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23 mai 2023 2 23 /05 /mai /2023 15:12

JAZZ SOUS LES POMMIERS (42eme édition)


 

 

Jeudi 18 mai

 

YESSAï KARAPETIAN

Yessaï Karapetian (p), Norayr Gapoyan (duduk), Avag Margaryan (blul), Marc Karapetian (cb), Gauthier Garrigue (dms)

@jmgelin


Comme tous les ans, le festival donnait carte blanche à un artiste pour jouer avec le musicien de ses rêve. Pour le jeune pianiste arménien Yessaï Karapetian et son frère Marc (contrebassiste) il s’agissait de la grande batteuse américaine Terry Line Carrington. Malheureusement, après avoir répété durant une semaine ensemble, Terry ne pouvait finalement pas faire le concert étant rappelée aux US pour des raisons familiales. Du coup c’est notre « immense » Gauthier Garrigue ( batteur d’Henri Texier ou de Flash Pig entre autres) qui prenait la place de la batteuse. Et, le concert ayant été conçu pour laisser beaucoup de place aux solos de batterie, Gauthier Garrigue pouvait revêtir sur la musique de Yessai Karapetian ses habits de lumière avec un incroyable brio. Trouvant là toute la place pour démontrer à quel point la musicalité de ses toms fait de lui l’un des plus grands sur l’instrument en ce moment. La musique du pianiste évoluait alors entre ses propres compositions et des thèmes traditionnels arméniens, avec deux superbes solistes au duduk et à la flûte.

Beau voyage pour un public ravi de se laisser séduire par ce programme qui l’emmenait entre deux mondes.

 

 

ANA CARLA MAZA

Ana Carla Maza (cello, vc), Fidel Fourneyron (tb), Irving Acao (ts), Norman Peplow (p, claviers), Luis Guerra (percus)

@jmgelin


La violoncelliste-chanteuse de Cuba est la véritable diva du moment. Elle nous avouait d’ailleurs en interview qu’elle avait déjà donné plus de 150 concerts aux quatre coins du monde depuis le début de l’année ! JSLP qui l’avait déjà accueillie l’an dernier dans le programme de Fidel Fourneyron, ne pouvait pas passer à côté de cette musicien aussi solaire que charismatique qui venait présenter en avant-première son nouvel album, « Caribe » écrit autour des musiques d’Amérique latine ( Cuba, Brésil, Pérou, Colombie, Argentine etc…). Le moins que l’on puisse dire c’est que la violoncelliste-chanteuse sait y faire pour mettre le public dans sa poche, l’invitant à chanter avec elle sur des gimmicks de salsa ou de rumba. Avec Ana Garla Maza c’est le sourire allié à une énergie débordante de vitalité au service d’une musique qui donne au public sa dose de bonne humeur et de soleil.

Ana Carla Maza utilise son violoncelle à l’archet ou comme contrebasse, chante avec une voix venue des faubourgs de la Havane, rend hommage à ses ancêtres sud-américains et apporte dans ce monde parfois si terne, une bouffée d’air frais. Le public, là encore est aux anges et se levait pour danser et chanter avec Ana Carla Maza, véritable star du moment.

@jmgelin


 

Vendredi 19 mai

 

Girls in Airport

Martin Stender (saxs), Mathias Holm (claviers), Victor Dybbroe (percus), Anders Vestergaard (dms)

Pour le coup il s'agissait d'une totale découverte puisque jamais entendus auparavant. On en avait entendu parler mais c'est tout.

Et franchement, autant vous dire que ce groupe de jeunes musiciens Danois a été pour nous une véritable révélation. Découverte donc de leur musique et de leur vision d'un jazz totalement modernisé basé sur un intrumentarium original. 4 jeunes garçons dans le vent réunissant un batteur, un percussionniste magicien, un sax minimaliste et un clavier ultra créatif. Au début on peut avoir un peu de mal à entrer dans leur climax. Mais très vite s'en suit une sorte de fascination hypnotique. La musique est hyper bien construite et ce quartet nous embarque totalement dans leur trip. Dans une sorte d’onirisme fait de nappes et de tapis sonores sur lesquelles se greffent mille détails électro-acoustiques. Une sorte de jazz psychédélique et planant. Leur prochain album ( « How it is now ») dont ils donnaient un aperçu sortira en août 2023. A découvrir d’urgence.

 

THIERRY MAILLARD, ensemble Caméléon

Thierry Maillard (p), Chris Jennings  (cb), Yoann Schmidt (dms), Maë Defays (vc), Christelle Racquillet (fl), Olga Malechenko (as), Olivia Gay (cello), Virna Nova (g), + le groupe Vagabondes : Zoe Brocard, Sofie garcia, Clémence Marcourant, Gladys Roupsard, Thifaine Zerbib, Louise Challieux (vc)

L’occasion ici de réentendre cet album du pianiste Thierry Maillard, artiste étonnant par la diversité des projets auxquels il s’attaque. Son ensemble « Caméléon », composé uniquement de femmes repose ( à l’exception de la rythmique) sur un répertoire original à la frontière du jazz et du lyrique, dans une veine qui n’est pas sans rappeler celle de Magma. On est frappés par la richesse des compositions au service de chanteuses vestales qui, telles des prêtresses romaines, semblent inviter les oracles et en appeler à des divinités païennes.

Thierry Maillard faisait aussi appel à quelques invitées avec la violoncelliste Olivia Gay, l’incontournable saxophoniste Olga Malechenko ou encore l’incroyable flutiste Christelle Racquillet.

 

FEMI KUTI

@jmgelin



Changement de décor radical à la salle Marcel Helie pour accueillir le descendant de Fela, en l’occurrence son fils, Femi Kuti.

Arrivée sur scène tonitruante du chanteur et multi-instrumentiste accompagné de trois danseuses plantureuses revêtues de leur (mini) tenues de guerrière africaines.

Celui qui perpétue la tradition et poursuit la voix de l’afro-beat faisait résonner tambours et cuivres sur des tempos sur lesquels le public, en partie debout sur le parreterre ne pouvait pas résister. Toujours empreint de cette colère politique et africaine, Femi Kuti transmettait son énergie à la scène et au public avec en ligne de mire, le ballet sensuel et dechorégraphié des trois grâces que l’on avait du mal à quitter des yeux.

Coutances dansait dans les faubourgs de Lagos.

@jmgelin



FLASH PIG

Maxime sanchez (p), Adrien Sanchez (ts), Florent Nisse (cb), Guathier Garrigue (dms)

 

@jmgelin



Notre coup de cœur, ever ! Ce groupe fait définitivement partie de ce qui se produit de mieux dans l’hexagone. Que voulez-vous, ce groupe transpire le jazz ! L’essence même du jazz. Sa quintessence. On a beau les avoir entendus maintes fois, ce groupe nous bluffe par son talent et par la cohésion du quartet. Et, quand 4 musiciens parviennent ensemble à élever leur jeu à un tel niveau, il n’y a plus, pour nous public, qu’à se laisser porter pour atteindre avec eux, les sommets du jazz. Tout en haut des cimes. Toute une histoire du jazz entre leurs mains et dans nos oreilles, en passant par Sonny Rollins ou Ornette Coleman. Avec Flash Pig on a affaire à des passeurs. On pourrait parler des quatres, individuellement et énumérer leurs talents mais une page n’y suffirait pas. Alors on préfère s’attarder sur le collectif. Qu’il nous propose un étonnant morceau qui sera dans leur prochain album où Adrien Sanchez prend des allures lesteriennes, qu’ils nous embarquent dans des morceaux spaciaux où tout est presque murmuré ou bien qu’ils balancent un groove irrésistible, tout y est ! On est dans le jazz. En plein cœur.

 

 

MARCUS MILLER

Marcus Miller (b), Donald Hayes (as), Russell Gunn (tp), Xavier Gordon (p), Anwar Marshall (dms) + Tom Ibarra (g)


 

Et oui, ça le fait toujours avec Marcus Miller ! Grosse machinerie à l’américaine, certes mais avec un savoir-faire qui ne se dément pas. On le sait et l’on sait exactement à quel type de concert s’attendre, mais toujours l’effet whaouh !

Pourtant le concert n’avait pas très bien démarré et sur les 3 ou 4 premiers morceaux on sentait le bassiste un peu en dedans, un peu las. Les solos des uns et des autres alternaient sans que l’on en relève quoique ce soit si ce n’est ceux du jeune guitariste français Tom Ibarra dont Sylvain Luc nous avait parlé et que l’on promet être un futur grand de l’instrument. Et puis, il suffisait que Marcus Miller se dise, c’est bon on va faire décoller ce concert pour qu’il nous livre un solo époustouflant dont il a le secret pour qu’enfin tout à coup tout se réveille.


Bien sûr avec Marcus Miller il y a les incontournables références à Miles en passant par Amandla ( Mr Pastorius) ou, forcément, Tutu qu’il reprend à chaque concert. Et là du coup tout se met en marche et l’on découvre un Russell Gunn bien plus inspiré par son rôle à la Miles Davis.

Quelques rappels alors pour un public debout qui n’avait pas envie de cela s’arrête.

@jmgelin


 

Le même public, bon enfant, gourmant de musique et si attachant de Coutances qui se retrouvait dehors avec l’envie de poursuivre la soirée. Parce que définitivement personne n’avait envie de voir la fête s’arrêter.

Et que, à l’aube venue nous avions déjà une seule envie en tête :  être déjà l’année prochaine.

Jean-marc Gelin

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22 mai 2023 1 22 /05 /mai /2023 13:12


ACT 2023

Emile Parisien (ss), Roberto Negro (p)

 

Ce sont deux complices inséparables qui se retrouvent en duo. Deux copains qui de longue date ont l’habitude de jouer ensemble. Mais si le saxophoniste a l’habitude du dialogue avec son autre compère, l’accordéoniste Vincent Peirani, c’est dans ce nouvel album qu’Emile Parisien et la pianiste Roberto Negro se retrouvent pour un album en duo.

Et le moins que l’on puisse dire c’est que cette rencontre est virevoltante dans une sorte de flow et de circulation d’énergie entre les deux acteurs de cette pièce. Dans ce qui s’apparente à la fois à un conte fantastique parfois crépusculaire et ténébreux mais aussi à un échange mutin et joyeux, les deux musiciens semblent croiser le fer. Comme deux duettistes sur un champ de bataille musicale où il ne serait pas question de mettre à mort mais au contraire, de mettre à vie.

Emile Parisien (on ne va pas cesser de le dire durant les 20 ou 30 prochaines années !) est encore et toujours exceptionnel. Comme la version actuelle et moderne de Sydney Bechet. Emile Parisien c’est le flow et l’énergie couplés à la puissance du son projeté avec un sens inoui de l’improvisation. Prenez n’importe quelle plage de cet album et le lyrisme du saxophoniste va vous suater aux oreilles charmées par le prodige. Mais s’il ne s’agissait que de cela nous serions dans le tour de force. Mais non ! Au-delà il y a une force de vie incroyable. Une forme d’urgence à dire. Une flamboyance du geste ( Alla marcia, pesante).

Et qui de mieux pour s’exprimer ainsi que le pianiste Roberto Negro qui, comme toujours affiche une incroyable liberté du clavier avec la puissance d’un forcené maltraitant les graves de son piano comme un Dieu déclenchant l’orage, la foudre et la tempête.

Parce que tous les deux vont chercher au-delà du dialogue gentil et souvent dans ce genre d'exercice très(trop) respectueux, dans Metanuits c’est comme si chacun cherchait à pousser l’autre dans ses extrêmes limites. Sauf que les limites, ils n’en ont guère et que s’ils en ont ce n’est que pour s’en affranchir.

Et lorsque le calme vient après le paroxysme, c’est pour nous embarquer dans une sorte de promenade imaginaire. Comme une parenthèse dans les nuages ( Tempo di valse)
Puissant de bout en bout !

Jean-marc Gelin

https://youtu.be/HF8ak5WxQTU

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22 mai 2023 1 22 /05 /mai /2023 10:17

Nicolas Stephan (saxophones ténor & alto droit, synthétiseur, trompette, clarinette alto, compositions, textes)

invité : Sébastien Brun (batterie & électronique)

Maxi 45 tours Petit Label / Modulor ; et sur les plateformes numériques

https://nicostephan.bigcartel.com/product/null-nicolas-stephan-solo

 

En vinyle, cet opus solitaire du musicien-auteur. Solitaire pour deux plages, et accompagné par l’invité sur la troisième. Deux plages au singulier sur trois. Mais ce singulier est aussi porteur d’absolue singularité, de ce qui n’appartient qu’à lui.

C’est d’abord une sorte de chant, libre et mélancolique, presque une plainte qui va se muer en virulence. Le texte en façade du disque, comme un poème mystérieux, commence ainsi

 

Zéro n’existe

Un cercle croule

Une boucle, un piège

Une cible, Null….

 

Puis une polyphonie s’installe, par la magie des machines. Une profusion qui ouvrira la voie à d’autres chants intimes.

 

Suivra un cheminement dans la multi-phonie, une incantation peut-être. Un chemin de mystère qui reviendrait sur ses traces pour les subvertir.

 

Vient enfin le duo, plus qu’un duo car saxophone et batterie affrontent un vinyle non-identifié. Autre mystère, mais dans cette densité qui conjugue concertation et hasard, le saxophone poursuit son chant. Mystérieux certes, mais fascinant.

 

Xavier Prévost

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Concerts solo à venir, le 25 mai à Rouen (La Brique), le 28 mai à Bagnolet théâtre de l’Échangeur,et le 30 juin à Paris (Galerie Les 26 chaises)

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21 mai 2023 7 21 /05 /mai /2023 21:09

Hervé Sellin (piano), Jean-Paul Celea (contrebasse), Daniel Humair (batterie). Studio Sextan, Malakoff, septembre 2021. Frémeaux & Associés/Socadisc. Sortie mars 2023.

Est-ce un clin d’œil de l’histoire ? Le concert de sortie de New Stories s’est tenu le 22 mars, le lendemain de l’avènement du printemps et aussi pour les « soixante-huitards » associé au 22 mars 68, date de naissance du Mouvement ayant conduit à l’effervescent mai 68. Soyons clair : cette soirée au Bal Blomet (75015) restera comme la Première remarquée d’un trio aussi jeune (dans l’esprit) qu’expérimenté (dans la pratique) : Hervé Sellin, pianiste et initiateur du projet, Jean-Paul Celea, contrebasse, Daniel Humair, batterie.

L’art du trio, les trois comparses en connaissent les ressorts et les subtilités. La liste serait trop longue de leurs contributions depuis les années 60 à ce format le plus usité du jazz. Loin d’en avoir épuisé les charmes, Hervé Sellin, Jean-Paul Celea et Daniel Humair se livrent ici à une fête qui consacre le partage des valeurs suprêmes du jazz, la combinaison de l’écriture et de l’improvisation. Ces trois là ne cèdent pas à la tentation de l’excès de confiance et s’épanouissent dans une écoute et un respect réciproques.

Les douze titres, dont neuf compositions d’Hervé Sellin (y compris deux signées par les 3 interprètes), sont autant de miniatures, des pièces courtes (au maximum 5 minutes et 6 secondes) dévoilant l’essentiel et laissant deviner le reste. Une alternance de plages de sérénité –en ouverture et clôture de l’album- et de moments enjoués propres à la virtuosité (jamais gratuite) et à ce que l’on dénomme, référence classique, le swing. L’amateur éclairé y retrouvera par instants des accents de Martial Solal (le goût de la surprise) sous les doigts du pianiste, la plénitude du son de la contrebasse de Jean-Paul Celea (avec ou sans archet), la précision du coloriste batteur-peintre (ou peintre-batteur) Daniel Humair.

Un album enthousiasmant qui s’annonce déjà comme un des disques de l’année et qui prend tout son sel dans son expression sur scène. Avis aux programmateurs de festivals !

Jean-Louis Lemarchand

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21 mai 2023 7 21 /05 /mai /2023 17:59

42 ème Edition de Jazz Sous les Pommiers

Du 13 au 20 mai 2023

 

Mardi 16 mai 

 

Le mardi de 15h à 18h, au Magic Mirrors de Coutances, nous avons pu assister à la première partie de la scène Jazz Export Days organisé par le CNM (Centre National de la Musique). Une sélection de quatre formations représentatives du jeune jazz français étaient venus jouer des showcases de 30 mn chacun afin de convaincre des programmateurs étrangers venus à Coutances pour l’occasion.

 

C’est le délirant et singulier trio féminin Nout qui ouvrait le bal. Une formation instrumentale originale : flûte, harpe et batterie, joués respectivement par Delphine Joussein, Rafaëlle Rinaudo et Blanche Lafuente. Une musique inclassable autour d’un jazz déjanté, énergique et drôle qui flirte avec le punk-rock, la rébellion et le surréalisme. Les trois dames sont impressionnantes et poussent leurs instruments dans leurs derniers retranchements afin de nous proposer un spectacle unique et innovant.

Le quintette Tigre d’Eau Douce du saxophoniste Laurent Bardainne (avec Arnaud Roulin, Sylvain Daniel, Philippe Gleizes et Fabe Beaurel Bambi) a enchaîné et il a séduit le public avec ses courts morceaux construits comme des chansons instrumentales, faciles à retenir, diablement énergiques et s’apparentant à de hits potentiels. Nous sommes loin du jazz, du ternaire et de l’improvisation, mais c’est terriblement efficace, ludique et joyeux et ça nous donne une envie irrésistible de danser !

Le jazz avec un grand J, était pourtant bien présent dans ces Jazz Export Days avec le fantastique trio du contrebassiste Théo Girard comprenant le trompettiste Antoine Berjeault et le batteur Antonin Leymarie. Une formation sans instrument harmonique qui propose une musique excitante et exigeante, où les superbes compositions de Théo Girard (comme son fameux tube Champagne) prennent un nouveau relief autour d’une interaction exemplaire. La trompette du talentueux Antoine Berjeault s’octroie un très bel espace et une place de choix au sein de cette formation à la musique particulièrement jouissive. 

C’est le quintette Ishkero (Adrien Duterte, Victor Gasq, Arnaud Forestier, Antoine Vidal et Tao Ehrlich) qui a clos cette première journée des Jazz Export Days. Un jazz électrique et funky emmené par cinq jeunes garçons dans le vent qui ont démarré le groupe à leur adolescence puisqu’il paraît qu’ils jouent ensemble depuis 15 ans ! Ça groove à souhait, c’est ludique et ça joue très bien !

A 20h30 au Théâtre, on a pu apprécier la nouvelle (et dernière) création du tromboniste-résident Fidel Fourneyron qui termine ses trois années à Coutances, entouré d’un Brass-Band singulier qui renouvelle le genre. Les compositions de Fidel proposent à chaque fois un très beau dialogue musical entre son trombone et la trompette lyrique de Quentin Ghomari, autour d’une section rythmique puissante emmenée par le tuba de Fanny Meteier, la batterie aux accents réunionnais d’Héloïse Divilly et les claviers électriques et vintage (années 80) de Fabrizio Rat.

L’envie d’assister à la soirée blues me démangeait et à la fin du concert de Fidel Fourneyron, je filais Salle Marcel Hélie pour voir le très beau concert du bluesman Robert Cray qui va bientôt fêter ses 70 ans et à qui l’on donne facilement 20 ans de moins ! Un blues chaleureux et funky renforcé par l’orgue Hammond de Dover Weinberg, la belle voix de Robert et son jeu de guitare fulgurant, interprété essentiellement sur Fender Stratocaster. Si l’on réduit souvent le blues à trois malheureux accords, nous sommes impressionnés par la richesse harmonique du jeu de guitare rythmique de Cray qui explose avec talent ce quota de trois accords ! Du grand art !

Mercredi 17 mai

@Lionel Eskenazi

Deuxième et dernier jour des Jazz Export Days au Magic Mirrors avec tout d’abord l’impressionnant Red Desert Orchestra de la pianiste et cheffe d’orchestre Eve Risser. Un jazz extatique et prégnant aux couleurs africaines, qui nous transmet une folle transe communicative sur des rythmes fous emmenés par des balafons et des djembés, avec une belle brochette de soufflants dont on distingue le saxophoniste Antonin Tri-Hoang, le trompettiste Nils Ostendorf et le tromboniste Mathias Müller.

Après le Red Desert Orchestra, la couleur rouge va continuer à imprégner la scène du Magic Mirrors avec le trio de la pianiste Madeleine Cazenave, justement intitulé « Rouge » ! Un trio qui a encore un peu de mal à trouver sa propre identité, entre des réminiscences de musique classique proche de l’univers de Ravel et des tentations vers des sonorités et des rythmes que n’auraient pas reniés le trio E.S.T. Toujours est-il que cette musique n’est pas dépourvue de talent et d’intérêt avec une mention spéciale au contrebassiste Sylvain Didou, très impressionnant.

Puis ce fût le tour de la chanteuse Camille Bertault d’investir la scène du Magic Mirrors, accompagné entre autres par les talentueux Julien Alour et Minino Garay. Elle nous a interprété des titres de son dernier album « Bonjour Mon Amour » dont elle a écrit l’intégralité des paroles (exclusivement en français) et des musiques. Son charme, sa présence scénique et son brillant sens de l’improvisation nous font facilement oublier quelques petits problèmes de justesse. Nous avons tout de même été surpris que Camille Bertault ne joue pas le jeu du format de 30 mn imposé par ces show cases et chante près de 45 mn alors que tout le monde a respecté cette règle.

Enfin, le dernier des huit groupes de ces Jazz Export Days fût celui du batteur et compositeur guadeloupéen Arnaud Dolmen, magnifiquement entouré de son inséparable complice le pianiste brésilien Leonardo Montana, du saxophoniste Francesco Geminiani et du contrebassiste Samuel F’hima. Un quartette magique qui mêle jazz et musique guadeloupéenne avec beaucoup de sensibilité et de feeling et qui suscite beaucoup d’intérêts, au point qu’on lui souhaite beaucoup de succès !

A 18 h au Théâtre, les Antilles nous tendaient à nouveau les bras avec la musique raffinée, élégante et subtile de la contrebassiste et compositrice Sélène Saint-Aimé. Des compositions lumineuses, spirituelles et poétiques portés par un fabuleux groupe avec deux soufflants exceptionnels : Hermon Mehari et Irving Acao. Et puis une brillante et singulière idée qui consiste à mêler le tambour bélé de Martinique (joué par Boris Reine-Adélaïde) ave le tambour Kâ de Guadeloupe (Sonny Troupé).

Toujours au Théâtre, à 22h, ce fût le concert-évènement que tout le monde attendait et qui restera comme un des pics culminants de cette 42 ème édition de Jazz Sous les Pommiers.

@Lionel Eskenazi

Il s’agit bien sûr du duo composé du saxophoniste français Pierrick Pédron et du pianiste cubain Gonzalo Rubalcaba. Un évènement bien sûr, car après avoir enregistré leur album il y a près d’un an à New-York, ils n’avaient pas encore eu l’occasion de rejouer ensemble et cette prestation au Théâtre de Coutances demeurera à jamais leur tout premier concert ensemble ! Ils ont interprété avec brio les titres de leur album avec beaucoup de classe et une belle concentration. L’interaction entre ses deux musiciens de premier plan était à son maximum, ils se comprennent au quart de tour et rebondissent chacun aux propositions de l’autre avec une facilité déconcertante. Un moment magique et inoubliable porté par une musique d’un niveau exceptionnel.

Lionel Eskenazi.

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19 mai 2023 5 19 /05 /mai /2023 21:53

Fanny Ménégoz (flûtes traversières, composition), Gaspar José (vibraphone, percussions), Alexandre Perrot (contrebasse), Ianik Tallet (batterie)

Villetaneuse, 23-24 mai 2022

Onze Heures Onze ONZ 050 / Socadisc

 

Deuxième disque de la flûtiste, et affirmation conjointe de la quête d’un jazz contemporain et d’une revendication de l’effervescence propre au jazz. Les thèmes s’affranchissent de l’univers tonal, les improvisations sont ouvertes, souvent dans un horizon modal. C’est très vif, sinueux, ça vous embarque : la flûte est d’une liberté insolente, tout en gardant l’élan thématique et ses intervalles distendus. Chaque titre nous emmène vers un univers autonome, et pourtant la constante est là, d’une esthétique aventureuse autant que maîtrisée. À la fin de chaque plage on se dit ‘où vont ils-elle nous entraîner’ ? Et chaque fois surgit un horizon neuf, une aventure musicale, un nouveau battement. Les partenaires de la flûtiste font preuve, dans leurs improvisations, de ce même goût d’une liberté qui entrevoit toujours son horizon. Libre et construit. Construit et libre. Comme le jazz. Une réussite.

Xavier Prévost

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Le groupe est en concert le 24 mai 2023 à Paris, à La Petite Halle, en co-plateau avec le groupe Phonem de Maïlys Maronne

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Un avant-ouïr sur Youtube

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18 mai 2023 4 18 /05 /mai /2023 11:23

Adrien Moignard (guitare), Diego Imbert (contrebasse)

Saint Laurent du Mottay (Maine-et-Loire) 14-16 juin 2022

Label Ouest / Hachette distribution

 

Cela fait des années que j’écoute Adrien Moignard avec grand plaisir, et admiration. C’est l’Ami Franck Bergerot qui avait attiré vers lui mon attention. Le 23 janvier 2010, jour du centenaire de la naissance de Django Reinhardt, je l’avais invité à donner en trio un concert ‘Jazz sur le Vif’ au studio 105 de la Maison de Radio France. La veille, il jouait à Copenhague avec le big band de la Radio Danoise : les Scandinaves ont toujours accordé une attention particulière au prolongement du jazz manouche en Europe. Lors de ce concert, il n’y eut pas que des compositions de Django, ni même que des thèmes de son répertoire : par exemple le trio joua So What de Miles Davis. Ce que j’aime chez ce guitariste, c’est la liberté avec laquelle il prolonge cet héritage, liberté harmonique, autonomie du phrasé…. Le retrouver, 70 ans après la mort de Django, dans ce disque sur les compositions du guitariste (et aussi un thème co-signé par Stéphane Grapelli), c’est redécouvrir son art de dire sa singularité dans l’approche de cet univers. La complicité du contrebassiste Diego Imbert, orfèvre ès-duo, y contribue largement. La sonorité de la guitare chante comme on respire, et les phrases de l’improvisation, côté guitare comme à la contrebasse, s’engagent dans des méandres qui nous transportent au-delà de l’univers de référence. On est tout à la fois chez Django et ailleurs, du côté de ce que le jazz a produit depuis 1953, et que le Prince du jazz manouche entrevoyait dans sa période ‘électrique’, vers 1947. Le choix d’Adrien Moignard est de jouer un instrument acoustique - choix constant chez lui – avec ici des cordes nylon, confirme cette singularité. Et de plage en plage la réussite est constante : les thèmes de Django sont comme revivifiés, sans le syndrome naphtaliné qui affecte parfois de telles entreprises. Belle réussite, et considérable plaisir d’écoute.

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur Youtube

 

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16 mai 2023 2 16 /05 /mai /2023 19:34

Laurent Cugny (piano électrique, arrangements, direction), Pierre de Bethmann (piano électrique), Laurent Coulondre (orgue), Manu Codjia (guitare), Jérôme Regard (contrebasse), Stéphane Huchard (batterie), Antoine Paganotti (batterie), Quentin Ghomari (trompette), Martin Guerpin (saxophone soprano), Stéphane Guillaume (clarinette basse), Clément Daldosso (contrebasse), Élie Martin-Charrière (batterie)

Villetaneuse, septembre 2022

Frémeaux et Associés FA 8601 / Socadisc

 

Le retour au disque de Laurent Cugny, avec un nouveau groupe, qui rassemble des partenaires de haut vol, entre ceux qui ont accompagné sa carrière, et la nouvelle génération. Deux batteries (l’historique Stéphane Huchard en permanence, et en alternance Antoine Paganotti & Élie Martin-Charrière), deux pianos Fender et un orgue Hammond B3, une seule contrebasse à la fois, et des solistes inspirés : Manu Codjia, Martin Guerpin, Stéphane Guillaume : une affiche de rêve au service d’une idée musicale, celle de Laurent Cugny, manifestement partagée par tous les membres du groupe. C’est comme la rencontre des tropismes du pianiste-arrangeur-leader (Miles Davis période électrique, Joe Zawinul….) et de sa culture, de Duke Ellington aux Beatles en passant par Joni Mitchell et Pat Martino. Avec en filigrane l’ombre tutélaire et bienveillante de Gil Evans, auquel il a consacré un livre décisif, et qu’il avait aussi accueilli dans son orchestre à la fin des années 80 pour une tournée européenne et deux disques. Deux compositions originales qui reflètent exactement les aspirations esthétiques de Laurent Cugny (foisonnement dans la lisibilité, liberté des solistes qui sont totalement en phase avec l’esprit de la musique). Et cet esprit va prévaloir, de plage en plage, dans la reprise de thèmes extrêmement divers : l’incroyable arrangement de  I Want You (Lennon-McCartney) va restituer, via le traitement des instruments à vent notamment, une vocalité expressive qui fait renaître l’impact de l’original. Ou encore L’air que l’on respire, de Michel Jonasz, que je ne connaissais pas, et dont je découvre les ressources dévoilées par le magicien Cugny et ses comparses. L’esprit du jazz, en somme, qui consiste à se réapproprier toutes les musiques pour en faire son miel. Le Mood Indigo d’Ellington se trouve paré d’habits neufs, sans être aucunement trahi ; etc…. etc…. La magie des alliages et des textures (3 claviers, 2 batterie) combinée à la force des solistes (que l’on devine tout à la fois dirigés et libres) fonctionne en permanence. Toutes les plages sont fortes, et ce disque est une absolue réussite, de sa première à sa dernière minute.

Xavier Prévost

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Le groupe sera en concert le 17 mai à Paris, à l’auditorium du site Jussieu de la Sorbonne (festival Jazz à Saint-Germain-des-Prés), le 9 juillet au Saint Omer Jaaz Festival (Pas-de-Calais) & le 4 août au festival de La Londe (Var)

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Quelques avant-ouïr sur Youtube

https://youtu.be/Nh3ELA7vrnQ

https://youtu.be/leLhUVem-sI

https://youtu.be/ureQXIq4Co4

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15 mai 2023 1 15 /05 /mai /2023 10:11

BEN WENDEL : «  All alone »

Edition records 2023


Ben Wendel (ts, ss, bassoon, EFX, percus) + Cecile Mc Lorin Salvant (vc) +José James (vc) + Terence Blanchard (tp) + Steve et Beth Wood (percus) + Bill Frisell (g) + Elena Pinderhugues (fl)

 

Il s'agit ici de bien plus que d'un simple album du saxophoniste américain Ben Wendel. Il s'agit d'une œuvre. Voire d'un chef-d'oeuvre.
Avec son incroyable dimension compositionnelle et orchestrale.

Car pour cet album de confinement, le saxophoniste a imaginé, seul (All alone) avec des saxophones, son basson et ses logiciels, une masse orchestrale lui permettant de juxtaposer jusqu’à 30 pistes de saxophones lui servant de véritable orchestre à lui tout seul sur lequel il a pu inviter, pour chacun des morceaux un véritable all-stars d’invités.

Avec son côté self-made, il en est ressorti avec une oeuvre luxuriante et riche.Et même un peu glaçante par son côté orchestre sans orchestre.

 Mais il n’empêche. Tel un plasticien, Ben Wendel livre au final une œuvre assez monumentale.
L'ensemble est, on le répète écrit pour offrir une sorte d'écrin pour chacun des solistes comme sur ce Speak joy aux airs de conte fantastique sur lequel s'élève l'incroyable la flûtiste californienne Elena Pinderhugues que l'on a l'habitude d'entendre aux côtés de Christian Scott et que l'on entend ici dans un dialogue contrapuntique avec Ben Wendel.

Sur Throughout c'est une toute autre couleur qu'exprime la guitare de Bill Frisell et ses reverbs bleutées qui déploient pour l' « orchestre-Wendel » des tapis harmoniques sur lequel, dans un chassé-croisé s'entrelacent Bill Brisell et le saxophone de l’hôte. Et que dire de In anima avec Tigran Hamasyan aux allures de cantique crépusculaire ! Un des moments fort et puissant (choc au plexus) de l'album qui accède presque à l'art plastique.

A côté de ses compositions, deux standards chanté ou magnifié pourrait-on dire l'un par Cecil Mc Lorin Salvant (I love you Porgy) et l'autre par Jose James (Tenderly). Pourquoi ? Parce qu'il s'agissait d'un acte d'amour pour ses deux chanteurs qu'il voulait avoir sur l'album sans forcément qu'il y ait un lien avec le reste. Juste pour la beauté du geste.

 

On se laisse prendre par cet album majeur comme devant une installation artistique. Comme une sorte d’architecture éphémère qui n’existera vraisemlamement que sur son support.

Avec Ben Wendel, le jazz accède à une autre dimension de l’art.

Et c'est magique !

Jean-Marc Gelin

Écoutez Ben Wendel sur Open Jazz
"Ben Wendel, la cour des grands" sur https://www.radiofrance.fr/francemusique/podcasts/open-jazz/ben-wendel-la-cour-des-grands-5091815 via @radiofrance

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7 mai 2023 7 07 /05 /mai /2023 17:47
NICOLAS FILY     Don Cherry Le Petit Prince Du Free

NICOLAS FILY      Don Cherry Le Petit Prince Du Free

 

Editions Le Mot Et Le Reste

Musiques (lemotetlereste.com)

 

The mystery song - Don Cherry (Featuring Ornette Coleman & Steve Lacy) - YouTube

 

 

Nicolas Fily dont on avait aimé The Wise One, formidable portrait de John Coltrane, continue avec Don Cherry, autre musicien de jazz, toujours souffleur, qu’il découvrit en préparant ce premier livre, déjà publié aux indispensables éditions marseillaises du Mot et du Reste. Les deux musiciens avaient enregistchez Atlantic The Avant Garde partageant un rapport spirituel, voire mystique à la vie, dans le désir commun d’explorer de nouvelles voies dans un art total.

Le poétique sous-titre de l’ouvrage est dû à la plume racée d’Alain Gerber ( Jazz Magazine n°166, Novembre 1966) auquel le musicien avait confié que le Petit Prince de St Exupéry était son livre de chevet. Ce qui n’est pas sans rapport avec sa conception humaniste et libre de l’existence.

Avec Don Cherry Le Petit Prince Du Free, Nicolas Fily adopte la même démarche en s’appuyant sur la chronologie des enregistrements du trompettiste (également flûtiste, pianiste, percussioniste, compositeur ) . Excellente manière de découvrir une discographie abondante, révélatrice de l’évolution musicale d'un musicien au timbre singulier, aux suraigus délicatement posés. 

Ce n’est pas une mince tâche à laquelle l’auteur s’est attelé avec ardeur, disposant d’un très grand nombre d’entretiens, de chroniques d’albums et de compte-rendus de concerts de Jazz Magazine et Jazz Hot dont les références figurent dans la bibliographie précise en fin d’ouvrage. Tous ces auteurs ont facilité son travail de défrichage des terres cherriennes.

L’auteur, passionné de musiques plurielles, a mis à profit ses compétences de disquaire et de critique pour commenter les étapes marquantes de celui qui est resté fidèle à la trompette de poche et au cornet, ses avancées sans omettre les phases plus discutables. Si l’auteur raconte le mythique Festival d’Amougies (initialement prévu à Paris ), le Wood stock belge en Wallonie qui lança nombre jazzmen, le producteur ayant une affiche de rêve avec Pink Floyd, Zappa, il évoque aussi dans “Malaise à Châteauvallon” quelle impression détestable laissa le concert d’août 1972 à un critique de Jazz magazine. C’est qu’à cette époque Don Cherry vivait en hippie et se produisait en tribu. Ce qui n’enlève rien à la profonde humanité du personnage qui s’est adapté en permanence aux sons des générations qui ont suivi quand il n’inventait pas un son propre. On sent que Nicolas Fily aime non seulement le musicien dont il s’attache à retracer le parcours mais l’homme généreux et fraternel.

Le livre est d’une grande lisibilité, découpé chronologiquement en cinq parties ( D’où viens-tu Don Cherry? L’éternel second, l’Etat de Grâce, La Musique organique, D’un monde à l’autre) divisées en sections aux titres explicites, sans compter un prologue et un épilogue. Aucune partie de son oeuvre n’est laissée de côté, présentant toute un intérêt, de la construction difficile car lente à l’épanouissement et l’envol.

Les premiers enregistrements qui font date sont de la fin des années 50 en quartet avec son mentor, son “gourou” le saxophoniste Ornette Coleman avec des albums sortis sur le label Contemporary Something Else, Tomorrow is the question qui lancèrent leur carrière à tous les deux. “Le jazz est désormais prêt pour une nouvelle révolution” s’exclamera Paul Bley. Puis, sur l’entremise d’un autre pianiste, John Lewis, pourtant à l’opposé de cette musique avec son populaire Modern Jazz Quartet, le duo signe chez le renommé Atlantic de Nesuhi Ertegün et s’installe à New york en 1959. Ça décolle vraiment avec The Shape of Jazz to come, marqueur essentiel qui débute avec “Lonely Woman”, preuve que le jazz peut être free sans rimer avec bruit. 

Pierre angulaire de la naissance du free jazz, jusque là appelé la New thing, est enregistré en deux prises par un double quartet le 21 décembre 1960 Free jazz : a collective improvisation ( pochette illustrée par Jackson Pollock). Une expérimentation collective en grand ensemble devenue historique. Disciple de sa musique, sparring-partner, Don Cherry restera toujours indissociable d’Ornette Coleman auprès de qui il fera des retours réguliers.

Le trompettiste travaille beaucoup, prend part à un disque de Steve Lacy Evidence et ne cesse de voyager, trouvant un public plus ouvert et accueillant pour les Noirs en Europe. Son premier voyage en Europe, il le fera avec Sonny Rollins, mais il monte aussi un groupe avec Archie Shepp, joue avec Albert Ayler. Inscrit dans une mécanique de second et de tempérance il rend dicible l’indicible. D’éternel second, il passe à solide challenger avant de connaître un état de grâce. Le label Blue Note lui ouvre son catalogue avec trois albums Complete communion (1965) avecElefantasy”où s’exalte l’Argentin Gato Barbieri, Symphony for improvisers, Where is Brooklyn? (1966). Cherry retrouve Ed Blackwell aux percussions avec lequel il enregistre en 1969 à Paris sur Byg/Actuel, MU First Part et Mu Second Part.

Puis il retrouve Coleman à New York, participe au Liberation Orchestra de Charlie Haden avant de quitter les Etats Unis, protestant contre le gouvernement Nixon. Le trompettiste a eu très tôt le sentiment que son pays ségrégationniste l’avait ostracisé, le poussant de ce fait hors des frontières. A l’image de sa musique en perpétuel mouvement, il s’en est allé chercher ailleurs cette “unity of love”. Il refusa-tout son parcours le prouve, d’être assimilé, classé, réduit à un genre ou style ( sauf peut être l’harmolodie colemanienne).

Commence alors un nomadisme de multi instrumentiste : il élargit sa palette, son style musical évoluant vers les musiques du monde. Il s’installe avec sa femme lapone Moki en Suède en pleine nature pour se ressourcer. Sa musique devient organique usant des instruments rapportés de tous ses voyages ( Maroc, Tunisie, Japon, Inde). Il s’ouvre au champ des possibles avec sa tribu familiale, cette communauté avec laquelle il ne joue plus simplement du jazz, faisant de constants aller-retours entre les styles . En 1975, le jazz s’électrifiant, il change encore d’approche avec Brown Rice. Il faudrait encore citer l’aventure au long cours Old and New Dreams de 1976 à 1987 avec des colemaniens de la première heure, Dewey Redman, Ed Blackman et Charlie Haden. Et aussi ses collaborations avec le percussionniste Nana Vasconcelos et le sitariste Colin Walcott (3 albums chez E.C.M). Jusqu’à la fin, il multipliera les expériences, citons encore Multi Kuti, passage de flambeau avec des musiciens, parfois anciens élèves Le spoken word devient slam, la culture hip hop renvoie à sa propre jeunesse, le “conscious hip hop” étant analogue au free jazz dans sa volonté contestatrice.

Passionné par son sujet, Nicolas Fily fait partager son intérêt et les émotions d’écoute que lui inspire ce musicien fécond, irremplaçable, à l’extraordinaire ouverture d’esprit. Don Cherry Le Petit Prince du Free sera une belle découverte pour les non initiés et convaincra les connaisseurs les plus avertis. Car si on a pu lire sur certaines périodes de son oeuvre, aucun livre à ce jour n’avait été consacré à toute la musique de Don Cherry. Nicolas Fily a donc réussi son coup avec cette somme qui fera référence.

 

Sophie Chambon

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