe et les invités) magnifient encore la profonde beauté du répertoire. Il y a là quelque chose qui me rappelle la sinuosité des thèmes imaginés par Paul Motian, un univers où le fracas se fait rare mais où l’intensité est permanente. Une plage très vive, la pénultième, fera office de contrepoint à l’atmosphère générale : un grand disque, de bout en bout !

Xavier Prévost

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Le groupe jouera le 10 décembre à Paris au Studio de l’Ermitage

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Des avant-ouïr sur Youtube

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29 octobre 2024 2 29 /10 /octobre /2024 10:21

Blue Note 2024

Walter Smith III ( ts), Jason Moran (p), Reuben Rogers (cb), Eric Harland (dms)

Allo Houston : Walter Smith sur orbite ! 

 

«  Trois d’entre nous sommes de Houston mais Reuben ne l’est pas ». Drôle de titre pour cet album !  Car s’il y a bien quelque chose qui émerge de ce nouvel opus c’est bien justement la cohésion de cette formidable formation que Reuben Rogers soit de Houston ou qu’il ne le soit pas.

On voudrait éviter les superlatifs s’agissant de ce nouvel opus que l’on aurait bien du mal puisque ce nouvel album du saxophoniste est peut être le meilleur depuis « Return to casual ».

Avec « Three of us…. » Walter Smith III s’inscrit en effet dans la lignée des très grands ténors américains et perpétue une tradition qui vient de loin et dont il partage les secrets avec Joshua Redman. Avec cet album, en effet le saxophoniste apporte une nouvelle preuve de ce que ce jazz-là est bien vivant et qu’il se porte bien.

Et c’est, à tout seigneur tout honneur Walter Smith III au premier chef, avec ses compos mais aussi avec son agilité de chat en éveil, capable de faire surgir un lyrisme aussi souple que velouté que revient tout le mérite. Le saxophoniste y déploie une sorte d’élasticité toute sensuelle, servie par une rythmique assez exceptionnelle, il faut bien le dire ( un peu la Rolls des rythmiques aujourd’hui).

Et puis il y a le feu « Jason Moran ». Celui qui est capable d’allumer des petites étincelles là où on ne les attend pas. Celui qui sort toujours des sentiers battus pour éveiller l’oreille dans une sorte de contrepied émoustillant.

Qu’on se le dise, ce nouvel album de Water Smith est un masterpiece.

A faire écouter dans toutes les écoles de jazz .

Jean-Marc Gelin

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28 octobre 2024 1 28 /10 /octobre /2024 16:53

 

Visiblement dans le jazz, à force de vouloir inventer des modèles économiques qui tiennent la route, il semble que la presse en oublie le sens de certains mots qui, s’agissant du 4eme pouvoir devraient tomber sous le sens : déontologie ? indépendance ? liberté de la presse ? Conflit d’intérêt ?

C’est le triste constat que l’on peut faire lorsque le rédacteur en chef d’un journal se retrouve nommé à la tête d’un nouveau label lié par son actionnariat à ce même journal. Déjà là on sent que ça ne va pas bien tourner cette histoire et que le mélange des genres n’annonce pas grand-chose de bon au niveau des grands principes que l’on s’obstine pourtant à défendre.

L’étape suivante est annoncée et logique : ce même journal chronique par le biais de ses pigistes l’album sorti de ses propres productions. Imaginer que ces journalistes écrivent en toute indépendance serait surréaliste. Il ne s’agit pas d’un procès d’intention mais d’une logique implacable auquel le modèle économique circulaire doit se soumettre.(Quelle crédibilité accorderiez vous à un journaliste du groupe Bolloré qui irait faire un reportage sur… Bolloré ?)

Dès lors c’est gênant et c’est gênant pour tout le monde (quelle que soit la qualité de la production musicale). C’est gênant parce que tout, dans cette histoire est entaché de soupçon et donc forcément totalement délégitimé.

C’est gênant pour l’artiste, c’est gênant pour le journaliste et c’est gênant pour les autres productions qui sont en concurrence sur le marché, c’est gênant pour toutes les instances qui gravitent autour du jazz et au final c’est gênant pour le sérieux de toute la profession.

Mais rassurez-vous il y a bien une solution toute simple pour sortir de cet environnement un peu nauséabond : se pincer le nez et regarder ailleurs.

Jean-marc Gelin

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26 octobre 2024 6 26 /10 /octobre /2024 10:41

   Le photographe Guy Le Querrec, bien connu pour son travail sur le jazz (et pas seulement), membre de la prestigieuse agence Magnum depuis 1977, a reçu le 24 octobre à Redon (Ille et Vilaine) où il réside la croix d’Officier des Arts et des Lettres « pour la constance et la qualité de sa contribution au rayonnement de la création artistique française ».  

 

     François Lacharme, président honoraire de l’Académie du Jazz, qui lui a remis les insignes de l’ordre, a salué l’étonnante capacité de Guy Le Querrec à pratiquer « la culture de l’effacement » dans la pratique de son art, pour se trouver dans les meilleures conditions afin de « saisir l’instant solennel » chez les musicien(ne)s de jazz, par nature « rétifs et difficiles à capturer ». En réponse, le photographe a simplement indiqué qu’il souhaitait « se mettre au rythme » des autres et que dans son travail avec son fidèle Leica, il cherchait à « s’escamoter » pour « ajuster le déclic » au bon moment.  


     Présent à la cérémonie, le maire de Redon, Pascal Duchêne, professeur de philosophie, est resté dans le même registre en évoquant le concept grec du Kairos, l’art de « réaliser le bon acte au bon instant ».

    

      La vingtaine d’amis venus à Redon à cette occasion, représentant les mondes de la photographie, du jazz, de l’édition, a pu constater que le « héros du jour », parisien aux racines bretonnes, n’avait rien perdu de sa faconde ni de sa truculence.

 

     Lauréat du Grand prix de la ville de Paris (1998), Guy Le Querrec a traité au cours de sa carrière de différents sujets de société (la famille, les vacances…), couvert l’actualité politique (la Révolution des œillets au Portugal en 1974, la Chine, les Etats-Unis), illustré la vie quotidienne en Afrique, sans oublier la Bretagne de ses ancêtres et, ce qui lui apporta la notoriété, le monde du jazz. Son tout dernier ouvrage, paru en 2023, (« Michel Portal, au fur et à mesures ». Textes de Jean Rochard. Editions de Juillet) retrace un demi-siècle de compagnonnage avec le poly-instrumentiste. Un saxophoniste de ses proches a ainsi défini Guy Le Querrec : « il n’est pas un photographe de jazz, il est un photographe jazz ».

 

 

Jean-Louis Lemarchand, à Redon.

 

©photo Sergine Laloux et J.-L. Lemarchand

 

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