JJJ NICO MORELLI: “ Un [folk] atable”
Cristal 2006
Choc des cultures ou continuité ? Parce qu’il est aussi pianiste de jazz et que cette danse traditionnelle fait partie de son patrimoine culturel, Nico Morelli entreprend ici de faire le lien entre ces deux musiques dans un album dont la première des qualités est l’originalité et l’audace du projet. Mais ce n’est pas la seule. Parce qu’il s’agit d’une musique effrénée et incontrôlable Morelli nous donne à entendre une musique d’une énergie incandescente dans laquelle, avec ses immenses qualités d’improvisateur il parvient à y insérer le jazz à merveille. Et il faut avoir cette musique ancrée dans ses propres gênes pour s’y glisser aussi naturellement. Car les hommes chantent des phrases incantatoires, dont la force et la violence nous plongent dans une esthétique inconnue. Ce qui donne prétexte à Nico Morelli comme dans ce Contropizzica à se livrer à une improvisation hallucinée à la frénésie aussi puissante que virtuose. Et parce que cette esthétique nous est culturellement étrangère elle se fait presque dérangeante au premier abord. La voix que l’on peut entendre sur Abbasci’A où le chant disgracieux est avant tout folklorique, perturbe parce qu’il est aux antipodes des codes esthétiques du jazz qui nous sont plus familiers. Des morceaux comme Mena Man Mo’ ou Pizzica Strana peuvent aussi heurter. Leur esthétique doit être cherchée dans une approche plus contextuelle que dans notre attente mélodique normative et suppose pour l’auditeur d’avoir les clefs de ce chant, d’accéder aux codes culturels qui permettent d’en déchiffrer l’intensité. Et c’est donc avec une incroyable science de l’harmonie et de l’improvisation du jazz que Morelli nous ramène sur nos terrains mieux connus. Dans certains morceaux comme dans ce Lesson 4, les références folkloriques ont totalement disparues il ne s’agit plus que de jazz mais on est alors plus frappés par la continuité que par la rupture de l’ensemble. Frappés par les connexions de ces musiques entre elles. Ce qui n’est pas toujours le cas car si l’album peut donner ce sentiment de cohésion, c’est paradoxalement à l’intérieur même des morceaux que l’on a le sentiment désagréable que la fusion des deux musiques se fait parfois de manière un peu tranchée donnant ça et là l’impression de zappper de l’une à l’autre (comme dans Contropizzica ou dans Yes O Sol ).
Dans un très beau final de cet album résolument festif Morelli conclut l’album avec un magnifique Auralba où le dialogue entre la guitare et le piano apparaît alors comme un moment d’apaisement. Comme une sorte de douce guérison après la danse épuisante.
Jean-Marc Gelin