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31 août 2014 7 31 /08 /août /2014 10:19

 

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14 juillet à Porquerolles. Du haut du Fort Ste Agathe on entend Anna Carla Maza faire ses balances avec Vincent Segal . Nous surplombons la baie de porquerolles aux couleurs  bleues turquoise.

2014 3932

 

 

David Krakauer le maître New-Yorkais du jazz New-Yorkais m’accueille dans les loges et me reçois dans un français impeccable même si l’interview mêle allègrement la langue de Voltaire et celle de Shakeaspeare.

David Krakauer est à l’image de sa musique : prolixe, généreux, amoureux des choses et des mots. Il se dégage de lui un amour de l’humanité.

Avec nous il survole son nouveau projet ( Ancestral Groove), qui vient prendre la suite de son précédent groupe, Klemzmer Madness et Abraham Inc.

Il le sait, il va encore une fois enflammer son public, aujourd’hui celui de Porquerolles qui, avec le bouillonant et génial clarinettiste viendra clôturer en dansant le festival qui ce soir là avait sur scène les véritables couleurs du feu d’artifice.

 

DNJ : C'est la première fois que tu viens à Porquerolles. C'est un lieu qui tinspire ?

 

 

David Krakauer : on ne peut pas être humain sans être touché par ce lieu magnifique. Cette vue, la mer, ce château magnifique c'est superbe. Cela fait une parenthèse extraodinaire sur le chemin de mes tournées.

 

 

DNJ : Ce soir tu vas jouer ton nouveau projet Ancestral Groove, et donc bien sûr ta musique essentiellement tournée sur la musique Klezmer. Comment abordes t-on un concert comme cela par rapport à un public qui n'a pas cette culture ?

 

DK : Mon groupe s'appelle Ancestral Groove. Avant c'était Klezmer Madness mais je trouvais que cela ne reflétait pas mon projet car je ne suis pas quelqu'un qui ne joue pas de la musique klezmer traditionnelle. Bien sûr je suis inspiré par les grands maîtres comme Naftule Brandwein par exemple mais c'était des musiciens des années 20. Je ne suis pas un nostalgique. Je suis plutôt dans l'exploration de mon patrimoine dans l'exploration des émotions très fortes de mes ancestres. J'ai trouvé que "Klezmer Madness" c'était finalement trop spécifique, trop étroit. Là dedans il y a tout mon amour pour le jazz sans quil ne sagisse simplement de coller le jazz avec le Klezmer. Avec Klezmer Madness il y a toute l'histoire que nous avons écrit avec So Called autour du Klezmer en ajoutant des samples et aussi tout ce que nous avons fait avec Fred Wessley autour du funk où nous avons créé une vraie rencontre entre le monde juif et le monde afro-américain. Tout cela, comme les rencontres avec  le répertoire de John Zorn, fait partie de ma propre histoire. Les premiers albums chez Tzadik et le Radical Jewish Culture, ce sont aussi des moments fondateurs pour moi. Lorsque j'ai sorti mes 2 premiers albums de Klezmer Madness et Klezmer New-York, je les ai fait écouter à mon ami Alex Dutilh ( Producteur de Open Jazz sur France Musique et alors rédateur en Chef de Jazzman). Il m'avait proposé de les faire jouer au Festival à Amiens en 1999. J'ai joué là-bas et tout de suite j'ai commencé ma collaboration avec Label Bleu. Ma carrière en France a commencé avec ces deux premiers disques sortis chez John Zorn. ET ensuite comme tu peux le voir beaucoup de chose ont contribué à la constitution de mon propre patrimoine musical. Mais dans le projet Ancestral Groove, il ne sagit pas que de mon patrimoine mais aussi de celui de mes ancestres.

 

 

DNJ : Revenons sur cette collaboration avec Fred Wessley. A t-elle marqué un tournant dans ta façon de voir l'évolution de ta propre musique ?

 

 

DK : Cette rencontre est importante. Elle a commencé surtout avec ma collaboration avec So Called. J'ai rencontré p Called en 2001. C'etait  un jeune homme d'une 20 aine d'années.

Il m'avait proposé d'écouter un disque qu'il avait gravé dans son sous-sol à Montréal ( "Hiphopkhasene") et je me suis dit : franchement la musique pour Pâques juive avec des boucles de hip hop, ça va pas être très très bon. Mais j'aimais beaucoup ce garçon alors j'ai écouté son disque.

(.../... lire la suite ici : DAVID KRAKAUER ET LA MODERNITÉ DES ANCESTRES)

 

 

Interview David Krakauer réalisée par Jean-Marc GELIN le 14 juillet 2014 dans le cadre de Jazz à Porquerolles

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28 octobre 2013 1 28 /10 /octobre /2013 21:00

 

    

À l’occasion de la sortie de son dernier album  «  Birds requiem » nous avons rencontré Dhafer Youssef. Je joueur d'Oud et chanteur Tunisien est revenu pour nous sur sa vision de la musique, sur son chant et sur ses inspirations Soufie ou plutôt devrions-nous dire mystiques.

Naviguant entre la france, la Tunisie, l'Autriche, la Turquie ou la Norvège, c'est un Dhafer Youssef citoyen du monde serein et tranquille que nous avons rencontré.

 

(A retrouver aussi demain sur l'émission d'Alex Dutilh, Open Jazz sur France musique à 18 h sur France Musique)

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Que représente cet album pour toi dans ta discographie

 

DY : C’est un moment de mon évolution personnelle. Chaque album est une étape. Je le trouve que c’est l’album du commencement de ma maturité. Comme artiste et surtout comme être humain. Un artiste n’est pas divisé entre son travail d’artiste et son travail,d’être humain. Les deux se confondent. Cet album est arrivé à un moment où je me suis senti obligé de travailler avec ces musiciens-là. Mais je ne sis pas dans une démarche où je fais un album par besoin de me justifier en tant qu’artiste.

 

DY : Tu évoques une dimension cinématographique de ton travail. Pourquoi ?

Je pense ma musique comme évocatrice d’images. En tout cas c’est comme cela que je compose, en voyant des cènes qui se passent dans un théâtre ou dans un film. Mais il y a une suite dans l’album, une sorte de leitmotiv.

 

Quelles étaient les images que tu avais en tête ?

 

DY : Je sortais d’une période où ma mère était en très mauvaise santé. Du coup j’étais très mélancolique. Pas triste mais j’étais entrain de dire au revoir à ma mère sans réellement savoir si elle allait me quitter demain ou après-demain. Cela m’a donné une force incroyable. Un peu comme si je prenais l’humanité de ma mère pour me renforcer. UN peu comme boire chaque gorgée de vin, chaque goutte de bonheur que je voulais dédier à ma mère mourante. Mais en même temps je ne voulais pas vraiment lui dédier l’album parce que je sentais que je l’avais déjà fait.

 

Quand tu écris Hyme to the absent, c’est en référence à ta mère ?

 

DY : Depuis le moment où tu a s eu le master , j’ai changé le titre. Il s’appelle maintenant Sweet blasphemy ( Doux Blasphème). Mais je ne voulais pas être trop direct dans cet hommage à ma mère. Je ne veux pas évoquer directement et imposer une idée ou des images à celui qui écoute. Je veux qu’il se sente libre d’imaginer ce qu’il veut.

 

Il pourrait donc n’y avoir aucun titre à tes morceaux ?

 

DY : Exactement . mais pourquoi ce titre ? J’étais inspiré par un livre d’Elik Shafak ( écrivaine turc). Elle a écrit beaucoup de livres très intéressants et notamment « Soufi mon amour » qui s’inspire notamment de Roumi, le prédicateur persan ( 1207-1273) qui est à l’origine du soufisme. Je chante dans ce titre un texte d’Abbû Nouwâs qui parle du vin

 

 

 

 

 

D’où le caractère blasphématoire

 

DY : Je suis né en Tunisie, un pays musulman, qui prend la voie de le devenir de plus en plus. Pourtant ma foi n’est pas seulement islamique, mes rêves ne sont pas l’Islam ou la religion en elle-même. Je vis sur ce fil étroit entre le monde de ma famille, de maa nation et l’autre partie qui est mon monde intérieur.

 

 

 

Tu parles de la distinction entre religion et mysticisme ?

 

DY : Pour beaucoup je fais juste de la musique soufie avec un peu de jazz, de classique, d’orient etc… Mais au final je ne suis pas Soufi, même si cela l’intéresse énormément. Et cela même si l’idée de ce disque est dédiée à un maître soufi. Mais je ne suis pas au service de ce maître. Je me sens très libre. Ce qui m’intéresse dans le soufisme ce n’est pas la religion mais la mystique. C’est cela qui m’intéresse chez Coltrane par exemple. Je me fiche de savoir si c’est spirituel ou pas, je veux juste que les gens s’en fassent quelque chose de très personnel, très intime, mystique ou pas.

Dans ma vie de tous les jours je suis quelqu’un de très nerveux, je cours partout, je passe ma vie à bouger. Mais dans la musique c’est une deuxième nature qui s’exprime. Dès que je joue je passe dans un  état second. Dans la vie nous avons toujours besoin de nous revendiquer. On est toujours en compétition avec les autres. Mais avec la musique je n’ai jamais ressenti cela. La musique est pour moi, source de zénitude.

 

 

 

Il y a dans l’album une vraie rencontre, celle avec Hüsnü Selendirici, le clarinettiste

 

DY : C‘était pour moi une vraie révélation. C’est pour moi, la voie de Dieu. J’ai entendu parler de lui il y a quelques années, ensuite j’ai eu l’occasion de l’écouter et ce fut pour moi un vrai choc. Il a un trio qui s’appelle Taksim Trio. C’est une sorte de maître aussi pour moi. Il a un son incroyable qui fait que tout le monde pense qu’il joue de la clarinette basse. Sa clarinette et ma voix parviennent, je pense à créer un son unique. On est un peu comme des hirondelles qui s’envolent ensemble.

 

 

Ta voix est incroyable. Tu montes dans des aigus hallucinants. Est elle enregistrée en l’état ou y a t-il du mixage ?

 

DY : Non, il n’y a rien. C’est celle que tu entends en concert.

 

Comment arrive t-on à une telle liberté vocale ? Tu travailles beaucoup ta voix ?

 

DY : Oui lorsque j’étais jeune. Mais maintenant je dois avouer que je ne le fais plus. Par contre je fais attention, à bien dormir, à bien m’alimenter.

 

   

Comment as-tu appris à chanter


......  Retrouvez ici la suite de l'interview de Dhafer Youssef

 

 

 

 

 

Sortie de " Bird requiem " le 28 octobre chez Okeh

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12 octobre 2013 6 12 /10 /octobre /2013 10:32

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Rosario Giuliani est l’un des saxophonistes les plus brillants de sa génération. Son dernier Opus « Images » est un 100% création. Sorti chez Dreyfus Jazz en 2013, il comprend 10 compositions de sa plume qu’il interprète avec Joe Locke au vibraphone, John Patitucci à la contrebasse, Roberto Tarenzi au piano et Joe La Barbera à la batterie.

 

Nous l’avons joint cette après-midi à son domicile romain. Au cours d’un long entretien, Rosario Giuliani a parlé de sa musique mais aussi de lui, de sa vie, de ce et de ceux qu’il aime car il est, dit-il, « une personne avant tout, avec ses joies et ses douleurs » et veut être connu sous cet aspect par son public.

[propos recueillis le 7 octobre 2013 et traduits de l’anglais par l’auteure]

 

Yaël Angel : Pouvez-vous nous raconter comment vous avez rencontré les musiciens qui ont enregistré cet album avec vous ?

 

Rosario Giuliani : La musique que j’ai enregistrée est liée à des moments importants de ma vie. Je l’ai écrite comme la musique d’un film. Elle est liée à des endroits qui m’ont marqué : ma ville natale, des villes où j’ai joué. Elle se réfère aussi à des personnes qui tenu un grand rôle dans mon existence, comme ma mère, Phil Woods ou Francis Dreyfus.

Aussi, lorsque j’ai eu fini d’écrire la musique et que j’ai commencé à chercher des musiciens avec qui l’enregistrer, je me suis dit qu’il fallait que ces musiciens me connaissent, non seulement musicalement, mais aussi personnellement, que l’on ait partagé des moments de vie ensemble.

Joe Locke est le premier à qui j’ai pensé. C’est comme un frère. Il a immédiatement compris ma musique.

Le second fut Joe La Barbera. C’est le batteur le plus extraordinaire que je connaisse et c’est de surcroît une belle personne. Quand il joue quelque chose, ce n’est pas juste pour « jouer ». Il le fait parce que ça apporte quelque chose à la musique. Nous avions déjà joué ensemble lors de ma tou

rnée pour l’album « Lennie’s pennies ». Pendant cette tournée, nous avions partagé des bons moments, mais aussi des peines et cela nous a rapproché.

Roberto Tarenzi est mon ami. Nous nous connaissons tellement bien. Sa participation était évidente.

Enfin, j’ai pensé à John Patitucci. J’avais joué avec lui un an auparavant lors d’un enregistrement avec Enrico Pieranunzi. Nous avions également fait une master class ensemble. Nous nous sommes tout de suite entendus. Cela m’a donné envie de faire cet album avec lui. Bien sûr on pourrait dire que John Patitucci est le contrebassiste de Wayne Shorter, qui est pour moi le « dernier génie ». Mais cette raison n’a pas été prépondérante dans mon choix.

J’ai partagé des moments de vie avec chacun de ces musiciens. Je les apprécie non seulement pour leurs qualités artistiques mais avant tout et surtout pour ce qu’ils sont en tant qu’hommes. Je pense que c’est réciproque. Je me souviens d’un email que John Patitucci m’a envoyé après l’enregistrement de l’album, dans lequel il me dit qu’il a toujours le morceau « Angel at my side » qui tourne dans sa tête. Cela m’a touché.

 

YA : Comment situez-vous cet album au sein de votre discographie ?

RG :  Pour moi, faire un album est comme écrire une page du livre de ma vie. C’est un très gros livre (rires). Chaque album est un pas de plus vers l’avant. Quand je pense à « Luggage », mon premier album chez Dreyfus, je pense immédiatement à la vie que j’avais quand je l’ai enregistré. Il contient ma vie à cette époque. J’ai la même impression quand je pense aux autres albums : Mr Dodo, Lennies Pennies, etc….Et je veux continuer cette œuvre encore longtemps, qu’elle soit de plus en plus profonde, de plus en plus émotionnelle. Mon prochain album contiendra d’autres expériences, une autre partie de ma vie. C’est pour cela que je ne peux pas donner plus d’importance à un album qu’à un autre.

 

YA : Chaque morceau de l’album est inspiré par une photo que l’on peut voir sur la jaquette. C’est ainsi que l’on comprend qu’« Angel at my side » est dédié à votre maman, « Les deux doigts » à Francis Dreyfus et « Woods » à Phil Woods. Sur votre site internet, on peut également voir des photos de votre famille, de vos amis, de moments que vous avez passés avec eux. Est-ce que la famille et les amis prennent une grande part dans votre art ?

RG : Oui réellement. Chacun peut nous apprendre quelque chose. J’ai appris beaucoup de ma famille et de mes amis. Je suis très chanceux en ce sens. Et c’était une manifestation naturelle de ma gratitude à leur égard que de les faire figurer sur mon album et sur mon site. Ils sont une part de ma musique.

Francis (Dreyfus) était comme mon « père artistique ». Son décès fut terrible pour moi. Qui plus est, il est mort deux mois après ma maman. Ce fut une année très difficile pour moi.

 

YA : « Siberian lake » et « L’île des pins » sont les deux premiers morceaux de l’album. Ils sont pourtant si  différents des autres titres que l’on peut se demander pourquoi vous les avez choisis pour démarrer l’album. Comment a été établie la liste des morceaux ?

RG :  A chaque fois que je fais une liste de morceaux, j’essaie différentes formules. Je pense au tempo, au rythme, à la tonalité, aux émotions. L’ordre de l’album est le meilleur que j’aie trouvé. C’est très subjectif. Mais en même temps, je ne voulais pas commencer par un morceau fort comme « Vertical voices ».

 

YA : Parlons justement de Vertical Voices. C’est un morceau rapide, presque agressif, virtuose. Vous rappelez-vous comment vous l’avez composé ?

RG : J’ai pris une photo lors d’un concert au Jazz Club Coca-Cola du Lincoln Center à NYC. C’est le seul jazz club au monde où l’on voit « en vrai » les tours de New York juste derrière la scène. J’étais impressionné et j’ai pris une photo. A chaque fois que je regardais cette photo, j’entendais une phrase musicale dans ma tête, toujours la même phrase…Comme si les tours se parlaient, selon qu’une lumière s’allume depuis une fenêtre en bas, en haut, au milieu. J’ai fini par écrire ce discours vertigineux, en partant de cette phrase qui me revenait inlassablement jusqu’au morceau entier.

 

YA : Certains des titres de l’album sont en français. Vous avez vécu quelques mois à Paris.  Pouvez-vous nous en parler ?

RG : J’ai en effet beaucoup joué à Paris, surtout à mes débuts. Pour éviter trop de déplacements, je m’y étais installé quelques semaines. C’est une ville que j’adore. Si je devais me construire une vie parfaite, je passerais 4 mois à Rome, 4 mois à New York City et 4 mois à Paris.

 

YA : Vous avez récemment joué avec Kurt Elling. Pouvez-vous nous parler de cette expérience ?

RG : Nous avions eu l’opportunité de jouer ensemble en Angleterre, en Juin dernier, avec le BBC Philarmonic Orchestra. On s’est immédiatement entendus. Pendant les trois jours de répétition, nous avons été manger et boire ensemble et on s’est beaucoup amusés. Il utilise sa voix comme un instrument et ça me plait. C’est un grand professionnel. Tout était parfait, dès la première répétition. Par la suite, il est venu jouer à Rome à la Casa del Jazz et il m’a invité sur scène ! Il y avait beaucoup d’autres musiciens dans la salle….j’étais heureux que ce soit moi qu’il ait invité.

 

YA : Quels sont vos projets ?

RG : Tout d’abord jouer avec mon quintet. Nous nous retrouverons prochainement pour 5 concerts au Festival Umbria Jazz Winter, du 28 décembre 2013 au 1er janvier 2014.

J’ai aussi un duo avec Enrico Pieranunzi. Nous faisons un hommage à Thelonious Monk. Notre prochain concert aura lieu en Allemagne ce vendredi 11 octobre.

Enfin, je viens d’enregistrer un album avec Fabrizio Bosso, Enzo Pietropaoli et Marcello Di Leonardo. L’album s’intitule « The Golden Circle » et fait hommage à Ornette Coleman. Il sort dans les bacs demain (sourire).

Yaël Angel

 

Extrait de Vertical voices


 

Prochains concerts en France :

Les 19 et 20 novembre 2013 au Sunside (Paris). Rosario Giuliani sera accompagné par Darryl Hall à la contrebasse, Roberto Tarenzi au piano et Marco Valeri à la batterie. Un concert à ne pas manquer.

 

Site de l’artiste

 

Discographie en tant que leader : 

Images-Rosario-Giuliani.jpg

Images (Dreyfus/BMG 2013)
Lennie's pennies (Dreyfus Jazz 2010)
Anything else (Dreyfus Jazz 2007)
More than ever (Dreyfus Jazz 2004)
Mr. Dodo (Dreyfus Jazz 2002)
Luggage (Dreyfus Jazz 2001)
Jazz Italiano Live 2007 (Palaexpo)
Tension (Scema Records)
Duets for Trane (Philology)
Connotazione Blue (Philology)
Flashing lights (Philology)
Live from Virginia Ranch (Philology

 

 

 

 

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31 août 2013 6 31 /08 /août /2013 16:01

Sortie du Duc des Lombards. Nous rencontrons Alexandra Grimal qui venait de présenter son dernier album ( « Heliopolis ») enregistré avec son groupe, Dragons. Nous prenons date avec la saxophoniste que nous recevons quelques jours plus tard dans les locaux d’ Aligre FM.

Car Alexandra Grimal ne cesse de surprendre. Né il y a 33 ans au Caire, la saxophoniste a multiplié déjà tant d’expériences un peu partout dans le monde, enregistré avec tant de grands jazzmen et participé à tant de projets différents qu’on a le sentiment qu’elle a déjà une longue carrière derrière elle.

Si Alexandra Grimal semble parfois un peu fermée sur elle-même et donne finalement peu d’interviews, ce jour-là en revanche, rayonnante, elle se prête avec plaisir et grâce à nos questions, visiblement heureuse de pouvoir parler de son travail qu’elle défend comme une quête toujours inachevée.

Alexandra_Grimal.jpg 

Nous avons eu un choc aux DNJ pour ton dernier album ( « Heliopolis »). Pourtant, ce n’est pas un album qui se livre au premier abord, il y a un chemin à faire. N’est ce pas volontaire de ta part : faire une musique qui se mérite, qui nécessite l’effort de l’écoute ? 

 AG : Je crois que c’est une musique par paliers. Il y a des gens qui peuvent mettre des années pour entrer dans cette musique. Mais une fois que tu y es, tu peux t’y laisser entraîner. En tous cas, ce n’est pas un choix conscient.  Ça se trouve comme cela et il a fallu beaucoup de temps pour que cette musique se structure. Notamment parce qu’elle est très différente de celle que j’avais l’habitude de jouer avant ou encore en sideman notamment avec d’autres leaders que j’admire. Il m’a fallu du temps pour admettre que la forme de la musique que je voulais créer est celle-là et pas une autre. Du coup il m’a fallu moi-même des paliers pour arriver à la prendre telle qu’elle.

 

Sur le dernier album as tu composé en pensant à tes camarades ou bien surtout aux structures ?

 AG : A la base c’est surtout un travail que je faisais autour de Nelson Veras. On s’est rencontré en 2005 et nous ne nous sommes jamais vraiment quittés. On a fait beaucoup de choses ensemble. C’est une muse. J’ai rencontré aussi Jozef Dumoulin et Dré Pallemaerts en 2005 et là encore ce sont des rencontres très fortes. Il m’a fallu du temps pour comprendre que ces deux rencontres devaient et pouvaient s’assembler sans qu’il y ait besoin d’y adjoindre une basse. C'est devenu une nécessité

 

 

 

Avec Nelson nous avons beaucoup joué en duo depuis l’époque de l’Olympic Café. J’ai notamment écrit la musique d’un film d’Ozu de 1928 ( NDR « Où sont les rêves de jeunesse ») que nous allons rejouer au Balzac en duo à Paris le 12 novembre 2013. Avec Jozef et Dré il s’est passé aussi beaucoup de choses et c’est donc naturellement que les ramifications se sont faites. La première fois que l’on a joué cette musique c’était avec une contrebasse (Joachim Florent), Patrick Goraguer à labatterie et avec la voix de Jeanne Added. Mais en fait je suis revenue à cette formule parce que je recherchais ce que j’avais trouvé dans mon premier groupe avec Emmanuel Scarpa et Antonin Rayon où l’on improvisait en contrepoint continu. On avait beaucoup travaillé cela. J’ai retrouvé ce même concept qui et inhérent à Nelson et que Jozef a pu développer dans d’autres groupes comme Octurn : avoir  plusieurs contrepoints permanents avec tout à coup un soliste qui ressort. Une sorte de masse mouvante. C’est quelque chose que je retrouve aussi chez Steve Coleman par exemple.

 

Dans ces tramages, il est surprenant que tu n’utilises pas Jozef au fender ?

AG : Oui mais justement au début lorsque l’on a monté ce groupe, il était au fender et c’était génial. Dans Dragons il a essayé le fender mais le registre médium de l’instrument faisait disparaître la guitare en live. C’est compliqué au niveau des équilibres. Comme ma musique est faite de strates et de superposition, c’est dangereux d’avoir ces deux registres ensemble. Jozef Dumoulin est un immense pianiste, et je suis heureuse de pouvoir utiliser son touché pianistique. Dans le Naga, il sera au fender rhodes à nouveau, et Benoît Delbecq sera au piano. J'aurai ainsi toute la palette de Jozef au sein de ces deux projets. L'un étant la continuité naturelle de l'autre.

 

Tu parlais de Steve Coleman vous êtes vraiment d’une génération pour qui il est une référence absolue.

AG : C’est d’ailleurs pour cela que j’étais partie à New York, pour pouvoir étudier avec lui. Ce qui m’a amené à suivre ses master classes à la Jazz Gallery. Toutes les ramifications de Steve Coleman en Europe sont énormes. Je me sens très en résonance avec ces musiques-là comme avec celle de Marc Ducret. Cela étant lorsque je suis allé à NY c’était aussi dans un autre but : comme celui de rencontrer Motian par exemple, et tous les jeunes musiciens si actifs sur la scène des musiques créatives.

 

Tu es quelqu’un d’un peu insaisissable. Tu donnes peu d’interviews alors que tu as un parcours qui t’a conduit à traverser les frontières, à t’ouvrir au monde. Ta carrière est faite de grands coups d’accélérateurs mais et dans le même temps tu sembles donner à ta musique le temps au temps…..

AG : Mon rapport au temps… Vaste question. Il y a chez moi quelque chose d’important, c’est d’être en relation intergénérationnelle avec les musiciens de jazz quel que soit leur âge et quel que soit le lieu où ils évoluent. J’ai des projets qui mettent un certain temps à arriver à maturité Mais lorsqu’ils aboutissent tout s’enchaîne effectivement très vite. Ce qui me motive c’est moins de me livrer moi-même que de m’attacher à des collaborations sur un très long terme. Comme par exemple avec Giovani Di Domenico ( le pianiste) avec qui nous avions enregistré sur le label Sans Bruit ( « Ghibli ») et avec qui je viens d’enregistrer un nouveau duo qui sortira en 2014. Je travaille avec lui depuis 2002. C’est un peu comme avec Nelson, nous participons ensemble à pas mal de projets dans des formats différents et depuis pas mal de temps. Il y a une permanence dans notre travail, quelque chose qui traverse le temps dans ce duo et qui vient de nos affinités très profondes. Je l’ai rencontré au Conservatoire de La Haye. Mon rapport au temps est fait de hasard et de nécessité.

 

Quand tu fais ce disque avec Gary Peacock et Paul Motian, ce n’est justement pas un hasard ?

Lire la suite : Alexandra Grimal ou celle qui cherchait de l’or dans les étoiles

 

 

 

 

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9 mars 2013 6 09 /03 /mars /2013 19:05

Aldo Romano : pourquoi j’ai tant attendu …

 

« Ce projet marinait depuis longtemps dans ma tête ». Aldo Romano n’a jamais oublié « The Connection ». Un évènement culturel représentatif des années 60 qui a marqué à double titre le batteur-compositeur : Aldo a joué dans la version française (1)de la pièce de Jack Gelber en 1968  (au Théâtre des Arts, rue de Rochechouart, aujourd’hui disparu) puis en 1969 au Vieux Colombier (alors dirigé par Laurent Terzieff) après avoir accompagné, au Chat qui Pêche (rue de la Huchette) en 1961 Jackie McLean, le saxophoniste alto membre du groupe ayant crée l’œuvre théâtrale donnée par le Living Theater.

Les DNJ : Pourquoi avoir attendu plus de quarante ans ?

Aldo Romano : Effectivement, j’ai observé une période de deuil vraiment longue vis-à-vis de cette musique. Par pudeur et par respect pour tous ces jazzmen qui sont morts, drogués, dans l’indifférence générale d’une société qui n’a rien compris à leur musique.

DNJ : Comment avez-vous abordé cette reprise ?

AR : J’ai essayé de revisiter la musique de Freddie Redd, celle qui a été enregistrée sur le label Blue Note, sans faire de nouveaux arrangements ni de nouvelles harmonisations. Tous les codes du be-bop sont là dont le fameux 2-5-1.

DNJ : Restait à choisir les musiciens….

AR : Pour le saxophone alto, je cherchais. Baptiste Herbin m’a contacté un jour. Je ne le connaissais pas. Il connaît toute l’histoire du jazz et bien sûr le be-bop. (admiratif). C’est un monstre ! Quant au pianiste, je souhaitais prendre quelqu’un qui se rapproche plutôt de Phineas Newborn Jr et ne soit pas dans la mouvance Jarrett ou Mehldau. On m’a parlé d’un italien lauréat du concours Martial Solal 2010, Alessandro Lanzoni, à la technique époustouflante et au style aventureux. Il est venu directement de Florence pour la séance et a littéralement découvert alors la musique de The Connection.

DNJ : Et vous avez fait appel à votre vieux complice le bassiste Michel Benita …

AR : On est de vieux amis même si sur le plan musical, il vient d’un monde différent. Michel est plutôt jazz-pop. Vous voyez, il préfère James Taylor à Cecil Taylor (rires).

 

ALDO-ROMANO-c-Jean-Baptiste-Millot.jpgALDO ROMANO (c)Jean-Baptiste Millot


DNJ : Pourquoi ne pas avoir pris de musiciens américains qui sont familiers du be-bop ?

AR : Une question de principe, de déontologie. Je travaille avec des Européens. Est-ce que les Américains font appel à nous pour participer à leurs projets ?  

DNJ : Après l’hommage à Don Cherry (Complete communion to Don Cherry-Dreyfus Jazz), ce coup de chapeau à Jackie McLean, c’est la face engagée de votre œuvre. Et vous êtes aussi un compositeur mélodiste. Votre personnalité est ambivalente ?

AR : Il est vrai que j’ai plutôt tendance à écrire des ballades. Mais les mélodies, ce n’est pas l’autre moi ! C’est le ying et le yang, ou si vous préférez le côté masculin et le côté féminin.

Propos recueillis par Jean-Louis Lemarchand  

(1)  Evocation de la vie de quelques marginaux attendant leur fournisseur de drogue, en compagnie d’un quartet de jazz, la version française, mise en scène par Jean Colomb, comprenait dans la distribution un certain Jean Herbert qui connaîtra la célébrité sous le pseudonyme de Popeck. Le groupe musical était constitué de Siegfried Kessler ou Michel Graillier (piano), Jean-François Jenny Clark (basse), Nathan Davis(saxophone ténor), Aldo Romano (batterie) tenant aussi le rôle d’Hernie, un portoricain déjanté.

 

Aldo Romano New Blood plays « The Connection ». avec Michel Benita (basse), Alessandro Lanzoni (piano), Baptiste Herbin (saxophone alto). Dreyfus Jazz/BMG. Février 2013. En concert le 11 mai au Mans pour l’Europa Jazz Festival. La chronique du disque sur les DNJ.

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11 juin 2012 1 11 /06 /juin /2012 23:05

C'etait lors de son passage à Paris, avant l'émission "Le rendez vous" que la chanteuse de Rochester nous avait accordé quelques instants pour revenir sur son dernier album, "Soul flower", critiqué assez largement parmi les journalistes de jazz qui y voyait un tournant un peu trop marketé de la chanteuse.

De quoi challenger l'artiste au groove irrestistible.

Car qu'on le veuille ou non, Robin Mc Kelle a le feu sacré et un tempérament du même calibre.

 

 

 

 

 

Votre dernier album est résolument soul. C’est un tournant dans votre carrière ?

 

 

Absolument. C’est l’album que j’ai toujours rêvé de faire. C’est un vrai changement par rapport à mes albums précédents qui avait commencé avec "Mess Around". Mais cet album a été une expérience vraiment fun pour moi. C’est l’album que je voulais faire depuis très longtemps.

 

Il y avait donc longtemps que vous aviez ce projet en tête ?

 

Oui, clairement. Mon premier album, "Introducing" était un album avec un  big band. Cela tournait autour des standards des années 40 et curieusement il a eu beaucoup de succès. Mais il est arrivé un peu comme un heureux accident. A l’époque je travaillais avec un groupe comme celui d’aujourd’hui mais d’un autre côté j’essayais aussi de percer et de gagner de l’argent en tant que chanteuse. "Introducing" était un bon moyen de mettre un pied dans cette musique populaire aux Etats-Unis en reprenant des standards. C’était un peu ma carte de visite. Cela a eu beaucoup de succès. Cela m’a rendu heureuse mais j’avais d’autres choses en tête et j’ai commencé à craindre d’être cataloguée comme jazz singer.

 

Vous avez surpris beaucoup de monde avec ce nouvel album . Beaucoup ont eu du mal à vous y reconnaître.

 

Pourtant c’est tout ce que je suis maintenant. C’est vraiment moi dans cet album. Je comprends que les gens qui aiment le jazz soient désappointés et pourtant j’aime chanter de vrais standards de jazz. Mais ce que je suis réellement, c’est ce que vous entendez aujourd’hui. Mais vous savez il y a beaucoup de gens qui m’ont influencé et qui font que j’aime aujourd’hui chanter autant du jazz que de la soul.

 

Mais quand vous dites, « maintenant c’est la vraie Robin Mc Kelle », comme vous avez pu le dire dans plusieurs journaux, cela veut il dire que vous trichiez avant ?

 

J’essaie d’être authentique. Si les gens disent cela, tant pis. Ce que je suis réellement, c’est surtout une artiste qui ne veut pas se fixer des limites ou se laisser enfermer dans un style. Ce que je revendique donc c’est cette liberté que je crois avoir retrouvé. Après le succès de "Introducing", je crois que j’ai été très limitée dans des albums comme "Mess Around". J’ai réussi à casser ce carcan. Mais c’est une continuation. Beaucoup ont dit que je faisait du Motown revival. Je comprends mais il faut aussi que vous compreniez que c’est aussi un moyen pour moi d’aller lentement dans cette direction sans tout révolutionner d’emblée. Mais ce qui importe c’est qu’en tant qu’artiste, en tant que compositrice autant que chanteuse, je me sente libre d’aller dans la direction que j’ai choisie et surtout d’avoir le son que je veux avoir.

 

 

Mais quand même vous entrez aussi dans ce piège marketing. Votre look a changé par exemple.

 

C’est ce que vous entendez auprès des journalistes de jazz. Vous m’auriez vu dans la rue avant, j’étais habillée comme ça. C’est drôle que vous me disiez cela parce que j’i mon propre label, je me produis moi-même, personne me dit ce que je dois faire. Je suis mon propre manager.

Mais dès que c’est un peu populaire on est suspicieux. Regardez Norah Jones. Dès qu’elle a commencé à devenir très populaire, elle a commencé à être critiqué pour cela même. Idem pour Melody Gardot.

 

Et vous l’avez trouvé ce « son » ?

 

Oui c’est le son que j’essayais d’attraper. Mais il faut une équipe pour cela. Il faut autour de vous des gens qui comprennent où vous voulez les emmener. Et qui comprennent le but. C’est mon travail , c’est celui des musiciens et c’est celui de l’ingénieur du son. Et c’était très difficile parce que je ne voulais pas sonner « vintage » et que je ne voulais pas non plus sonner trop moderne. Je voulais sonner « organique »

 

Je comprends que vous ne vouliez pas donner dans le côté retro, mais pourquoi avoir peur de sonner « new » ?

 

Je me suis mal exprimée. Ce que je veux dire c’est que je ne voulais pas faire quelque chose qui soit trop marketé, trop ciblé sur un public jeune. Quelque chose de trop « produit ». Et au niveau u son, je ne voulais pas une musique trop compressée. Je voulais qu’elle reste un peu plus naturelle. Je n’ai pas voulu que cela soit parfait. Je veux que l’on sente la « human touch ». Sur l’album «  Introducing » j’adore ce que l’on a fait mais cela me semble trop parfait avec le recul.

 

Vous voulez dire que vous cherchez quelque chose de plus «  sauvage »

 

Absolument. Plus sauvage et plus libre.

 

 

Vous avez dit récemment à propos des jeunes chanteuse de soul ou de R’B comme Amy Whinehouse ou Adele, « elles sont trop jeunes pour penser «  la soul »

 

Non, je n’ai jamais dit cela. Je vois bien ce que vous voulez dire, et je ne visais ni Amy ni Adele. Je pensais aux toutes jeunes chanteuses qui n’ont pas ce vécu des chanteuses de jazz . Je suis un peu agacée par ces gamines de 16 ans à peine qui sonnent comme Ella Fitzgerald. Cela n’a pas de sens. C’est bullsheet, cela n’a pas de sens. Une gamine de 16 ans ne peut pas comprendre ce que c’est d être amoureuse ou d’avoir perdu son amour. Alors comment pourraient elles elles chanter Lush Life ?

 

Vous voulez dire, qu’il faut porter un poids pour chanter ? Et vous vous portez quelque chose ?

 

Oui je porte des amours perdus, je porte des amis qui sont morts et tout ce avec quoi j’ai grandi

 

Mais n’est ce pas un stéréotype ?

 

Non, il faut pas rentrer dans ce genre de clichés. Vous n’avez pas forcément à être Etta James.

Et alors ! Ce n’est pas parce que je ne suis pas alcoolique et que je ne me drogue pas que je n’ai pas un vécu qui peut me permettre de donner du sens à ce que je chante. Chacun a sa propre histoire. Mais on attend autre chose de nous que d’être un simple produit commercial marketé. Nous sommes avant tout des chanteuses de jazz. Et moi je fais la musique que j’aime faire, la musique que j’aime écouter. Une musique groovy, pas forcément populaire. Et je ne suis pas seule, j’ai aussi un groupe formidable avec lequel j’aime faire de la musique.

 

Vous ne cherchez pas à être populaire mais vous surfez quand même sur la vague de la soul music

 

C’est vrai que chaque jour qui passe, on voit on nouveau clone de la Motown qui sort dans les charts. Amy et Adele ont ouvert la marche. Et il y a aussi Sharon Jones, Lee Fields. Ce sont des gens qui peuvent vraiment porter cette musique. Ils la ressentent. Ils ont ce feeling. Cela nous manque. Mais c’est tellement frustrant lorsque l’on est chanteur d’allumer la télé et de voir tous les faux chanteurs qui n’ont pas beaucoup de talents.

 

La grande différence, en ce qui vous concerne est que vous avez un réel background musical. Vous n’êtes pas seulement chanteuse mais aussi musicienne. Vous enseignez aussi.

 

Oui c’est vrai, j’ai beaucoup aimé l’enseignement. J’ai enseigné à Berklee le jazz vocal, les techniques de chant, la théorie musicale.

 

Il y a aussi le fait que vous écrivez vous-même votre propre musique 

 

Je ne veux pas que d’autres fassent ma propre musique. J’étais frustrée sur Introducing de ne pas pouvoir chanter ce que j’écrivais. Et j’entends, maintenant que je chante mes propres compositions, certains me dire " mais pourquoi vous ne revenez pas aux standards". C’est difficile d’avoir à changer. Cela suppose de prendre des risques, mais je n’imaginais juste pas faire tous les ans le même disque jusqu’à la fin de mes jours.

Je crois qu’une petite différence, si je peux me permettre, avec les chanteuses de soul actuelles, c’est que j’écris. Et c’est surtout la façon dont je compose la musique. J’ai une approche harmonique qui vient plus du jazz. Je pense à sam Cooke ou encore à Otis Redding.

J’aime le groove et j’aime des chanteuses comme Sharon Jones mais je trouve que c’est parfois un groove stéréotypé. On peut groover mais il faut que la musique soit aussi intéressante.

 

 

 

 

 

Quelles sont vos influences ?

 

Quand j’écris, j’essaie de ne pas me laisser influencer par des chansons que j’entends. Mais si vous me demandez ce que je mets dans mon Ipod, en ce moment ce que j’adore c’est Coldplay, j’adore ce groupe. Mais j’écoute plein de choses. Du rock aussi, comme Janis Joplin. C’est tellement puissant.

 

 

Quelle est l’audience de ce projet aux Etats-Unis ?

 

Vous savez les gens, partout dans le monde ressentent les mêmes choses. Ils veulent avoir e feeling, ce groove. Et l'accueil est plutot bon. Cela me permet d'ailleurs de faire pas mal de tournées.

 

Mais avec un projet comme celui-ci êtes vous approché par des grands labels ?

 

Définitivement non. J’aimerais bien qu’ils s’intéressent à moi. Qu’il s’agisse d’un gros label ou d’un petit label indépendant d'ailleurs. J’aimerais juste qu’ils aiment ma musique. Vous savez c’est de l’artisanat aujourd’hui. Je fais tout sur cet album. J’ai investi de l’argent.

 

Est ce qu’il y a un projet que vous rêvez d’accomplir dans votre carrière de chanteuse ?

 

Mais c’était celui-ci mon rêve. Aujourd’hui mon rêve c’est de continuer à avoir ce succès pour pouvoir continuer à faire de la musique et à créer.

 

 

 

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26 avril 2012 4 26 /04 /avril /2012 22:57

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©JL Lemarchand

 

 

En vingt ans, ACT s’est hissé parmi les labels indépendants innovateurs. Siggi Loch, patron et fondateur se confie sur la réussite de cette PME de Munich, défenseur du jazz européen et maintenant américain.

 

Debout derrière la console du New Morning, il veille, au côté de l’ingénieur du son, à la bonne tenue acoustique de son all-stars d’un soir, mené par Nils Landgren (trombone) avec  notamment Nguyên Lé (guitare), Michael Wollny (piano), Viktoria Tolstoy (chant) et un duo français de saxos Céline Bonacina (baryton) et Pierrick Pedron (alto). Siggi Loch, le patron d’ ACT qui fêtait ce 25 avril à Paris les 20 ans de son label est comme cela :  attentif à chaque détail et proche de ses musiciens.

Sortant d’un dîner sans façons avec ses artistes dans un bistrot du quartier de la Gare de l’Est, Siggi Loch s’est confié aux DNJ sur cette aventure discographique engagée à Munich –siège également d’ECM- en 1982 et qui s’est traduite par la production de près de 370 albums (358 à la fin 2011) aisément reconnaissables dans les bacs par une identité artistique forte (le slogan d’ACT, The Art in Music).


 DNJ : Quel bilan tirez-vous de ces vingt ans à la tête d’ACT ?

Siggi Loch : (rires) Je n’ai qu’un seul regret. De ne pas avoir lancé ACT dix ans plus tôt. En 1967, alors chez Warner International, j’avais imaginé le logo du label et défini sa ligne artistique. Mais Nesuhi Ertegun (un des patrons d’Atlantic) m’a contacté. Et j’ai du attendre 1982…


DNJ : Vous aviez une idée bien précise….

 SL : Donner leur chance aux nouveaux talents marquants dans les nouveaux courants du jazz. Le premier musicien que j’ai signé a été le guitariste Nguyên Lé, qui vient de sortir son douzième album sur notre label (ndlr : « Songs of Freedom » qui lui a valu le prix Django Reinhardt 2011 décerné par l’Académie du Jazz). Aujourd’hui nous avons vingt artistes en contrat exclusif –dont Nils Landgren, Yaron Herman, Viktoria Tolstoy, Youn Sun Nah…et une dizaine qui collaborent régulièrement –comme Paolo Fresu ou Bugge Wesseltoft.

 

DNJ : ACT est essentiellement un label européen …

SL : Assurément, mais nous avons pris pied aux Etats-Unis en signant ces dernières années le pianiste Vijay Iyer et le saxophoniste Rudresh Mahanthappa.  Les Etats-Unis sont ainsi devenus notre troisième marché après l’Allemagne et la France, prenant la place de la Suède, victime d’un piratage dévastateur.

 

DNJ : Les temps sont durs …

SL : Paradoxalement, alors que le marché global physique du disque a fondu de moitié depuis 1982, l’année dernière aura été la meilleure année de son histoire pour ACT. Le décès accidentel en 2008 du pianiste Esbjörn Svensson, leader du groupe E.S.T. et n°1 de nos ventes, nous avait fortement secoués. Mais nous avons engagé d’autres talents, en Europe et en Amérique. L’an passé ACT a sorti 31 albums alors que nous avions tablé sur seulement 24, en tenant compte de notre moyenne de deux albums par mois. Et les résultats ont suivi : en France, par exemple Youn Sun Nah s’est installée dans les meilleures ventes avec « Same Girl ».

 

DNJ : Vous ne regrettez pas d’avoir quitté des majors pour fonder votre PME ?

SL : ACT, c’est pour moi le label de l’amour (rires). Tous les bénéfices sont réinvestis dans l’entreprise. Je ne m’accorde pas de salaire, mais je ne me plains pas, les années dans les majors ont été généreuses. ACT est une petite PME. Nous avons une très modeste équipe à Munich, quatre salariés à temps plein et ma femme qui traite des finances, et des correspondants à temps partiel sur les principaux marchés étrangers. Soyons clair : nous ne sommes pas des rêveurs !

 

Propos receuillis par Jean-Louis Lemarchand le 25 avril 2012

 

Discographie : The Jubilee album 20 magic years avec Nils Landgren, Youn Sun Nah, E.S.T., Michael Wollny, Nguyên Lé, Bugge Wesseltoft, Joachim Kühn ; Act Family Band, the Jubilee Concert, Hambourg février 2012 avec Nils Landgren, Céline Bonacina, Michael Wollny, Verneri Pohjola, Lars Danielsson….

 

 

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26 avril 2012 4 26 /04 /avril /2012 08:07

Rencontre avec la chanteuse avant un concert donné au Sunside à l'occasion de la sortie de l'album " secret of the wind"

 

 

elisabethkontomanou.jpg

Après lui avoir fait lire une declaration de Linx dans une interview pour Jazzmagazine qui dit que Kontomanou est l'un des rares chanteuses à savoir dompter la chanson .....

 

C'est quelque chose qui te parle cette idée de "command a song" ?

 

E.K : Il ya plusieurs facons de dire cela. Quand quelqu'un chante tu crois à ce qu'il raconte ou tu n'y crois pas. Il faut vraiment être dans la musique. Il y a  des exigences et tu ne peux pas laisser les choses au hasard. Moi ce qui m'interesse c'est vraiment de m'exporter. Je m’identifie à la musique afro-américaine et donc, lorsque je chante ce répertoire c’est normal que je sois vraiment " dedans". Il est en moi.

 

 

Il ya des choses très personnelles dans tous tes albums. Tu sembles nous parler de ta propre histoire même si tes albums sont tous très différents. Tu y mets quelque chose d'intime ?

 

EK : Je m'investis dans ce que je fais. Mon chant et moi c'est la même chose, la même entité. Je ne suis pas une chanteuse le soir et quelqu'un d'autre dans la journée. Je suis un chanseuse tout le temps. Donc si je décide de chanter une chanson c'est vraiment que je l'aime et j'essaie de faire en sorte de vraiment ressentir ce que je chante pour que celui qui l'entend puisse peut être, à son tour ressentir la même chose.

 

Cela veut dire que dans les choix de tes chansons c'est toujours une démarche. On imagine mal Elisabeth Kontomanou chanter quelque chose qui ne lui correspondrait pas juste pour faire plaisir à un producteur.

 

EK : Oui et en même temps j'ai chanté beaucoup de chansons différentes. Souvent mon affinité avec les chansons remontent à l'enfance. Tu vois par exemple le morceau " L.O.V.E" dans le dernier album, avec Geri Allen on s'est dit toutes les deux que c'etait une chanson qui nous ramenait à quelque chose, qui réveillait des souvenirs. Globalement on a choisi des chansons que l'on aimait toutes les deux et que dans nos parcours respectifs, on avait pas forcément joué ou enregsitré.

 elisabeth-kontomanou-secret-of-the-wind-feat-geri--copie-1.jpg

 

“Geri Allen : son jeu est véritablement celui d'une poéte.”

 

 

 

 

Comment s'est faite cette rencontre avec Geri Allen ?

 

EK : L'année dernière on m'a demandé de venir au Canada pour  un concert dans le cadre du festival " Jazz en rafale" organisé par Alain Bédard et le sujet était "les femmes". Alain a eu l'idée de nous réunir moi et Geri. Elle avait un peu entendu ce que je faisais et moi je la connaissais beaucoup mieux, en tant que pianiste de jazz. On s'est mis à jouer et ça a collé immédiatement. On a beaucoup parlé autour des questions spirituelles. Je me suis alors dit que j'aimerais faire un album sur des chansons qui parlent de Dieu et finalement pourquoi pas avec Geri. Je trouve qu'elle sert magnifiquement ma musique. Son jeu est véritablement celui d'une poéte. Tout est tellement facile pour elle. On a vraiment improvisé ces morceaux, quand bien même ils peuvent sembler très travaillés. On l'a fait comme on avait envie de les raconter.

 

 

C'est un album qui parle de Dieu mais aussi beaucoup d'espoir dans le genre humain. Ce sont des messages que tu veux faire passer.

 

EK : Oui, même si ce n'est pas voulu comme cela au moment où je le fais. Mais je sais que c'est perçu ainsi et que l'émotion est ressentie comme cela. Et pour moi cela veut dire que le but est atteint.

 

Dans une interview que tu donnais en 2007 à Alex Dutilh pour Jazzman tu disais que tes grandes influences sont Mahalia Jackson et Curtis Mayfield. Exactement ce que l'on retrouve dans cet album !

 

EK : Et bien tu vois ! Effectivement j'adore Mahalia. C'est une immense chanteuse, l'exemple d'une certaine perfection de la musique classique et du blues ensemble. Je ressens vraiment tout ce qu'elle chante.C'est une chanteuse que j'adore. Quant à Curtis, j'ai un immense respect parce que je trouve que c'est un homme qui, pour le coup, a porté un message. J'aime ses textes, ses chansons et j'aime son implication avec la cause de son peuple. Pour moi il est le Bob Dylan noir.

 

Et toi est ce que tu te sens engagée ?

 

EK : Je suis surtout engagée dans la vie ! Je suis quelqu'un qui donne mais je ne suis pas quelqu'un qui va prêcher. Et je n'ai pas du tout envie de séduire ou de convertir. Par contre c’est vrai que j'ai eu une expérience personnelle avec Dieu, ou du moins ce que j'appelle Dieu et c'est cela que j’exprime, c'est tout.

 

Cela a été un  soutien pour toi dans les moments très durs de ta vie ?

 

EK : Oui bien sûr mais c'est aussi une sorte de révélation. D'ailleurs si tu écoutes bien dans la chanson Secret of the wind c'est exactement ce que je raconte. Cette chanson parle de ma première révélation de Dieu que j'ai eu dans ma vie.

 

 

 

“J'ai besoin de rencontrer des artistes qui sont sans limites et qui donnent tout dans ce qu'ils font. C'est de là qu’il peut naître quelque chose.”

 

 

 

Au début quand tu chantais à Paris, tu étais complètement sauvage sur scène. Tu t'es assagie ?

 

EK : A l'époque je ne pouvais pas chanter des standards. Ce n'était pas possible pour moi. Il fallait que je passe d'abord par une recherche de ma propre identité. Je carburais aux challenges sur le plan vocal. 


Retrouvez ici la suite de l'interview d'Elisabteh Kontomanou

  

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20 février 2012 1 20 /02 /février /2012 18:10

 

Joachim Kuhn-FREE IBIZARomantique, volcanique, Joachim Kühn, musicien précoce - «je savais lire la musique avant de lire les mots» - n’a rien perdu de sa fougue des années 60, l’époque free. Tout en gagnant en sérénité, en sagesse à l’approche de ses 68 ans au printemps. Artiste toujours en quête de nouvelles expériences et de nouveaux univers musicaux, Joachim Kühn dévoile sa personnalité dans son dernier album en solo «  Free Ibiza » (Out Note Records) produit par Jean-Jacques Pussiau (1) auquel le lie une collaboration d’un quart de siècle (Easy To Read », trio avec Daniel Humair et Jean-François Jenny-Clark sorti en 1986 chez Owl). De passage à Paris, où il débarqua en 68 de sa RDA (l’Allemagne de l’Est alors sous le joug communiste) natale, le pianiste-compositeur s’est confié à DNJ.

 

DNJ : L’exercice du solo, c’est le test suprême, le juge de paix pour un pianiste quand il atteint une certaine maturité…
Joachim Kühn : J’ai toujours aimé jouer en solo. Je ne vais quand même pas évoquer le premier concert classique que j’ai donné à l’âge de six ans ! (rires). Mais le premier album de jazz en solo date de 1971 et avait été produit en France. Je me sens comme chez moi à Paris où j’ai été accueilli en 68 et fait la connaissance de Jean-François Jenny-Clark, Aldo Romano, Michel Portal, Martial Solal…


DNJ : C’était la grande époque du free jazz …
JK : Assurément, c’est alors que j’ai rencontré Don Cherry. C’était très free. Plus tard, j’aurai l’occasion de jouer en duo avec Ornette Coleman. Aujourd’hui, jamais je ne me suis considéré comme aussi libre. Je peux travailler comme il me plaît, développer ma propre musique.

 

2010-09-08 Joachim 138 nath

photo: Jean-Jacques Pussiau


DNJ : Mais pourquoi vous êtes vous « exilé » à Ibiza ?
JK : Ibiza n’est pas, il est vrai, une île dédiée au jazz même s’il y a désormais un festival.  En 1992, je suis allé passer des vacances là-bas et je me suis plu. C’est le paradis. De mon piano je vois la mer, je peux jouer et composer sept à huit heures  par jour sans avoir de problèmes avec les voisins (rires). Je n’ai pas d’ordinateur, de téléphone portable, j’aime la modernité… mais dans la musique. C’est d’ailleurs la seule chose qui m’intéresse, la musique, même si je me suis mis à la peinture, prenant exemple sur Daniel Humair.


DNJ : Votre père était acrobate. On a l’impression que vous aussi vous êtes toujours en équilibre et à la recherche de nouveaux défis.
JK : Ces dernières années, j’ai vraiment découvert la musique arabe et africaine et me suis beaucoup investi dans ce trio qui comprend le percussionniste espagnol Ramon Lopez et le joueur marocain d’oud Majid Bekkas. Mais j’ai pris aussi énormément de plaisir à jouer avec un fantastique jeune pianiste allemand de formation classique, Michael Wollny ou un vieux complice, Archie Shepp.


DNJ : Quel est votre prochain projet ?
JK : Un programme dédié à Kurt Weill qui me permettra de jouer avec deux clarinettistes, Louis Sclavis et Rolf, mon frère aîné de quinze ans (2) qui pratique tous les jours son instrument ! C’est très excitant. Et cela me rappelle l’album consacré à l’Opéra de quatre sous qui avait été réalisé en 1996 avec Jean-François Jenny Clark et Daniel Humair (Verve). Un merveilleux souvenir : une heure de répétition avait suffi avant d’enregistrer !


Propos recueillis par Jean-Louis Lemarchand

1. Cet album s’intègre dans la collection « Jazz & the city » qui comprend également des disques de Kenny Werner (New-York), Bill Carrothers (Excelsior), Eric Watson (Paris) et Richie Beirach (Tokyo).
2. Avec son frère Rolf, Joachim Kühn a obtenu en 2011 la prestigieuse distinction allemande décernée par The Echo Jazz pour l’ensemble de sa carrière (Lifetime Achievement Award).

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19 décembre 2011 1 19 /12 /décembre /2011 22:07

Les coulisses de la coulisse

 

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Il paraît que tu as eu envie de jouer du trombone dès l'âge de 2 ans !

 

Samuel Blaser : (rires) C'est en tout cas la légende qui court dans ma famille. Chez moi il y a un carnaval tous les ans avec une fanfare et je voyais ce trombone qui m’impressionnait. Quand j'avais effectivement deux ans, je montrais à ma mère le geste de la coulisse  en essayant de lui faire comprendre que je voulais jouer de cet instrument. Et cette fascination qui m'a pris très tôt ne m'a jamais vraiment lâché. Quand j'ai pris des cours d'initiation musicale, il y avait au fond de la salle un trombone mais je n'avais pas le droit de le toucher. Et je passais mon temps à le regarder. J'étais oui totalement happé par cet instrument. J'ai attendu l'âge de 8 ans pour pouvoir souffler dedans et 9 ans pour pouvoir vraiment commencer à jouer et à prendre des cours.

 

 

Mais qu'est ce qu'il y a dans cet instrument avec lequel on débute rarement, qui a pu te fasciner si tôt ?

 

SB :  Je ne sais pas, je crois que c'est la coulisse. La première chose que j'ai fait lorsque j'ai eu le mien c'était de rentrer chez moi et de faire un superbe glissando !

Au conservatoire il  y a avait un big band. Avec mes frères nous avons intégré le groupe qui commençait à avoir un assez bon niveau et qui même tournait un peu dans la région. De fil en aiguille j'ai été approché par l'école de jazz de Berne  dont le big band manquait de trombone et j'ai alors intégré le Swiss Jazz Big Band qui était alors dirigé par Bert Joris. J'ai joué avec cet orchestre durant 5 ans. On a fait des concerts avec Clark Terry , Phil Woods, Jimmy Heath. George Robert, le directeur de cette école a invité un jour Matthias Ruegg à venir le diriger. Nous avons alors joué la musique du Vienna Art Orchestra et c'est là que Matthias m'a repéré. J'avais 18 ans à l'époque. Il m'a alors invité plusieurs fois à jouer avec le VIenna.

 

C’est le déclic de ta carrière ?

 

SB : Ce qui a marqué mon enseignement c'est surtout qu'à un moment de mes études, sur les conseils d'un ami, je suis venu à Paris pour suivre l'enseignement de Geoffroy de Masure. Et là il s'est vraiment passé quelque chose. Je suis resté avec lui près de deux ans. Il me recevait chez lui, une fois par mois. On s'enfermait durant 4 ou 5 jours et l'on jouait presque 10 heures par jour dans sa maison du côté de Château Thierry. Cela a été la meilleure période d'enseignement que j'ai connu. Une relation de maître à disciple. On passait notre temps à jouer, à faire des relevés de Coltrane, à improviser. Geoffroy est quelqu’un d’absolument incroyable. Quelqu’un qui ne se met jamais en avant, presque autiste. Il m’a vraiment appris à improviser ou à jouer tout seul par exemple. On a aussi beaucoup travaillé sur des rythmes complexes, sur la musique de Steve Coleman par exemple. On passait des heures à inverser les rôles où l’un faisait la basse et l’autre le soliste. Il m’a appris aussi à jouer avec un barillet, ce que ne font que rarement les trombonistes de jazz

 

Tu parlais de jouer seul, tu as déjà fait des concerts en solos ?

 

SB :  Oui d’ailleurs mon premier disque était celui de mon premier concert solo. C’est un exercice totalement flippant. Mon premier concert solo en 2007 a été enregistré par la radio suisse romande et est directement sortis sur disque (Solo Bone, Slam Productions, 2008).

 

Beaucoup de tromboniste se mettent aujourd’hui à jouer de la conque, comme Steve Turre, pas toi ?

 

SB : Non pas vraiment, non. En fait cela prouve que Steve Turre n’a pas toujours bon goût. Il y a eu aussi une période où les trombonistes faisaient aussi du didgeridoo. J’en ai acheté un mais j’ai vite laissé tomber. En fait je trouve qu’il y a assez de choses à faire avec cet instrument non ? 

Sebastien (LLado) va pas se vexer ici j'espère? :) 

 

 

Tu viens d’un univers familial où la musique était importante ?

 

SB : Ma mère qui jouait un peu de guitare nous a toujours intéressé à la musique. Elle nous emmenait mes frères et moi écouter des concerts dans la belle salle de La Chaux de Fonds, là où Keith Jarrett a enregistré certains concerts. Elle était assez classique et nous faisait écouter du Ray Charles, Louis Armstrong, Harry Bellafonte. Mais le vrai choc pour moi cela a été lorsque mon frère a ramené " Atomic Basie" de Count Basie. Il s'est vraiment passé quelque chose lorsque j'ai écouté cet album. Je me souviens qu'avec mon big band on écoutait ce disque, assis en rond avec mes copains. Nous étions subjugués par ce qui se passait et par le swing. Cela m'a sensibilisé à l'idée d’aller chercher le "son", de faire sonner différemment. C’est ce qui me rapproche beaucoup de Marc Ducret sur ce point. 

 

 

Quelles sont tes influences ?

 

SB : Mon premier prof, Jacques Henry m’a donné une cassette, celle de Jay Jay Johnson (« The Eminence vol.1 »). Cela a été le premier album de tromboniste que j’ai écouté. Ensuite c’était Curtis Fuller ( « New Trombone »). Puis Frank Rosolino a totalement changé ma conception du trombone. Il a eu une fin tragique mais c’est quand même un personnage marquant dans l’histoire de l’instrument ( NDR : il s’est suicidé en 1978 après avoir tué ses deux fils). Ensuite j’ai écouté Albert Mangelsdorff mais j’ai d’abord trouvé cela horrible avant d’y revenir bien plus tard. Masi depuis 4/5 ans, en fait depuis mon arrivée à New York j’ai recommencé à beaucoup écouter ce qu’il faisait et j’ai été totalement conquis.

Mais ces dernières années, celui qui m’a le plus impressionné c’est assurément Glenn Ferris qui est vraiment quelqu’un qui est une sorte d’OVNI dans la planète des trombonistes. Quel son ! Son trio avec Vincent Courtois et Bruno Rousselet est une pure merveille. Une fois je lui ai demandé comment il faisait pour avoir cet air dans le son. Il m’a répondu «  je n’ai pas de l‘air dan mon son, j’ai du son dans l’air » ! Il a un truc que les autres n’ont pas. Il joue avec deux barillets. Quand je lui ai demandé pourquoi, il m’a dit «  Samuel, cela fait 25 ans que je bouge cette fichue coulisse, j’en ai un peu marre aujourd’hui ». Donc lui et Mangelsdorff sont les deux qui ont bouleversé a conception du trombone.

Cela dit je fais du jazz mais curieusement aujourd’hui, ce qui nourrit beaucoup ma musique c’est surtout la musique classique.

 

 

Qu'est ce qui explique cette formidable vivacité du jazz suisse ?

 

SB : C’est un jazz que l’on connaît mal d’ailleurs, pas bien représenté. Il s’exporte assez difficilement mais il est vrai que c'est un jazz riche. La raison principale a été durant de nombreuses années, la multiplication des conservatoires régionaux. Maintenant cela est un peu derrière nous car le nombre de ces conservatoires a été fortement réduit pour se concentrer autour de Zurich, Lausanne, Genève. Mais toutes ces écoles ont un département de jazz qui compte chaque fois 100 ou 150 étudiants par classe.  Et puis il y a beaucoup d’aides financières qui viennent au jazz pour nous aider à nous exporter. Maintenant qu’est ce qui fait que ce jazz est de qualité, je ne sais pas. Toujours est il qu’en ce qui me concerne, j’ai eu la possibilité, après mon apprentissage avec Geoffroy de recevoir une bourse pour aller l’installer à New York. Ce qui m’a ouvert de nouveaux réseaux mais m’a aussi un peu coupé du jazz Helvétique. 

 

Cette expérience new-yorkaise, elle est essentielle dans ta construction ?

 

SB : C’est sûr, cela a totalement métamorphosé ma façon de voir les choses. C’était un rêve d’aller là bas et je continue à être hanté par l’idée d’y habiter, même si j’ai la chance d’y aller environ tous les deux mois. Arriver à New York c’était pour moi comme vivre dans un rêve. Certes c’était un peu difficile au début de créer des contacts mais de fil en aiguille j’ai réussi à tisser des liens, pas forcement dans des clubs de jazz.  Comme par exemple avec Jay Elfenbein qui joue de la viole de gambe électrique et avec qui on a fait un trio et joué des trucs super bargés dans des rings de boxes. Il y avait Dave Taylor ou John Clark qui joue dans le Mingus Big Band. Rapidement j’ai rencontré Gerald Cleaver avec qui j’ai créé mon premier quartet. Il y avait aussi Scott Dubois. On a fait notre première tournée en 2006.

 

Tu viens de signer un album avec Paul Motian (*) autour de la musique de la renaissance.

SB : Cela a pris beaucoup de temps. D’abord le plus difficile a été de convaincre le label. La musique baroque ou de la renaissance ont été des musiques que j’ai beaucoup travaillé au conservatoire. Quant à ce qu’en faisaient les jazzmen, je n’ai jamais été vraiment convaincu. C’est souvent très proche de la musique originale et du coup, très kitsh. Par exemple il y a le projet de Phil Abraham ( « from jazz to baroque ») mais que je trouve de très mauvais goût même si j’apprécie beaucoup sa façon de jouer. Si Phil lit ce passage, il va me trouver prétentieux :) 

Je suis parti sur l’idée qu’il fallait prendre l’essence de cette musique-là et en faire autre chose. La travailler autrement. Prendre le matériel, l’essence et en faire autre chose. Ensuite j’ai mis 6 mois à écouter tous les airs de Monteverdi afin de trouver les mélodies sur lesquelles je pensais pouvoir utiliser pour ne faire autre chose. Il y a beaucoup d’arias magnifiques mais il faut éviter le piège de choisir ceux qui en aurait fait quelque chose de très kitsh. Il fallait les diluer dans autre chose. Cependant dans certains cas, cette mélodie reste très présente. C’est le cas par exemple de la Passacaille qui est très respectée sur la forme, sur la mélodie et sur les harmonies. Mais il fallait éviter de reproduire strictement les voix. Tout ce travail nous l’avons fait aussi ensemble, à la table, en jouant d’abord le texte à l’identique. C’est grâce à Russ Lossing que nous avons pu amener cette musique plus loin que ce que le papier disait. Il fallait éviter de rentrer dans cette cage qu’est le monde baroque, qui est certes magnifique mais qui ne devait être qu’un des éléments fondateurs de ce que nous voulions jouer.

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© Alex Troesch

Comment s’est faite cette rencontre avec Motian ?

 

SB : C’est une idée de moi au départ. J’ai contacté le label et je lui ai dit que je voulais jouer avec lui. Il me fallait des musiciens que je connais bien mais qui sont aussi des gens avec qui il a déjà joué. J’ai donc tout naturellement pensé à Thomas Morgan et Russ Lossing. J’avais là un trio qui pouvait fonctionner et dans lequel je pouvais m’insérer sans rompre la cohérence.

Pourquoi Motian ? Parce que je savais que dans ce projet il allait pouvoir se placer dans la sonorité du baroque. Et puis surtout pour moi, qui joue assez peu de notes, je savais qu’il était le seul à pouvoir offrir comme cela de l’espace aux musiciens. Surtout quand il joue ses cymbales. A chaque coup de cymbale il sort des mélodies que je n’entend chez aucun autre batteur. Il a une manière de jouer unique. Je l’ai écouté durant toutes mes études et je l’écoute aussi aujour d’hui. Lorsque je l’ai appelé en lui indiquant que c’était sur les conseils de Thomas, il m’a juste dit «  ok, let’s do it ». On a enregistré en décembre 2010. Cela a été un peu sportif parce que,  mon avion a eu deux jours de retard à cause des tempêtes de neige. J'avais planifié une seule répétition que j'ai réussi a faire en sortant de l'avion, la veille de la session d'enregistrement. Je voulais juste arriver deux trois jours plus tôt pour récupérer du jet lag… Du coup…. j’étais assez tendu lorsque nous sommes rentrés en studio. Mais très vite tout s’est détendu, les blagues ont commencé à fuser. La session s’est déroulée en 5 heures et après nous sommes restés tous les deux, un long moment à prendre le temps de parler. Ensuite nous avons aussi fait un concerte en juin à New York avec le même casting. Il a adoré le concert. A la fin il m’a dit «  I didn’t know a trombone could play like this ! ». Je lui ai demandé depuis combien de temps il n’avait pas joué avec un trombone et il a reconnu que cela remontait aux années 80 avec Roswell Rudd. Il a eu l’air d’avoir tellement aimé le concert que je me suis imaginé que si j’habitais New York, peut être qu’il aurait fait appel à moi. 

  

 " Hi Samuel.thanks for calling....I enjoyed the gig very much.........and ...listened to the CD.....loved it......thanks a lot......hope to do it all again sometime.....best....."paul......

Paul Motian

 

 

 


Qui est la doublure de Motian ?

SB : C’est Gerry Hemingway et l’on tourne en février/ mars avec ce projet dans pas mal de villes européennes. Malheureusement les Français ne semblent pas passionnés. Le problème c’est qu’il est entre classique et jazz mais ni vraiment dans l’un ni vraiment dans l’autre. Du coup cela bouscule un peu les cases et ne rentre dans aucune logique de programmation.

 

 

Ton dernier projet, ou plutôt ton nouveau groupe accueille Marc Ducret. Là encore une rencontre décisive . Comment s’est elle produite ?

 

SB : Je voulais constituer un groupe avec de nouvelles personnes pour revenir à un jazz plus… énergique. J’ai pensé immédiatement à Ducret. Comme Marc est dans la même agence que moi, le lien était plus facile. Il a dû certainement écouter ma musique sur internet car il m’a dit oui tout de suite.

 

Peut-être plus que sur Consort in Motion, vous jouez beaucoup plus sur l’improvisation

 

SB : Oui c’est vrai même si dans Consort la part d’improvisation était déjà grande. N’empêche que le nouveau matériel que nous avons avec Marc et avec lequel nous tournons en ce moment est plus écrit. C’est ce matériel qui donnera lieu à une suite « live » à notre précédent album. Avec Marc, il respecte beaucoup mon travail d’écriture. Mais ce qui se passe en concert c’est que l’on traverse les morceaux. On part avec ce qui est écrit mais sans savoir réellement où nous allons. Comme on connaît bien le matériel, chacun dans le groupe peut jouer une note ou un thème et l’on sait qu’il va nous embarquer sur le même chemin.

 

J’ai été fasciné dans cet album par votre façon de vous arrêter tous ensemble, sur ce qui semble être des impros collectives. Avez vous des signes entre vous ?

 

SB : Non, pas de signe mais c’est vrai que parfois on ne se l’explique pas. Pas plus tard qu’hier nous avons eu ainsi une coda fabuleuse où l’on a tous terminé dans le même temps avec la même intention et ça ce sont des moments magiques. En plus il y a une vraie osmose humaine dans ce groupe. Ceci explique certainement cela. Mais nos morceaux en concert peuvent soit prendre une forme très courte soit s’étendre sur des formats des très longs. L’ordre des morceaux n’est pas défini avant et chaque soir c’est un nouveau concert.

 

Dans le disque cette spontanéité a t-elle été conservée ?

 

SB : Absolument. Il n’y a eu aucune coupe, aucun effet et les morceaux sont présentés tels quels, dans l’ordre dans lequel nous les avons joué.

 

Tu vis actuellement à Berlin. C’est une ville qui semble très active sur le plan artistique ?

 

SB : C’est juste. Même si je la connais assez mal dans la mesure où je n’y suis jamais. Quand j’y suis je reste beaucoup chez moi ou alors je vais prendre mes cours de composition. Mais tu sais, pour beaucoup de musicien de jazz, le choix de Berlin est aussi lié au fait que, outre sa jeunesse et son effervescence, c’est aussi une ville qui n’est pas très chère et dans laquelle il est facile de se loger. Je ne crois pas que je pourrai vivre ainsi de mes seuls concerts en habitant en Suisse. Beaucoup viennent ici comme John Hollenbeck, comme Kurt Rosenwinkell, comme Greg Cohen qui vient d’aménager.

Mais oui, c’est une ville culturellement impressionnante. Sur le plan de la musique il y a quand même 7 orchestres classiques, 3 opéras, 2 orchestres de radio, 1 orchestre de chambre. Le jazz y est beaucoup moins développé. Il y a le «  A Train » le «  Bflat », le « Quasimodo » . Trois clubs à peine….

 

 

Tu joues avec des musiciens de jazz là bas ?

 

SB : Pas beaucoup mais là je commence quelque chose avec John Hollenbeck. On a un projet avec lui, Sébastien Boisseau et Alban Darche. On commence en janvier. Cela dit il n’y a aucun Berlinois là-dedans.

 

 

Et à New York, dans tes connexions, aucun Zorniens ?

 

SB : C’est drôle parce que l’autre jour on m’a dit que j’avais une conception très « zornienne » du trombone. Va savoir… mais j’espère le rencontrer car je vais jouer en décembre mars 2012 au Stone. En tout cas je suis un fan de Massada, de Dave Douglas, et Joey Baron je te dis même pas ( en plus Joey serait d’accord mais il m’a dit que mes tournées sont trop longues pour lui). Mais John Zorn, c’est pour moi quelqu’un qui me semble complètement intouchable….

 

 

Tes prochains projets ?

 

SB : Il y a le tome 2 de « Boundless » qui va sortir. J’enregistre aussi un disque avec Stéphane Leibovici qui a écrit pour 2 trombones et un soprano. Ensuite je vais à New York pour enregistrer avec Michael Bates, Chris Speed, Michael Saurin avec Michael Blake, Russ Lossing, Michael Bates et Jeff Davis. Superbe album d'ailleurs. Je me réjouis que tu l'entendes!, . Je participe aussi à un groupe avec un clarinettiste canadien fantastique, François Houle où il y a aussi Benoit Delbeck ( cf. DNJ), Taylor Ho Binum ( incroyable trompettiste) et on enregistre en Mars pour Songlines.

 

 

Qu’écoutes tu en ce moment ?

 

SB : Je me mets souvent les symphonies de Beetoven sur lesquelles j’essaie de travailler. Sinon j’écoute aussi ce tromboniste insensé qui s’appelle Vinko Globokar. Il a développé une technique qui fait que quand tu respires dans ton trombone tu dois aussi produire du son. Et c’est très dur notamment lorsque tu montes dans les aigus.

 

 

 

Propos recueillis par Jean-marc Gelin

 

 A écouter

BLASER BOUNDLESS

 

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(*) Cette interview a été réalisée avant la disparition du batteur)

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