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30 janvier 2010 6 30 /01 /janvier /2010 05:03

danportraitthum.jpg (photo © Vincent Soyez 09)


Avec la récente sortie de « Duos with Lee » chez Sunnyside, le jeune Franco-Américain Dan Tepfer a rejoint une longue et prestigieuse lignée : celle des pianistes qui, des années 40 à nos jours, ont enregistré aux côtés de Lee Konitz. Le temps d’un blindfold test, nous lui avons proposé d’écouter et de commenter à l’aveugle le jeu de quelques-uns de ses illustres prédécesseurs, au fil d’enregistrements puisés dans l’abondante discographie du grand altiste (et artiste).


Lennie Tristano Quartet feat. Lee Konitz, Ghost Of A Chance

« Lennie Tristano », 1955

Le phrasé est magnifique… Je ne sais pas exactement, cela pourrait être un très jeune Paul Bley. (Une fois informé) Tristano ? Je ne l’avais vraiment pas reconnu. J’ai beaucoup écouté « The New Tristano », mais pas tellement ce disque. En tout cas, c’est très beau. Tristano est toujours incroyable d’un point de vue formel, pour ce qui est de la construction des lignes, mais parfois, il peut sonner un peu forcé, surtout au niveau de l’accompagnement. C’est ce qui peut me déranger chez lui. Là, il est effectivement très présent derrière le saxophone, il joue des triolets pendant que Lee joue swing… Mais sur ce morceau, tout est tellement relax que pour moi, ça fonctionne. La raison pour laquelle je ne l’avais pas reconnu tout de suite, c’est qu’on entend ici un vrai lyrisme, une sorte de romantisme assez rare chez lui.


Lee Konitz/Bill Evans Quartet, My Melancholy Baby (Paris, Mutualité, 3 novembre 1965)

DVD Jazz Icons, « Bill Evans, Live 64-75 »

Ça, c’est Bill Evans ! En fait, je n’aime pas trop son phrasé à cette époque, c’est très saccadé, avec une sorte de swing stéréotypé. Mais en même temps, ça le rend immédiatement reconnaissable, et ça, c’est déjà pas mal. Et puis, ça reste un immense pianiste dans sa façon d’harmoniser les accords. Sa manière d’accompagner, ou au contraire de choisir de ne pas jouer au début du solo de Lee… Il est vraiment compositeur dans l’accompagnement. Il y a une belle citation de Paul Bley là-dessus : « Si une situation musicale n’a besoin de rien, on la laisse comme elle est. Si elle a besoin de nous, on entre. » Et là, on sent bien que Bill Evans s’est posé cette question.


Duo Lee Konitz/Martial Solal, Stella By Starlight

« Impressive Rome », 1968

Je ne connais pas cet enregistrement, mais ça ne peut être que Martial ! Ce genre d’accompagnement, c’est sa marque de fabrique. Et puis, c’est l’un des rares musiciens à toujours garder le sens de l’humour, ce côté extrêmement ludique. Il y a un autre duo avec Lee que j’adore : « Star Eyes » (enregistré à Hambourg en 1983 NDLR). Pour moi, c’est le modèle du jeu en duo : ils se complètent parfaitement, comme le yin et le yang. Quand ils jouent ensemble, ils dépassent tout de suite les stéréotypes, les clichés piano-sax. Ce sont juste deux personnes qui font de la musique ensemble. En même temps, ils sont très différents : Lee reste très constant, quel que soit le contexte ; à l’inverse, Martial est reconnaissable au fait que son jeu est sans cesse différent. Sur ce morceau, c’est lui qui crée la variété en prenant l’initiative de partir dans toute sorte de directions, mais Lee trouve toujours le moyen de rester cohérent avec lui. On n’a jamais l’impression que le piano le gène, ça reste complémentaire. Et puis, quelle virtuosité ! J’ai beau avoir beaucoup écouté Martial, ça me bluffe toujours autant. C’est vraiment quelqu’un qui maximise les possibilités du piano. Une fois, il m’a raconté que, quand il était jeune, il faisait des exercices tout en lisant des romans !

(À la fin du morceau) Je ne sais pas comment il fait, mais Martial trouve toujours la fin parfaite à chaque morceau. Quand on improvise comme ça, conclure est vraiment ce qu’il y a de plus difficile. Et comme le jugement de l’auditeur est souvent basé sur la fin…


Duo Lee Konitz/Gil Evans, Drizzling Rain

« Anti-Heroes », 1980

Gil Evans. Ce doit être « Heroes » ou « Anti-Heroes ». Ça, c’est un pianiste qui pense comme un arrangeur. Du coup, il n’a pas peur de laisser des silences. Moi, j’adore le sax, je joue mal de l’alto, et quand je suis en tournée, après les gigs, je suis toujours en train d’en jouer avec le bassiste qui passe au piano, des trucs comme ça. J’ai aussi un ami guitariste tchèque qui joue du piano comme si c’était une guitare. Gil Evans maîtrise quand même bien mieux l’instrument, mais lui non plus, il ne joue pas comme un pianiste. Il fait juste des sons, et c’est très musical. Et puis évidemment, il trouve des voicings magnifiques. Il utilise souvent la neuvième mineure, une couleur que j’aime beaucoup, mais qui est moins courante chez les pianistes que chez les arrangeurs. Ça me rappelle aussi un album de Bob Brookmeyer où il est au piano, « Holiday ». Il y a beaucoup de similitudes dans leur jeu, tout est très délibéré, très précis, sans rien d’automatique dans les doigts.

Cet enregistrement est aussi l’un des rares où Lee joue du soprano. Avec une justesse parfaite, d’ailleurs, alors même que c’est un instrument extrêmement difficile à maîtriser. Lee est très sensible par rapport à ça, car on lui a souvent dit qu’il jouait faux. Mais en fait, il est très conscient de son intonation. Lorsqu’il attaque une note par en-dessous, c’est toujours volontaire. Il y a aussi des albums où il joue tout le temps aigu, c’est juste un son à lui. Aujourd’hui, il y a toute une catégorie de saxophonistes qui essaient de sonner comme des pianistes, de jouer exactement au milieu de la note. Pour moi, c’est négliger un élément extrêmement expressif de l’instrument. À propos de notre dernier disque, un critique à écrit que Lee pouvait suggérer des mondes d’émotion dans l’intonation d’une seule note. Ça lui a fait très plaisir.


Duo Lee Konitz/Michel Petrucciani, Lovelee, puis I Hear A Rhapsody

« Lee Konitz/Michel Petrucciani », 1982

C’est un peu choquant d’écouter ça après Gil Evans, qui était tellement musical, tellement ouvert. Là, c’est un jeu très pianistique, et c’est comme si tout se refermait. (Une fois informé) Petrucciani ? J’ai eu la chance de le voir peu avant sa mort, à Marciac, c’était très émouvant. C’est quand même un très bon pianiste, mais bon, pour moi, là, ça sonne assez plat. Artistiquement, il n’apporte rien à ce thème, on ne redécouvre pas I Hear A Rhapsody à travers ce qu’il fait. C’est le genre d’enregistrement où on s’est dit : « Je suis pianiste, je vais faire un disque avec Lee, on va jouer des standards… ». On ne sent pas qu’il a vraiment quelque chose à dire, et il ne pousse pas Lee à faire autre chose que ce que ce dont il a l’habitude.


Lee Konitz Quartet feat. Fred Hersch, Nancy, puis Boo Doo

« Round & Round », 1988

Un peu au hasard : Harold Danko ? (Une fois informé) C’est Fred Hersch ? Je le connais très bien, c’est un très bon ami. Mais ça ne sonne pas du tout comme Fred Hersch, ce truc ! Je ne reconnais ni ses phrases, ni ses voicings… Pourtant je connais très bien son jeu, qui est très identifiable. Et puis, Fred est quelqu’un qui est très attaché à avoir le son de piano le plus beau, le plus mélodieux possible. Là, ça sonne assez dur. Ça date de quand ? 88 ? C’est vrai qu’il y a eu une époque où il jouait vraiment hard bop, et son style a beaucoup bougé depuis. Je ne l’aurais jamais reconnu, en tout cas.


Trio Lee Konitz/Brad Mehldau/Charlie Haden, Everything Happens To Me

« Another Shade Of Blue », 1997

Brad Mehldau. J’ai cet album, un très beau disque. Il n’y a aucune formule dans ce que fait Brad ici, il est totalement à l’écoute de Lee, et son accompagnement est très construit, très précis, sans aucune surcharge. En même temps, il joue vraiment dans l’instant, tout en restant très décontracté, bien au fond du temps. Une fois, j’ai parlé avec Brad de cet enregistrement, et il m’a dit qu’au début, ça avait été très difficile pour lui de jouer avec Lee et Charlie. Selon lui, les premiers jours, il n’était vraiment pas bon. La difficulté, c’était de s’adapter à une conception du temps vingt fois plus relax. Et on entend ici qu’il y est vraiment parvenu. Cela dit, il y a quelques instants dans ce disque où on sent qu’il perd un peu la main, qu’il devient un peu moins cool. Il faut dire que ce n’est pas facile de rester cool quand on joue avec Charlie Haden et Lee Konitz !

Ce que je trouve bluffant chez lui, c’est qu’il sonne vraiment moderne, très contemporain. Pourtant, là, ce qu’il fait est assez traditionnel. Mais c’est maîtrisé à un tel point qu’il est capable d’y insuffler une vibe très « génération X ». Parfois, il sort des choses très surprenantes, mais cela ne paraît jamais plaqué par-dessus, comme si on passait tout d’un coup dans un autre style. C’est bien le langage du jazz historique, mais il propose d’autres solutions dans ce langage. Comme Arvo Pärt, qui a étudié le contre-point de Bach et de ceux qui l’ont précédé, et qui utilise cet idiome en proposant de nouvelles directions.

Brad est un peu le Charlie Parker d’aujourd’hui, au sens où il est une référence pour beaucoup de musiciens. À l’époque, Lee a vraiment étudié Parker, il sait d’ailleurs toujours jouer ses solos, je l’ai entendu le faire. Mais il s’est dit très consciemment : « je ne veux pas sonner comme ce gars-là. » Aujourd’hui, c’est le même problème avec Brad : c’est quelqu’un de très fort, avec un style très convaincant. Et pour moi et les gens de ma génération, notre mission, c’est de faire une musique que lui n’aurait jamais faite, tout en étudiant son jeu pour pouvoir se jucher sur les épaules de ce géant.


Duo Lee Konitz/Walter Lang, Way Too Early, puis Monk’s Cottage

« Ashiya », 2007

Le début est joli… Aucune idée de qui ça peut être. (Une fois informé) Walter Lang ? Je ne le connais pas. Là encore, je savais que ce disque existait mais je ne l’avais pas écouté. Je n’ai pas grand-chose à dire là-dessus. C’est très joli, très relax, le time est vraiment super, mais en même temps, il n’y a pas la musicalité hallucinante d’un Gil Evans. Comme lui, il laisse beaucoup de silences, mais contrairement à Gil, ça donne une impression de vide. Très honnêtement, je trouve que son phrasé n’est pas très bon : il est un peu sur le devant du temps, et il ne joue pas des lignes particulièrement intéressantes. Dès qu’il commence vraiment à faire des phrases, il n’y a plus de main gauche. C’est très difficile de jouer sur la retenue, il faut qu’elle soit peuplée d’une tension incroyable dans les silences pour que ça marche. Encore une fois, c’est très joli, mais « joli » n’est pas le plus grand compliment qu’on puisse faire en musique.


Duo Lee Konitz/Dan Tepfer, Elande N°1

« Duos With Lee », 2009

(Rires) Qu’est-ce que tu veux que je dise là-dessus ? Bon, je peux en parler si tu veux… Ce dont je suis le plus fier, outre le fait que ça sonne bien, c’est que d’un point de vue artistique, il y a un défi un peu différent : faire de la musique entièrement improvisée, mais consonante. Ce n’est pas quelque chose qu’on retrouve souvent dans la discographie de Lee, alors qu’il est très fort pour ça. Et puis, c’est vraiment un disque d’aujourd’hui, qui n’aurait pas pu exister il y a vingt ans. Sur ce morceau, par exemple, c’est une approche qui, grosso modo, prend en compte l’apport du langage minimaliste dans le jazz. Pour moi, c’est très important d’innover, mais ce qui est encore plus important, c’est que ce soit beau. Là, on entend juste deux musiciens qui ont cinquante-cinq ans d’écart, et il en sort un truc qui est un peu la somme de ces deux époques.


Propos recueillis par Pascal Rozat.


 

Site de Dan Tepfer (http://www.dantepfer.com/)


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10 janvier 2010 7 10 /01 /janvier /2010 05:01

Elin Larsson

Nous avions rencontrés Elin Larsson au festival suédois Swedish Jazz Celebration en mars 2009 à Göteborg dans l'ouest suédois. Cette saxophoniste, jeune et fougueuse, et son groupe avait pris la salle à son compte et l'avait renversée comme une crêpe bien saisie.
L'écouter était soufflant, l'interviewer un vrai plaisir.

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30 novembre 2009 1 30 /11 /novembre /2009 21:37

 

"Nous sommes tous des fils d'Abraham"

 


Nous avons rencontré l’époustouflant clarinettiste américain de passage à Paris, pour la sortie de « Tweet Tweet », un album signé sous le nom de groupe : « Abraham Inc » (regroupant David Krakauer, Fred Wesley et So Called). Cette formation sera en concert le 03 décembre aux Transmusicales de Rennes et le 04 décembre à Amiens.

 

Propos recueillis par Lionel Eskenazi, le 03 novembre 2009.

 

- DNJ : Vous parlez couramment le français, vous avez eu l’occasion d’étudier au conservatoire à Paris. Parlez-nous de votre amour pour cette ville et plus généralement pour la France.

 

-D.K : J’ai passé le concours du conservatoire de Paris et j’ai pu obtenir une bourse pour venir étudier la clarinette pendant un an, c’était durant l’année scolaire 1976-1977. Je parlais déjà un peu le français et j’ai pu ainsi améliorer à la fois mon apprentissage de la langue et ma pratique instrumentale. Depuis j’éprouve toujours une sensation particulière, très sentimentale, quand j’arrive près de la gare de Lyon, car je me rappelle de mon arrivée avec ma grosse valise, j’avais 20 ans et je portais en moi toute la fragilité et l’espoir que l’on éprouve à cet âge crucial où l’on quitte l’enfance pour rentrer dans l’âge adulte.

 

- DNJ : A l’époque vous ne jouiez que de la musique classique ?

 

lire la suite de l'entretien avec DAVID KRAKAUER

 

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4 novembre 2009 3 04 /11 /novembre /2009 07:19

« Exposer Miles, c’est exposer le jazz »


© Eric Garault

 

DNJ : Pourquoi une exposition aujourd’hui en 2009 sur Miles Davis ?

 

Vincent Bessières : Cette exposition s’inscrit dans une série de célébrations de grandes figures populaires de la seconde moitié du XXe siècle. Elle vient après Jimi Hendrix, Pink Floyd, John Lennon, Serge Gainsbourg. Et la Cité de la musique avait le désir de consacrer l’une de ces grandes expos monographiques à une personnalité-phare du jazz et la figure de Miles Davis s’est imposée comme l’une de celles qui non seulement était populaire, donc susceptible de toucher un certain public, l’un des grands créateurs de la musique du XXe siècle mais aussi comme une personnalité centrale du jazz par le nombre de directions qu’elle a pu donner au jazz. Du coup faire une exposition sur Miles Davis, c’est quand même faire une exposition sur le jazz, même si c’est Miles qu’on prend comme fil rouge. Parler de lui, c’est parler du be-bop, du cool, des arrangements avec Gil Evans, du jazz modal. C’est couvrir un demi-siècle d’évolution du jazz.

L’autre raison qui fait que 2009 est une bonne année, c’est qu’elle marque un triple anniversaire donc symboliquement c’est important. C’est le soixantième anniversaire de la première venue de Miles Davis à Paris, épisode fondateur dans son parcours personnel tant du point de vue artistique qu’affectif. Il quitte les États-Unis en 1949 parce qu’il est invité comme représentant du jazz moderne, non pas dans un club mais dans le premier festival de jazz organisé à Paris après la guerre et qui se déroule à la salle Pleyel, une vraie salle de concert classique. Précisons qu’il n’a alors que 23 ans. Il est accueilli et attendu comme un ambassadeur du jazz moderne puisque avant même qu’il ne soit là, il y a des articles dans la presse, qui sont présentés dans l’expo, qui montrent qu’on a déjà une oreille sur lui. Il est accueilli par l’intelligentsia de  St Germain des Prés, et notamment Boris Vian, comme un créateur et pas simplement comme un musicien qui vient divertir un public de club. Du point de vue affectif, il y a la légendaire amourette avec Juliette Greco qui symbolisera pour Miles une liberté de sentiments et même une liberté sociale que la société américaine de cette époque, à cause de la ségrégation, lui empêche d’éprouver à New York. 2009, c’est aussi le cinquantenaire de « Kind Of Blue », l’un des albums fondateurs dans l’histoire du jazz car il a popularisé le jazz modal. C’est encore à ce jour le disque de jazz le plus vendu au monde. C’est un classique du jazz. Le troisième anniversaire, c’est le quarantenaire de l’enregistrement de « Bitches Brew », l’album qui marque l’avènement du jazz-rock et qui est emblématique de la révolution que Miles Davis a faite dans sa vie. Après avoir exploré un genre, le jazz, il en a fait exploser les frontières en s’ouvrant à des instruments, à des rythmes, à des couleurs, à des influences qui n’avaient pas leur place jusque-là dans le jazz. À partir de là, rien n’a plus été comme avant. Même s’il y a eu des courants de retour aux sources et de traditionalisme dans le jazz, c’est justement en réaction à cette ouverture que Miles a donnée au jazz qui est irréversible et fondatrice pour cette musique.

DNJ : Il y a donc selon vous une rupture dans la carrière de Miles quand il passe à l’électrique en 1968 ?

 

VB : Je préfère parler de virage et c’est ce qu’on voit bien dans l’expo :  on laisse Miles Davis en 1967 en Allemagne, en costume, devant un public assis, dans un film qui est en noir et blanc, devant un public de concert traditionnel. On le retrouve trois ans après et tout a changé. L’environnement sonore : il n’y a plus de piano mais deux claviers électriques, la contrebasse a été remplacée par une basse électrique et il y a un percussionniste complètement allumé dans l’affaire qui amène des couleurs et du groove avec tout un attirail d’instruments. C’est un concert en plein air, devant une foule de hippies. En trois ans, ça a complètement muté et à partir de là Miles ne reviendra pas en arrière. Surtout cela correspond à l’ouverture à un nouveau public et à des critiques très dures du monde du jazz.

 

DNJ : En tant que commissaire de l’expo, comment avez-vous abordé le difficile défi d’exposer la musique ?

 

VB : Avec la Cité de la musique et les scénographes de Projectiles, nous avions le désir de mettre la musique au centre de l’exposition, car c’est ça l’œuvre qu’on expose et c’est à ça qu’il faut rendre justice. On a donc littéralement mis la musique au centre et construit des murs autour en réalisant ces petits auditoriums plus ou moins circulaires dont la forme est inspirée de la sourdine Harmon que Miles a popularisée et qui est une sorte de signature chez lui. Ces auditoriums dans lesquels on peut rester à plusieurs sont des lieux de diffusion de la musique, réglés par un ingénieur du son. J’avais envie d’offrir au visiteur un contact direct, une confrontation avec la musique pour provoquer un choc émotionnel. Il y a également un dispositif d’écoute secondaire pour ne pas brouiller le son et avoir trop de sources de diffusion qui est un système « plug and play » où chacun peut venir avec son casque et écouter s’il le souhaite des interviews, des morceaux…

 

DNJ : Comment avez-vous choisi les objets et documents présentés ?

 

VB : Tout ce qui est présenté dans l’expo, des tableaux aux documents de Teo Macero, en passant par les partitions, les trompettes, les photos, les videos, les costumes, les pochettes de disque sont des éléments de contextualisation de la musique. Tous ont été choisis pour cela. Montrer les partitions devait avoir un sens car le grand public ne lit pas la musique. Ainsi les partitions de « Birth Of The Cool » sont là pour démontrer le vrai travail d’arrangement, le vrai travail d’écriture par opposition au be-bop où les musiciens jouaient sans partition sous le nez. Chaque objet est là comme un élément d’éclairage de la musique, même les tableaux de Basquiat sont pour moi présents de manière à donner la mesure de l’admiration que Miles avait pour Dizzy Gillespie et Charlie Parker.

 

DNJ : Pourquoi présenter les trompettes de Miles et le sax de Coltrane par exemple ? Ne serait-ce pas un peu fétichiste ?

 

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28 octobre 2009 3 28 /10 /octobre /2009 06:51
interview à retrouver sur All About Jazz


The world of jazz guitar has long been filled with some of the most storied names in jazz history. Artists such as Charlie Christian, Johnny Smith, Wes Montgomery, Pat Metheny and John Scofield have all become recognized as some of jazz's greatest innovators and most prolific performers.

In a day and age when it seems that jazz, and jazz guitar, has been through just about every transition, amalgamation and innovation possible, there are still new voices emerging to take the music forward into unexplored and exciting territory. One of the guitarists that is leading this charge is New York-based picker Jonathan Kreisberg. With a strong foundation in the jazz tradition, and a personal vision of the genre's future, Kreisberg is winning over crowds and critics alike with his albums and concerts held around the world.

 

Kreisberg's playing is not easily categorized, as it draws upon a diverse background of influences, and is constantly challenging the defined conception of modern jazz. His solos portray a player dedicated to absorbing the traditional vocabulary and vernacular of the jazz idiom, skills honed through a solid musical education and by studying on bandstands across the globe. Drawing the listener in with a healthy dose of swing and traditional vocabulary, Kreisberg acts as a skillful guide as he leads his audiences into new and entrancing harmonic and melodic territory, without ever sounding abrasive or disjointed.

This ability, to smoothly transition between established and inventive sonic ground, has helped raise Kreisberg to the upper echelon of today's jazz guitarists, and has firmly established his position one of the genres leading voices.

Apart from being an accomplished improviser and band leader, 2009's Night Songs (Criss Cross) is his sixth outing under his own name, Kreisberg is also a composer and arranger of merit that is continually exploring the possibilities of small group jazz. Kreisberg's albums, like his improvisations, contain a mixture of tunes drawn from the jazz tradition and his own original compositions.

Even when an album contains tunes that are one or the other, such as Night Songs which is a collection of jazz ballads or Unearth (Mel Bay Records, 2005) which is all original compositions, there is still a sense of Kreisberg's dual approach to writing and arranging found within his work.

When approaching a jazz standard, Kreisberg is rarely content to play the track in its original context. Instead, he is constantly looking for new ways to interpret many of the genre's classic tunes, such as his odd-meter rendition of "Stella by Starlight" from the album South of Everywhere (Mel Bay, 2007). On the other side of the coin, Kreisberg's original compositions will often have a sense of the jazz tradition weaving in and out of more modern sounding harmony and melodic phrases, such as the hard-driving composition "Fever Vision" from his 2004 release Nine Stories Wide (Criss Cross, 2005).

With such an array of accomplishments behind him, Kreisberg is showing no signs of slowing down. He is continuing to tour in support of Night Songs and is already at work on his next recording project. With such a busy schedule of performing, writing and recording, it's no wonder that Kreisberg has become one of the genre's young stars, a status that is sure to stick as he moves forward into his musical future.

All About Jazz: You began playing guitar at 10 years of age. How were you introduced to the instrument and had you always been interested in playing guitar?

I initially picked up a guitar after hearing Eddie Van Halen's playing on "Eruption." I was blown away by that great "other worldly" sound he was getting out of his guitar.

It's funny because years later I would realize that Eddie was reaching out for the sounds he'd heard from Allan Holdsworth, who was in turn channeling Coltrane. One of my childhood favorites was Coltrane's album "My Favorite Things," so I guess it all makes sense in a weird sort of way.

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http://www.allaboutjazz.com/php/article.php?id=34225&pg=1

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10 octobre 2009 6 10 /10 /octobre /2009 18:40
À l’occasion de la sortie du nouvel album de l’Oudiste tunisien Anouar Brahem, les DNJ ont rencontré l’une des figures les plus marquantes du label ECM. Anouar Brahem ne cesse de jeter des ponts entre les différentes cultures. Il a contribué à cette ouverture de la musique savante arabe à d’autres horizons musicaux et ses rencontres avec les musiciens venus du jazz restent aujourd’hui encore comme des modèles de syncrétisme auquel il imprime une  forte dimension poétique. A 57 ans Anouar Brahem qui vit à côté de Carthage, pas loin de Sidi Boussaïd, fait déjà figure de légende dans son pays.

 

DNJ : Le choix des musiciens dans votre nouvel album : choix librement consenti ou choix imposé par le label ?

 

Anouar Brahem : Ce n’est absolument pas un cahier des charges et en même temps ce n’est pas non plus librement. C’est ce qui m’est imposé par la musique qui surgit. Quand je commence à travailler sur un disque, je ne pars pas avec une idée d’orchestration préétablie. Cela vient à mesure que la musique surgit. Je commence toujours par des ébauches, des premiers jets et c’est au fur et à mesure qu’elle se met à sonner que cela me donne des idées d’orchestration

 

DNJ : Vous partez au départ de trames mélodiques ?

 

AB : Oui c’est généralement  la seule chose que je peux ou que je sais faire : partir de fragments de thèmes. Et c’est en commençant par là que je peux arriver à l’instrumentation. Et l’instrumentation c’est la chose que je mets le plus de temps à décider. C’est pour moi comme l’étalonnage dans le cinéma et les instrumentistes sont comme des acteurs. Quand on me demande, dans un festival par exemple de jouer avec untel ou untel, je suis dans l’incapacité d’écrire pour une formation donnée ou imposée.

 

DNJ : Vous parlez de cinéma, et au cinéma il y a des castings. Est ce qu’il y a des musiciens avec qui vous avez essayé de livrer votre musique et avec qui la  magie ne s’est pas produite ?

 

A.B : C’est vrai il y a beaucoup de musiciens avec qui je souhaiterai travailler et cela ne marche pas forcément parce que je n’ai pas ressenti que leur rôle était important dans ce que je voulais jouer. Mais lorsqu’il s’agit de faire un album cela ne m’est jamais arrivé. D’ailleurs on a pas le droit à l’erreur avant de rentrer en studio. Lorsque l’on fait appel à des musiciens on fait appel à des personnalités très différentes. De gens qui ont un vrai background et c’est cela qui est très stimulant, les choses peuvent ainsi sonner de manière différente.

 

DNJ : pourquoi avoir choisi la clarinette basse en l’occurrence ?

 

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30 septembre 2009 3 30 /09 /septembre /2009 08:02

Rencontre avec le génial pianiste américain d’origine indienne, pour la sortie de « Historicity » enregistré en trio pour le label Act.

 

DNJ : Vous avez enregistré beaucoup d’albums en leader ou co-leader depuis « Memorophilia » en 1995 avec diverses formations, mais avec « Historicity », il s’agit de votre premier disque en trio, pourquoi avoir attendu si longtemps pour enregistrer en trio ?

 

V.I : En fait, on peut trouver dans chacun de mes disques et dès le premier, des passages ou des morceaux en trio. Mon quartette actuel comprend les mêmes musiciens que mon trio, avec en plus la présence du saxophoniste alto Rudresh Mahanthappa et dans « Tragicomic » l’année dernière, j’avais enregistré quatre titres en trio (« Comin’Up » de Bud Powell, ainsi que « Age of Everything », « Window Text » et « Becoming »). Il est vrai que j’avais peut-être un peu peur d’occuper tant d’espace en tant que pianiste et que je n’étais pas encore prêt pour y consacrer un album entier.

 

DNJ : Parlez-moi de l’interaction qu’il y a entre vous, le contrebassiste Stephan Crump et le batteur Marcus Gilmore.

 

V.I : Je suis très heureux et j’ai beaucoup de chance de jouer avec ces musiciens. L’interaction, nous l’avons développée à travers les années, nous nous connaissons bien et jouons ensemble depuis neuf ans avec Stephan et cinq ans avec Marcus. Il se crée entre nous une véritable alchimie et nous avons pu au fil des ans, développer notre propre langage, travailler ensemble sur la texture et la dynamique. C’est vrai qu’avec la connivence qu’il y a entre nous, c’était le bon moment pour concevoir ce projet d’album entièrement en trio.

 

DNJ : Vous avez une approche particulièrement rythmique du jeu pianistique, est-ce lié à vos origines et aux rythmes spécifiques de la musique indienne ?

 

V.I : Absolument ! Je suis très influencé par la dimension rythmique de la musique de l’Inde du sud. C’est une musique très élaborée, formelle et mathématique et en même temps elle est vivante, spontanée et organique. C’est l’association, la globalité de ces deux aspects que je recherche en musique, que ce soit du jazz, de la musique indienne ou autre chose. En ce qui concerne le jazz, j’ai été fortement marqué par les pianistes percussifs qui ont travaillé sur la résonance de l’instrument comme Ellington, Monk, Randy Weston ou Andrew Hill.

 

DNJ : Votre album tourne autour du concept de « l’historicité » de la musique, c'est-à-dire à la fois de son histoire, mais aussi de son authenticité et de son impact. On y trouve une majorité de reprises issues de la musique pop, soul ou jazz, ainsi que certaines de vos  anciennes compositions que vous avez « réactualisées ». Pourquoi ce choix de répertoire ?

 

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14 septembre 2009 1 14 /09 /septembre /2009 17:41

Par Stéphane Carini

 

" A Caroline Volcovici"

 

 

 


La scène se passe dans un de ces bistrots qu’affectionne la presse spécialisée après la distinction des disques-phares de l’année. Bribes de dispute entre passionnés, vous savez bien : le jazz, ses codes, sa santé, ses dérives, ses âges d’or…Sujet du moment : les chanteuses de la planète marketée « jazz » (de Lisa Ekdahl à Norah Jones en passant par Madeleine Peyroux). « Mais après tout, elles peuvent drainer un public énorme vers le jazz (le vrai) qui en a bien besoin (c’est une idée qui a la vie dure, ça, enfin…) - Oui, seul hic, toute cette médiatisation se double d’un dangereux effet d’anti-mémoire (qui s’intéresse encore à Sarah, Carmen, Anita ?) quand elle n’éclipse pas les voix actuelles, celles dont on pourrait parler vraiment en se détachant un peu du plan com’ des majors, non ? Ah bon ? Mais qui ? Qui ? QUI ? Assuré mais avec un brin d’ironie car je sais bien, allez, à QUOI m’attendre, je lance : « Claudia Solal ». Choc. Car enfin,  c’est bien connu, celui qui vient d’avancer ce nom a biberonné au scat d’Ella Fitzgerald sur How High the Moon, il ne peut être soupçonné, lui, d’intellectualisme formaliste, d’idéologie crypto-libertaire alors quoi ? Oui, pourquoi, après tout ?! Pourquoi j’aime Claudia Solal ?

 

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31 août 2009 1 31 /08 /août /2009 22:55

By Ludwig vanTrikt

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Scott TinklerBassist/composer Lindsey Horner recently said, "I think one thing that has really changed in the past quarter century is that the music has become so broad, so truly international and genre-encompassing that the days when jazz was one very definable, finite thing are well and truly gone." These remarks also serve to introduce this interview with the Australian trumpeter Scott Tinkler. The recent emergence of a small cadre of Australian jazz artists has yet to gather the notice of, say, Indian pianist Vijay Iyer or alto saxophonist Rudresh Mahanthappa.

Nevertheless, it's likely that a lot more will be heard from Scott Tinkler, alongside multi-instrumentalist/composer Jacam Manricks, vocalist Chris McNulty and pianist/composer/bandleader Barney McAll. Tinkler brings, perhaps, the broadest outr� sensibility of them all. His solo trumpet recording, Backwards (Extreme, 2007), poses some of the most extreme sonic sounds this side of the post-Coltrane continuum (to borrow from Braxton-speak). Yet Tinkler certainly has all the talent to convey the standard jazz curriculum, as can be heard in his quartet with pianist Paul Grabowski.

Tales of Time and Space (Sanctuary, 2009), featuring Branford Marsalis and Joe Lovano, is an essential barn-burner with the joint quintet led by Grabowski and Tinkler. This is a compelling artist from down under, with a sound and conception all his own.

This interview took place prior to Tinkler's traveling to the United States for the 2008 edition of the Festival of New Trumpet Music (FONT), in New York City.Scott Tinkler/Antripodean Collectivelink


All About Jazz: You mentioned that you will be coming to the United States for the [2008] annual FONT festival, curated by Dave Douglas. What do you see as your contribution to the ongoing language of improvisation on the trumpet?

Scott Tinkler: Yes, I'll be coming out to New York for FONT in September, and that is one hell of a question.

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27 août 2009 4 27 /08 /août /2009 07:47
 
C’est à l’occasion du festival «  Jazz à Montauban » que nous avons pu rencontrer le pianiste Yaron Herman qui jouait ce soir là en première partie de Keziah Jones. Sur la lancée du succès de ses deux derniers albums «  Time for Everything » puis « Muse » ( récemment nominé pour les Victoires du jazz ) tous deux parus sur le superbe label français Laborie Jazz, Yaron Herman poursuit tel un marathonien une tournée qui le porte aux quatre coins du monde.
Un bref concert d’une heure ce soir là, 9 juillet 23h sous le beau soleil étoilé de la belle ville du Sud Ouest de la France. Rencontre avec un pianiste exceptionnel……




Tu es Israelien, tu vis en France et tu joues avec des musiciens américains. De fait ta musique semble s’affranchir de toute frontière. Tu revendiques cette universalité ?

YH : Oui dans la même mesure oùe l’on ne peut pas classer quoique ce soit dans quoique ce soit. Par exemple on parle de jazz américain tout en y mettant des musiciens très différents et qui pourtant viennent de partout en Europe. Ce n’est pas la géographie qui fait la musique. Je connais par exemple des musiciens qui habitent en Finlande et qui jouent du jazz traditionnel.

Si l’on parle de « jazz Israélien » et te mettant toi et Avishai Cohen sur le même plan, est ce que cela fait sens pour toi ?

YH : Je ne dirais pas que cela n’a pas de sens dans la mesure où je suis Israélien et que je fais du jazz. C’est donc très pratique de prendre ce raccourci. Après, c’est aussi très facile de sortir des clichés qui sont toujours très mal adaptés à la complexité de l’être humain et du musicien.

Ce soir tu as joué une intro sur « Blame It on my Youth », grand standard du real book en allant puiser justement dans la musique traditionnelle, n’est ce pas cela ton syncrétisme ?

YH : Oui c’est un peu cela. C’est un mélange de cultures qui font partie de moi et que, sur scène je trafique inconsciemment. Cela sort de manière totalement naturelle. Ce n’est pas un collage émotionnel ou un collage d’influences. Cela ressort naturellement parce que cela a été digéré et que cela fait partie de ma vie. Cela fait partie d’un tout.

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Propos recueillis par Jean-Marc Gelin
Publié également sur le site All about jazz



     
                     
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