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26 octobre 2023 4 26 /10 /octobre /2023 19:25
  Xavier Richardeau   A Caribbean Thing

XAVIER RICHARDEAU
A CARIBBEAN THING
Label Continuo Jazz / UVM Distribution
 

 

Sortie du CD le 20 Octobre
Concerts le 30 novembre et le 1er décembre au Duc des Lombards

 


Xavier Richardeau revient avec un album tout indiqué pour ces vacances d’automne, un album qui parle de la Caraïbe qu’il aime et connaît bien puisqu’il réside à Gosier depuis quelques années.
Personnalité originale, ce natif de Charente-Maritime a un parcours plutôt atypique, une passion chevillée au corps pour le saxophone baryton et ses graves puissants dans la lignée de Gerry Mulligan et du  bebop après Harry Carney chez Duke Ellington. Quand il a commencé, les barytons n’étaient pas légion (François Corneloup bien sûr) et n n’avaient pas la côte … aujourd’hui les temps ont changé, Céline Bonacina a su s’imposer.
D'un apprentissage à la dure, dans les orchestres de bal, le goût lui est resté d’un jazz qui swingue, de la chanson et des belles mélodies.

Avant de se prendre d’amour pour les rythmes et musiques des îles, Xavier Richardeau, soliste au seul baryton, était connu dans la capitale pour animer des clubs : si le concert de présentation de son prochain CD a lieu au Duc des Lombards, c’est une scène qu’il connaît bien puisqu’il y a dirigé quelque temps son orchestre.
Les boîtes de jazz, il aime toujours puisqu’il a recréé un New Ti Paris en Guadeloupe où il programme encore des concerts. Déterminé et incorrigible. 

A Caribbean Thing est son hommage en sextet aux musiques d’une vie, musiques antillaises, jazz qui pulse et fait danser : dix compositions de la plume  du saxophoniste dont certaines sont co-écrites avec la chanteuse Véronique Sambin et une seule reprise “Sous le ciel de Paris” transformée en reggae plus encore qu’en biguine dans un arrangement qui modernise et intensifie la valse originelle. 
Autre surprise d’importance, cette fois Xavier Richardeau ne s’entête plus au seul baryton mais joue plutôt du soprano pendant tout l’album  en résonance avec le ténor de Jocelyn Ménard, un Québecois bien acclimaté lui aussi à la Guadeloupe. La seule occasion d’entendre son instrument de prédilection, ce sera sur “Waves and Wind”  très structuré hard bop. 
Xavier Richardeau semble avoir changé de cap avec ce nouvel instrument de la famille des sax et dans des titres comme “Sonnélavérité”, il aime à combiner les timbres du soprano et du ténor avec une intervention enlevée de Leonardo Montana au piano. 
 Si sa musique a évolué, “Linea Oceanica” reste une ballade nostalgique, rappel des origines et de son tropisme pour l’océan. Le saxophoniste n’hésite pas à reprendre certains titres d’un des premiers albums qui l’ont fait connaître en 2002, Hit and Run  en les fortifiant :  “a Caribbean Thing” ouvre l’album auquel il donne naturellement son nom en laissant place à la rythmique antillaise de Régis Therese et Yoann De Danier qui groovent de façon tendue mais réjouissante. “Broussanova” est devenu une vibrante “Broussa Samba” des plus festives. Sur “Blue Sunlight”  c’est au tour d’Anthony Jambon de laisser parler sa guitare. Car le saxophoniste a su écrire pour mettre en valeur chacun de ses complices.  
Les compositions s’enchaînent en une  tresse plutôt organique et s’écoutent d’un trait : elles donnent un aperçu des terres et imaginaires arpentés depuis toutes ces années sans verser pour autant dans la nostalgie. Un album qui sait rassembler et faire tenir les épisodes et étapes d' une vie de musique.

Sophie Chambon

 

 

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24 octobre 2023 2 24 /10 /octobre /2023 13:04

 Autoprod à écouter sur le bandcamp du groupe.


Remi Denis (p, compos), Christophe Leloil ( tp, bugle), Sai Nagoya (ts, ss), David Carniel (dms), Damien Boutonnet -cb)

 

Gros coup de cœur du moment en découvrant cet album dont on ne savait pas grand-chose avant de l’écouter.

Oni Giri c’est le deuxième album de ce groupe composé de 5 musiciens de la Cité Phocéenne qui se retrouvent ici autour de superbes compositions signées du pianiste Remi Denis. Et ce qu’il faut dire d’emblée c’est que l’on se trouve immédiatement portés et emportés par ces compositions où la ligne mélodique des soufflants se retrouve sur les harmonies de Remi Denis dans une sorte de danse onirique ( comme semble l’indiquer le titre de l’album).

On est facilement happés par cette musique et par la qualité de ceux qui l’interprètent. Au premier rang desquels, celui qui ferait presque office de vieux briscard de la bande , Christophe Leloil égal à lui-même dans la flamboyance et l’amplitude du souffle. Avec Christophe Leloil, chaque note est comme une déclaration d’amour. Où l’on découvre aussi, dans un registre un peu plus discret, le saxophoniste Sai Nagoya dont on entend qu’avec Raphael Imbert, il a été bonne école, celle de la finesse et de l’épure.

La section rythmique est à l’écoute et ouvre les portes de ce jardin des rêves sur des reliefs subtils.

Quant à Remi Denis, ses compositions ont cette sorte de supplément d’âme qui font que la musique est capable de nous embarquer loin, bien loin.

Pour cet album « découverte », la séduction est totale.
Jean-marc Gelin

https://youtu.be/8chTQ4aDGQo?si=GEx8OiUutOzydxNT

 

 

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19 octobre 2023 4 19 /10 /octobre /2023 16:02

 Voix majestueuse du jazz contemporain, cheffe d’orchestre-compositrice, pianiste, Carla Bley s’est éteinte le 17 octobre à Willow (état de New-York) à l’âge de 85 ans.

     Une seule œuvre, monumentale (et pas seulement par sa durée, supérieure à 100 minutes), aura suffi pour la faire entrer dans l’histoire du jazz : ESCALATOR OVER THE HILL (EOTH).


     Basée sur une poésie de Paul Haines, cette composition qualifiée parfois d’opéra-jazz, aura nécessité trois ans de travail en studio de Carla Bley entre 1968 et 1971. Mobilisant près de 60 musiciens américains et européens venus du jazz, de la pop, du rock (Don Cherry, Linda Ronstadt, Enrico Rava, Gato Barbieri…), EOTH se présente comme une mosaïque musicale reflétant la liberté d’expression de cette période « post soixante huitarde ». L’Académie du Jazz lui attribua en 1972 « l’Oscar du meilleur disque de jazz moderne ».

 

     Sa contribution à la « plus savante des musiques populaires » était saluée dès 1971 par Philippe Carles (disparu le 14 octobre dernier) et Jean-Louis Comolli dans Free Jazz/Black Power : « des œuvres qui comptent, remarquables par la richesse de leur imagination mélodique ».

     Née en Californie (Oakland) le 11 mai 1938 dans une famille d’origine suédoise, Karen Borg devenue Carla Bley après son mariage à 19 ans avec le pianiste canadien Paul Bley (1932-2016) s’était déjà illustrée par son travail dans la communauté new-yorkaise avec George Russell, Jimmy Giuffre, Charlie Haden (et le Liberation Music Orchestra) ou encore Mike Mantler avec lequel elle fondera le Jazz Composer’s Orchestra Asssociation et qu’elle épousera en 1968.

     En plus d’un demi-siècle d’activité artistique, Carla Bley aura alterné les projets en big band et en petite formation notamment avec le bassiste électrique Steve Swallow -son compagnon sur scène et à la ville depuis le milieu des années 70- ou en trio avec le saxophoniste britannique Andy Sheppard.

     Dans sa production foisonnante, réalisée pour l’essentiel sur le label Watt (fondé en 1973 avec Michael Mantler) et distribué par ECM, figure également un des grands classiques de la musique populaire nord-américaine, les chants de Noël (« Carla’s Christmas Carols », avec Steve Swallow et le quintet Partyka brass. Watt-ECM. Décembre 2009) ... Un souvenir, confiait Carla, de ses jeunes années en Californie et de son père, professeur de piano qui tenait l’orgue à l’église ce jour de fête chrétienne.  


     Cet orgue (un Hammond ce soir-là), dont jouait Carla le 13 novembre 2014 au D’Jazz Nevers Festival à la tête d’un quintet … après une relecture de Escalator Over The Hill par un nonette français co-conduit par Bruno Tocanne et Bernard Santacruz.

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

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18 octobre 2023 3 18 /10 /octobre /2023 18:15

 

photo de Gérard Rouy

 

Si je mets en exergue cette photo de Philippe Carles en compagnie de Jimmy Giuffre à Amiens en 1990, c’est que, jeune amateur de 19 ans, j’avais avec émerveillement dévoré son article intitulé ‘Jimmy joue free’ dans le Jazz Magazine n° 154 de mai 1968…. Je lisais ses articles depuis mes années-lycée, et dès le début des année 70 je l’avais écouté sur France Musique. Jazzophile forcené, j’avais publié deux ou trois bricoles dans la presse régionale de Lille vers l’âge de 20 ans, et j’avais aussi donné dans la radio-pirate quelques années plus tard. En participant activement, fin 1980, à la création de Radio K, radio francophone émettant d’Italie, près de San Remo, j’avais fait la connaissance de Barney Wilen, à l’époque encore basé à Nice. Barney avait conseillé à Philippe de me recruter, et dans le numéro de février 1982 j’écrivais pour la première fois dans JazzMag. Radio K venait de fermer pour des raisons liées au fait que le nouveau pouvoir français voyait d’un mauvais œil une radio autogérée, de droit coopératif italien, qui s’obstinait à faire de la publicité, sa structure autogérée la protégeant des pressions commerciales, politiques, et autres…. En ce même février, postulant à France Musique, je fus reçus par son directeur René Koering. Et manifestement pour lui le fait que, en plus d’une vraie expérience de radio, je collabore à Jazz Magazine, compta pour beaucoup dans sa décision de m’engager quelques semaines plus tard. Il faut dire que Philippe était un pilier des programmes-jazz de la station musicale depuis plus de dix ans (tout comme plusieurs autres collaborateurs du magazine), et ce fut probablement décisif. Je devais donc à Philippe l’ultime ’coup de pouce’ qui me ferait entrer pour 32 ans dans le métier de radioteur sur une chaîne nationale et, jusqu’à aujourd’hui, de chroniqueur de la chose syncopée. Philippe me fit confiance très tôt. En mai 1982 j’étais au festival Du Mans pour le magazine. La grande époque : un compte rendu de deux pages, avec des photos signées Horace. Je rends mon papier : c’était une année italienne, et je qualifie de décevante la prestation d’Enrico Rava (que je vénère). Philippe me dit son embarras, car Enrico est pour lui un ami de longue date. Je lui dis : n’édulcore pas mon compte-rendu, mais si le paragraphe qui concerne ce groupe te gêne, supprime-le…. Philippe me fit confiance, et la chronique parut en septembre (il y avait un temps de latence lié aux festivals d’été). En octobre de la même année je suis à New York. Je viens écouter le groupe de tubas rassemblé par Howard Johnson (groupe qui deviendra ‘Gravity’). Je parle avec le tubiste qui me décrit son projet quand arrive un musicien que je tarde à reconnaître. Il a désormais les cheveux courts, et plus de moustache. Howard Johnson fait les présentations. ‘Ah c’est vous’ me dit Enrico Rava. ‘Vous avez été plutôt gentil, car j’ai joué beaucoup plus mal que vous ne l’avez suggéré’. À mon retour Philippe adora l’anecdote. Philippe me fit toujours confiance,et ce vieux souvenir dit assez l’importance qu’il a pu avoir dans mon parcours, et la peine que m’ont causées sa maladie, puis sa disparition le 14 octobre. So long, Philippe.

Xavier Prévost

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18 octobre 2023 3 18 /10 /octobre /2023 11:31
Yoann Loustalot      Oiseau Rare

OISEAU RARE

BRUIT CHIC / L’Autre Distribution

Sortie du CD le 13 octobre.

Concert de sortie au Studio de l’Ermitage (Paris) le 18 octobre.

 

Pratiquant l'alternance dans la longueur des dix compositions, toutes de sa plume, peaufinées lors du confinement, Yoann Loustalot nous présente son Oiseau rare sorti sur le label Bruit Chic. La pochette du CD n’est plus vraiment un voyage dans l’imaginaire du groupe mais fait référence à de drôles de volatiles. C’est par un trio de cordes frottées que commence le concert, mais avec son bugle Loustalot ne flâne pas hors du temps, il s'enroule plutôt dans ce “Nom de plume”qui semble imager le titre, en écho à la pochette.

Que lui est il donc arrivé? Un désir soudain d’écrire pour les cordes, de se frotter à des sons et textures nouveaux avec ces traits d’archet qui tranchent et découpent dans “Tango de Fuga”?

S’est il pris pour Bird? A-t-il cédé pendant cette période si incertaine et angoissante à l’appel du règne animal? L’envol est la figure la plus appropriée quand on évoque le style du trompettiste-bugliste. Son univers poétique nous est à présent familier, l’ayant suivi dans des formations diverses en leader ou sideman. Mais quel que soit le répertoire, son jeu se reconnaît très vite, à la trompette et au bugle : il sait à merveille envelopper de brume la force du souvenir, répondant encore dans cet album à un besoin de douceur, explorant le détail sans faire trop de notes (“Balcon de Malte”) s’abandonnant volontiers à un certain impressionnisme des sensations.

Soutenu par une rythmique essentielle indispensable à son envol (le regretté Matyas Sandaï tient la contrebasse sur trois titres...Yvan Gelugne sur les autres) le trompettiste se pousse vers le ciel dans une palette nuancée de couleurs plutôt similaires. Le temps s’étire comme une aile et on se laisse prendre au charme de certaines pièces en forme de plume et non plus de flocon comme dans l’un de ses albums antérieurs.

Si le trio de cordes est parfait, on appréciera la délicatesse du toucher de Julien Touéry, alter ego du leader. Souple et précis, il a le sens des nuances et sonne toujours juste.

Une des pièces préférées est “A la dérive”, ballade introduite subtilement, en accord parfait avec le piano avant de dérouler un thème qui ferait une B.O de film noir impeccable, encore plus nostalgique que mélancolique. Les cordes parachèvent le travail en pizz sautillants qui annoncent une échappée  brillante, plus décisive. La composition est longue et on ne s’en plaindra pas tant elle se transforme pour finir sur des notes inquiétantes. Les cordes en aucun cas ne constituent un écrin moelleux et lénifiant, toujours franches d'attaque. Le trompettiste semble lutter avec elles dans un “Oiseau rare” court et convaincant qui installe le décor. Mais il trouve un refuge avec l’ouverture du violoncelle d’Atsushi Sakaï dans ce “Peaceful wood” où l’on aimerait bien se perdre, en apesanteur.  Le voyage musical de ce drôle d'oiseau se conclut sur un “Baïkal Blue Ice” (souvenir de la tournée épique qui donna Sleeper train ?) les cordes frottant en contrepoint  sur ce miroir de glace.

En écoutant cette musique intrigante dont on cerne moins facilement contours comme dans ce “Perdersi e perdere”, on sent que le trompettiste suit des chemins qui bifurquent. Il prend de la hauteur, créant à sa manière une ode à la fragilité de la vie.

 

A noter que cet Oiseau Rare sort aussi en Vinyle avec 5 titres exclusifs et 4 du CD “Nom de Plume”, “When We Say Goodbye”, “Trick in a Dream”, “Peaceful Forest”.

 

 

Sophie Chambon

 

 

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17 octobre 2023 2 17 /10 /octobre /2023 17:59

Kuba Cichocki :  « FLOWING CIRCLES »

Brooklyn Jazz Underground Records

Kuba Cichocki (p, compositions), Lucas Pino (sax), Brandon Seabrook (g), Bogna Kicinska (vc), Edward Perez (ba), Colin Stranahan (dms), Rogerio Boccato (percus, tk 8), Patrick Breiner (sax, tk 8), Rose Ellis (vc, tk 8), Leonor Falcon, Sana Nagano (vl1,6,8), Benjamin von Gutzeit (viola, tks 1,6,8), Brian Sanders (cello, tks 1,6,8)

 

Attention DECOUVERTE !

Le pianiste et compositeur Kuba Cichoki vous est certainement aussi inconnu qu’il ne l’était pour nous il y a quelques jours à peine.

Ce pianiste polonais installé à New-York et intégré à la jeune scène de Big Apple n’en est pourtant pas à son coup d’essai puisqu’il avait déjà signé un album très remarqué de l’autre côté de l’atlantique (« Live at Spectrum »). Il revient ici avec un album étonnant, basé sur une écriture incroyable. On y navigue entre les univers de Jason Moran ou de Darcy James Argues sur des structure complexes sur lesquelles on découvre des solistes tous remarquables. 

Refus de toute linéarité, surprise à tous les étages, fascination de ce qui se cache toujours derrière. On est au plein cœur de l’innovation qui ne cède pourtant pas aux sirènes d’une modernité trop facile. Presque dans une démarche qui cherche et qui semble trouver. Sur des structures évolutives, la voix est, sur certains titres, utilisées comme une sorte de tapis instrumental sans aucun effet de manche. On navigue entre écriture et improvisation dans une cohérence qui n’exclut pas le bizarre, le destructuré, l’inattendu.

C’est foisonnant et toujours riche.

Une totale réussite à découvrir d’urgence.

Jean-Marc Gelin

 

 

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16 octobre 2023 1 16 /10 /octobre /2023 20:22

 

     Passionné sans exclusive, érudit sans suffisance, Philippe Carles, décédé ce week-end à 82 ans, aura brillamment défendu et illustré la cause du jazz pluriel pendant un bon demi-siècle dans ses formes écrites (Jazz Magazine dont il fut rédacteur en chef 35 ans, et plusieurs ouvrages de référence) et parlées (producteur à France Musique 37 ans durant).

 

 

     Né à Alger le 2 mars 1941, Philippe Carles avait découvert le jazz en écoutant la radio dans ses jeunes années. Arrivé en métropole, il entame des études de médecine à Paris vite interrompues (en 1963) pour se consacrer à sa passion. Entré à Jazz Magazine sur la recommandation de Jean-Louis Comolli, il contribue également à cette époque à différentes publications du groupe Filipacchi (y compris Mademoiselle Age Tendre, 20 ans, Union…) en tant que secrétaire de rédaction.

     Nommé rédacteur en chef du mensuel en 1971- succédant à Jean-Louis Ginibre dont il était l’adjoint- il tiendra ce poste jusqu’en 2006 et prêtera son concours au magazine encore de nombreuses années par des chroniques et la relecture du journal avant impression, figurant à l’ours sous le titre de Best Man (témoin, garçon d’honneur) dont il s’amusait (« mon ancienneté jazzmagazineuse m’oblige surtout à me considérer comme un témoin des avatars successifs de cette publication pendant un demi-siècle »).

 

    

     Grand connaisseur du Free Jazz dès son origine, Philippe Carles lui consacra en 1971, écrit à 4 mains avec Jean-Louis Comolli, un ouvrage devenu une référence « FREE JAZZ, BLACK POWER » (Éditions Champ Libre).  Réédité par deux fois en version poche (la dernière en 2020 chez Folio/Gallimard) le livre « reconsidère l’histoire du jazz dans son articulation avec l’histoire sociale et politique des Noirs américains ».  

     Philippe Carles n’avait jamais délaissé le free jazz et en 2019, il conseillait chaudement à l’auteur de ces lignes l’écoute d’un album de la saxophoniste allemande Ingrid Laubrock au titre évocateur (« Contemporary Chaos Practices. Two works for orchestra with soloists », Intakt Records).

 

      Fan de free jazz, Philippe Carles était aussi –et surtout- un passionné sans œillères. Ses goûts le portaient aussi bien sur Jimmy Giuffre, une de ses idoles, dont il vanta les mérites dans un article devenu culte titré « Jimmy joue free » et qu’il interviewera dans un double album sorti en 1992, une rareté (Jimmy Giuffre Talks and Plays, CELP) que sur Fletcher Henderson ou encore Anita O’Day qu’il défendit face aux « siffleurs » d’un concert parisien en 1970.

 

    

     Cette ouverture d’esprit le conduisit en 1985, toujours avec Jean-Louis Comolli, à proposer à Guy Schoeller, inventeur de la collection Bouquins chez Robert Laffont, l’écriture d’un Dictionnaire du Jazz. Engagée à deux puis à trois, avec l’arrivée d’André Clergeat, l’aventure menée avec l’appui de 67 contributeurs-experts, se concrétisa en 1988. La troisième et dernière édition, sortie en 2011, comprend 3300 articles dont 400 nouvelles entrées sur les artistes, courants musicaux... Cet ouvrage de près de 1500 pages en format poche constitue une encyclopédie œcuménique même si Philippe Carles reconnaissait des « oublis possibles et inévitables », citant George Bernard Shaw : « Un dictionnaire est comme une montre, indispensable mais jamais à l’heure ».

 

     Homme de convictions, Philippe Carles faisait partager ses passions à ses auditeurs à France Musique notamment lors d’une émission (Jazz à Contre Courant, lors de sa dernière saison 2007-2008) programmée le samedi aux alentours de minuit. Il était non seulement une plume mais une voix. Il n’abusait pas pour autant de son érudition, comme peuvent en témoigner ses collègues de l’Académie du Jazz notamment lors des travaux de la commission Livres.

 

     « Le jazz a l’avantage et l’inconvénient d’être une musique vivante », aimait à dire Philippe Carles. Une citation qui pourrait résumer la personnalité d’un héraut du jazz pleuré aujourd’hui par l’ensemble de la jazzosphère.

         On conseillera l'écoute de ce témoignage de Philippe Carles et son entretien avec Aldo ROMANO dans le disque INTERVISTA, sorti en 1997 chez Verve.

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

La cérémonie des adieux à Philippe aura lieu le mercredi 25 octobre à 11h30 au crématorium du Père Lachaise (75011).

 

 

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15 octobre 2023 7 15 /10 /octobre /2023 11:13
YVAN ROBILLIARD TRIO  Lifetimes  A Tribute to Tony Williams’ Lifetime7

YVAN ROBILLIARD TRIO

Lifetimes

A Tribute to Tony Williams’ Lifetime

Sortie le 13 Octobre 2023

 

Robi-Free-Le Triton/L’autre Distribution

 

Yvan Robilliard piano et claviers, Laurent David basse,

Justin Faulkner batterie.

 

Yvan Robilliard

YVAN ROBILLIARD - LIFETIMES - YouTube

 

Voilà un projet qui entre dans la série des hommages, consacré au batteur Tony Williams, prodige de cet instrument, dans sa période Lifetime qui débuta en 1969, après avoir quitté Miles dont il révolutionna quand même le second quintet. Une première version éphémère vit le jour en trio avec le guitariste John McLaughlin et l’organiste Larry Young, produisant des albums importants comme Lifetime et Emergency.

Jazz rock, fusion...une musique qui a un demi-siècle aujourd’hui mais qui connaît comme “un retour vers le futur”.

S’agit-il d’un rembobinage, d’un recyclage qu’effectue le pianiste claviériste Yvan Robilliard avec son trio Heartbeat, composé du fidèle bassiste Laurent David et de Justin Faulkner, un batteur hors norme de Philly qui accompagne Brandford Marsalis?

Le résultat est différent de ce que l’on aurait pu imaginer. Visiblement le pianiste ne cherche pas à faire des reprises, se refusant à copier Tony Williams. Il s’en inspire, l’esprit sans la lettre.

C’est la musique mise au point en trio qui seule compte, l’important c’est “faire, jouer avec” et ce n’est pas une vaine formule dans son cas. Ce sont ses dix compositions que l’on entend, mais pleinement vécues par les autres membres d’un trio incomparable, parfaitement équilatéral. Mais il partage avec ce formidable batteur et le non moins remarquable bassiste une prédilection pour les “sons machiniquesqui envoient loin, très loin dans l’espace.

Yvan Robilliard revisite le trio jazz avec un appétit pour cette formule électrique, il s’attable devant trois pianos et choisit le climat dans l’instant, plus joyeux et fonceur avec le Fender, poétique et lyrique avec le piano classique, spatial avec le Mini Moog.

Deux titres pourraient être de bons marqueurs du programme “The Train That Never Stopped” et “Frenzied Paradise” donnant le ton, frénésie assumée, trépidations effrénées, urgence réelle à occuper la scène et l’espace sonore. Ils ne sont que trois mais ça joue fort, vite, sans aucun temps mort dans l’ivresse que procure l’électricité. Mais avec la cohésion parfaite de jouer ensemble comme s’ils n’étaient qu’un. La formule a déjà été trouvée, mais je la reprends à mon compte avec plaisir, ce YR3 se transforme en YR au cube. Ce n’est possible qu’avec l’aide d’une rythmique essentielle qui libère le pianiste. Parfait dans la polyrythmie quel que soit le contexte, en binaire, Justin Faulkner martèle  métronomiquement,  alors qu'en ternaire, il cherche, élégant dans le cliquetis des baguettes, soutenu par Laurent David, pilier du trio.

Quand on sait que l’album enregistré live au Triton, en cercle rapproché et sans casque, pour une interaction efficace et maximale des trois instrumentistes, a été conçu en suivant les conseils de Daniel Yvinec, l’un des meilleurs D.A qui soient, on n’a plus de doute. Il explique d’ailleurs dans des liner-notes édifiantes la genèse du projet et le choix de se placer sous la bonne étoile de ce  dieu de la batterie Tony Williams, passionné de rock, intégrant funk, pop, musique psyché à son jazz libre et inspiré.

Les Lifetimes à l’improvisation maîtrisée du trio définissent une musique jamais flottante ou trop planante qui fonce avec des compos enlevées, une jubilation dans les rythmes, tempérée par des passages soudain délicats et classiques au piano. L’invention mélodique ne passe plus au second plan et reprend tous ses droits. Peut-être pour de trop courts moments. Mais le CD file à toute allure et le plaisir n’en est que décuplé.

 

Sophie Chambon

 

 

NB : Rappelons que le pianiste dans son grand éclectisme a sorti ce printemps Ikiru plays  Satie en forme de duo piano-saxophone avec Fabrice Theuillon du collectif Surnatural Orchestra.

 

 

 

 

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13 octobre 2023 5 13 /10 /octobre /2023 12:02


Editions Les Soleils Bleus, collection Les Témoins du Temps.

Disponible depuis le 3 octobre.


     Sans nostalgie ni acrimonie, Pierre de Chocqueuse nous livre ses impressions d’un amateur de jazz éclairé sur une décennie (2010-2020). Ce journal présenté de manière chronologique tire l’essentiel de sa substance du blog (www.blogdechoc.fr) tenu par un observateur-acteur de la jazzosphère : un temps attaché de presse d’une maison de disque, rédacteur en chef de Jazz Hot à la fin des années 80, chroniqueur régulier de revues, auteur et, ce qui n’est pas le moindre, cheville ouvrière de l’Académie du Jazz sur trois décennies.

 

     Personne ne s’étonnera donc que le jazz occupe la place centrale de cette chronique au long cours mais il y est aussi question de Claude Debussy, Charles Koechlin, ou encore Henri Dutilleux (objet d’un plaidoyer vibrant) et de Bertrand Tavernier qui « ouvre le bal » en 2010. Le titre (De jazz et d’autre) n’est pas usurpé. Préfacier, le pianiste-compositeur (et ancien élève de l’Ecole Normale) Laurent de Wilde salue « les pérégrinations artistiques de cet auteur aussi sagace que malicieux ».


     Au fil des pages, le lecteur découvrira ainsi les coups de cœur discographiques d’un expert qui ne cache pas son faible pour les pianistes, Chick Corea (qui figure en quatrième de couverture aux côtés de l’auteur) mais aussi des artistes délicats tels que Marc Copland, Dan Tepfer, Marc Benham ou encore le (trop) méconnu Philippe Le Baraillec. Un très utile index des personnes citées et des disques analysés permet d’ailleurs de naviguer à son aise dans l’ouvrage.


     Baignant dans le monde du jazz depuis les années 70, Pierre de Chocqueuse serait-il tenté d’entonner le refrain passéiste du « C’était mieux avant » et de regretter le temps des géants aujourd’hui disparus ?  Que nenni. « Ses grands créateurs n’étant plus là pour le faire aimer, le jazz est-il moins créatif ? Plongés dans le passé, dans le jazz de leur jeunesse, ceux qui le prétendent ne voient pas la richesse de ce jazz pluriel qui se joue aujourd’hui des deux côtés de l’Atlantique » (avril 2018, page 167).


     Avec « De jazz et d’autre », nous tenons un ouvrage au style vif et nerveux qui constitue une ode chaleureuse et engagée au jazz à déguster sans modération. A conseiller et pas seulement à ceux (ou celles) qui aiment le jazz.


Jean-Louis Lemarchand.

 

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13 octobre 2023 5 13 /10 /octobre /2023 10:57

Fabien Robbe (p), François Tusques (p)

Disponible sur www.fabienrobbe.bandcamp.com

 

 

C’est sûrement une histoire de rencontre qui va au-delà de la musique. On jurerait à entendre ce piano à 4 mains qu’il y a là bien plus qu’une symbiose musicale mais une rencontre humaine de longue date qui se joue entre deux pianistes issus de génération et de culture (pianistique) différentes. L’histoire ( c-a-d le communiqué de presse) ne nous le raconte pas et peut être faut il aller chercher dans quelques affinités bretonnes. A l’époque où le Robbe Gloaguen quartet jouait les compositions de François Tusques.  On ne sait pas.

Ce que l’on sait en revanche c’est que cette rencontre nous séduit. Certes on ne fait pas bien la différence quand c’est l’un ou l’autre qui joue mais on est séduits et émus tout à la fois d’entendre François Tusques ( pianiste de légende de la belle époque du free jazz) reprendre le clavier pour ces suites improvisées.

Les deux se complètent, se croisent, interagissent dans un mouvement permanent.

Où aussi l’on découvre François Robbe, par ailleurs multi-instrumentiste, se délecter sur des airs monkiens en diable.

Enregistré en juin 2022 en une prise et à la maison, cet album respire la complicité de l’instant. Celui où la musique se laisse aller « sans détours », comme elle vient, comme l’échange sous l’arbre à palabres.

Il y a chez les eux un vrai sens du blues aussi mutin que profond et bleu. « Sans détours » c’est aussi cent détours n passant de Bud Powell aux Gavottes, du classique au jazz, de la fumée des clubs de jazz aux ors des musiques de chambre.

Coup de cœur.

Jean-Marc Gelin

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