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14 juillet 2023 5 14 /07 /juillet /2023 12:49

MISSION MANDOLINE VINCENT BEER DEMANDER

ORCHESTRE NATIONAL DE CANNES

Direction de Benjamin Lévy

 

Label Maison Bleue

www.labelmaisonbleue.com

 

Accueil - Compagnie Vincent Beer-Demander & Co (compagnievbd.org)

 

 

 

C’est avec le programme de cet album que le mandoliniste Vincent Beer Demander a ouvert le troisième festival de Mandoline à Marseille le 5 juillet dernier. Un pas de côté certes par rapport au jazz, mais on retrouve des compositeurs qui aiment et ont pratiqué le jazz tout en s’adonnant à d’autres musiques.

Dans ce Mission Mandoline qui présente des concertos ou oeuvres concertantes pour mandoline solo et orchestre symphonique, ce professeur du Conservatoire Régional de Marseille sort cet instrument baroque du XVIIIème de son répertoire de routine pour aller à la rencontre de grands compositeurs comme Vladimir Cosma qui peut tout composer, symphonie, thème de jazz et ici caprices,écho naturel aux 24 Caprices du violoniste Paganini( également mandoliniste). La mandoline en fait est un petit luth joué sans archet mais avec une plume, un plectre. On entend ici le dernier de ces Caprices qui reprend en le déjouant un de ses thèmes les plus connus, celui du “Grand Blond avec une chaussure noire” du film de 1972 d’ Yves Robert. Le caprice est une forme libre qui s’apparente aux thèmes et variations chers au jazz où l’on peut faire sonner l’instrument de façon ludique et virtuose.

Comme le titre de l’album le suggère, c’est avec un autre compositeur de musiques de films, tout autant éclectique, Lalo Schifrin que débute le CD avec des “Variations sur un thème de Lalo Schifrin” de Nicolas Mazmanian, collègue pianiste, enseignant au conservatoire.

Chacune des sept variations de cette suite-portrait évoque de près ou de loin le thème qui se diffuse tout au long du mouvement pour éclater au final. Ce qui paraît intéressant dans la démarche de Nicolas Mazmanian est d’avoir amené toutes ses variations vers le thème et non l’inverse. La conclusion est sans appel : le thème que tous connaissent et aiment, y compris les plus jeunes, aujourd’hui encore, celui de la série, sortie en 1967!

Encore du cinéma avec un autre grand compositeur Nino Rota et son “Padrino” arrangé magnifiquement par le pianiste marseillais Christian Gaubert avec cette reprise du thème du Parrain, conçue pour la mandoline : une mélodie simple, émouvante, jouant avec la matière musicale pour en faire une miniature pour mandoline.

C’est Ennio Morricone qui nous ravit ensuite avec une “Sérénade en forme de passacaille” : une autre atmosphère lancinante et mystérieuse. Les cordes graves exposent un ostinato glissant en pizz rejoints par des trémolos frottés, riffs plaintifs sur lesquels la mandoline s’installe et mène la danse.

Claude Bolling autre fou de jazz a composé son concertino “Encore” où la mandoline swingue si élégamment avec la contrebasse . Le final est en hommage au style de Earl Hines avec lequel joua Claude Bolling en 1948 .

Il y a une réelle cohérence dans cet album qui s’écoute en tendant l’oreille, car sous la virtuosité apparaît une certaine émotion. Un ancrage populaire où des mélodies raffinées, conjuguées à l’art savant de les réharmoniser, contribuent à une vraie découverte de la mandoline.

A l’écoute du programme de l’album, on est convaincu d’avoir fait le tour des possibilités, sonorités, techniques de cet instrument. Mais on est loin d’être au bout de ce que nous réserve le toujours inventif VBD? On attend donc qu’il se mette sérieusement au jazz.

 

Sophie Chambon

 

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13 juillet 2023 4 13 /07 /juillet /2023 14:58

     Figure familière des clubs et festivals pendant plus de six décennies, fidèle à son Nikon F1, Christian Rose, reporter-photographe, nous a quittés le 11 juillet.

     Sa première photo publiée en 1965 dans Pariscope, hebdomadaire de spectacles, était consacrée au trio de Martial Solal. Il avait 19 ans. Depuis, le jazz était sa passion et il apporta sa contribution à Jazz Magazine avec régularité, mais sans exclusivité, tenant à son statut de photographe indépendant.

 

     Si le jazz fut son terrain d’exercice majeur, Christian Rose sut saisir aussi les moments forts et les expressions de toutes les scènes de la musique (pop, rock, blues, classique). Pour s’en rendre compte, il suffit de consulter les quelque dix mille références de son site (Christian-rose-photo.com). Ou de compulser ses cinq livres, ‘Instants de jazz’ (1996), ‘Jazz Meetings’ (2003), ‘Zappa en France’ (2003), ‘Black and Soul’ (2004), ‘Guitares : 60 portraits de légende’ (2005).

 

 

     Christian  avait les qualités maîtresses du photographe : il savait s’imposer pour être au bon endroit au bon instant et se faire oublier pour capter une expression sans troubler l’artiste au travail. Membre de l’Académie du Jazz, il participait très activement à ses manifestations, toujours présent lors de l’assemblée générale votant le palmarès et à la cérémonie de remise des prix, même en mars dernier, se refusant à baisser les bras face au cancer qui finira par l’emporter.

 

 

     Discret, élégant, doté d’un réel sens de l’humour, Christian Rose nous laisse l’image d’un observateur engagé de la scène musicale.

 

      Nous perdons un ami, un pilier, et présentons nos plus sincères condoléances à sa famille et à ses proches.

 

     Une cérémonie se tiendra au cimetière parisien du Père Lachaise le 19 juillet à 11h30.

 

     Jean Louis Lemarchand.

 

©photo Philippe Baudoin

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7 juillet 2023 5 07 /07 /juillet /2023 18:35

 

Bojan Z (piano solo)

Marseille, 17 octobre 2021

Paradis Improvisé / l’autre distribution

 

Très belle incursion/excursion de Bojan Z dans des thèmes très divers (les siens, et ceux de compositeurs essentiels : Jimmy Rowles, Wayne Shorter, Charles Mingus, Horace Silver, Clare Fischer….). Le piano respire la liberté, la spontanéité, la nuance (mais aussi la fougue). La sonorité chante, parfois aussi elle rugit. Nous le suivons dans ce cheminement de liberté, souvent enchantés, et aussi fascinés. La manière dont il joue, déjoue et rejoue les sinuosités du thème de The Peacocks, ses détours dans les chromatismes du pont, tout cela dans le seul but de faire chanter l’émotion si particulière de cette merveille de composition et de forme, est un pur régal, et un grand moment de musique. On peut en dire tout autant de ce qu’il fait sur les autres thèmes : libre, inspiré, Bojan est encore et toujours un pianiste d’exception.

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur Youtube 

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6 juillet 2023 4 06 /07 /juillet /2023 14:00

 

Régis Huby (violon, composition) , Guillaume Roy (alto), Marion Martineau (violoncelle, viole de gambe), Olivier Benoit (guitare électrique), Pierrick Hardy (guitare acoustique), Joce Mienniel (flûte), Jean-Marc Larché (saxophone soprano), Catherine Delaunay (clarinette), Pierre François Roussillon (clarinette basse), Matthias Mahler (trombone), Illya Amar (vibraphone, marimba), Bruno Angelini (piano, piano électrique, synthétiseur basse), Claude Tchamitchian & Guillaume Séguron (contrebasses), Michele Rabbia (batterie, percussions, électronique)

Malakoff, juillet 2022

Abalone / l’autre distribution

 

Un somptueux foisonnement ! J’avais écouté ce groupe, et cette musique, en 2018 au festival D’Jazz Nevers, et j’espérais qu’un disque viendrait. C’est fait, et l’auditeur que je suis est comblé par ces retrouvailles. Réunissant une équipe de solistes au-delà de tout éloge, c’est une musique construite sur un exigence formelle qui ne brime en rien la vitalité, le rebond, et la créativité individuelle de l’improvisation. La complicité ancienne du compositeur-leader avec une bonne partie des interprètes n’est pas pour peu dans cette réussite. Mais ce n’est pas le seul ingrédient : l’investissement individuel de chacune et de chacun dans cette musique, dans son esprit, mais aussi ce qu’elle a d’organique, de charnel, fait que l’on court de séquence en séquence, étonné et ravi de ces transitions inattendues, de ces retours obstinés de pulsations entêtantes. Au moment des premières présentations publiques de cette œuvre presque monumentale, Régis Huby avait dans un entretien évoqué Steve Reich. Mais ce qui pour moi va au-delà de cette référence, c’est qu’il s’agit d’une musique vraiment collective, avec des interprètes qui sont constamment inspirés, dans l’écrit comme dans l’improvisé : le miracle de la vie même. De la (très) grande musique ou, si l’on préfère, du Grand Art. Chapeau bas !

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur Youtube

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29 juin 2023 4 29 /06 /juin /2023 18:12

 

Tim Berne (saxophone alto), Hank Roberts (violoncelle), Aurora Nealand (accordéon, clarinette, voix)

Brooklyn, 9 août 2022

Intakt records CD 403 / Orkhêstra International

https://timberneintakt.bandcamp.com/album/oceans-and

 

Une fois encore, Tim Berne me surprend, et m’épate. Après avoir, pendant des années, sur disque et en concert, offert des audaces écrites, développée dans des improvisations vertigineuses, et avec des partenaires de choix (dont Marc Ducret), il nous tend un bouquet d’improvisations collectives avec des complices tout aussi choisi(e)s. Et une instrumentation pour le moins inusitée. Le violoncelliste est pour lui (pour nous aussi) une vieille connaissance. Quant à Aurora Nealand, je dois avouer que je la découvre avec ce disque. Un disque très collectif, où chacune et chacun lance une bribe, une idée, une phrase, qui devient instantanément langage collectif, projet esthétique en mutation instantanée…. On croise au détour d’une phrase, ou d’une effusion, le souvenir des musiques qui nous sont en mémoire (fantôme d’un standard ?). Mystérieux, jouissif, et infiniment musical. Un rêve de musique improvisée, en quelque sorte.

Xavier Prévost

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29 juin 2023 4 29 /06 /juin /2023 10:45
MOONDOG raconté par Guy Darol & Laurent Bourlaud

MOONDOG raconté par Guy Darol & Laurent Bourlaud

 

Editions de la Philharmonie

Collection Supersoniques (paru en avril 2021).

Supersoniques #1 : Moondog, la fortune du mendiant | Philharmonie de Paris
 

En découvrant l’ouvrage de Laurent de Wilde sur le père du synthétiseur Robert Moog aux éditions de la Philharmonie, on a eu envie de poursuivre notre exploration de la collection Supersoniques où écrivains et dessinateurs conjuguent leurs efforts pour mettre en valeur un parcours musical souvent atypique.

Le rembobinage conduit à s’intéresser au premier ouvrage de la collection qui en comporte sept à présent, qui traite du cas de l’excentrique Moondog, vu cette fois par l’écrivain, essayiste, critique musical, Guy Darol dont l’une des passions est Frank Zappa qui avouait être influencé comme son pote Captain Beefheart par le Viking de la Sixième avenue. Rien de surprenant puisque Louis Thomas Hardin, devenu aveugle très jeune, qui se baptisa Moondog en souvenir de son chien Lindy qui hurlait à la lune, fascina des compositeurs d’envergure, tous styles confondus, en premier lieu des jazzmen comme Benny Goodman, Charlie Parker (Moondog composa en son honneur le fameux "Bird’s lament"), Mingus avec lequel il joua, Miles... Mais il intéressa aussi Leonard Bernstein qui lui donna quelques leçons pour conduire un orchestre, Steve Reich, Philip Glass qui l’hébergea pendant un an. Pour ces derniers, il était même le précurseur du minimalisme!

Dans ce bel ouvrage coloré et rythmé par Laurent Bourlaud,  Guy Darol, dans un style élégant et poétique, décrit très clairement les points forts d'un parcours "beyond category". En neuf petits chapitres que l’on avale d’un trait, Guy Darol nous conte la vie et l’oeuvre de Moondog jusqu’au  clin d’oeil final : pour la dernière découpe, donc la neuvième, on apprend que ce passionné de numérologie et du chiffre neuf (il en avait fait la mesure de sa musique) mourut un jour avant la date de la parfaite harmonie, le 9/09/99. S’il ne néglige pas les bizarreries du personnage, ses conditions de vie extrême -il vécut sans abri dans les rues de New York, mais aussi de Francfort ou Hambourg, jouant aussi devant les salles de concert et de maisons de disques ( la Tour Columbia), Darol s’intéresse surtout à définir son style. Avec un sens élaboré des formules, il avoue qu’ il faisait du neuf avec l’ancien. Ce musicien strictement tonal qui commença avec des serpents de son (Snaketime rhythms) était fou de musique classique, de contrepoint qu’il étudia sérieusement, et bien sûr de Jean Sébastien Bach. Loin d’être post-moderne, Moondog se revendiquait comme un classique, continuateur de Bach et Beethoven en disant “Je ne vis pas dans le passé c’est le passé qui vit en moi”.

Bien que compositeur d’une oeuvre foisonnante, entièrement en braille, et connu de son vivant grâce au label Roof de Bernd Kowalzik et en France  par Daniel Caux et Martin Meissonnier, son oeuvre fut peu diffusée et enregistrée. Sa musique ne fut pas oubliée pour autant après sa disparition puisqu’elle fut reprise et prolongée par des samplers dont la technique ne lui était pas indifférente, en amoureux inconditionnel du rythme.

La musique de Moondog est résolument américaine, marches militaires, ragtime, jazz mais aussi percussions amérindiennes jouées pour des danses traditionnelles du soleil (un souvenir de son séjour chez les Arapaho dans les années vingt, une tribu dont la science du regard admet l’invisible), sans oublier les bruitages des rues de New York. Il inventa d'ailleurs de nouveaux instruments pour créer de nouveaux timbres, l’itsu, le trimba, le hüs qui manifeste de son goût pour la culture et mythologie scandinaves que trahit son accoutrement qui ne le faisait pas passer inaperçu.

 

Ce texte apparaît-et ce n'est pas le moindre de ses attraits, comme un conte illustré, une fiction merveilleuse; la playlist fournie à la fin de l’ouvrage donne des pistes non exhaustives mais déjà suffisantes pour flâner dans l’oeuvre de ce musicien hors norme, dont la vision du monde était fondée sur l’harmonie.

 

Sophie Chambon


 

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20 juin 2023 2 20 /06 /juin /2023 21:42

 

Jozef Dumoulin (piano, piano électrique, synthétiseur, guitare, voix, programmation, inserts sonores)

Carton Records (CD, vinyle, téléchargement)

https://cartonrecords.bandcamp.com/album/this-body-this-life

 

Dix ans après l’enregistrement du disque «A Fender Rhodes Solo», Jozef Dumoulin retrouve l’exercice solitaire du clavier. Le pianiste nous dit que voici quelque temps le producteur d’un label lui avait suggéré de faire un album qui mêlerait piano acoustique et piano Fender Rhodes. Il s’était alors mis à l’ouvrage, mais le producteur voulait l’orienter vers une esthétique à laquelle il n’adhérait pas. Et il reprit le projet en suivant ses propres critères. Ce disque est donc une sorte de manifeste artistique de Jozef Dumoulin, donnant libre cours à ses idées, ses envies, ses fulgurances…. Et le résultat vaut la peine d’être découvert. À partir de nombreuses improvisations sur le piano et sur le piano électrique, le musicien a élaboré 14 plages très singulières, d’une indiscutable richesse musicale. Les sons et les langages se mêlent, en contrastes, tensions, ruptures, tuilages ou subite cohésion. Pour avoir écouté le pianiste, depuis des années, dans les contextes les plus divers, je croyais avoir entendu toutes les ressources de sa large palette sur les divers instruments. Eh, bien une fois encore, il m’a étonné, surpris…. Et ravi !

Xavier Prévost

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18 juin 2023 7 18 /06 /juin /2023 09:18
JeanPaul Ricard & Jean Buzelin  GIRLS           VOCAL GIRL GROUPS  JAZZ POP DOO-WOP SOUL (1931-1962)

JeanPaul Ricard & Jean Buzelin

GIRLS VOCAL GIRL GROUPS

JAZZ POP DOO-WOP SOUL (1931-1962)

 

Frémeaux& Associés

Go On - YouTube

I'M On The Wagon - YouTube

When You Were Sweet Sixteen - YouTube

Editions, Galerie, Librairie Sonore et Vignobles Frémeaux & Associés (fremeaux.com)

 

 

Le label Frémeaux&Associés nous fait découvrir une fois encore des enregistrements rares mais pas nécessairement obscurs, tout à fait dignes d’intérêt. Un coffret de 3 CDs sur un thème inédit et très original...

Nous avions salué comme ils le méritaient les précédents coffrets, toujours de 3 CDS chez Frémeaux & Associés qui redonnaient enfin aux femmes dans le jazz un rôle plus conséquent, une plus juste place. JP Ricard et Jean Buzelin, à l’origine de ces formidables compilations, rassemblaient les pianistes ( 1936-1961) sans oublier les autres instrumentistes (1924-1962) et les Girls Bands (1934-1954), en laissant de côté les chanteuses. Ils partaient du principe que pour le grand public les femmes dans le jazz sont avant tout chanteuses : sexy, elles s’exposent sur le devant de la scène, en pleine lumière, et n’ont jamais eu ce problème de visibilité rencontré par les instrumentistes.

Les chanteuses n’ont pas été dédaignées pour autant par les créateurs de ces coffrets. Encore un autre travail colossal de nos deux experts en jazz et blues qui continuent leur entreprise en orientant leurs recherches cette fois vers une catégorie complètement ignorée aujourd’hui, sous estimée (?). Ils s’intéressent cette fois aux Girls Vocal Groups qui se sont souvent constitués dans le groupe familial, utilisant ainsi les diverses tessitures avec la prédominance d’une “lead singer”. Si ça commence avec des chanteuses blanches dans les années vingt, les Boswell Sisters de la Nouvelle Orleans, accompagnées par les frères Dorsey, connurent un très grand succès au début des années trente avec des reprises sensationnelles de “ Everybody loves my baby”, “Mood Indigo”ou “Alexander’s Ragtime band” sur les disques Brunswick, les Andrews Sisters nous sont encore familières avec les chansons de la période de la guerre “Bei mir bist du schön” ou “Rum and Coca-Cola”sur Decca. Comment ne pas citer les Chordettes dès 1946 qui jusqu’à leur séparation en 1965 enchantèrent le public ( “Mr Sandman” en 1954)?

Mais pour beaucoup de groupes, il était nécessaire d’opérer une réévaluation de ces chanteuses dont le nom nous est souvent inconnu. Très vite les groupes sont constitués par des chanteuses noires avec leur style fait de blues et jazz hot…On peut citer sur le Cd1 les Dandridge Sisters qui passèrent au Cotton Club au sein de l’orchestre de Jimmy Lunceford, Dorothy s’illustrera plus tard dans la "Carmen Jones" de Preminger. Une curiosité à souligner, les Peters Sisters eurent une belle carrière en France et passèrent aux Folies Bergères…) “Comme tu me plais” de Paul Misraki.

Le gospel laisse sa marque avec une chanteuse au premier plan soutenue par le choeur. Les Cookies sont repérées par Ray Charles qui les rebaptisa Raelettes (“What kind of man are you”?1957)

C’est à une véritable explosion du phénomène de groupes vocaux au féminin, y compris dans le style très particulier doo-wop, lancé pourtant par des groupes de garçons, que l’on assiste durant les sixties, avec de grands producteurs qui ont le sens du marché et savent manager des groupes de très jeunes et jolies chanteuses qui envahissent la variété et deviennent la coqueluche des teenagers. Les Shirelles ouvriront la voie aux groupes célèbres qui vont se succéder: le génial Berry Gordy qui fabrique les talents et le Tamla Motown sound encourage au début les Marvelettes “Please Mr Postman” en 1961, Martha and The Vandellas “I’ll have to let him go” en 1962 mais il favorisera surtout les Supremes qui figurent en couverture du coffret ( Vous aurez reconnu sa protégée, Diana Ross qui finira par remplacer en lead singer Florence Ballard ), chanteuses qu’il rendra suffisamment lisses pour le marché pop. (“Buttered popcorn”, “Let me go the right way” en 1961).

Quarante six groupes, un livret de 20 pages avec les renseignements discographiques complets des différentes séances, 26 titres pour le premier Cd, et 28 pour chacun des deux autres.

Jean-Paul Ricard, ardent défenseur des femmes dans le jazz, ne pouvait laisser passer l’occasion de ressortir quelques belles pépites et avec son copain Jean Buzelin, ils étudient cette fois l’art du jeu et des harmonies vocales dans tous les champs de la musique populaire américaine du XXème siècle. A eux deux, ils couvrent toute l’écriture jazz, pop, soul, country music (Staple Singers en 1959 “Downward road”) respectant la législation du domaine public, c’est à dire de 1931 à 1962.

Nos deux auteurs ont puisé cette fois encore dans leur vaste collection de LPs, se sont répartis les styles et après sélection des titres les plus représentatifs de chacun des groupes choisis, ils ont validé après restauration et mastering le nouveau coffret, d’où une très belle qualité de son pour une écoute optimale.

Guidé par l’expertise de tels connaisseurs, on ne peut que se laisser bercer par ces musiques "vintage", ces oldies but goldies et rendre hommage à ce travail de mémoire précis, précieux et indispensable pour l’histoire de la musique.

 

Sophie Chambon

 

 

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13 juin 2023 2 13 /06 /juin /2023 07:09
EMMANUEL CLERC                  ALBERT AYLER    Vibrations

EMMANUEL CLERC

ALBERT AYLER Vibrations

 

Editions le Mot et le Reste  

Albert Ayler (lemotetlereste.com)

Le mot et le reste

 

Ecrivain des sensations, de l’émotion en musique, Emmanuel Clerc, l’auteur de ce premier livre court mais intense sur Albert Ayler arrive à rendre la tension, les contradictions et le mystère dans un portrait vibrant de ce musicien.

Le titre de ce récit Vibrations qualifie d’ailleurs parfaitement la musique du saxophoniste et aussi la qualité très personnelle de l’écriture d’ Emmanuel Clerc qui songe qu’il a l’âge d’Ayler à sa mort, trente quatre ans. Mise en abyme, identification? Le fait de se mettre en scène et de sortir du cadre purement  biographique, voire hagiographique de livres dédiés à un musicien,  donne plus de chair à une réflexion sincère, enthousiaste et documentée.

La bibliographie est très précise comme toujours dans les parutions des éditions marseillaises mais Emmanuel Clerc en fait un usage vraiment pertinent avec des références et citations des plus adéquates. On comprend à quel point le génie singulier du saxophoniste a été célébré par la critique française d’avant-garde.

Après cette lecture, on sort plus au fait de son sujet, de cette vie de tourments avec quelques hauts et tellement de bas, même si de très belles plumes nous ont fait connaître à l’époque Albert Ayler. On n' oubliera pas de sitôt le portrait insurpassable dans L’improviste de Jacques Réda, les articles inspirés de Philippe Carles (La bataille d’Ayler n’est pas finie) ou de Francis Marmande dans Jazz Magazine, la revue en pointe à l'époque, les chroniques de Daniel Caux, témoin inestimable. Emmanuel Clerc arrive même à glisser le roman de Francis Paudras (La Danse des Infidèles, édité au demeurant chez le Mot et le Reste) jusque dans le titre de son dernier chapitre La Danse des Intranquilles. Et cela fait sens.

Dans ces pages s’exprime un véritable point de vue, que l’on connaisse ou non ce saxophoniste si peu compris de son temps. Aujourd'hui il semble difficile de résister à son appel. Surtout quand on est happé par cette écriture fièvreuse qui fait revivre ce musicien inouï dont la musique n’est pas religieuse dans sa fonction mais dans son essence,  n’est pas une invitation à la prière, elle est prière!

Impressionnant par sa seule présence, Albert Ayler, ce Holy Ghost a la création radicale, enracinée dans la culture afro-américaine. Mais son cri d’amour, de paix, de spiritualité fut souvent incompris. Il n’a pas construit son oeuvre par des évolutions successives, des révolutions esthétiques comme Coltrane, l’aîné qu’il vénère ou Don Cherry, le Petit Prince (toujours chez le Mot et le Reste) avec lequel il a enregistré dès 1964 (en quartet avec Gary Peacock et Sunny Murray). Il a créé sans projet défini ces albums Ghosts ou encore Vibrations, entre célébration et transe au ténor, du plus grave au plus aigu, du plus lent au plus rapide avec un incroyable vibrato d'une profondeur indéfinissable. Au final Albert Ayler a sorti peu d’albums de My name is Albert Ayler ( Debut Records, 1964) à The Last Album (Impulse, 1971) et rencontré peu de succès auprès du public américain, excepté en Europe et ... en France.

L’un des points forts de Vibrations est à cet égard l’évocation des fameux concerts, les 25 et 27 juillet 1970, ces Nuits de la Fondation Maeght dont l’auteur arrive à rendre merveilleusement l’atmosphère, le sentiment d’union mystique avec le public. Des temps forts, tellement exceptionnels qu’ils sont devenus mythiques pour tous les amateurs de jazz. Emmanuel Clerc établit un rapprochement avec les concerts de John Coltrane le 26 juillet 1965 à Juan les Pins. Pas étonnant quand on sait le lien entre les deux saxophonistes, si fort que Coltrane fort admirateur de son cadet, l’aida à plusieurs reprises, le faisant enregistrer sur son label Impulse. Et il demanda qu’Ayler joue à ses funérailles.

"Trane était le père, Pharoah le fils et j’étais le Saint Esprit" dira Ayler!

Si Coltrane disait "Je pars d’un point et je vais le plus loin possible", il est clair qu’ il pensait à Ayler pour continuer, saisir ce passage de relais. Dans l’urgence et avec une certaine rage dans l’expression  qui permet à ceux qui l'écoutent de se sentir vivant. S’affranchissant des cadres,  dans ses interprétations, Albert Ayler repousse toutes les limites, en fort contraste avec son choix de mélodies simples, ballades et berceuses (“Summertime”, "Ol' Man River",“When The Saints go marching in”, marches funéraires  ou militaires, avec ce retour prononcé des fanfares, du gospel, des spirituals et de l’Afrique. "Libérée de son thème, la musique d'Ayler atteint un stade supérieur... où elle fait l'expérience de sa propre vie".

Fort judicieusement, Emmanuel Clerc songe aussi à cet autre météore Jimi Hendrix, apparu au petit matin du dernier jour de Woodstock, le 18 août 1969, devant un public halluciné pour jouer en trio sa version du “Star Spangled Banner”. Version non moins iconoclaste de l’hymne américain que "la" Marseillaise" revisitée par Ayler,  acclamée à St Paul de Vence. Tout se tient et les correspondances artistiques de cette époque sont troublantes.

Vibrations se lit vraiment comme un roman : si ce récit vif, brillant s’attache aux faits et à leur reconstitution, il creuse la réalité pour mettre au jour ce que l' incompréhension de cette musique révèle de la société,  de ses conventions et ses hiérarchies tacites. Le texte analyse et commente, devient même thriller sur sa fin, le temps d’évoquer la disparition du saxophoniste, toujours inexpliquée, le 25 novembre 1970. Car le "miracle" de St Paul de Vence ne fut pas pour autant le début d'une reconnaissance qui aurait été juste. Plus dure sera la chute hélas, et le corps d’Ayler fut repêché dans l’East River, seulement quatre mois après. Mais le message de ce musicien est toujours d’actualité, frémissant, engagé, précieux, universel. L'effet d'un trou noir cosmique pour le jeune écrivain qui a réussi son envol : un coup de maître  que ce Vibrations, assurément!

 

Sophie Chambon

 

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11 juin 2023 7 11 /06 /juin /2023 21:46

Samuel Blaser (trombone), Fabrice Martinez (trompette, bugle, tuba), Christophe Monniot (saxophones sopranino, alto & baryton), Marc Ducret (guitares électriques, composition)

Moulin-sur-Ouanne (Yonne), octobre 2022

Ayler Records AYLCD-178 / Orkhêstra

https://www.ayler.com/marc-ducret-ici.html

 

Une aventure singulière : pendant les confinements, faute de pouvoir se réunir en studio, le groupe s’est rassemblé, entre juillet 2020 et juin 2021, sur les bords d’une rivière bretonne, soumise aux mouvement des marées.

 

 La musique, sommairement captée, fut rejouée en studio dans l’Yonne, et enregistrée là par Antonin Rayon, partenaire pianiste/organiste de Ducret, mais aussi ingénieur du son. Entre ici et là, la magie de l’invention musicale est demeurée intacte. Des harmonies tendues à l‘extrême, des mélodies presque apaisées, des foucades sans entraves dans l’improvisation (d’ailleurs, est-il possible de faire l’exact départ entre l’écrit et l’improvisé?). Les titres égrènent la succession des saisons (L’été, l’automne, l’hiver, le printemps…..) comme autant de tremplins à l’inventivité et à la liberté. La densité des compostions explose dans les escapades improvisées, et pourtant tout cela est d’une incroyable fluidité. Comme si cette expérience dictée par les circonstances pandémique servait de rampe de lancement au plus grand ‘naturel’. Évidemment comme toujours la nature et la culture s’interpénètrent, sans qu’il soit possible d’en déterminer la limite. Grand Art en somme !

 

Xavier Prévost  

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